mardi 30 mai 2017

BELLES PAGES 17: PROCÉDURE PÉNALE, OBJET ET FINALITÉS

SOMMAIRE
I – L’OBJET DE LA PROCÉDURE PÉNALE
II – CONCILIER L’INCONCILIABLE : SÉCURITÉ ET LIBERTÉ
III – UNE AUTRE FINALITÉ : LA JUSTICE RESTAURATIVE
IV – VINGT ANS DE DISCOURS POLITIQUES SUR LE SENTIMENT D’INSÉCURITÉ
V – QUEL JUGE DES LIBERTÉS ? ADMINISTRATIF OU JUDICIAIRE ?
VI – LE CONTENTIEUX ROUTIER, EXEMPLE D’UNE DIFFICILE CONCILIATION ENTRE RÉPRESSION ET GESTION DES FLUX

I – L’OBJET DE LA PROCÉDURE PÉNALE

La procédure pénale dépasse aujourd’hui le cercle du seul procès pénal. La justice pénale se manifeste normalement par une audience de jugement ; c’est l’aspect le plus visible parce que les audiences sont publiques, encore que la médiatisation excessive de certaines instructions l’emporte souvent, à l’époque contemporaine, dans l’esprit du public, sur la phase de jugement. Mais la justice pénale ne se ramène pas au seul procès pénal, au sens d’une instance de jugement :
D’abord, parce que, de tout temps, la recherche des infractions sous l’autorité de la justice, la recherche des preuves peuvent conduire à des décisions de classement sans suite ou de non-lieu ; pour autant, sans procès pénal, une procédure pénale s’appliquera à ces phases en amont du procès proprement dit.
Ensuite, parce qu’à l’époque contemporaine, la justice pénale peut passer sans véritable procès, sans instance de jugement : que l’on songe aux amendes forfaitaires sans intervention du juge[1], à la procédure simplifiée avec condamnation sans débat, à la composition pénale (CPP, art. 41-2 et 41-3), système proche de la transaction, à l’instar d’autres pays et notamment des USA[2].
La procédure pénale transcende donc le procès pénal ; on le voit bien aujourd’hui avec la jurisprudence Allenet de Ribemont de la Cour EDH qui étend le respect de la présomption d’innocence, au-delà des organes du procès pénal, à toute autorité, même ministérielle, qui désignerait une personne comme l’instigateur d’un assassinat sur les ondes radiophoniques et à la télévision.
Règles de fond et règles de forme : relativité nouvelle de la distinction. On a coutume de dire que le droit pénal est fait pour les malandrins, alors que la procédure pénale est faite pour les honnêtes gens.
a) On oppose traditionnellement le droit pénal général et le droit pénal spécial à la procédure pénale, cette dernière étant constituée de règles de forme, alors que les deux droits substantiels sont à base de règles de fond. Et il est vrai que la procédure pénale, comme toute procédure judiciaire, est essentiellement une technique d’organisation du procès, de mise en œuvre, par la forme, des règles de fond du droit pénal général et du droit pénal spécial. Sans elle, le droit pénal substantiel n’est pas grand-chose ; elle est le passage obligé de l’incrimination à la sanction.
On ajoute aussi, tout aussi classiquement, qu’intimement liée au fond, la procédure pénale en épouse les principes fondateurs tels que la distinction tripartite des infractions qui détermine de nombreuses procédures propres à chacune des catégories d’infractions ; ou encore le principe de légalité des délits et des peines qui englobe la procédure pénale. La forme est absorbée par le fond.
b) Pour autant, les développements nouveaux du droit du procès et l’apparition de véritables droits fondamentaux du procès viennent modifier cette présentation classique :
À certains égards et sous l’influence de la jurisprudence européenne, la procédure pénale n’est plus seulement une garantie formelle ; elle devient, par elle-même, un enjeu substantiel. Les normes processuelles de référence contenues dans la procédure pénale continuent, bien sûr, à garantir la régularité formelle d’une procédure, que le procès sera conduit loyalement ; c’est le rôle notamment du procès équitable au sens de l’article 6 de la Convention EDH. Mais la procédure pénale devient aujourd’hui un enjeu substantiel, un droit fondamental qui tend à l’emporter sur toute autre considération : le droit à un procès équitable qui est au cœur de la procédure pénale devient le critère d’appréciation du respect par les tribunaux des droits substantiels et, au-delà, devient lui-même un véritable droit substantiel[3].
c) Cette transformation du rôle de la procédure pénale sera d’autant plus importante à l’avenir que la garantie des droits substantiels par les États sera jugée effective à l’aune des critères du droit processuel. Un exemple tiré d’une jurisprudence de la chambre criminelle illustre cette ardente obligation : le 16 décembre 1997, la Cour de cassation a créé une nouvelle incrimination qui n’existe pas en droit pénal spécial français, le viol où le violeur n’est plus seulement celui qui pénètre autrui de son sexe, mais celui qui se fait pénétrer par autrui ![4]. Quoi que l’on puisse penser de ces agissements odieux, surtout lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, ils n’entrent pas dans les éléments d’incrimination du viol. Ce saut juridique, dangereux pour nos libertés, n’a pu être contrebalancé que par un revirement de jurisprudence (intervenu le 21 octobre 1998) ou par la procédure, spécialement européenne, qui permet de faire juger par la Cour EDH que la prévisibilité et la lisibilité de l’incrimination n’ont pas été respectées dans l’affaire jugée le 16 décembre 1997. La procédure devient ici un droit substantiel, celui de permettre à quelqu’un de ne pas être condamné extra legem, pour des infractions qui n’existent pas légalement.
Procédure pénale et procédure civile. Vision renouvelée de leurs relations dans l’émergence d’un droit processuel humaniste[5].
a) Les différences dans les techniques du droit procédural. La particularité de la procédure pénale par rapport à la procédure civile, c’est déjà qu’elle constitue l’application obligatoire du droit pénal, lequel se conçoit mal sans procès, donc sans procédure. La procédure pénale est la suite inéluctable de la commission d’une infraction (tout au moins de sa révélation), de l’application des incriminations pénales, alors que la procédure civile est un accident dans une société civile qui ne doit pas se confondre avec le procès. Le droit pénal suppose un procès ; le droit civil comme le droit commercial peuvent s’en passer.
D’autres différences apparaissent :
– Ainsi, l’esprit du procès pénal, tout empreint d’ordre public et qui ne connaît pas le principe dispositif, s’oppose à la procédure civile qui est entre les mains des parties. De l’introduction de l’instance (principe accusatoire ou d’impulsion) à la maîtrise de la matière litigieuse (principe dispositif), la procédure civile est strictement d’intérêt privé. Ses règles de compétence par exemple peuvent, dans certaines limites, être modifiées d’un commun accord des parties. Le juge de la mise en état, encore appelé, par commodité de langage, juge d’instruction civil, n’a pas les pouvoirs d’investigation du juge d’instruction pénal.
– Même le principe du contradictoire est moins bien respecté au pénal qu’au civil ; malgré des réformes récentes, la tradition française reste, en matière pénale, très en deçà de ce que l’on serait en droit d’attendre d’un État démocratique qui se proclame par ailleurs, haut et fort, pays des droits de l’homme ; ce n’est que récemment que les parties privées (victime et mis en cause) ont acquis quelques droits dans le déroulement de l’instruction ; une confrontation peut encore être refusée pratiquement d’une manière discrétionnaire par le juge d’instruction et sans réel moyen, en fait, de faire infirmer la décision, le président de la chambre de l’instruction ayant un pouvoir discrétionnaire de refuser de transmettre l’appel à la chambre de l’instruction. Il a fallu attendre une loi du 30 décembre 1996 pour voir consacrer un droit d’accès de l’accusé au dossier pénal et encore, sous certaines conditions. Il faudra attendre la loi du 14 avril 2011 pour que le gardé à vue soit assisté par un avocat dès la première heure de sa rétention et le 1er janvier 2015 pour que la personne soupçonnée d’avoir commis une infraction, mais entendue librement au cours de l’enquête bénéficie de certains droits.
– Le système de l’intime conviction du juge pénal (CPP, art. 353, al. 2, pour la cour d’assises ; CPP, art. 427, pour le tribunal correctionnel) non seulement s’oppose au système de la preuve légale administrée devant le juge civil, mais, surtout, anéantit totalement la théorie générale de la preuve pénale[6]. À quoi bon sanctionner la loyauté dans la recherche de celle-ci si, de toute façon, le juge peut librement s’en écarter pour condamner, relaxer ou acquitter ?
– Les sources normatives nationales sont elles aussi différentes depuis la Constitution de 1958 : loi pour la procédure pénale, décret pour la procédure civile. C’est ce qui explique d’ailleurs que l’on ne peut plus transposer les règles de la procédure civile à la procédure pénale[7], sauf pour les principes généraux communs à toutes les procédures qui ne seraient pas incompatibles avec l’esprit de la procédure pénale. En réalité, ce n’est plus la procédure civile qui est transposée en matière pénale, mais des principes fondamentaux communs à tous les contentieux.
b) Les points communs dans l’émergence d’un droit processuel humaniste. On ne peut plus opposer totalement procédure civile et procédure pénale, non pas tant pour la raison avancée classiquement que les organes judiciaires sont les mêmes, mais parce que certaines techniques se retrouvent dans l’une et l’autre et, surtout, parce que les droits fondamentaux du procès, qu’il soit pénal ou civil, constituent désormais un jus commune de plus en plus important[8].
– L’unité de la justice civile et de la justice pénale existe dans les textes ; elle est moins réelle sur le terrain où la tendance à la spécialisation des magistrats, surtout dans les grands tribunaux, se généralise. On est président de chambre correctionnelle à titre principal et, par commodité pour le fonctionnement du tribunal, juge civil à titre accessoire. Ou inversement.
– En revanche, technique d’organisation du procès, les deux procédures font souvent appel aux mêmes procédés de mise en œuvre. Par exemple, les deux procédures connaissent l’appel autorisé par un tiers (premier président de cour d’appel au civil, président de chambre de l’instruction au pénal) ou la notion de jugement mettant fin à l’instance comme critère d’ouverture d’un recours, ou la notion de grief à prouver ou non selon que la formalité qui devait être accomplie est substantielle ou non.
– Enfin et surtout, les deux procédures obéissent l’une et l’autre aux mêmes normes internationales, européennes et constitutionnelles, normes qui ont déterminé ce que l’on appelle maintenant les droits fondamentaux du procès. Le véritable rapprochement est là, dans ce bloc de droits intangibles, dans ce socle de libertés, dans ce fonds commun processuel issu de notre charte constitutionnelle et de nos engagements internationaux, dans ce jus commune qui se construit sous nos yeux. Il existe des garanties fondamentales d’une bonne justice qui s’appliquent indifféremment à la justice civile et à la justice pénale, comme à tout autre contentieux ; les textes sont les mêmes, notamment l’article 6 de la Convention EDH et la notion de procès équitable qui en a été tirée par la jurisprudence européenne. Le pont entre les deux procédures est essentiellement là et nulle part ailleurs. La procédure pénale ne peut plus aujourd’hui être étudiée, comprise et rénovée sans cet apport de nature processuelle et d’origine essentiellement européenne et constitutionnelle. Pour avoir été dans les premiers à faire émerger ces idées, à conceptualiser cette communauté de destin de tous les contentieux[9], à ne pas nous contenter du légalisme procédural, pour mieux souligner le caractère indispensable de l’humanisme processuel[10], nous pouvons nous permettre de dire au juriste qui s’intéresse à la procédure pénale qu’il doit d’abord lire les grandes décisions du Conseil constitutionnel (encore plus avec la mise en œuvre de la question prioritaire de constitutionnalité) et les arrêts de la Cour EDH, sans même parler des recommandations du Comité des droits de l’homme de l’ONU. Nous y reviendrons à propos des sources de la procédure pénale. De plus, le droit processuel humaniste, essentiellement d’origine européenne, qui se construit à Strasbourg, siège de la Cour EDH, oblige le juriste à regarder ce qui se passe dans l’ensemble des quarante-sept États qui ont adhéré à la Convention EDH ; le juriste français ne peut plus ignorer ce qui a été décidé pour un autre État, car, nonobstant l’article 53 de la Convention EDH, la Cour a décidé que ses arrêts n’avaient pas d’autorité relative puisqu’un État doit faire disparaître une disposition similaire à celle qui a valu une condamnation à un autre État[11]. Le droit commun du procès se double ici d’un droit comparé des procédures nationales, droit comparé qui retrouve son utilité première d’harmonisation des systèmes juridiques. Pour comprendre et construire ce droit commun du procès que la Cour EDH tisse au fil de ses décisions, il faut comparer les législations et les jurisprudences des quarante-sept États membres, entre elles et par rapport au droit européen ; c’est en ce sens que le droit processuel, particulièrement dans son application à la matière pénale, est devenu, selon l’intitulé de notre précis sur ce thème, « un droit commun et un droit comparé du procès équitable », celui « des droits fondamentaux du procès » (op. cit. en bibliographie de ce numéro)[12].
À ce titre des sources communes d’inspiration, il ne nous semble plus possible de parler d’autonomie de la procédure pénale ; cette qualification n’est plus conforme au mouvement qui agite le droit du procès dans son ensemble et auquel la procédure pénale n’a aucune raison d’échapper : l’attraction du droit du procès par les droits fondamentaux et à leur garantie, la modélisation dans la mondialisation et l’émergence de nouveaux principes directeurs, événements majeurs de cette fin de millénaire et que la doctrine processualiste humaniste tend à mettre en évidence[13], englobent la procédure pénale.
Procédure pénale et procédure administrative. De source réglementaire, la procédure administrative s’oppose à la procédure pénale essentiellement par le principe de la dualité des ordres juridictionnels : les juridictions administratives n’appliquent pas le droit pénal, bien que celui-ci soit du droit public ; dès lors elles ne connaissent pas de la procédure pénale. L’esprit des deux procédures est très différent : la procédure administrative n’a pas d’objet corporel ou de liberté, elle ne connaît pas de ministère public et les parties en disposent largement. Mais, comme la procédure pénale et à l’instar de la procédure civile, la procédure administrative repose sur un socle de droits fondamentaux, de garanties tirées de la notion de procès équitable.
Procédure pénale et procédure disciplinaire : vision renouvelée. Là encore, on enseigne traditionnellement que ces deux procédures sont autonomes ; cela reste vrai organiquement, les juridictions disciplinaires (ordres des professions libérales par exemple) étant totalement distinctes des juridictions répressives, et fonctionnellement, l’autorité de discipline pouvant statuer alors que l’autorité pénale n’a pas rendu sa décision. Cela reste vrai, aussi, selon un critère matériel du pouvoir de répression en matière pénale : la sanction disciplinaire a certes une finalité punitive (ce qui, tout à la fois, la rapproche du pouvoir de répression pénale et l’éloigne de la sanction civile qui a une finalité réparatrice), mais la norme « incriminatrice » disciplinaire ne concerne jamais qu’un groupe déterminé de personnes, celles qui exercent telle profession ou qui se livrent à telle ou telle activité (ce qui la distingue, fondamentalement, du pouvoir de répression pénale qui se caractérise, lui, par la généralité de ses normes incriminatrices)[14]. Mais trois observations permettent de nuancer cette dualité :
– d’une part, les sanctions disciplinaires sont tout aussi graves pour ceux qui les subissent, et parfois plus, que les sanctions pénales. Que l’on songe un instant à un médecin interdit d’exercer sa profession ou déconventionné par la Sécurité sociale ; c’est une véritable mort civile qui le frappe ;
– d’autre part, et sans doute pour cette raison liée à la gravité de la sanction disciplinaire, les procédures disciplinaires sont attraites à l’empire de l’article 6 de la Convention EDH et au respect du droit à un procès équitable, non seulement dans la jurisprudence de la Cour EDH qui exige alors, au minimum, un recours devant un organe doté d’un pouvoir de pleine juridiction et respectant les garanties du procès équitable (arrêt Engel c/ Pays-Bas, 8 juin 1976)[15], mais aussi dans celle du Conseil d’État depuis un revirement opéré le 14 février 1996[16]. Par la suite, la Cour EDH devait étendre le respect des garanties du procès équitable, au sens de l’article 6 de la Convention EDH, aux violations des règles de la discipline pénitentiaire[17] ou professionnelle[18], assimilant, de fait, ces règles à la matière pénale, même si la norme disciplinaire « incriminatrice » ne présente aucun caractère d’intérêt général. Dès lors, on retrouve ici ce tronc commun dont nous parlions à propos des relations entre la procédure pénale et la procédure civile, ou entre la procédure pénale et la procédure administrative. On aborde alors la matière pénale, ainsi que nous allons le préciser maintenant ;
- enfin, le cumul de poursuites pénales et disciplinaires peut conduire à un cumul de sanctions prononcées par une autorité disciplinaire et par une juridiction pénale ; le Conseil constitutionnel considère que le principe d'un tel cumul n'est pas, en lui-même, contraire au principe de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789, mais que, lorsque plusieurs sanctions prononcées pour un même fait sont susceptibles de se cumuler, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ; il appartient donc aux autorités juridictionnelles et disciplinaires compétentes de veiller au respect de cette exigence et de tenir compte, lorsqu'elles se prononcent, des sanctions de même nature antérieurement infligées[19].
Procédure pénale et matière pénale. Le juge du répressif n’est pas uniquement le juge judiciaire pénal. De tout temps, et en tout cas depuis la Révolution française comme il a été récemment démontré[20], le pouvoir de répression pénale n’a jamais été attribué exclusivement au juge judiciaire pénal ; le critère du pouvoir de répression n’est pas organique, mais matériel : il repose sur la finalité punitive de la sanction pénale (ce qui la distingue de la sanction civile purement réparatrice) et sur le caractère d’intérêt général de la norme incriminatrice (ce qui la distingue de la sanction disciplinaire, V. supra, n° 11) ; si l’on veut bien retenir ce critère matériel du pouvoir de répression pénale, il n’y a rien d’étonnant à ce que ce pouvoir soit éclaté entre plusieurs attributaires, à commencer par cet attributaire premier et naturel que constitue le juge judiciaire pénal, mais en y ajoutant aussi, dès la Révolution, l’administration qui est autorisée à prononcer des amendes pénales dans le système dit de l’administration directe[21], sous le contrôle du juge administratif qui devient ainsi le troisième attributaire du pouvoir de répression pénale[22] (pouvoir qu’il exerce aussi à titre autonome dans le domaine des contraventions de grande voirie ; il faut encore y ajouter, à l’époque contemporaine, ces autres institutions administratives que sont les autorités administratives indépendantes (notamment dans le domaine de la régulation économique)[23] et, par le contrôle qu’ils exercent sur les décisions de ces autorités, d’une part, le juge judiciaire civil (cour d’appel de Paris et Cour de cassation, chambre commerciale, par exemple pour l’Autorité de la concurrence et l’Autorité des marchés financiers) et, d’autre part, le Conseil d’État (par ex., pour l’Autorité de régulation des télécommunications et pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel)[24]. Au total, ce ne sont pas moins de cinq types d’organes qui sont attributaires du pouvoir de répression pénale : juge judiciaire pénal, administration, juge administratif (soit à titre autonome, soit comme juge du contrôle de l’administration directe et de certaines autorités administratives indépendantes), autorités administratives indépendantes et, enfin, juge judiciaire civil dans le contrôle des décisions de certaines autorités administratives indépendantes (cour d’appel de Paris et chambre commerciale de la Cour de cassation). C’est pourquoi, il ne faut point s’étonner que, sous l’influence contemporaine de la double jurisprudence de la Cour EDH et du Conseil constitutionnel français, ait été confortée, « aux confins du critère matériel »[25], c’est-à-dire dans le prolongement d’une longue tradition historique, ce que l’on a coutume d’appeler la matière pénale, matière qui va au-delà du droit pénal contenu dans les lois pénales au sens formel et, notamment le Code pénal, pour s’étendre à toute « accusation en matière pénale » (terminologie reprise de l’article 6, Conv. EDH), celle-ci pouvant se trouver dans des textes autres que les sources formelles du droit pénal et mise en œuvre par des organes non judiciaires, autres que le juge pénal judiciaire. Dans l’arrêt précité, Engel c/ Pays-Bas, la Cour EDH affirmait, pour éviter une « babélisation » de la notion de matière pénale contenue dans la Convention :
– d’une part, que les États ne devaient pas disposer à leur guise des qualifications ;
– et, d’autre part, que la matière pénale dépassait le Code pénal (rejet du critère organique) et que l’on pouvait l’identifier par la réunion de trois réactifs que sont les indications du droit national, la nature du fait ou du comportement transgresseur et le but et la sévérité de la sanction.

