mardi 3 mai 2011

Discours en réponse à celui de monsieur François Fillon, ministre de l’éducation nationale, à l'occasion de la remise des insignes de chevalier de la Légion d'Honneur, le 10 mai 2005 en l’hôtel de Rochechouart, Paris VIIème

Monsieur le Ministre, chers amis ,

            D’abord merci Monsieur le Ministre de m’avoir proposé pour cette décoration et d’avoir accepté de me la remettre aujourd’hui devant cette haute assemblée de recteurs et de cadres de l’administration centrale. Une Légion d’honneur ce n’est pas seulement un moment d’émotion et un petit instant précis dans une carrière, un tout petit point dans nos destinées ; c’est toute une vie ; elle est le reflet de toute une action, en l’occurence une activité toute entière tournée vers le service de l’Education nationale. Cette décoration, elle vous appartient à vous tous et d’abord à ceux qui, au quotidien, m’aident à résoudre les questions qui se posent dans la mise en place d’une politique éducative et d’une action éducatrice dans une académie ; au premier rang desquels les directeurs de l’administration centrale. Mais aussi à ceux qui ont favorisé cette nomination comme recteur en 2003, d’autant plus méritants qu’ils ne croyaient guère à mon souhait de ne partir qu’Outre-mer !
            Cette décoration, elle appartient aussi à ceux que vous m’avez autorisés à réunir ce midi autour de nous pour fêter l’événement. Je procéderai par cercle successifs.
Il y a le premier cercle, celui de la famille. Mon père, de 94 ans bientôt, n’a pu venir et chacun le comprendra aisément. Ma première pensée va donc vers lui. Elle est suivie immédiatement d’une attention toute particulière pour mon épouse qui, toujours très discrète, a réussi à se placer derrière tout le monde, tout au fond de la salle ; et comme elle est sans doute la plus petite de l’assemblée, vous ne risquez pas de la voir. Mais c’est d’abord à elle, pour tant de patience quant aux absences de son mari, qui est aussi le père de ses trois enfants (ce qui donne plus d’importance à sa présence pour compenser ses absences), que je dédie cette décoration. Quant aux enfants, ils ne peuvent être ici pour cause d’obligations professionnelles : les deux aînés sont maîtres de conférences en droit dans des universités anglaises et la dernière prépare les épreuves d’admission de l’agrégation d’anglais, ce qui tend à confirmer combien notre sœur amie l’Angleterre est une Albion perfide, puisqu’elle m’a « pris » mes trois enfants !
Le deuxième cercle est celui de la Guadeloupe, représentée ici par ma directrice de cabinet Madame Josy Arékian, qui est aussi proviseur de lycée et à la vie scolaire et un professeur du secondaire, Madame Myriam Huighes des Etages. La Guadeloupe ! Quelle description ne m’en avait-on pas faite pour tester la réalité de mon souhait de partir Outre-mer et la pertinence de mon choix? Le cliché du soleil et de la mer s’effaçait, me disait-on, derrière la dure réalité du pays liée au caractère difficile, pour ne pas dire plus, des Guadeloupéens ; la réalité est autre : des plages et du soleil certes, mais aussi beaucoup de pluie (4 mètres par an à la résidence du recteur, c’est à dire 11 cm en moyenne par jour) ; en revanche, la réelle et sincère gentillesse des Guadeloupéens, pour peu que l’on sache les aborder et leur parler (mais n’est-ce pas le cas pour chacun d’entre nous ?), est immense, inversement proportionnelle à la petite taille du pays. Je le dis tel que je le pense, sans démagogie : ce pays mérite mieux que l’image qu’on lui donne, notamment en métropole.
Le troisième cercle, c’est celui des professions juridiques et judiciaires avec lesquelles je travaille depuis tant d’années, non pas comme juriste-consultant ou avocat, mais comme professeur et administrateur. Avec les avoués, dont le Président national, Pierre Marbot est ici présent, nous avons monté le premier DESS en alternance, celui de « Droit et pratique du procès en appel » ; les premiers apprentis du droit en troisième cycle sont de futurs avoués. Avec les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation dont le Président de l’Ordre, Emmanuel Piwnica est aussi présent, nous avons monté le premier DEA intégré à une profession, celui de « Justice et droit du procès ». Avec les huissiers de justice – et je salue leur président national, Yves Martin – nous travaillons à une réforme de la formation et de l’accès à la profession. Vous me permettez de mettre à part le Barreau de Paris, dont je suis si proche, quand bien même je n’ai jamais été avocat ; j’ai siégé huit ans au Conseil national des barreaux de France et j’ai dirigé pendant deux ans le centre de formation des avocats de Paris ; cela crée des liens ; j’ai beaucoup appris à leur contact, eux qui sont bien souvent le sel, piquant, des professions judiciaires et de notre société! Sur la formation, j’ai travaillé avec les Bâtonniers Guy Danet (en tant que premier président du Conseil national des Barreaux), Henri Ader, Georges Flécheux, Jean-René Farthouat, Bernard Vatier, Madame Dominique de la Garanderie, Francis Teitgen, Pierre-Albert Iweins et Jean-Maris Burguburu. Surtout, avec le Bâtonnier Francis Teitgen, nous avons introduit dans le règlement intérieur du Barreau de Paris, les règles du procès équitable dégagées par la Cour européenne des droits de l’homme, à propos du procès disciplinaire, règles qui préfigurent la loi du 11 février 2004 qui va les transposer pour toutes les procédures disciplinaires de l’ensemble des professions juridiques et judiciaires. Le Barreau de Paris, c’est ma famille, en tout cas ma famille judiciaire et je me plais à dire, ici comme ailleurs, qu’il m’a littéralement adopté.
            Le quatrième cercle, c’est celui de mon Université, Panthéon-Assas (Paris 2) qui m’a accueilli en 1988 et qui m’a toujours donné cette liberté d’agir qui est le propre des universitaires. Cette Liberté qui est sans doute le terme le plus approprié pour décrire la situation des universitaires, bien plus que les deux autres termes de notre devise républicaine, puisque l’égalité tend à devenir une équité et que la Fraternité, introduite en 1848, n’est là que pour briser ce couple infernal que constitue celui de la Liberté et de l’Egalité.  Merci donc à Madame Jacqueline Dutheil de la Rochère d’avoir pris sur son précieux temps pour être ici.
            Le cinquième cercle, c’est celui qui fait le lien avec la recherche, c’est celui de mon éditeur principal et préféré, la Maison Dalloz, dont le Président-Directeur général est aussi un collègue, un ancien de la « Maison » Education nationale puisqu’il en fut le directeur des relations internationales. Charles Vallée est devenu un ami ; qu’il soit ici remercié pour avoir accompagné beaucoup de projets, de la revue Justices au Mégacode en passant par le fameux lexique de termes juridiques qui a été traduit en chinois, en japonais (pour deux éditions sur 15), en espagnol et en portugais et, prochainement, en arabe ; ce plus gros succès de la littérature juridique (plus d’un million d’exemplaires vendus) est l’exemple réussi de ce qu’une maison d’édition peut apporter à la recherche universitaire.
            Le sixième et dernier cercle, c’est celui des amis les plus proches ; trois sont aujourd’hui présents : André Decocq, doyen honoraire de la Faculté de droit de Lyon et professeur émérite de l’université Panthéon-Assas (Paris 2) ; Tony Moussa, venu lui aussi du Liban et aujourd’hui conseiller à la Cour de cassation ; Yves Mayaud, compagnon de DES (nos anciens DEA) et de concours d’agrégation et de bien d’autres choses. Tous les trois, hommes de science et de conscience, de fidélité et de présence, sont des amis de tous les jours, les plus heureux comme les plus difficiles, depuis près de quarante ans. Jamais leur amitié affectueuse n’a manqué.
            Vous me permettrez de mettre à part trois compagnons d’une vie antérieure, que je ne renie pas, mais avec laquelle j’ai rompu en 1995: le Professeur de droit et député Christian Philip, qui, au-delà d’un clin d’œil à vous Monsieur le Ministre, est l’un des auteurs de ce fameux lexique dont je parlais l’autre jour ; il est aussi le continuateur d’une œuvre que j’avais entreprise dans les parkings lyonnais, à savoir introduire des œuvres d’art et l’art tout court dans les parkings lyonnais. L’avocat et député aussi Michel Terrot, compagnon de maints combats qui n’étaient pas tous gagnés d’avance. Le Professeur de médecine et député Jean-Michel Dubernard, dit Max, qui est d’abord et avant tout un excellent chirurgien, puisqu’il m’a laissé en vie lorsque je suis passé entre ses mains expertes ; je dis bien expertes car, après avoir pratiqué la première greffe mondiale de pancréas, il a recousu des mains, deux pour un seul homme ! Jusqu’où ira-t-il ?
            Je terminerai par les absents qui ont bien voulu s’excuser : messieurs les ministres Dominique Perben et Xavier Darcos ; monsieur le Premier président de la Cour de cassation, Guy Canivet, avec lequel je travaille encore régulièrement.
        Ce panorama, à la manière d’un inventaire à la Prévert, m’aura permis de manifester ma reconnaissance à tous ceux qui me sont chers, qui m’ont toujours soutenu et accompagné dans tous les moments de ma vie, les bons comme les plus douloureux. Merci, Monsieur le Ministre, à vous et vos prédécesseurs, de m’avoir permis d’exercer cette noble et enrichissante fonction de Recteur, complément d’une vie toute entière consacrée à l’éducation.