II – CONCILIER L’INCONCILIABLE : SÉCURITÉ ET LIBERTÉ

Procédure pénale, procédure d’équilibre. L’honneur d’une société civilisée, d’un État garant d’un véritable état de droit, c’est, précisément, de ne pas condamner une personne accusée (au sens large) d’une infraction, sans organiser un procès permettant à cet accusé de se défendre selon les principes démocratiques universels (ou qui devraient l’être…) de fonctionnement d’une enquête, d’une instruction, d’une poursuite et, en toute hypothèse, d’une instance judiciaire, c’est-à-dire sans lui permettre de bénéficier du droit à un juge, ce tiers indépendant et impartial, garant de toutes nos libertés, de notre liberté, raisons pour lesquelles il faut être si exigeant quant à son recrutement, sa formation et le mode d’exercice de sa profession[26]. Alors que les Français ont tendance à voir dans le droit « une entité abstraite, révélation d’une vérité éternelle », pour les Anglais « le droit est un ensemble de procédures pratiques enfermées dans des délais et formes »[27]. Ce qui explique qu’avec la conception anglaise, « il est plus difficile au pouvoir de tourner une procédure qu’un principe abstrait, d’accommoder à son goût des règles pratiques que des déclarations solennelles »[28].
a) Le judiciaire est, là encore, une fois de plus, au service de la civilisation, de la liberté : ce n’est pas parce que quelqu’un a commis le pire des crimes, qu’il n’a pas droit à un procès équitable. Bien au contraire, entre la suspicion de la commission d’une infraction et la condamnation de son auteur présumé après une procédure garantissant son droit à se défendre, il y a toute la différence entre l’amoralité, voire la sauvagerie du délinquant et la sagesse de la société. La peine, éventuellement sévère, sera d’autant mieux comprise et acceptée que la procédure aura été parfaite, respectueuse des droits de chacun. Bref, sans être naïf sur la nature humaine, il faut appliquer les principes de Beccaria, ce grand penseur qui publia à vingt-six ans, en 1764, à Milan, son Traité des délits et des peines[29] : certitude du prononcé d’une peine, célérité dans le processus de sanction ; et ceux de la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après Convention EDH) : peine proportionnée à la gravité des faits et procédure irréprochable dans le respect des droits de la défense. C’est cela l’honneur de la justice pénale, conformément à l’article 66 de la Constitution qui fait de l’autorité judiciaire le gardien de nos libertés. Jean Carbonnier a remarquablement décrit, dans un essai visionnaire, à propos de la détention préventive, l’aspiration à la liberté du droit pénal qui ne se limite pas à réprimer[30]. À l’inverse, dans les procès médiatiques, les procès « hors les murs »[31], ce respect des droits des personnes livrées à la vindicte publique n’est pas assuré ; on mesure alors toute la différence entre une procédure pénale empreinte du rituel judiciaire[32], en lui-même protecteur des libertés et de la dignité humaine[33], et la chasse médiatique qui traduit, jusqu’à la caricature, « les équivoques de la démocratie d’opinion »[34], fondé sur un journalisme dit d’investigation et qui, bien souvent, n’est qu’un journalisme de délation.
b) Malheureusement, les exigences contradictoires de la procédure pénale ne permettent pas toujours de répondre à cet objectif :
– d’un côté, les intérêts de la société, qui ne peut tolérer de laisser se développer le crime dans un État de droit, au préjudice de la collectivité, au-delà de la victime directe de l’infraction ; l’organisation sociale suppose une répression certaine et rapide de toutes les infractions, par une sanction appropriée aux délinquants ;
– de l’autre, les intérêts de la personne poursuivie et, même, du délinquant, dont l’honneur et la liberté sont en cause (autrefois la vie).
c) La procédure pénale doit donc naviguer entre ces deux impératifs, concilier des intérêts largement opposés, contradictoires, qui traversent les courants politiques[35]. Plus que toute autre procédure elle est une procédure d’équilibre, d’harmonie :
Déjà, Faustin Hélie, en 1866, soulignait cette idée d’équilibre « entre deux intérêts également puissants, également sacrés, qui veulent à la fois être protégés, l’intérêt général de la société qui veut la juste et prompte répression des délits, l’intérêt des accusés qui est lui aussi un intérêt social et qui exige une complète garantie des droits de la collectivité et de la défense »[36].
Cet équilibre c’est le sens même du procès équitable (du latin equus) au sens de l’article 6 de la Convention EDH : le procès doit être équilibré entre les parties, spécialement entre les parties privées et le représentant de l’intérêt général.
On en trouve encore une trace dans le traité sur l’Union européenne dont l’article 29 précise que « l’objectif de l’Union est d’offrir aux citoyens un niveau élevé de protection dans un espace de liberté, de sécurité et de justice » (idem in article 40).
C’est aussi l’opinion du Conseil constitutionnel : « La recherche des auteurs d’infraction est nécessaire à la sauvegarde de principes et droits de valeur constitutionnelle ; il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre cet objectif de valeur constitutionnelle et l’exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent la liberté individuelle et notamment l’inviolabilité du domicile »[37].
C’est, enfin, la prescription de l’article 304, CPP, qui exhorte les jurés citoyens aux assises, notamment à « ne trahir ni les intérêts de l’accusé, ni ceux de la société qui l’accuse, ni ceux de la victime ».
L’article 1er de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 (réd. L. n° 2001-1062, 15 nov. 2001) reconnaît que « la sécurité est un droit fondamental » et qu’elle « est une condition de l’exercice des libertés et de la réduction des inégalités ».
d) On peut d’ailleurs affiner les intérêts du côté de l’État, en insistant davantage sur la certitude de la répression que sur sa rapidité ; la sérénité de la Justice peut s’accommoder de délais de poursuite, d’instruction et de jugement, le tout dans les limites de la notion de délai raisonnable de la procédure, au sens de la Convention EDH ; elle ne pourrait survivre, et l’État avec elle, à une procédure expéditive qui ne respecterait pas les garanties les plus élémentaires dans la recherche de la preuve et la procédure de jugement. S’il faut sacrifier l’une des deux exigences que souhaitait déjà Beccaria (certitude de la peine et rapidité du prononcé de la sanction à compter de la commission des faits, par opposition, à l’époque, avec la torture et les peines corporelles), c’est la rapidité qu’il faut placer en second[38]. On peut ajouter en effet qu’il revient à la police et non pas à la justice, en amont du procès pénal, d’assurer la protection des citoyens, et au législateur de prévoir des sanctions appropriées, mais la procédure doit rester juste et équilibrée : « Le principe du respect des droits de la défense constitue un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, réaffirmés par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le Préambule de la Constitution de 1958 ; il implique, notamment en matière pénale, l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties »[39].
On trouvera des illustrations de ces deux tendances et du mouvement de balancier qu’elles provoquent dans le chapitre sur l’évolution historique. La légende du marchand de chevaux Michael Kohlhaas (xve siècle), légende ressuscitée par le génie littéraire de Kleist en 1805[40], illustre bien ce besoin de justice et les dangers d’une société qui n’accorde pas à ses citoyens la protection de leurs droits en tant que victimes d’infractions et d’exactions.

Procédure pénale, procédure de garantie d’une bonne justice. En raison de la gravité des intérêts en jeu pour la personne soupçonnée d’une infraction, la procédure pénale doit garantir à celle-ci que son éventuelle condamnation est fiable, c’est-à-dire exempte d’erreur. S’il est toujours possible qu’une personne soit injustement accusée, mise en examen et renvoyée devant un tribunal correctionnel ou une cour d’assises, il est indispensable que l’État organise une procédure lui permettant de faire proclamer, au final, son innocence. D’où une triple exigence :
1) une protection de nature législative, sous l’éclairage de nos engagements internationaux et de nos normes constitutionnelles ; à la différence de la procédure civile (et même si pour celle-ci cela n’est plus tout à fait vrai), la procédure pénale relève de l’article 34 de la Constitution et non pas de l’article 37. Les standards européens et constitutionnels sont fondamentaux en la matière ;
2) un régime de preuves permettant d’éviter les erreurs judiciaires et respectueux de la dignité de la personne humaine[41] ;
3) une organisation permettant, à tous les stades de la procédure, de s’assurer de l’indépendance des organes du procès pénal les uns par rapport aux autres et non pas seulement par rapport aux tiers à l’institution judiciaire [42].
De cette triple exigence, il résulte une certaine complexité de la procédure pénale, en laquelle il ne faut pas voir un obstacle à la recherche de la vérité, mais le souci, à chaque étape du processus pénal, que le dossier qui s’élabore contre quelqu’un soit constamment soumis au doute de ceux qui sont chargés de s’en occuper, nonobstant les regards antérieurs qui ont été portés sur l’affaire. Le doute des acteurs au procès pénal – et ils sont nombreux – est la meilleure garantie, en pratique, d’une bonne justice. La séparation des fonctions confiées aux organes de police, d’instruction et de jugement en est une autre.

III – UNE AUTRE FINALITÉ :
LA JUSTICE RESTAURATIVE

Rapprocher la victime de l’auteur de l’infraction. Dans une idéologie (un peu naïve et d’origine anglo-saxonne) de rapprochement entre une victime et l’auteur de l’infraction, la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 les invite à œuvrer ensemble à la résolution des difficultés résultant de cette infraction, dans les conditions ainsi définies à l’article 10-1, CPP[43] :
« à l’occasion de toute procédure pénale et à tous les stades de la procédure, y compris lors de l’exécution de la peine, la victime et l’auteur d’une infraction, sous réserve que les faits aient été reconnus, peuvent se voir proposer une mesure de justice restaurative.
Constitue une mesure de justice restaurative toute mesure permettant à une victime ainsi qu’à l’auteur d’une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l’infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission. Cette mesure ne peut intervenir qu’après que la victime et l’auteur de l’infraction ont reçu une information complète à son sujet et ont consenti expressément à y participer. Elle est mise en œuvre par un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l’autorité judiciaire ou, à la demande de celle-ci, de l’administration pénitentiaire. Elle est confidentielle, sauf accord contraire des parties et excepté les cas où un intérêt supérieur lié à la nécessité de prévenir ou de réprimer des infractions justifie que des informations relatives au déroulement de la mesure soient portées à la connaissance du procureur de la République ».

IV – VINGT ANS DE DISCOURS POLITIQUES SUR LE SENTIMENT D’INSÉCURITÉ
une certaine idée de la sécurité et de la liberté en france
à travers vingt ans de discours politiques
sur le sentiment d’insécurité

Publié aux mélanges offerts à André Decocq, Litec 2004

Les thèmes de réflexion ne manquent pas pour offrir une contribution au recueil d’études offert en hommage à notre ami André Decocq, tant est large la diversité de ses investigations en recherche fondamentale. Les liens du cœur, depuis la Faculté de droit de Lyon en septembre 1970, jusqu’à l’université Panthéon-Assas (Paris 2) où nous avons eu la joie, en ces deux institutions, de travailler ensemble et d’essayer d’œuvrer pour le bien commun de l’Université, se conjuguent avec l’infini respect pour celui qui, par son véritable traité de droit pénal paru chez Armand Colin au début des années soixante-dix, sut toujours mêler pensée et action. C’est un peu en liaison avec ce mélange de réflexion et d’action que nous avons choisi de traiter un sujet qui constitue un clin d’œil malicieux au rôle que le Doyen Decocq joua (avec Jean-Claude Soyer que nous ne pourrions oublier ici) dans la préparation de ce qui allait devenir la loi « Sécurité et Liberté » du 2 février 1981. Il faudra attendre vingt ans, neuf mois et treize jours (le 15 novembre 2001), pour qu’un autre gouvernement, sur une autre case de l’échiquier politique, ose faire voter une loi incluant elle aussi le mot « sécurité » dans son intitulé (mais sans le mot « liberté ») et que celle-ci soit reconnue, dans l’article premier qui la proclame, comme un « droit fondamental » des citoyens, proclamation d’autant plus forte que le reste de la loi est une succession de restrictions aux libertés individuelles, à telle point, fait exceptionnel en droit français répressif, que les nouvelles mesures ne sont applicables que pour un temps limité (jusqu’au 31 décembre 2003). Ne critiquons pas trop rapidement ceux qui ont voté cette loi du 15 novembre 2001 car, soumis à la pression des conséquences sur les esprits des attentats terroristes meurtriers de New York et Washington, à la conviction qu’une guerre mondiale devait être enclenchée contre le terrorisme, ils n’ont sans doute pas voulu apparaître comme des hommes politiques irresponsables, imprégnés de ce que l’on appelle l’esprit de Munich. Mais il serait naïf de croire que, à cinq mois d’une élection présidentielle, le thème de l’insécurité intérieure et le souci de se battre sur ce terrain-là au cours de la campagne qui se profilait à l’horizon aient été absents de l’esprit de certains ; sinon pourquoi ce qualificatif de sécurité « quotidienne » pour des dispositions censées répondre à un danger mondial ? On rejoint ainsi, symboliquement, la question, centrale, de la perception par le politique de l’insécurité en France depuis vingt ans ; la loi du 4 mars 2002 réformant, dans un sens restrictif, la loi du 15 juin 2000 qui, elle, tendait à renforcer la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, ne fera que confirmer, malheureusement, quelques mois plus tard, cette tendance. D’abord niée par beaucoup, au point de ne parler que de « sentiment d’insécurité », l’insécurité va ressurgir brutalement en haut de l’écume, au cours des années 2001 et 2002, comme thème de combat politique, d’invectives réciproques, à un point tel que certains vont perdre leurs repères idéologiques et s’enfoncer dans une politique, pour le coup franchement sécuritaire, si l’on donne à ce mot le sens de liberticide ! Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de constater, en mettant en contemplation l’une de l’autre la loi du 2 février 1981 et les lois des 15 novembre 2001 et 4 mars 2002, que certains responsables politiques, en vingt ans, vont passer de la négation de ce que des esprits plus avertis qu’eux avaient si bien perçu (à savoir qu’il n’existe pas de sécurité sans liberté), à leur perdition dans une politique liberticide parce que touchant essentiellement à la procédure pénale, davantage qu’au droit pénal ; c’est au cœur des dispositions de procédure pénale que l’on juge de la capacité d’un Etat à être en état de droit, plus qu’au cœur de son droit pénal général, si l’on veut bien considérer que nul n’a remis en cause en France les grands principes fondateurs de ce dernier (par exemple, le principe de légalité). Et les lois des 15 novembre 2001 et 4 mars 2002 sont d’abord et avant tout des lois de procédure pénale !
            Ce que nous avons choisi de traiter, en liaison avec une expérience personnelle de la vie municipale dans une très grande ville (Lyon), assortie d’une Communauté urbaine sensible (puisqu’elle comprend sur son territoire le fameux quartier des Minguettes à Vénissieux et celui du Mas du Taureau à Vaulx-en-velin), c’est de la perception de l’insécurité, de son évolution plus précisément, en vingt ans de discours locaux ou nationaux, pour souligner qu’il faut se garder de tout manichéisme et que les liberticides ne sont pas toujours du côté où certains les montrent du doigt et que le combat pour les libertés, dans le cadre de la sécurité de chacun, est un combat quotidien qui dépasse et devrait dépasser en tout cas, les clivages partisans. En nous retournant vingt ans en arrière, en consultant nos archives personnelles sur cette vie politique locale et nationale en matière d’insécurité, nous éprouvons la fierté de ne pas avoir changé de discours (protection forte des libertés en matière pénale pour mieux faire accepter la nécessité de la juste répression de ceux qui sont reconnus coupables d’avoir transgressé la règle sociale) mais aussi l’amer sentiment qu’il n’est pas bon d’avoir raison trop tôt et que de le dire avec force, publiquement, à contre-courant d’une certaine idéologie naïve, ne nous remplit de (tristes) satisfactions (intellectuelles) que vingt ans plus tard. Nous partirons donc de cette expérience municipale et nationale dans les années quatre-vingt (I), avant de voir ce qu’est devenue cette perception de l’insécurité au début du XXIème siècle (II).
I) le sentiment d’insécurité dans les discours politiques des années quatre-vingt
            Face à un contexte d’accroissement de la délinquance dans les années soixante-dix et, surtout, quatre-vingt (A), la classe politique va se diviser en deux clans irréductiblement opposés mais recouvrant le clivage traditionnel « droite/gauche », certains ne parlant que du sentiment d’insécurité pour mieux nier l’existence de celle-ci, d’autres, plus réalistes, préférant utiliser une terminologie plus conforme à la réalité vécue sur le terrain (B). Ce clivage va occulter le vrai débat sur le mariage d’une politique de prévention avec les nécessités de la répression.
A) le contexte
            a) Des statistiques qui traduisent une forte augmentation de la délinquance
            Outre les instruments traditionnels en provenance des Ministères de l’intérieur et de la Justice, on dispose, pour le début de la période envisagée, d’un très bon outil de synthèse dans le rapport de la Commission Bonnemaison dont il sera question plus loin. Ce rapport est honnête ; il donne des chiffres officiels de la délinquance pour 1981; il ne triche pas au niveau des faits, soulignant même combien les chiffres ne révèlent qu’une partie de la réalité, puisque certains actes délictueux ne sont pas comptabilisés dans les statistiques de la police ou de la gendarmerie : au total 2 890 020 faits de criminalité, toutes infractions confondues, soit un quadruplement depuis 1963, avec une augmentation annuelle de 8,3%). Surtout, il indique que le taux de criminalité (c’est à dire le nombre de crimes et de délits commis pour 1000 habitants) a augmenté de 273% entre 1963 et 1981, alors que la population ne progressait que de 13%. Le rapport insiste déjà sur la répartition inégale sur le territoire des actes de délinquance, les grandes villes et leurs banlieues étant les plus touchées, de même que les stations de vacances ; le taux de criminalité pour 1000 habitants peut ainsi passer de 30 à 137 selon la ville ; la France, nous dit-on, occupait un rang moyen dans les pays industrialisés. Ce taux moyen est aujourd’hui (en 2001) de 70 pour mille habitants. 

            b) Une législation qui peine à s’adapter à cette évolution
Les années 1970 à 1990 vont être marquées par l’aspiration à de meilleures garanties des libertés individuelles, mais dans ce contexte d’accroissement de la délinquance que nous venons d’indiquer et de répression accrue. Passée en effet, la période d’exception liée à la guerre en Algérie, l’ordre étant revenu (on notera que les événements de mai 1968 n’ont pas engendré de réforme importante de la procédure pénale), les réformes, dans une société qui se modifiait considérablement avec des aspirations à plus de liberté, mais aussi des violences urbaines plus pesantes, vont être inspirées par ces deux traits.

1) D’un côté donc, la montée en puissance de la délinquance et de la violence (dont le film Orange mécanique de Stanley Kubrick, 1971, n’est que l’expression filmatographique à son paroxysme ; depuis on “ a fait mieux ” dans l’expression visuelle de la violence avec les films Kids, Seven[44] et L’appât[45]) et l’engorgement des juridictions qui en a résulté. L’esprit des lois nouvelles est donc simple, juger plus rapidement, d’où des procédures simplifiées et des lois de pure technique procédurale, sans porter un projet global, mais parfois redoutablement efficaces dans l’objectif de répression poursuivi. Ainsi, de la loi du 3 janvier 1972 sur la procédure d’ordonnance pénale et l’élargissement de la procédure d’amende forfaitaire. Ou de la loi du 29 décembre 1972 qui introduisait le juge unique devant les tribunaux correctionnels pour certaines infractions ; de la loi du 6 août 1975 élargissant la procédure de flagrant délit et minimisant les effets de la nullité d’une procédure ; de la loi du 2 février 1981 (loi dite Sécurité et liberté, plus conceptualisée que les autres textes de l’époque, sans doute en raison de la présence, déjà signalée, de deux éminents professeurs de droit pénal, André Decocq et Jean-Claude Soyer, au sein de la commission chargée de la préparer) et de la loi du 9 septembre 1986 qui élargissent le domaine des procédures accélérées. La loi du 2 février 1981 sera très vite abrogée, pour l’essentiel, par la nouvelle majorité politique issue des élections de mai 1981.

2) Parallèlement, on note la montée en puissance de l’idée de protection des citoyens contre l’arbitraire des autorités de poursuite, d’instruction et de jugement. Contrairement à une idée (fausse) reçue, ce n’est pas exclusivement un pouvoir de gauche qui va être à l’origine de ces lois. Ainsi, la loi du 17 juillet 1970 qui s’appelait, intitulé significatif, “ loi tendant à renforcer la garantie des droit individuels des citoyens ” remplace la détention préventive par la détention provisoire ; ce n’était pas seulement un clin d’œil aux libertés, par un simple changement de terminologie ; c’était aussi la volonté de limiter la détention en la rendant plus exceptionnelle, d’où l’instauration d’une mesure nouvelle, le contrôle judiciaire ; mais l’intention du législateur fut dévoyé par certains juges d’instruction plus répressifs que d’autres qui imposèrent des contrôles judiciaires dans des hypothèses où la personne concernée aurait été laissée en liberté ; dans ce cas, il est clair que le contrôle judiciaire “ mordait ” sur la liberté et non pas sur la détention, ce qui n’était pas l’intention du législateur. Il faut aussi citer à ce titre de la protection des libertés, mais sans en donner le détail, les lois du 6 août 1975, 10 juin 1983, 30 décembre 1985, 9 septembre 1986, 30 décembre 1987, 6 juillet 1989 qui, toutes, et le chiffre en est impressionnant ramené à la période (six en 14 ans), vont réglementer les privations et restrictions de liberté avant jugement, réglementation qui apparaît ainsi comme le problème récurrent de cette période.

            c) Une politique de prévention de la délinquance qui se dessine
            C’est le 28 mai 1982 que le Premier ministre, Monsieur Pierre Mauroy, installe la Commission des maires sur la sécurité, « chargée de procéder à une réflexion sur le développement du sentiment d’insécurité » et de faire des propositions pour l’enrayer. On note immédiatement une contradiction terminologique forte entre, d’un côté « le développement » de ce que l’on n’ose pas encore appeler l’insécurité, mais un (simple) sentiment et, de l’autre, l’incitation à « enrayer » ce sentiment, ce qui est absurde, mais vise, en réalité, l’insécurité elle-même : on enraye une insécurité, pas un sentiment ; c’est la crainte d’utiliser des mots qui font peur qui inspire un tel préambule. Composée de 36 élus locaux, présidée par Monsieur Gilbert Bonnemaison (qui finira par donner son nom à la commission), lui-même député-maire d’une commune de la grande banlieue parisienne (Epinay-sur-Seine, qui sera l’objet d’émeutes liées à la délinquance dans les années quatre-vingt-dix)  la Commission organise toute une série de rencontres avec des élus locaux, des responsables syndicaux et associatifs, etc.., et le 17 décembre 1982 elle remet son rapport au Premier ministre ; ce rapport est approuvé en Conseil des ministres le 19 janvier 1983, mais déjà des réticences se font sentir, révélées au cours d’une réunion, à l’Hôtel Matignon, le 1er mars 1983, certains départements ministériels réussissant à faire écarter 12 des 64 propositions de la Commission et à en renvoyer 28 autres pour une étude plus approfondie. Cinq mois plus tard, en juillet 1983, toujours à Matignon, mais avec un nouveau Premier ministre, Laurent Fabius, les travaux de la Commission Bonnemaison trouvent leur aboutissement dans la création et l’installation du Conseil national de prévention de la délinquance. Nous y étions. A partir de là le discours va, non pas déraper, cela serait injurieux de le dire pour ceux qui ont cru de bonne foi (et même avec une foi propre à soulever des montagnes) à ces orientations, mais glisser vers le seul sentiment d’insécurité, en privilégiant un seul axe, celui de la prévention.
B) Les discours
            a) Déjà, dans le rapport Bonnemaison, l’expression « sentiment d’insécurité » est omniprésente ; elle fait même l’objet d’une rubrique statistique à part, sous le thème « les délits qui créent le sentiment d’insécurité », avec un tableau comparatif des années 1972, 1980 et 1981. On y trouve, par rubriques clairement identifiées, les vols de 2 et 4 roues, les vols à la roulotte, avec violence contre les personnes (sauf les hold-up et vols à main armée), les vols sans violence, les coups et blessures volontaires, les vols avec entrée par ruse au domicile, la destruction et la dégradation des biens publics et privés. Bref, l’essentiel de la délinquance quotidienne, y compris les rodéos de voitures volées puis incendiées dans les banlieues. A partir de ces chiffres et de cette présentation axée sur le « sentiment d’insécurité », se développent, discours officiel, des chapitres sur « les limites de l’appareil répressif », dont on nous dit qu’il est « trop coûteux », avec des tribunaux « débordés », un taux d’élucidation des vols et cambriolages ridiculement bas (15% contre 70% pour les crimes), des prisons surpeuplées (cela reste vrai, malheureusement, vingt ans plus tard), une population « jeune et peu instruite, composée pour un quart d’étrangers plus sévèrement traités que les Français ». Les 64 propositions, dont on a signalé que certaines seront écartées par les ministres concernés, se regroupent en cinq thèmes, dont il n’est pas inintéressant, vingt ans après, de donner un aperçu, pour mieux apprécier « l’ambiance de l’époque » et les comparer aux problèmes et solutions actuels, qui demeurent les mêmes. Le thème de « l’environnement social et le cadre de vie » : politique du logement pour l’essentiel ; développement des équipements socio-éducatifs ; contrats de sécurité pour les transports en commun ; association des médias à la prévention de la délinquance ; accueil des gens du voyage ; politique en faveur des marginaux ; contrôle des séjours touristiques des étrangers. Le thème de la protection de la jeunesse : enseignement aux familles des droits et devoirs de l’homme, écoles à taille humaine, participation communale aux actions de formation professionnelle de base, opérations été au bénéfice des jeunes des banlieues. Le thème de la réformation des méthodes de la police : commissariats plus accueillants, policiers mieux formés, statistiques plus fiables, priorité à l’ilôtage, adaptation du statut des polices municipales, réglementation des activités de gardiennage, de ventes et de détention d’armes. Le thème de la « matière judiciaire », avec une amélioration de l’apport de la Justice à la prévention, le renforcement des effectifs de magistrats, la création des travaux d’intérêt général, l’amélioration des aides aux victimes, la répression plus sévère du recel. Enfin, le thème de « l’organisation permanente de la prévention », avec la création du Conseil national de prévention de la délinquance, de Conseils départementaux, de Conseils communaux, d’un Fonds national de prévention, la participation de chômeurs à la politique de prévention de la délinquance et, dernière proposition, « refuser le fatalisme ». On le voit, de bonnes intentions, mais toutes empreintes d’une idéologie loin des réalités du terrain, celles que, quelques années plus tard, le cinéaste Bertrand Tavernier, peu suspect de populisme et de complaisance à l’égard des idées extrémistes, dénoncera avec brio et courage dans ses films L. 627 et L’appât