Mariage d'Elsa et de Loïc-Discours de Serge Guinchard-25 août 2006-Hôtel Radisson-Lyon


Chers amis,
Ce soir c’est une fête de l’amitié en même temps que la rencontre de deux familles en la personne d’Elsa et de Loïc :
-         L’amitié de retrouver tous nos amis, certains venus de loin : Marina et Ioannis Delicostopoulos d’Athènes, Véréna et Christophe d’Allemagne, Audrey et Stuart d’Angleterre, de même qu’Emmanuel, ce qui prouve combien Albion est perfide, puisqu’elle m’a pris deux de mes enfants, sans oublier qu’Elsa est elle-même professeur d’anglais !
-         D’autres de moins loin : les Harichaux d’Amiens, les Bravard de Chamonix notre pays d’adoption, Paris et Lyon pour l’essentiel de nos autres amis. Avec une mention spéciale pour la famille Charrière dont les liens plus que centenaire avec la nôtre témoigne de la solidité de notre affection mutuelle.
Merci d’avoir répondu à notre invitation. Nous sommes vraiment très heureux de vous voir ici ce soir, réunis autour d’Elsa et de Loïc.
Bien sûr, ce discours, un peu convenu, s’adresse d’abord à toi, ma chère Elsa. Pour plusieurs raisons : tu es la mariée, la reine de ce jour. Et aussi, tu es la première de nos trois enfants à se marier, bien que tu sois la dernière née. La dernière née, et ce fut la surprise post-africaine ! Non pas que ta mère ou moi ne souhaitions plus avoir d’enfants, mais cinq ans de présence africaine, dans un pays, le Sénégal, aux conditions sanitaires précaires et modeste, n’avaient pas permis à la nature de déclencher le processus de ta conception. Ce sont là les mystères de la nature.
Comme il est d’usage dans ce genre de discours que je ne veux pas prolonger, je vais parler de toi, beaucoup, de notre famille, un peu, et de celle que tu crées aujourd’hui avec Loïc. J’avais pensé reprendre le texte du discours que mon beau-père prononça pour mon propre mariage avec ta maman, le 24 mars 1969, mais j’ai pensé que ton modernisme le trouverait bien désuet.
Pour parler de toi, les choses sont relativement simples : fortement désirée par tes parents, tu fus immédiatement adoptée par ta sœur et ton frère, bien avant ta naissance. Je me souviens qu’Emmanuel disait et répétait fièrement, « maman a un bébé dans son ventre », dès qu’il sut que tu étais conçue. Ce bébé tant désiré pointa son nez un 3 septembre, ce qui fait que tu es née sous le signe de la liberté, puisque cette date est celle de la Libération de Lyon, 37 ans plus tôt, en 1944. Et le fait que tu te maries un 25 août, date de la Libération de Paris, prouve combien tu es une femme attachée à la liberté.
De ta naissance j’ai gardé des souvenirs très précis :
-         d’abord, parce que la science médicale progressant, j’ai pu entendre battre ton cœur avant même de voir poindre le bout de ton nez et, surtout, tes cheveux noirs jais. Je me souviens parfaitement de ces battements rythmés comme ceux de la Chevauchée des Walkyries, prélude sans doute à ta rencontre avec Loïc, puisque, pianiste averti, il apprécie aussi Wagner.
-         Ensuite, parce que tu étais si petite, si menue, que je n’ai pas osé te prendre dans mes bras comme me le proposait médecins, sage-femme et infirmières.
Déjà, tu dégageais ce sentiment de fragilité, qui n’est qu’apparence, mais qui t’a permis, dès la première seconde à l’air libre, d’entretenir une relation fusionnelle avec ta maman, puisque le médecin décida de te placer sur le ventre de ta mère, ce qui eut la vertu miraculeuse et immédiate de faire cesser tes pleurs.
 Je ne peux pas ici ne pas évoquer les liens si forts que tu entretiens toujours avec ta maman. Chacun sait que quart de sang corse de maman la pousse à une relation très intense avec ses enfants, qu’elle n’a de cesse de tenir dans ses bras, y compris en épluchant des carottes ou en vaquant à d’autres occupations.
Avec toi, sans doute parce que tu étais la dernière, la relation mère-fille a atteint des sommets d’amour et d’abnégation :
-         d’amour, à tel point que ton oncle Robert, dont chacun connaît l’amour des enfants venant te voir et te demandant ton nom, s’entendit répondre « bébé » ; et, ajoutant, « bébé comment ? », entendit cette fois  "bébé-amour". Tu ne faisais que répéter le surnom avec lequel ta maman, quotidiennement, t’appelait.
-         d’abnégation ensuite, lorsque ta mère t’accompagnait deux fois par jour à l’école anglaise, ce qui lui faisait quatre allers-retours dont deux avec toi sur ses genoux, à te lire des histoires. 