            b) Il ne faut point s’étonner dès lors, que tout discours qui tentait de recadrer la question de l’insécurité sur la réalité de celle-ci et la nécessité de mixer prévention et répression, tout en respectant les libertés individuelles, ait été contré et celui qui le tenait traité de fasciste ou presque ! Le seul fait de dire qu’il ne fallait pas cacher aux Français la réalité et que mieux valait appeler « un chat un chat » était considéré comme émanant de quelqu’un qui ne pouvait pas être un humaniste, mais qui était un sectaire pur et dur, un sécuritaire à tout crin, un nostalgique des régimes totalitaires ! Dure période, on va le voir par quelques exemples tirés de notre expérience personnelle d’élu local ; pour cette raison d’une trop grande personnalisation nous passerons du « nous » au « je ». J’avais été élu en mars 1983 sur les listes de la majorité municipale et immédiatement élu adjoint au maire de Lyon chargé de la police municipale (en fait, pour l’essentiel, les contraventions au stationnement payant), de la police administrative (relations avec les commerçants, question des soldes et liquidations) et de « la prévention de la délinquance ». Il faut dire que la campagne électorale, déjà, s’était faite sur ce dernier thème pour une bonne part. Ce n’était donc pas un cadeau, mais le Maire de Lyon et le groupe politique majoritaire auquel j’appartenais avaient pensé qu’en tant que juriste (et Doyen de la Faculté de droit de ma ville), je donnais des garanties de sérieux et des gages de sérénité en ce domaine ; je ne fus pas déçu de mon voyage, pendant six ans, au sein des turbulences liées au secteur d’activité dont j’avais la charge. Je pris le parti de réfléchir d’abord et d’agir ensuite.
            1) La réflexion se porta au terrain local et au niveau national. Sur ce dernier point, j’ai donc participé à la création et à l’installation, par le Premier ministre lui-même, du Conseil national de prévention de la délinquance, en juillet 1983, à Matignon. Période consensuelle, les maires ou leurs délégués souhaitant échanger leurs difficultés et leurs expériences. Mais, très vite, le fonctionnement de cet organisme (le CNPD) va s’enliser dans des structures trop lourdes ; c’est en tout cas ce que j’ai retenu de cette période : des commissions de réflexion vont être créées avec, pour chacune, des sous-commissions, des assemblées générales, des réunions de bureau ou de formation restreinte, etc. J’avais calculé, qu’à plein régime et en ne s’intéressant qu’à certaines des actions du CNPD, il me fallait passer la moitié de chaque semaine à Paris. Je le dis sans vouloir critiquer ceux qui ont cru bien faire, mais qui ont alourdi le fonctionnement du CNPD et découragé, dès lors, la réflexion, puis l’action. Est-ce là l’origine des dérapages vers trop de naïveté ? Je ne peux l’affirmer, mais c’est que je sais, c’est que beaucoup d’élus ne sont plus venus à Paris participer aux travaux du CNPD ; ce dernier s’est donc trouvé, très vite, coupé de sa base si j’ose dire, de ces élus de terrain qui, tous les jours, rencontraient leurs administrés, les victimes parfois de cette insécurité galopante. C’est ce que j’ai fait ; après une participation active de 18 mois environ, j’ai arrêté de me rendre à ces réunions boulimiques en temps, inutiles pour l’action et insatisfaisantes pour la réflexion.
            2) La réflexion se développa aussi au niveau local. Je souhaitais disposer d’un outil statistique fiable avant de me lancer dans des actions locales. Dix-huit mois après notre élection, je publiais un « Livre blanc sur la sécurité et la prévention de la délinquance à Lyon », qui dressait l’état des lieux à Lyon, agglomération comprise (chapitre 1), en proposait une analyse (chapitre 2) et des réponses (chapitre 3) sous forme d’actions concrètes à engager ; toutes furent menées à leur terme, mais à quel prix du discours des opposants ! L’un d’entre eux n’hésita pas à déclarer en conseil d’arrondissement (pas en conseil municipal tout de même) que « cet ouvrage était à tendance raciste, rappelant l’idéologie de la Francisque[46] dont le contenu est inquiétant pour tous les démocrates » ; heureusement, il n’était guère crédible, ses propres amis l’ayant ensuite exclu de leur parti politique[47]. Mais on sentait que les passions étaient exacerbées, qu’aborder tous les problèmes liés à la délinquance dans toutes leurs composantes, y compris dans les aspects sensibles, comme celui de la nationalité des délinquants, provoquait des réactions politiciennes, sans aucun rapport avec la réalité que chaque élu vivait sur le terrain.
A mi-chemin de l’élection de mars 1983 et de la publication du Livre blanc en décembre 1985, un débat politique eut lieu, pour faire le point en quelque sorte, en séance publique du Conseil municipal, de la politique de prévention de la délinquance à Lyon ; c’était le 18 juin 1984 (belle date pour un gaulliste !). Je m’en souviens encore (et le bulletin officiel municipal en témoigne) : dénonçant les dérives du mode de fonctionnement du CNPD, affirmant ma volonté de revenir aux réalités du terrain lyonnais et de privilégier l’action locale, en créant une commission locale de prévention de la délinquance ne s’inspirant pas du moule rigide national et en mettant en place, au sein de la municipalité, vingt postes de travail d’intérêt général (loi du 10 juin 1984), je terminais ensuite par un exposé idéologique, annoncé comme tel comme troisième partie de l’intervention et dont je conviens volontiers aujourd’hui qu’il était plus professoral que politique ; j’avais voulu être provocateur, j’étais servi, car que n’avais-je pas dit ! Je m’entendis opposer que mon discours « faisait froid dans le dos » et qu’avec moi on pouvait bientôt, comme au Chili de Pinochet, ouvrir les stades pour accueillir, je suppose, les gens que j’aurais fait arrêter avec ma modeste et bonhomme police municipale ! Bref, j’étais devenu un fasciste à la tête de brigades policières ! Amalgame facile et démagogique entre mes responsabilités à la tête de la police municipale (les infractions au stationnement) et celles liées à la prévention de la délinquance. Le temps a passé et je n’en veux pas à ceux qui ont dénaturé mes propos, à preuve, ils ont, depuis, fait amende honorable en reprenant à leur compte certaines de mes propositions et actions. Ils sont même allés plus loin que moi (trop loin) dans la voie d’une politique de sécurité dans la ville (cf. infra, II).

3) Les bases de l’action étant posées, il fallait agir. Sans entrer dans le détail, pour l’essentiel, je décidais que la ville de Lyon créerait une commission municipale de prévention de la délinquance en liaison avec les partenaires sociaux, les autorités judiciaires[48] et de police et offrirait vingt postes de travaux d’intérêt général ; c’est moins simple à mettre en place qu’on ne croit ; il faut convaincre ceux qui vont, au quotidien, travailler avec les « titulaires » de ces postes, que tout se passera bien, qu’il n’y aura pas de risque de vol accru et que l’action éducative est essentielle. J’ai rencontré beaucoup de compréhension, de soutien aussi, de la part des chefs de direction[49] que j’avais réunis à cet effet et des employés municipaux concernés. Il y eut aussi la création d’un système de protection des commerces à haut risque (bijoutiers, fourreurs, etc..) en les reliant à un réseau de télésurveillance (pour favoriser une action plus rapide de la police), l’accompagnement des personnes âgées par des bénévoles pour retirer de l’argent auprès de leur établissement bancaire, l’amélioration de la sécurité des parkings publics, des piscines et des patinoires, la création d’un réseau de téléalarme auquel tous les lyonnais pouvaient se relier, l’installation d’appelés du contingent dans des logements sociaux, les rencontres mensuelles avec le Préfet de police du Rhône et le Directeur départemental des polices urbaines pour une meilleure coordination des actions municipales et de l’État en matière de prévention de la délinquance, etc..
            Le discours était donc celui du réalisme et de l’action. Comment ignorer quand, chaque semaine on va à la rencontre des gens sur le terrain, que le sentiment d’insécurité, ça n’existe pas ; ce qui existe, c’est la réalité de l’insécurité quotidienne. Est-ce pour cette raison que la loi du 15 novembre 2001 va, vingt ans après, reprendre cette formulation ? Peut-être…
II) L’insécurité quotidienne dans les discours politiques des années deux mille
            Les temps ont changé et les discours aussi, radicalement, localement et nationalement ! 

A) Sur le plan local, l’expérience lyonnaise, vingt après ce que je viens de raconter, est entre les mains de l’opposition de mon époque. C’est la vertu de l’alternance que d’apprendre aux opposants de jadis, parvenus au pouvoir, d’être réalistes, une fois confrontés aux difficultés de l’action. Plus de beaux discours, de l’action ! Mais le discours nouveau (avec un virage à 180 degrés) est présent derrière les actes. Et que constate-t-on sur ce point ? Le nouveau maire de Lyon, élu en mars 2001, l’opposant de jadis sur ce terrain-là, s’est converti au réalisme, il le dit et il le fait : fermeture des piscines au moindre incident (et non plus politique de prévention par l’action de bénévoles), installation de caméras vidéo (système de vidéosurveillance) dans les rues de Lyon, non plus seulement dans les commerces pour ceux qui le souhaitaient, mais dans les rues et places « sensibles » de Lyon, sans le volontariat, cela va de soi, de ceux qui sont ainsi filmés dans leur vie quotidienne. Interdiction de la prostitution et de l’alcool dans les rues du centre-ville (arrêtés du 11 août 2002) : « considérant que des groupes importants de personnes se réunissent régulièrement dans ces secteurs en consommant de l’alcool, ce qui entraînent directement des troubles à l’ordre public : rixes, provocations, nuisances sonores, souillures et bris de bouteilles ; considérant également que ces regroupements nuisent à la sûreté des piétons, la consommation d’alcool est interdite, en dehors des endroits prévus pour cela »[50]. L’action est ainsi inversée par rapport au discours des années quatre-vingt. Et le discours se veut adapté au renversement des situations ; il n’est plus question de sentiment d’insécurité, mais d’insécurité tout court et elle est traitée comme telle ; le dossier sécurité est devenu un dossier prioritaire pour la nouvelle équipe municipale, entraînée sur ce point par son maire, peut-être plus loin que certains, dans son équipe, ne l’auraient souhaité et qui avaient voté contre les mesures prises aujourd’hui lorsqu’ils étaient hier dans l’opposition. Entendons-nous bien, il ne s’agit nullement de critiquer ce revirement, mais de relativiser les oppositions de principe qui avaient pu s’exacerber dans un passé récent ; les hommes ne sont pas toujours aussi éloignés les uns des autres qu’ils le croient. A preuve, les propos tenus le 10 décembre 2002, sur Europe 1, en réponse aux questions de Jean-Pierre Elkabach par Monsieur Gérard Collomb, le nouveau maire de Lyon (l’opposant de jadis), au lendemain de l’intervention du Ministre de l’Intérieur, Monsieur Nicolas Sarkozy, à la télévision ; il déclare approuver totalement la politique « d’autorité et de fermeté » du Ministre et que toutes les mesures prises sur le plan de la sécurité vont dans le bon sens. Voilà un rapprochement significatif, venant de celui qui stigmatisait toute politique dite « sécuritaire ».
            Même pratique à Paris où la nouvelle municipalité issue des élections de 2001 a mis en place un système d’accompagnement des personnes âgées de leur domicile à leur établissement bancaire, par des inspecteurs de sécurité, comme je l’avais fait à Lyon il y a vingt ans (près de 1200 accompagnements en 2001).
            Même pratique encore dans 185 communes à la date de décembre 2002 pour l’équipement des rues en système de vidéosurveillance, avec des caméras ultra perfectionnées, permettant parfois des zooms à 300 mètres et des balayages de 180 degrés, pour un coût non négligeable d’environ 12 000 euros par caméra. Certains se souviennent le tollé qu’avait provoqué l’initiative du maire de Levallois-Perret en 1994, la première du genre en France. Il est vrai qu’aujourd’hui, une loi de 1995 a instaurer des garde-fous : autorisation préfectorale, droit d’accès du public aux bandes vidéo conservées au plus un mois, etc.
Même discours dans les Yvelines et à Mulhouse en novembre 2002 : le délégué régional du syndicat de la magistrature pour le département cité déclare que son syndicat « est à côté de la plaque en continuant de croire qu’il s’agit plus d’un sentiment que d’une réalité »[51]. A Mulhouse, c’est le maire socialiste de la ville qui apporte son soutien « républicain » au Ministre de l’intérieur en novembre 2002[52]. Mais il va plus loin, puisqu’il déclare vouloir militer en faveur d’un pacte républicain sur la sécurité qui fait, selon lui, l’objet « d’un autisme idéologique chez les uns et d’une surenchère sécuritaire chez les autres ». Et d’ajouter, « s’il n’y a pas de risque de sanction, toute prévention est inutile ». On a ainsi, en deux phrases, l’essentiel du vieux discours sur le sentiment d’insécurité qui s’effondre : d’une part, l’opposition prévention et répression, d’autre part, le manichéisme primaire des sécuritaires d’un côté et des idéologues libertaires de l’autre. Et c’est heureux. On aura bientôt un autre regard sur les lois qui se sont succédé sur le thème de la sécurité depuis plus de vingt ans, un regard objectif et l’on se rendra compte, peut-être, que les lois dites sécuritaires, l’étaient moins que ce que l’on a prétendu et que les lois laxistes ne l’étaient pas. Il n’y avait que la bonne volonté des uns et des autres de répondre à une situation de crise sans précédent ou de ne pas sacrifier les libertés de l’autre ; le seul problème, c’est que ces volontés contraires ne se rencontraient pas : chacune avait raison à son époque, dans l’instant, séparément ; les uns privilégiaient la sécurité et la répression, les autres favorisaient la liberté et la prévention. La vérité est sans doute entre les deux.

            B) Au plan national, les choses changent aussi. Le temps n’est plus aux discours, tout au moins chez certains hommes politiques, qui dénonçaient « l’exploitation de la violence » ou « les dérives sécuritaires » de l’autre camp. Chacun commence par prendre conscience que la sécurité est la première liberté des citoyens et que l’insécurité frappe d’abord les plus pauvres, les plus mal logés, les plus défavorisés par la vie. La réflexion laisse la place à l’action et les discours se font moins angéliques : « la plupart de ceux qui s’expriment sur la question ne la connaissent pas » ; ou encore : ne parlons plus « par euphémisme, d’incivilité en nous cachant derrière des mots anodins ou utilisés à mauvais escient »[53].

a) Quelques morceaux choisis illustrent ce changement
1) Ainsi, au moment des débats sur les textes qui allaient devenir les loi du 29 août 2002 (sur la police) et du 9 septembre 2002 (sur la justice), on a pu entendre certains membres de la nouvelle opposition, peu connus jusqu’ici pour leurs idées sécuritaires, c’est le moins que l’on puisse dire, s’exprimer ainsi : « oui, je suis sécuritaire »[54]. Et d’ajouter : « longtemps, les marxistes ont considéré que les conditions de vie déterminaient le passage à la délinquance ; en clair que si on devient délinquant, c’est la faute à la société; j’ai la prétention de croire qu’un délinquant c’est un délinquant, choisir d’être délinquant, c’est une responsabilité et non une fatalité ». Lorsqu’une telle affirmation était faite, il y a vingt ans, par quelqu’un qui n’était pas classé sur la même case de l’échiquier politique, il était immédiatement accusé d’être un extrémiste (de droite, bien sûr !), voire un fasciste. La phrase qui vient d’être citée, pratiquement copie conforme de la partie « idéologique » de mon intervention au Conseil municipal de Lyon le 18 juin 1984, ne fait que confirmer une évolution nettement discernable pendant la campagne de l’élection présidentielle, tout au moins chez certains des dirigeants politiques, évolution qui avait commencé par l’aveu de l’un des candidats à cette élection de sa « naïveté » en ce domaine pendant des années. Et qui se poursuit aujourd’hui par cet autre aveu d’un sénateur communiste, en novembre 2002 : « la lutte contre l’insécurité, qui touche au premier plan les populations les plus démunies et aggrave leurs difficultés de vie, est devenue une priorité qu’il convient de prendre très au sérieux »[55]. C’est exactement ce que je disais, avec d’autres, il y a vingt ans et qui nous valaient d’être diabolisés ! Qui songerait à diaboliser ce sénateur ? 

2) D’autres vont encore plus loin (trop peut-être) et font des déclarations impensables il y a vingt ans et il y a quelques années encore, dans la bouche de responsables socialistes ; c’est un ancien ministre socialiste qui s’exprime ainsi : « la surdélinquance immigrée est une réalité française »[56]. Le père Christian Delorme, celui que l’on a appelé le « curé des Minguettes » (quartier « chaud » de l’agglomération lyonnaise) et qui avait organisé, il y a vingt ans (en 1983), la marche sur Paris des jeunes issus de l’immigration dans la perspective de leur meilleure intégration et d’un dialogue entre l’islam et la chrétienté[57], s’exprime ainsi en décembre 2002 : « aujourd’hui, il faut savoir reconnaître la surdélinquance des jeunes issus de l’immigration. J’avoue que pendant des années je me suis voilé la face sur le problème de la surdélinquance car j’ai toujours tendance à porter un regard bienveillant sur les gens. Mais aimer les gens, c’est aussi savoir porter un regard plus lucide sur eux »[58]. En février 2003, il ajoute, dans les colonnes du Monde : « là où l’Union des jeunes musulmans est présente on constate un durcissement des identités religieuses que d’autres peuvent exploiter, alors que l’UJM n’a pas un discours d’enfermement identitaire »[59].Et le maire (socialiste) de Lyon, celui-là même qui, il y a vingt ans, se montrait sourcilleux sur la politique de la Ville en matière de prévention de la délinquance, sur les déclarations du jeune adjoint en charge de ces questions et sur ce lien statistique ainsi établi entre l’immigration et la délinquance (tout au moins à s’en tenir, avec prudence, aux seuls chiffres de la population carcérale des prisons lyonnaises) déclare aujourd’hui : « ma politique de promotion des Français d’origine immigrée est compromise : les arrivants font replonger tout le monde »[60]. Il faut espérer que les hommes politiques convertis aux bienfaits d’une vraie politique de la sécurité dans leurs villes dont ils sont les maires, ni sécuritaires, ni laxistes ou naïfs, sauront s’arrêter de glisser sur cette pente dangereuse des idées qui deviendraient vite exécrables par les relents de racisme qu’elles colportent et sous-tendent, sinon chez ceux qui les prononcent, tout au moins chez ceux qui les écoutent et les reçoivent et qui seraient prompts à les prendre au pied de la lettre. Car chacun sait bien qu’en matière de lien entre l’immigration et la délinquance, il faut être prudent : les chiffres (réels et tragiquement parlant) doivent être soumis à la critique, c’est à dire passés au crible du critère « toutes choses sont-elles égales par ailleurs ? », quelles sont les causes de cette situation ? Un seul exemple : les bandes de délinquants qui brûlent les voitures dans les cités sont très souvent mixtes ; il n’y a pas de frontières ethniques à la délinquance en bandes organisées ; tous les policiers, tous les élus, tous les travailleurs sociaux, tous ceux qui visitent régulièrement les prisons (et je l’ai fait pendant six ans, étant membre de la Commission des (tristes et lugubres) prisons de Lyon) le savent.

            3) Dans le journal Libération du 9 décembre 2002, un magistrat, Didier Peyrat, qui avait été chargé d’établir un rapport sur la sécurité dans le logement social par Madame Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d’Etat au logement dans le gouvernement Jospin, en février 2000, écrit : « ne pas nier les effets de l’insécurité » et insiste sur la souffrance des populations défavorisées par rapport au phénomène de la délinquance urbaine ; il dénonce par ailleurs le discours du Syndicat de la magistrature de novembre 2002[61] qui n’aurait pas changé depuis des lustres et qui traduirait une méconnaissance totale du phénomène de l’insécurité : « il existe une réthorique antisécuritaire, avec son prêt-à-penser, ses réflexes, ses signes de connivence, ses postulats. Le dernier congrès du SM vient d’en rappeler les axiomes de base… ». Et il poursuit : « le compte à rebours a commencé : il reste quatre ans à la gauche pour se débarrasser de la sécuriphobie, machine infernale faite pour gonfler les rangs des sécuritaires et fabriquer ses défaites futures ». Enfin, « la victimation des gens ordinaires, c’est le point aveugle du discours sécuriphobe ». En fait, - et c’est ce que je dis depuis vingt ans – ce discours sécuriphobe creuse le lit de l’extrémisme.

            4) En janvier 2003, lors de la discussion du projet de loi sur la sécurité intérieure présenté par Monsieur Nicolas Sarkozy, Ministre de l’intérieur, « les socialistes assument un discours sécuritaire » lit-on en tête d’un article du journal Le Monde, pour « retrouver la confiance des Français »[62]. L’inflexion n’est pas démentie côté socialiste, si l’on en juge par quelques unes des déclarations des députés socialistes : « la seule chose que nous voudrions sortir de ce débat, c’est que l’on ne nous fasse pas le procès de ne pas nous intéresser à la sécurité »[63]. Ou encore : « nous n’acceptons pas que l’on nous reconduise dix ans en arrière, quand le discours, chez nous, était que l’insécurité ne serait que la cause de situations exogènes, sociales. Agir pour la sécurité est une nécessité. L’insécurité, parce qu’elle remet en cause le lien social, est inacceptable. Punir, ordre, norme, règles, ce ne sont pas des mots tabous »[64]. Et le même député, maire d’Evry dans l’Essonne, d’ajouter : « nous ne pensons pas que les délinquants sont d’abord des victimes. Dire cela serait un terrible moyen de démotiver ceux voulant s’en sortir honnêtement et constituerait une insulte pour les véritables victimes » ; mais le même orateur ajoute « qu’agir pour la sécurité pour répondre à la crise sociale n’est pas suffisant ; il faut donner la priorité à l’éducation, la rénovation de l’habitat », sans doute pour atténuer ses propos qui traduisent tout de même un virage à 180 degrés ! Virage confirmé par la déclaration, le 15 janvier 2003 de l’ancienne Garde des Sceaux, Marylise Lebranchu : « nous n’avons aucune religion de la non-sanction. Je suis de ceux qui pensent que la sanction est la seule façon d’être reconnu digne d’une réinsertion »[65].

b) En contre-point, le ministre de la Justice déclare en novembre 2002, devant les élus locaux de l’Association des maires de France, qu’il veut relancer la politique des travaux d’intérêt général : « « je suis personnellement très convaincu de l’intérêt de la peine de travail d’intérêt général… C’est à travers les communes qu’on peut développer ce type de peine, qui est beaucoup plus pédagogique, qui a beaucoup plus de sens, au fond, que l’enfermement et qui peut être extrêmement positif »[66].
Il y a fort à parier que les opposants d’il y a vingt au projet de loi « sécurité et liberté », le trouveraient aujourd’hui anodin ! Le changement de philosophie pénale de certains est total. La caricature des deux grandes approches de la délinquance (sécuritaire et libertaire) appartient peut-être à un temps révolu, même si certains préfèrent encore utiliser les mots « réponse » ou « sanction » plutôt que ceux de « répression » ou de « condamnation ». C’est à peut près tout ce qu’il reste de la rupture idéologique d’il y a vingt ans. Peut-être est-il temps aussi de rappeler les principes directeurs de toute politique pénale et qu’énonçait ce grand juriste milanais que fut Beccaria : certitude et rapidité de la peine dans son prononcé et son exécution, mais respect des principes fondamentaux de la procédure, notamment des droits de la défense. Il ne faudrait pas que le rapprochement des deux philosophies pénales, plus exactement des deux types de réponses à la délinquance, prévention et répression, sous la pression des événements qui se déroulent essentiellement dans les banlieues des grandes agglomérations (mais aussi au niveau mondial par les actions terroristes), se fasse au détriment de la protection des libertés et droits fondamentaux, auxquels nous sommes, pour notre part, tant attaché. Nous aurons toujours besoin de sécurité et de liberté, mais la seconde citée doit préserver les droits de ceux qui ont transgressé les règles de vie en société.


V – QUEL JUGE DES LIBERTÉS ? ADMINISTRATIF OU JUDICIAIRE ?
L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle (article 66 de la Constitution)
 Sens de l'article 6. Dans toutes les démocraties il semble naturel que le juge soit un défenseur de la liberté[67]. Mais quel juge ?

a) L’article 66 de la Constitution de 1958 énonce que « nul ne peut être arbitrairement détenu (al. 1). L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi (al. 2) ». Historiquement, l’article 66 de la Constitution procède de la volonté de Marcel Waline d’introduire une procédure d’habeas corpus dans le Préambule de la Constitution pour protéger les personnes contre les détentions abusives ; finalement non retenue par le Comité consultatif de 1958, bien qu’il en adoptât le principe, l’idée fut reprise dans le titre VIII, mais pour affirmer l’indépendance de la magistrature judiciaire dans la protection des droits et libertés, sans procédure d’habeas corpus[68]. Des deux principes proclamés par l’article 66 (interdiction de toute détention arbitraire ; autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle), le second traduit bien, nous semble-t-il, l’esprit qui devrait inspirer le législateur en matière de procédure pénale, mais aussi ceux (les juges) qui sont chargés de la mettre en œuvre : la liberté doit être garantie même pour les pires délinquants, non pas qu’il s’agisse de les laisser en liberté, mais les conditions de leur arrestation et de leur détention doivent être respectueuses des droits et libertés fondamentaux.

b) La loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, crée un article préliminaire dans le Code de procédure pénale, dont deux paragraphes assurent la prééminence de l’autorité judiciaire :
– le premier (2) concerne les victimes : « L’autorité judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure » ;
 le second (3, al. 3) énonce que « les mesures de contrainte dont cette personne [celle qui est suspectée ou poursuivie] peut faire l’objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l’autorité judiciaire ». Malgré l’imprécision du texte, cette intervention ne peut être que celle d’un juge, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (déc. 16 juill. 1996, n° 96-377 DC, Perquisitions de nuit.

c) Le juge pénal est concerné au premier chef par la disposition de l’article 66, même s’il ne l’est pas exclusivement (on songe au juge civil des référés). Compétence renforcée par la disposition de l’article 136, al. 3, CPP : « Dans les cas visés aux deux alinéas précédents [inobservation des formalités prescrites pour les mandats de comparution, d’amener, de dépôt et d’arrêt ; toute violation des mesures protectrices de la liberté individuelle] et dans tous les cas d’atteinte à la liberté individuelle, le conflit ne peut jamais être élevé par l’autorité administrative et les tribunaux de l’ordre judiciaire sont toujours exclusivement compétents ». En clair, le juge judiciaire est toujours compétent que l’atteinte portée à la liberté individuelle soit le fait d’un particulier ou d’une autorité publique. On se souvient que le Conseil constitutionnel n’admet le pouvoir de répression d’autorités administratives qu’en dehors des peines privatives de liberté. S’il n’est pas question ici d’entreprendre l’étude complète de l’article 66 de la Constitution, il convient néanmoins d’en marquer la portée au regard de la procédure pénale et du pouvoir de répression du juge judiciaire pénal, ce dernier étant concerné au premier chef par cette disposition[69].

Portée de l’article 66. L’article 66 n’interdit pas toute privation de liberté et, à juste titre, le Conseil constitutionnel considère que « la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire »[70] ; a contrario, seul l’arbitraire est proscrit. Afin de garantir l’effectivité de cette disposition, la privation de liberté est donc encadrée par la reconnaissance d’une compétence de l’autorité judiciaire en la matière. Mais la rédaction en deux alinéas distincts de l’article 66 semble indiquer que c’est « en tant que » gardienne de la liberté individuelle que l’autorité judiciaire reçoit, en 1958, une compétence supplémentaire en matière de détention arbitraire, sans que cette compétence soit générale et exclusive, sans qu’un autre juge (le juge administratif) soit exclu[71] ; en d’autres termes, il n’y a pas deux principes autonomes dans l’article 66, celui de la prohibition de toute arrestation arbitraire et celui d’une autorité judiciaire gardienne exclusive de la liberté individuelle au-delà des cas d’arrestation arbitraire ; cette compétence exclusive ne vaut que pour les arrestations arbitraires. Cette place pour un autre juge constitue la pierre angulaire du débat aujourd’hui, suite à la jurisprudence du Conseil constitutionnel[72]. Un bref rappel historique de la jurisprudence du Conseil constitutionnel est ici nécessaire, construit à partir de quatre applications de l’article 66 où l’autorité judiciaire a tantôt été confortée dans son exclusivité, tantôt été écartée au profit de la compétence du juge administratif. Par ailleurs, la jurisprudence du Tribunal des conflits quant au contrôle par le juge judiciaire de la légalité d’un acte administratif susceptible de porter atteinte à la liberté individuelle au sens de l’article 66 conduit à procéder à une distinction selon qu’il s’agit du juge civil ou du juge pénal : si la plénitude de juridiction du second est assurée, ce n’est pas le cas pour le premier ; cet aspect dépassant le cadre de la procédure pénale, nous ne le traiterons pas ici (V. toutefois les deux premières éditions de ce précis, ce numéro 16). 