Quant à tes relations avec tes frère et sœur, ils seraient plus qualifiés que moi pour en parler. Mais comment ne pas souligner, à leur place, qu’ils ont su t’entourer d’une grande tendresse, de beaucoup de complicité, avant de t’associer à leurs jeux, malgré les 8 et 6 ans d’écart entre vous.
C’est Audrey qui, la première, prit conscience de ton souci de rapidité, d’aller à l’essentiel, de ne jamais t’attarder sur l’accessoire, lorsque tu prenais ton bain, puisqu’il te suffisait d’entrer dans l’eau et d’en ressortir immédiatement pour être propre ! Depuis, tu as largement dépassé ce stade, mais as conservé ce souci de rapidité.
Quant à tes grands-parents, dont trois malheureusement ne sont plus là pour te voir épanouie et rayonnante de bonheur, ils ont été, à Saint-Gervais et ailleurs, pendant au moins vingt ans, très proches de toi. Il faut ici rappeler que maman t’emmenait déjeuner chez tes grands-parents paternels pendant deux ou trois ans, que tu as pu ainsi les découvrir et les apprécier. Il en reste cette relation un peu particulière avec ton grand-père Louis, ici présent, que lorsque tu lui demandais quelque chose, comme par exemple jouer aux cartes ou à un autre jeu, tu l’obtenais immédiatement, alors que ta sœur ou ton frère venaient d’essuyer un refus, une minute plus tôt !
En somme, tu auras été choyée.
Beaucoup ici ce soir le savent bien car ils ont partagé avec nous ces instants de bonheur : les Moussa, les Maurice, les Buisson, les Sousi, les Mayaud et bien d’autres, que je ne peux tous citer ici.
Rassurez vous, j’en viens au temps présent. L’évocation de l’enfance ne suffit pas à faire un discours, mais elle éclaire une personnalité.
Et la tienne, malgré les apparences, est forte, pragmatique ; tu as les pieds bien ancrés sur terre, tu n’es jamais longtemps perdue sur un nuage, loin des réalités concrètes. En digne héritière de ta maman, tu sais ce que tu veux et, surtout, tu sais t’adapter aux changements. Loïc sait déjà, sans doute, que tu as toutes les qualités :
-         les trois fondamentaux scolaires, lire/écrire/compter (il fallait bien que je les place) ;
-         les trois fondamentaux ménagers : cuisiner/coudre et repasser ;
-    les trois fondamentaux des loisirs : escalader, nager et voyager, grâce à l’appréhension des langues étrangères.
Ce que Loïc sait moins peut-être, c’est la rapidité avec laquelle tu as décidé un jour, dès que tu l’as connu, il y a maintenant sept ans, d’apprendre tout ce qui était indispensable pour tenir une maison : c’est ainsi que nous t’avons vu décider – et ta sœur et ton frère s’en souviennent certainement – qu’en quelques jours tu saurais cuisiner les trois ou quatre plats indispensables à connaître : une entrée, une viande, un poisson, un dessert, etc..
De la même façon, tu as appris à broder, mais sans t’appesantir longuement sur cette activité qui ne correspond pas vraiment à ton tempérament actif.
Bref, en quelques semaines, tu t’es transformée, certains diraient formatée. On t’a même vue aller à la médiathèque pour emprunter des disques, des CD et autres K7 ou DVD, pour connaître cette musique dont te parlait Loïc. Toi qui refusait de nous accompagner au concert, à deux pas d’ici, à l’auditorium, tu as, d’un seul coup, découvert les grandes œuvres classiques.
Il faut dire que, bachelière à 15 ans, tu avais toutes les qualités pour accélérer les choses.
Et te voilà, en robe de mariée, aux côtés de Loïc.
Loïc, nous sommes heureux, Brigitte et moi, de vous accueillir dans notre famille, de vous voir fonder un foyer avec notre fille. Elle saura vous aider, vous soutenir dans vos efforts, se battre pour vous : n’oubliez pas qu’elle a gravi le Mont-Blanc, à 15 ans, qu’elle voit de haut et très loin. Avec le cœur de sa maman, l’esprit de synthèse de son père, sa rapidité d’exécution, elle saura, je n’en doute pas, vous rendre heureuse, au sens plein du mot.
Si je vous souhaite ce soir beaucoup de bonheur en commun, permettez moi d’ajouter encore deux choses :
-         d’une part, de vous offrir ce livre en chinois et en anglais, avec des timbres sur les différents types de mariage selon les nationalités des époux ;
-         d’autre part, de dire un immense merci à Brigitte qui a donné la vie à Elsa, l’a élevée dans le respect des grandes valeurs familiales, gages solides d’un avenir matrimonial épanoui.