1) À propos de la distinction entre la police administrative et la police judiciaire, le Conseil constitutionnel a d’abord entendu dans un sens très extensif la notion de liberté individuelle, à tel point qu’elle a largement dépassé le cadre de la seule protection contre les détentions arbitraires (la sûreté) et même de la procédure pénale, pour l’étendre aux fouilles des véhicules. Dès le 12 janvier 1977 en effet, le Conseil constitutionnel érigeait la protection de la liberté individuelle en « principe fondamental reconnu par les lois de la République » et affirmait que, « porte atteinte à cette liberté, la loi conférant aux OPJ et APJ (sur ordre des premiers) le pouvoir de procéder à la fouille de tout véhicule, dès lors qu’il suffisait que ce véhicule se trouve sur une voie ouverte à la circulation publique, que la fouille ait lieu en présence du propriétaire ou du conducteur, sans qu’il soit nécessaire qu’une infraction ait été commise et qu’il y ait une menace d’atteinte à l’ordre public »[73]. La sûreté, au sens d’absence de détention arbitraire, n’est pas ici en cause puisque l’automobiliste qui aurait subi la fouille de son véhicule dans les conditions de la loi censurée par le Conseil ne risquait pas un internement arbitraire ; pour autant, il y a atteinte à sa liberté individuelle. Cette nécessaire protection de la liberté individuelle par l’autorité judiciaire dans le cadre des fouilles de véhicules sera confirmée vingt-deux ans plus tard dans la décision du 18 janvier 1995[74] : « s’agissant d’opérations qui mettent en cause la liberté individuelle [les opérations de fouille de véhicules afin d’y découvrir et de saisir des armes prohibées] l’autorisation d’y procéder doit être donnée par l’autorisation judiciaire, gardienne de cette liberté en vertu de l’article 66 de la Constitution ».
Mais, depuis sa décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999 (loi sur la sécurité routière), le Conseil constitutionnel ne fait plus entrer toutes les dimensions de la liberté personnelle dans celle de « liberté individuelle » au sens de l’article 66 et a progressivement détaché de la notion de liberté individuelle, des pans entiers des libertés personnelles : ainsi, dans sa décision n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006, il distingue entre la liberté individuelle « au sens de l’article 66 de la Constitution » et les autres libertés protégées par d’autres normes constitutionnelles (DDHC, art. 2 et 4) : seule la première relève de la compétence exclusive du juge judiciaire, alors que le respect des autres libertés (liberté d’aller et venir, respect de la vie privée) peut être contrôlé tant par le juge administratif que par le juge judiciaire. Avec cette conception étroite de la liberté individuelle, seules les opérations de police judiciaire relèvent du champ d’application de l’article 66, puisqu’elles seules sont exercées dans un but répressif, pouvant conduire à la détention ou à la rétention d’un individu. En revanche, les opérations de police administrative qui se rattachent à la protection de l’ordre public pour faire cesser un trouble déjà né (fût-il constitutif d’infraction) et à la prévention des infractions et non pas à leur répression, mais qui n’impliquent ni rétention, ni détention (mais elles peuvent affecter la liberté d’aller et venir, la vie privée) n’entrent pas dans la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution. Il en est de même de la procédure de réquisition d’office des données techniques de connexion et du dispositif de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules, qui ne sauraient porter atteinte « par leur nature même à la liberté individuelle au sens de l’article 66 »[75]. Même interprétation pour les mesures pouvant faire l’objet d’une transaction[76]. L’inviolabilité du domicile est désormais rattachée au respect de la vie privée[77]. Il s’agit d’éviter que le juge judiciaire ne soit en permanence requis dans la conduite d’opérations administratives.
Cette « reconstruction » de l’article 66 par le Conseil constitutionnel a été confirmée dans le contexte douloureux et exceptionnel de l’application de l’état d’urgence que connaît la France depuis les attentats du 13 novembre 2015. La loi n° 2015-1501 du 20 novembre a en effet modifié la loi de 1955 relative à l’état d’urgence pour conférer aux autorités administratives de nouveaux pouvoirs qui, en germe, portent atteinte aux libertés, dont seul le juge administratif devient alors le gardien. Le Conseil constitutionnel n’a pas censuré ce régime d’exception, rappelant sa jurisprudence inaugurée le 16 juin 1999 que les pouvoirs confiés à l’administration par la loi de 1955 ne relevaient pas d’une privation de liberté susceptible de conduire à l’application de l’article 66 de la Constitution. L’assignation à résidence notamment, qui peut être prononcée à l’encontre de toute personne pour laquelle « il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics » constitue une mesure qui relève de la seule police administrative ; ainsi, dans la limite des douze heures d’astreinte par jour à domicile, l’assignation à résidence n’est pas une mesure privative de liberté et échappe, en ce sens, aux exigences de l’article 66 de la Constitution[78].
 Disons-le tout net : sous la pression des attentats qui ont frappé la France en janvier, puis en novembre 2015, l’opinion publique, en tout cas l’idée que s’en fait la représentation nationale, a poussé le gouvernement à proposer un autre projet, cette fois de réforme de la procédure pénale qui confirme la tendance à effriter la compétence du juge judiciaire au bénéfice du juge administratif, au-delà même de l’état d’urgence décrété, y compris pour les perquisitions ou assignations à résidence.

2) Application au prononcé d’une peine privative de liberté. C’est la même idée que seul le juge judiciaire protège la liberté individuelle qui est à l’origine de la décision du 22 novembre 1978, qui réserve (implicitement, mais d’une façon certaine) le prononcé d’une peine privative de liberté aux juridictions judiciaires ; après avoir opéré une distinction « par nature » entre « les décisions relatives aux modalités d’exécution des peines » et les décisions « par lesquelles celles-ci sont prononcées » (consid. 5), le Conseil affirme « qu’aucun principe… n’exclut que les modalités d’exécution des peines privatives de liberté soient décidées par des autorités autres que les juridictions », ce qui, a contrario, assoit la compétence exclusive du juge judiciaire pour prononcer la peine privative de liberté (consid. 6). La décision apporte une autre contribution à la procédure pénale : en reconnaissant que la chambre d’accusation, organe d’instruction du procès pénal, peut valablement intervenir dans l’exécution des peines, elle laisse entendre qu’il ne peut y avoir de confusion, en revanche, entre la fonction d’instruction et celle de jugement (consid. 8)[79].

3) Application à la garde à vue (D. 19 et 20 janv. 1981), seule l’intervention d’un magistrat du siège peut autoriser sa prolongation, « conformément aux dispositions de l’article 66 », mais « aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n’exige que ce magistrat ait la qualité de juge d’instruction ». On pourrait même ajouter, sans perfidie, que le juge d’instruction n’est pas le mieux placé, au regard de la liberté individuelle, pour accorder cette prorogation, dans la mesure où, sa fonction le conduisant à réunir des charges contre le gardé à vue, il n’est pas très disposé à regarder la non-prolongation comme une mesure satisfaisante[80] !

4) Application aux visites, perquisitions et saisies de nuit dans le cas où un crime ou un délit est susceptible d’être qualifié d’acte de terrorisme Se rattache également à l’article 66 de la Constitution, la décision précitée du 16 juillet 1996[81] par laquelle le Conseil considère « qu’eu égard aux exigences de l’ordre public, le législateur peut prévoir la possibilité d’opérer des visites, perquisitions et saisies de nuit dans le cas où un crime ou un délit susceptible d’être qualifié d’acte de terrorisme est en train de se commettre ou vient de se commettre, à condition que l’autorisation de procéder auxdites opérations émane de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle et que le déroulement des mesures autorisées soit assorti de garanties procédurales appropriées » (consid. 17) ; le Conseil opère ensuite une distinction entre les autorités judiciaires : le président du TGI ou son délégué, magistrats du siège, constitue cette autorité compétente en offrant les garanties de protection de la liberté individuelle, d’autant plus que la décision d’autorisation de ces visites, perquisitions et saisies doit être écrite, motivée, et que le contrôle de ces mesures est confié à la même autorité qui les a autorisées, etc. (consid. 17). En revanche, le procureur de la République pour l’enquête préliminaire, pas plus que le juge d’instruction pour la phase de l’instruction préparatoire, ne trouvent grâce aux yeux du Conseil pour autoriser de telles mesures : pour le premier, parce que le déroulement et les modalités de l’enquête préliminaire sont laissés à sa discrétion, sans que le législateur ait prévu de limitation dans le temps et de lieu ; pour le second, et la motivation a une portée qui dépasse le cadre de la perquisition parce que « dans l’instruction préparatoire, l’autorité déjà investie de la charge de celle-ci se voit en outre attribuer les pouvoirs d’autoriser, de diriger et de contrôler les opérations en cause ». Dans les deux cas, ces considérations sont « de nature à entraîner des atteintes excessives à la liberté individuelle » (consid. 18). On ne saurait mieux que le Conseil dire combien l’institution du juge d’instruction pose problème dans le principe même de son existence, question que nous retrouverons avec l’étude de son rôle et que la loi du 15 juin 2000 a contribué à clarifier en lui retirant le droit de placer une personne en détention provisoire (sauf à la maintenir en pareille détention lorsqu’il rend son ordonnance de règlement du dossier).

5) Enfin, le Conseil constitutionnel confère un rôle important à l’autorité judiciaire dans le cadre de l’application de la législation relative à la rétention de sûreté[82].

VI – LE CONTENTIEUX ROUTIER, EXEMPLE D’UNE DIFFICILE CONCILIATION ENTRE RÉPRESSION ET GESTION DES FLUX

L’impossible réforme du contentieux routier ?
velleités de déjudiciarisation
et enjeux d’une politique publique de sécurité routière
Publié aux mélanges en l'honneur de christine lazerges, 2014
 
La commission de réflexion et de propositions sur la réorganisation des contentieux et d’éventuelles déjudiciarisations, installée le 18 janvier 2008 par la Ministre de la Justice et qui a rendu son rapport le 30 juin de la même année[83], n’avait pas comme souci principal de réformer le contentieux routier, encore que l’objectif figurât expressément dans la lettre de mission de la Ministre, assez attentive aux questions pénales, dans un souci de plus grande célérité et d’évitement du juge. La question de l’autorité habilitée à prononcer (plus exactement à constater) un divorce par consentement mutuel que certains avaient proposé de transférer aux notaires, celle de l’existence même des juridictions de proximité dont certains membres de la Commission voulaient la disparition pure et simple et immédiate, accompagnée de celle des juges du même nom, celle enfin – pour ne prendre que des exemples peu consensuels – de l’autorité habilitée à traiter des demandes d’injonctions de payer, étaient autrement plus importantes que celle de la réforme du contentieux routier ! Mais comme il nous a été demandé par les responsables scientifiques des Mélanges[84] offerts à notre camarade de concours, collègue de terre africaine (respectivement Abidjan et Dakar) puis parisienne (Paris 1 et Paris 2 et le Conseil national des universités), engagée comme nous en politique, notamment sur les questions de sécurité et de prévention de la délinquance (1983-1989[85]) et néanmoins, malgré tout cela ou à cause de cela, amie de près de quarante ans, de traiter d’une question pouvant donner lieu à une réforme, il nous a semblé intéressant de reprendre ici les travaux de la Commission qui porte désormais notre nom (alors que son travail et le rapport qui en est résulté sont collectifs) pour éclairer les difficultés à réformer la France, notamment dans le domaine de la Justice et de la procédure pénale.
La sécurité routière constitue un enjeu majeur de politique publique. L’enseignant en droit des assurances que nous avons été dès 1973, sur l’assurance automobile précisément, a très tôt dans sa carrière été sensibilisé aux drames humains et au coût financier de ces accidents qui sont parfois provoqués par des comportements à la limite de l’homicide volontaire, même si, juridiquement parlant, ils relèvent de la qualification d’homicide involontaire. Heureusement, depuis 2002, date à laquelle la sécurité routière a été décrétée grande cause nationale par le Président jacques Chirac, le nombre de personnes tuées a considérablement chuté, passant de 8000 à 3970 en 2011 et, sans doute entre 3600 et 3700 pour l’année 2012, à la date d’écriture de cette contribution. Cette baisse, d’autant plus considérable si on la rapporte à l’évolution, à la hausse, du nombre de kilomètres parcourus par l’ensemble des automobilistes sur les routes de France, a son pendant dans l’augmentation exponentielle de ce contentieux qui constitue aujourd’hui le premier contentieux pénal en terme quantitatif, bien qu’en pourcentage du total des délits et infractions de 5ème classe, sa part diminue depuis cinq ans, parce que la progression des autres délits est plus forte : 43% en 2006, 41% en 2010 (255 448 sur 626 241)[86] et 39,6% en 2011 (266 397 sur 672 085)[87] ; en 2010, derniers chiffres connus en détail, les 255 448 condamnations pour des infractions routières (hors infractions en matière de transport) se répartissaient en 240 454 pour des délits et 14 994 pour des contraventions de cinquième classe. C’est dire combien la tentation de déjudiciariser ce contentieux est forte, dans l’espoir, sans doute illusoire, que la répression serait plus sévère et que les juges pourraient s’occuper (si j’ose écrire) à d’autres tâches, entendez réprimer les infractions commises par les « vrais » délinquants…
Sans attendre une éventuelle déjudiciarisation, cette prégnance des infractions routières a profondément contribué à la mise en place de procédures pénales simplifiées adaptées à ce contentieux, pour répondre à l’objectif de célérité. Mécanismes validés par la Cour européenne des droits de l’homme sous l’angle du droit à un juge dans la procédure de consignation obligatoire de l’article 529-10 du code de procédure pénale : cette exigence de « payer pour voir le juge » n’emporte pas, selon cette juridiction, violation du droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 de la Convention européenne[88] ; il est indéniable que la Cour a été sensible au caractère massif de ce contentieux qui peut justifier certaines limitations au droit à un juge. Pour autant, faut-il aller plus loin et le déjudiciariser ? La question se pose particulièrement en ce domaine, car, comme le relève le rapport Guinchard, les infractions routières sont pour la plupart simples juridiquement et peu susceptibles de contestation. Mais la Commission a rejeté cette solution de la déjudiciarisation en écartant trois idées qui lui avaient été suggérées (I). Un autre problème a alors été envisagé, mais qui recoupe la question de la déjudiciarisation, celui né de la superposition des décisions administratives et judiciaires pour les suspensions de permis de conduire, puisque le retrait de points et la suspension provisoire peuvent être prononcés par l’autorité administrative ; comment mettre fin à cette situation ? Là encore, la Commission a refusé toute déjudiciarisation (II).
Pour être honnête, si la Commission a suggéré des pistes, son président a le sentiment de l’inachevé sur ce point, comme il l’a spontanément déclaré dès la remise du rapport[89], la Commission n’ayant pas pu dégager des propositions spécifiques en matière routière conciliant les impératifs de sécurité routière et de gestion d’un contentieux de masse avec la protection des droits des justiciables par le respect des droits de la défense et le droit à un juge. C’est pourquoi, nous avons choisi ce thème pour cette contribution, afin de répondre à la sympathique commande « d’une idée de politique criminelle, d’une réforme de la législation pénale. » à envisager[90].

I – l’impossible déjudiciarisation du contentieux routier

Compte tenu de ce contexte et de ce qui précède en termes de sécurité routière, des enjeux d’une politique publique cohérente et pérenne en ce domaine, il est très vite apparu aux membres de la Commission que la question d’une déjudiciarisation de ce contentieux devait prendre en compte ces enjeux et que les mesures proposées d’une éventuelle déjudiciarisation ne devaient en aucun cas pouvoir être interprétées comme un signal négatif de relâchement de la lutte contre l’insécurité routière. Toutes les personnes interrogées ont insisté sur la nécessité absolue de ne pas laisser penser un seul instant aux automobilistes qu’ils allaient retrouver une liberté perdue de conduire sans limites et sans respect de la vie d’autrui.
Dans ce cadre unanimement accepté, la Commission a rejeté trois solutions qui lui avaient été suggérées : la création d’une autorité administrative indépendante (A), l’institution d’un Procureur national à la sécurité routière (B), la forfaitisation de certains délits routiers (C). Le droit à un juge et les droits de la défense l’ont ici emporté, au sein de la Commission, sous la double impulsion de son Président et des avocats, sur les considérations d’une pure logique de gestion des flux qui inspirait davantage les acteurs de la Direction des affaires criminelles et des grâces.
Ce triple rejet ne constitue pas en lui-même un échec, à la fois parce qu’il privilégie la protection des droits fondamentaux des automobilistes devenus justiciables et parce qu’il doit se lire dans l’ensemble des mesures proposées par ailleurs par la Commission dans lesquelles il s’insère. En effet, il convient d’observer que d’autres recommandations de déjudiciarisation avancées par la Commission ont un fort impact sur le contentieux routier. L’ordonnance pénale délictuelle constitue déjà un mode de poursuite privilégié pour le contentieux routier. En 2006, 38,7 % des condamnations prononcées dans ce domaine l’ont été par ordonnance pénale. L’élargissement des peines pouvant être prononcées par cette voie, proposé par la Commission, permet d’augmenter cette proportion. De la même manière la proposition de dépénaliser même partiellement les contraventions de stationnement payant et d’étendre la forfaitisation aux contraventions de cinquième classe prévues par le code de la route permet une déjudiciarisation de ce contentieux.

A)    Refus de la création d’une autorité administrative indépendante en charge du contentieux routier

Le transfert du contentieux routier à une autorité administrative indépendante, proposé par certaines des personnes auditionnées, constitue la barre la plus haute de la déjudiciarisation que la Ministre de la Justice appelait de ses vœux dans sa lettre de mission. Ses partisans mettaient en avant l’avantage (supposé) de pouvoir plus aisément harmoniser la poursuite et la sanction des infractions au code de la route et d’apporter ainsi une grande lisibilité à la politique répressive en cette matière.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que, même dans une compétence limitée aux seules infractions sans victime, les membres de la commission n’ont pas été séduits par cette solution et que tous ont considéré qu’une telle solution n’était pas opportune, leur président en tête, sans doute sensibles au droit à un juge :
- D’abord, par nature, cette autorité ne pourrait pas prononcer de peines privatives de liberté, ce qui limiterait fortement sa capacité de sanction.
- Ensuite, le contentieux routier, contrairement à une opinion faussement répandue, ne présente pas un caractère strictement technique, critère qui justifie généralement la création d’une autorité administrative indépendante composée en partie d’experts, de personnes qualifiées par leur formation, leur exercice professionnel à juger des comportements que le législateur entend soumettre à leur sagacité (par exemple dans le domaine de la concurrence) ; il ne s’agit pas d’apprécier les aptitudes techniques des voitures, mais de juger ceux qui les conduisent !
- Enfin et surtout, une telle création ne pouvant se faire, conformément à la jurisprudence européenne et constitutionnelle en matière d’autorités administratives indépendantes sans recours devant un juge pour faire appel de la décision prise par l’autorité, un tel transfert aurait été réalisé à gain nul en termes de déjuridictionnalisation, le juge administratif prenant ce que le juge judiciaire aurait abandonné, sans aucun gain pour l’intérêt général.

B)    Refus de l’institution d’un procureur national à la sécurité routière

Un peu à l’instar de la proposition avancée par Jean-François Burgelin (qui termina sa carrière comme procureur général de la Cour de cassation) d’un procureur général de la Nation et dans le prolongement de sa réflexion sur une uniformisation des modes de poursuite et des sanctions prononcées en la matière, la Commission a également réfléchi à la proposition d’un procureur national pour la sécurité routière. Elle y était encouragée par le fait que l’organisation judiciaire espagnole connaît cette institution : ce procureur est chargé de coordonner l’action des parquets en matière de sécurité routière. Il doit unifier les pratiques et assurer une application homogène de la répression judiciaire de la délinquance routière. Pourtant, l’idée de confier à ce procureur un véritable pouvoir de poursuite a été jugée source de difficultés et inutile pour le prononcé des sanctions.
Quant à la poursuite tout d’abord, en France, cette fonction est traditionnellement assurée par le Garde des sceaux et de nombreuses circulaires relatives au contentieux routier ont été rédigées par la Chancellerie ces dernières années. Instituer un procureur national romprait avec la logique institutionnelle actuelle sans que cela signifie un meilleur traitement de cette problématique.
Par ailleurs, il paraît difficilement concevable d’attribuer à un parquet unique, même très nombreux, l’examen de l’ensemble des procédures ayant trait à la circulation routière, a fortiori dans le cadre d’une permanence téléphonique. Le retour à un traitement des procédures « par courrier » ne saurait s’analyser comme un progrès. Un parquet à compétence nationale ne pourrait assurer le suivi des affaires les plus complexes (homicides et blessures involontaires) qui font l’objet d’une ouverture d’information.
            Enfin – et cette fois du côté du prononcé des sanctions - l’unification de l’autorité de poursuite n’aurait qu’un impact limité sur le quantum ou la nature des peines prononcées, le juge restant libre dans son appréciation de la sanction. 

C)    Refus de la forfaitisation de certains délits routiers

Dernière idée rejetée, celle suggérée par certaines des personnes auditionnées, de mettre en place une procédure calquée sur celle de l’amende forfaitaire pour certains délits routiers tels que la conduite en état alcoolique ou la conduite sans assurance. Dans ce système, la loi instituerait un barème pour un certains délits routiers avec une peine forfaitaire. Pour les conduites en état alcoolique, le barème aurait pu être, ainsi que cela se pratique dans la plupart des juridictions, proportionné au taux d’alcoolémie. Au-delà d’un certain taux, le double du seuil prévu par la loi par exemple, la procédure forfaitaire n’aurait pas été applicable et la peine forfaitaire aurait été composée d’une amende et d’une suspension du permis de conduire. En cas de commission d’un de ces délits, les services de police ou de gendarmerie auraient contacté le procureur qui aurait décidé ou non de recourir à cette procédure forfaitisée. Dans l’affirmative, il aurait notifié à l’auteur du délit la sanction prévue par la loi et celui-ci aurait bénéficié d’un certain délai pour exercer un recours en cas de désaccord. Dans cette hypothèse le ministère public aurait pu soit renoncer à l’exercice des poursuites, soit exercer celles-ci en utilisant le procédé de l’ordonnance pénale, soit saisir le tribunal correctionnel.
Outre que l’instauration des barèmes était vivement rejetée par certains des magistrats membres de la Commission (dans d’autres secteurs de ses travaux, par exemple en matière de pensions alimentaires), cette proposition soulève nombre de difficultés :
- Sur un plan constitutionnel d’abord, une procédure permettant le prononcé d’une peine de suspension de permis de conduire sans intervention d’un magistrat du siège, est apparue comme incertaine. En effet, le Conseil constitutionnel a tracé une limite aux possibilités de déjudiciarisation et d’extension du pouvoir de transaction du Ministère public, dans sa décision n° 95-360 DC du 2 février 1995 par laquelle il a déclaré contraire à la Constitution la procédure d’ « injonction pénale ». Cette procédure avait pour objet de permettre au Ministère public d’éteindre l’action publique après avoir adressé aux auteurs de certains délits une injonction pénale pouvant consister en un versement d’une certaine somme au Trésor public, en un travail non rémunéré au profit d’une personne morale, en une mesure de réparation ou en la remise de la chose ayant servi à commettre l’infraction. Le Conseil a censuré ces dispositions en considérant qu’en l’absence d’intervention d’un magistrat du siège, cette procédure violait le principe de séparation des autorités en charge de l’action publique et des autorités de jugement. Relevant que certaines des mesures pouvant faire l’objet d’une injonction pénale étaient de nature à porter atteinte à la liberté individuelle et qu’elles constituaient des sanctions pénales lorsqu’elles étaient prononcées par un tribunal, le Conseil en a conclu que leur prononcé, s’agissant de délits de droit commun, requérait la décision d’une autorité de jugement. Un commentateur de cette décision avait à l’époque estimé que parmi les mesures susceptibles d’être adressées dans le cadre d’une injonction pénale, seul le versement au Trésor d’une somme d’argent semblait de nature à échapper à la censure du Conseil[91].
- Par ailleurs cette forfaitisation signifiait également l’abandon des alternatives mises en place par les parquets (stage, éthylotest anti-démarrage) louées par plusieurs intervenants tels que la prévention routière.

II - la difficile institution d’une autorité unique en matière de suspension du permis de conduire

Aujourd’hui, tant l’autorité administrative que l’autorité judiciaire peuvent décider de suspendre le permis de conduire d’un automobiliste. Cette compétence concurrente constitue pour les justiciables (et pour les hommes politiques auditionnés, notamment les présidents des deux Commissions des lois), une source d’incompréhension et peut aboutir à des superpositions de suspension incohérentes. La Commission a donc réfléchi à une éventuelle déjudiciarisation en ce domaine, comme réponse à la question « comment éviter cette superposition ».

A)    Le droit positif : dualité de compétence en matière de suspension de permis de conduire

Lorsque la décision de suspension du permis de conduire est décidée par le juge, elle présente le double caractère d’une mesure de sûreté et d’une peine.
En revanche, lorsqu’elle est prise par le préfet, c’est une mesure de sûreté destinée à éviter que l’intéressé ne commette une nouvelle infraction sur la route pendant le temps fixé par le préfet.
D’une manière générale, lorsqu’il est saisi d’un procès-verbal constatant une infraction punie par le Code de la route de la peine complémentaire de suspension de permis de conduire, le préfet du département où l’infraction a été commise peut prononcer à titre provisoire soit un avertissement, soit la suspension du permis de conduire ou l’interdiction de sa délivrance lorsque le conducteur n’en est pas titulaire (L. 224-7 du Code de la route). La suspension ne peut excéder six mois ou un an en cas d’atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité de la personne, de conduite sous l’empire d’un état alcoolique ou de délit de fuite.
Lorsqu’une mesure de rétention du permis de conduire est prise, soit en cas de conduite sous l’empire d’un état alcoolique, soit sous influence de stupéfiants, soit en cas d’excès de vitesse égal ou supérieur à 40km/h, le préfet peut dans les 72 heures de la rétention prononcer une suspension du permis pour une durée maximum de six mois (L. 224-2 du Code de la route). Depuis les propositions de la Commission, la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 a étendu ces mesures : elles sont également applicables lorsque le permis a été retenu à la suite d'un accident de la circulation ayant entraîné la mort d'une personne, en application du dernier alinéa de l'article L. 224-1, en cas de procès-verbal constatant que le conducteur a commis une infraction en matière de respect des vitesses maximales autorisées ou des règles de croisement, de dépassement, d'intersection et de priorités de passage. En outre, en cas d'accident de la circulation ayant entraîné la mort d'une personne, la durée de la suspension du permis de conduire peut-être portée à un an. En 2006, plus de 98 % des décisions de suspension provisoires ont été prises à la suite d’une mesure de rétention.
L’arrêté de suspension doit être motivé. Comme toute décision administrative faisant grief, cet arrêté peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif. Celui-ci doit être saisi dans les deux mois de la notification de la décision. Un référé administratif peut également être intenté, mais le juge des référés ne peut suspendre l’exécution de l’arrêté de suspension qu’en cas d’urgence, lorsque l’exécution porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre.
Quelle que soit sa durée, la suspension du permis de conduire (ou l’interdiction de sa délivrance) cesse de recevoir effet lorsqu’est exécutoire une décision judiciaire prononçant une mesure restrictive du droit de conduire. La mesure administrative est considérée comme non-avenue en cas de non-lieu, de relaxe ou de décision ne prononçant pas de mesure restrictive du droit de conduire. Sa durée s’impute, le cas échéant, sur celle des mesures du même ordre, prononcées par le tribunal. 

B)    Les difficultés liées à un éventuel transfert de compétence d’une autorité à une autre

Deux autorités étant en concurrence, naturellement l’unification peut être réalisée de deux façons, au profit de l’une ou de l’autre. Les deux solutions ont été envisagées par la Commission, qui n’a été satisfaite par aucune.

a) Dans le cadre de sa réflexion plus large sur la déjudiciarisation, la Commission a d’abord envisagé de transférer à l’autorité administrative l’ensemble des pouvoirs de suspension du permis de conduire, y compris ceux aujourd’hui dévolus au juge judiciaire.
Mais un tel transfert suppose que la suspension prononcée par l’autorité administrative n’a plus uniquement le caractère d’une mesure de sûreté, qu’elle a aussi celui d’une sanction administrative. Sur ce point précisément, la Commission a estimé impossible de priver le juge du pouvoir de prononcer une peine complémentaire prévue pour un nombre extrêmement important de contraventions et de délits, y compris hors du contentieux routier. La suspension du permis de conduire constitue de plus une peine particulièrement adaptée pour les infractions routières.

b) Devant cette impossibilité, il a été envisagé, à l’inverse, un transfert à l’autorité judiciaire du pouvoir de suspension à titre provisoire du permis de conduire.
Le procureur, magistrat garant des libertés, aurait ainsi été récipiendaire des pouvoirs actuellement détenus par le préfet. Dans les cas de figure où la rétention du permis de conduire est possible, les services de police ou de gendarmerie auraient contacté dans les 72 heures le procureur afin d’obtenir une mesure de suspension judiciaire provisoire. Celui-ci aurait pu prononcer une suspension du permis dans les mêmes cas de figure et pour les mêmes durées que ceux prévus actuellement pour le préfet.
Cependant, une telle solution a elle aussi été rejetée, car elle est apparue comme difficile à mettre en œuvre et entraînant, contrairement à la mission de la Commission, une forte judiciarisation, ce qui aurait été un comble, vus les objectifs fixés dans la lettre de mission ! En effet, dans une telle hypothèse, un recours judicaire devrait nécessairement être instauré contre ces décisions de suspension provisoire, pour respecter le droit à un juge. Un nouveau contentieux d’importance serait ainsi imposé à la justice puisque 169 510 suspensions administratives ont été prononcées en 2006 et que le contentieux relatif aux permis de conduire est en constante expansion, conduisant certains avocats à se spécialiser en la matière. Le rapport d’activité du Conseil d’Etat pour l’année 2007 souligne en effet à ce propos que « Les tribunaux administratifs connaissent à nouveau en 2006 un accroissement des recours de 6,2 % en données nettes, contre 5,1 % en 2005, 14 et 16 % respectivement en 2003 et 2004. Cette croissance s’explique notamment par une explosion du contentieux des permis de conduire (+ 37,4 %) ». De plus, on peut penser que le taux de recours serait plus important devant le juge judiciaire que devant le juge administratif.
Par ailleurs, le prononcé d’une suspension judiciaire provisoire du permis de conduire impliquerait une charge supplémentaire pour les greffes avec la conservation des permis de conduire et l’éventuelle inscription de ces décisions dans le fichier des permis de conduire. Il a été envisagé que, dans un tel cas de figure, l’ensemble de la gestion du permis de conduire soit conservé par l’autorité administrative compte tenu de la nature administrative de ce titre.
Pour ces raisons, la Commission a considéré qu’un tel transfert vers le judiciaire n’était pas envisageable, car il était susceptible, notamment, d’entraîner un accroissement de charges trop important pour la justice judiciaire, ce qui n’était pas l’objectif recherché.

C)    La solution retenue
Il convient d’abord de rappeler que l’existence d’une dualité d’intervention n’est pas dépourvue d’une certaine logique en matière de contentieux routier dans la mesure où l’une des deux autorités (l’autorité administrative) intervient à titre préventif et l’autre (l’autorité judiciaire) à titre répressif.
La véritable difficulté pour le justiciable n’est pas, sur le plan des principes, l’existence d’un cumul, mais l’apparente incohérence pouvant résulter des deux décisions : une personne interpellée pour conduite en état alcoolique voit son permis suspendu immédiatement par l’autorité préfectorale pour une durée de quatre mois ; elle comparait devant le tribunal correctionnel cinq mois plus tard et se voit contrainte de restituer à nouveau son permis car le juge prononce une suspension du permis de six mois à titre de peine.
Pour autant, la Commission a considéré que, si la dualité d’autorité ne pouvait être écartée, il était néanmoins possible d’empêcher des contradictions de décision, en prenant deux mesures :
a) Elle a d’abord recommandé, sans trop d’illusions sur l’efficacité de la mesure, de mieux coordonner, à l’échelle nationale, l’action des procureurs et celle les préfets afin d’harmoniser les décisions de suspensions administratives et les décisions judiciaires.
b) Elle a ensuite proposé une solution spécifique pour les délits de conduite en état alcoolique qui représentent 81 % des cas de suspension administrative du permis de conduire :
- Elle a donc d’abord recommandé d’instituer un barème légal pour les suspensions administratives en cas d’alcoolémie : l’autorité préfectorale aurait ainsi été tenue, sauf circonstances exceptionnelles, de prononcer une suspension administrative pour ces faits et la durée de cette suspension aurait été prévue par la loi en fonction du taux d’alcoolémie. Ce barême n’a pas été donné dans le rapport final, mais il avait été envisagé selon les chiffres suivants, par tranches :
entre 0,4 mg/l et 0,5 mg/l : 4 mois de suspension du PC ;
entre 0,5 mg/l et 0,6 mg/l : 5 mois de suspension du PC ;
entre 0,6 mg/l et 0,7 mg/l : 6 mois de suspension du PC ;
entre 0,7 mg/l et 0,8 mg/l : 7 mois de suspension du PC ;
au-dessus de 0,8 mg/l : 8 mois de suspension du PC.
Les juridictions administratives auraient été compétentes pour les recours contre ces décisions.
- La Commission a ensuite recommandé qu’une décision judiciaire intervienne nécessairement dans le délai de la suspension provisoire. A défaut, il ne pourrait être prononcé lors du jugement une peine de suspension de permis de conduire excédant la durée de la suspension administrative. Cette mesure n’aurait été applicable qu’en cas d’infraction unique de conduite en état alcoolique.

En guise de conclusion
                    Si le contentieux routier a fait l’objet d’une attention particulière, c’est que la commission a clairement affiché son souci de ne pas revenir, directement ou indirectement, sur la politique d’amélioration de la sécurité routière. Ceci étant, il faut être honnête, elle a buté sur un obstacle : comment concilier le respect de cette politique et son souci de défendre les droits de la défense ? On ne peut isoler le contentieux routier au sein de notre système répressif et dans le sens de la régression des droits de la défense, au motif qu’il concerne une grande cause nationale ! D’où les recommandations que nous venons de présenter et qui s’inscrivent dans le long chemin des réflexions des juristes (mais pas seulement) pour répondre aux évolutions de notre temps, avec prudence. Il n’est pas douteux que d’autres reprendront un jour cette réflexion et – c’est notre souhait – trouverons peut-être les solutions, LA solution que nous n’avons pas pu dégager de manière totalement satisfaisante.


[1]D. Allix, Du droit d’être jugé ou de quelques remarques sur la procédure d’amende forfaitaire, in Mél. A. Decocq, Litec, 2004.
[2]Sur la comparaison sur ce point entre le système américain du play bargaining et le système (rejeté) de la transaction pénale, V. A. Guinchard : Rev. sc. crim. 1997, p. 611. Sur les modes alternatifs de règlement des conflits en matière pénale, M.- E. Cartier : RGDP 1998, 1.
[3]S. Guinchard, Le procès équitable, garantie formelle ou enjeu substantiel ?, in Mél. Farjat, éd. Frison-Roche, 1999, p. 139 ; Le procès équitable, droit fondamental ? : AJDA juill.-août 1998, n° spécial, p. 191.
[4]Cass. crim., 16 déc. 1997 : Dr. pén. 1998, chron. (crit.) Angevin et 1998, chron. (approb.) Nivôse ; JCP 1998, 10074, note (mitigée) D. Mayer ; D. 1998, note (crit.) Y. Mayaud. Contra, Cass. crim., 21 oct. 1998 : D. 1999, 75, note Y. Mayaud ; JCP 1998, II, 10215, note D. Mayer ; Dr. pén. 1999, n° 5, obs. Véron.
[5]A. Vitu, Les rapports de la procédure pénale et de la procédure civile, in Mél. A. Voirin, 1967, 812. – B. Bouloc, Procédure civile et procédure pénale, rapport au colloque sur le XXXe anniversaire du NCPC, Ch. nationale des avoués/IEJ de Paris XIII, Economica, 2006, p. 369 (ss dir. J. Foyer et C. Puigelier). – Fl. Bussy, L’attraction exercée par les principes directeurs du procès civil sur la matière pénale : Rev. sc. crim. 2007, p. 39. – E. Vergès, Procès civil, procès pénal : différents et pourtant si semblables : D. 2007, 1441. – S. Amrani-Mekki [dir.], Procédure civile, procédure pénale, unité ou diversité ? colloque de Nanterre, oct. 2013, Bruylant, 2014, propos introductifs par S. Guinchard, p. 27.
[6]D. Salas, Le tiers-pouvoir, Vers une autre justice, Hachette, 2e éd., 2000, p. 137.
[7]Pour la non-application de l’article 32-1, CPC : Cass. crim., 24 août 1981 : Bull. n° 249 ; de l’article 47, CPC : 11 oct. 1988, n° 87-84.352 ; des articles 461 et 462, CPC : 13 déc. 2005, Bull. n° 330 ; Rev. sc. crim. 2006, 632, obs. A. Giudicelli ; de l’article 463, CPC : 5 nov. 1981 : Bull. n° 296 ; de l’article 593 : 19 janv. 1982 : D. 1983, IR, obs. Roujou de Boubée ; de l’article 700, CPC : 9 déc. 1980 : Bull. n° 340.
[8]Sur cette double attraction de toutes les procédures par les droits fondamentaux et à la garantie des droits, v. les œuvres d’impulsion novatrice de  S. Guinchard : Vers une démocratie procédurale : Justices 1999, p. 91 (version abrégée) et Les métamorphoses de la procédure à l’aube du IIIe millénaire, in Clefs pour le siècle, ouvrage collectif Paris-II, Dalloz, mai 2000 (version complète). – S. Guinchard et alii, Droit processuel/Droits fondamentaux du procès, Dalloz, op. cit. – V. aussi, C. Lazerges, Dédoublement de la procédure pénale et garantie des droits fondamentaux, in Mél. Bouloc, Dalloz, 2006, 573.
[9]Ibid.
[10]Cf. l’intitulé des Mélanges offerts à S. Guinchard : Du légalisme procédural à l’humanisme processuel, Dalloz, mai 2010.
[11]CEDH, 22 avr. 1993, série A, 259 : JCP 1994, I, 3742, n° 5, obs. Sudre ; RFDA 1994, 1185, note Labayle et Sudre.
[12]Pour une application de la distinction du droit processuel et du droit procédural au fondamentalisme religieux, V. notre contribution aux Mél. J.-Fr. Flauss, Pedone éd., 2014, p. 365.
[13]S. Guinchard, Vers une démocratie procédurale : Justices 1999, p. 91 (version abrégée) et Les métamorphoses de la procédure à l’aube du IIIe millénaire, in Clefs pour le siècle, ouvrage collectif Paris-II, Dalloz, mai 2000 (version complète).
[14]A. Guinchard, Les enjeux du pouvoir de répression en matière pénale – Du modèle judiciaire à l’attraction d’un système unitaire, LGDJ, coll. « Bibl. sc. crim. », 2003, t. 38, préf. Y. Mayaud, V° Introduction.
[15]Attraction à la matière pénale pour des procédures et des sanctions disciplinaires militaires, CEDH, 8 juin 1976, arrêt Engel c/ Pays-Bas, série A, n° 22. Attraction à la matière civile, pour des médecins, 23 juin 1981, Le Compte, série A, n° 43 : Gaz. Pal. 19 juin 1982, doctr. Flauss ; RD sanit. soc. 1982, 65, chron. Dubouis. – 10 févr. 1983, Albert et Le Compte, série A, n° 58 : JDI 1985, 212, chron. P. Rolland et P. Tavernier.
[16]CE, 14 févr. 1996, Maubleu : AJDA 1996, 403, note Stahl et Chauvaux ; JCP 1996, II, 22669, note Lascombe et Vion ; RFDA 1996, 399 et concl. Sanson, p. 1186.
[17]CEDH, 15 déc. 1976, Kiss c/ Royaume-Uni : DR 1976, n° 7, p. 64. – 28 juin 1984, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, série A, n° 80.
[18]CEDH, 5 mai 1980, req. n° 8249/78, X. c/ Belgique, : DR 1980, n° 20, p. 40.
[19] Déc. n° 2014-423 QPC du 24 oct. 2014, Dr. pénal 2015, n° 14, obs. V. Peltier ; Nouv. Cahiers C. Const. 2015/47, 155, obs. V. Peltier.
[20]A. Guinchard, op. cit., nos 21 et s. « Aux origines du critère matériel – Les données historiques ».
[21]V. le numéro spécial de l’AJDA, 20 oct. 2001, Les sanctions administratives. Justice et cassation : Revue des avocats aux Conseils, Dalloz, n° 1, 2005.
[22]J. Farina-Cussac, La sanction punitive dans les jurisprudences du Conseil d’État et de la Cour EDH : Rev. sc. crim. 2002-3, 517.
[23]J. Lefèbvre, Le pouvoir de sanction, le maillage répressif, in Le désordre des autorités administratives indépendantes (ss dir. N. Decoopman), PUF, déc. 2002, 111. – G. Royer, L’efficience en droit pénal économique, Étude de droit positif à la lumière de l’analyse économique du droit, LGDJ, coll. « Dr. et économie », 2009, avant-propos G. Canivet et préf. Fr. Stasiak (ss l’angle de la justice économique, spéc. nos 204 à 303).
[24]N. Decoopman, La complexité du contrôle juridictionnel, in Le désordre des autorités administratives indépendantes (ss dir. N. Decoopman), PUF, 2002, 167.
[25]A. Guinchard, op. cit., nos 97 et s. « Aux origines du critère matériel – Les données de droit fondamental ».
[26]V. S. Guinchard, L’avenir du juge, in Mél. P. Catala, Litec, 2001, p. 171.
[27]G. Vedel, Manuel élémentaire de droit constitutionnel, Dalloz, rééd. 2002, p. 41.
[28]Ibid.
[29]Traduit en 1766 par l’abbé Morellet. – Sur l’actualité de Beccaria, N. Catelan, L’influence de Cesare Beccaria sur la matière pénale moderne, PUAM, 2004, avant-propos S. Cimamonti et préface Ph. Bonfils. En contrepoint : J.-F. Chassaing, Une légende :  Beccaria fondateur d’un droit humaniste, Mélanges G. Giudicelle-Delage, Dalloz, 2016, 29.
[30]J. Carbonnier, Instruction criminelle et liberté individuelle. Étude critique de la législation pénale, 1937 et analyse par D. Terré, Jean Carbonnier et la procédure pénale : L’Année sociologique, 2007, 57, 455-470. Sur Jean Carbonnier pénaliste, V. Ch. Lazerges, in Mél. S. Guinchard, Dalloz, 2010, p. 1017 et D. Salas, La justice saisie par la littérature dans l’œuvre de Jean Carbonnier, ibid. p. 53.
[31]S. Guinchard, Les procès hors les murs, in Mél. Cornu, PUF, 1994, 201. Et la suite, in Mél. Calais-Auloy, Litec, 2003, p. 461 : La Justice, bien de consommation courante.
[32]A. Garapon, Bien juger, Le rituel judiciaire, Odile Jacob, 1997.
[33]V. ce qu’écrit Pierre Rosanvallon, La légitimité démocratique – Impartialité, réflexivité, proximité, Le Seuil, 2008, p. 269, au vu des travaux de Tom Tyler : « selon une grande étude menée en 1984 à Chicago auprès d’individus ayant eu personnellement maille à partir avec la police et la justice », il résulte que « ces individus ont un regard sur l’institution qui n’est que faiblement corrélé avec la nature des sanctions qui leur avaient été infligées. Si la satisfaction des individus dépendait évidemment, au premier chef, du verdict prononcé, leur appréciation de la légitimité de l’institution judiciaire était, elle, fondée sur un autre critère : celui de la perception de l’équité du procès ».
[34]D. Salas, Le tiers-pouvoir. Vers une autre justice, Hachette, 2e éd., 2000, p. 145.
[35]V. B. Le Gendre, Comment les socialistes sont tombés dans le piège de la sécurité, Le Monde 15 sept. 2010, p. 18, qui rappelle que « les élites progressistes ont une fâcheuse tendance à nier la réalité de la délinquance, qu’elles attribuent à un “fantasme sécuritaire” et que le colloque de Villepinte, organisé en 1997 par le gouvernement Jospin a constitué une rupture, le principe y étant posé que “la sécurité est la première des libertés”. De fait, à trop parler du seul “sentiment d’insécurité”, on nie la réalité de l’insécurité pour laisser croire que celle-ci se ramène à une perception (subjective) sans fondement factuel, alors que les citoyens-électeurs vivent le contraire dans leur vie quotidienne et votent ensuite pour des partis extrémistes ; quand on a été un élu local en charge de ces questions et responsable politique, on ne peut douter ni de la réalité de la délinquance, ni de ce terreau de la montée du populisme ».
[36]F. Hélie, Traité de l’instruction criminelle, 2e éd., 1866, t. 1, p. 4.
[37]Déc. 16 juill. 1996, n° 96-377 DC, § 16, Perquisitions de nuit : D. 1997, 69, note B. Merarzot ; JCP 1996, II, 22709, note N. Van Tuong.
[38]« Dès l’instant où l’on rompt avec le respect des procédures, qui peuvent parfois ralentir la répression, on déchaîne un mal souvent pire que celui qu’on veut punir », Léo Hamon, à propos de son rôle au sein du Comité parisien de Libération, chargé de l’épuration administrative, cité par D. Amson : Rev. Hist. Fac. Droit 1996/17, p. 146 ; Gaz. Pal. 18 mars 1997.
[39]Déc. 2 févr. 1995, n° 95-350 DC, Injonction pénale : D. 1995, chron. Pradel, p. 171 et chron. Volff, p. 201 ; RFD const. 1995-22, p. 405, obs. Th. Renoux ; D. 1997, somm. comm. p. 130, obs. Th. Renoux.
[40]Kleist, Michael Kohlaas, d’après une ancienne chronique, traduit par G. La Flize et présenté par Antonia Fonyi, GF-Flammarion, mars 1992. Victime d’une grave injustice, tout en croyant à la justice de son pays (en Saxe), ce marchand va finalement devenir son propre justicier, incendiant, pillant et ravageant sa contrée jusqu’à ce qu’il soit arrêté, jugé et exécuté à Dresde. Porté à l’écran, mais transposé dans les Cévennes au XVIème siècle, par d’Amaud des Pallières, 2013.
[41]Y. Muller, L’idéal de vérité dans le procès pénal, in Mél. J.-H. Robert, LexisNexis, 2012.
[42]D. Dechanaud, La clandestinité en procédure pénale, in Mél. J.-H. Robert, LexisNexis, 2012.
[43] Sur cet aspect de la loi, B. Sayons et R. Cario, AJ Pénal 2014, 461 ; D. Dassa et Le Deist, Gaz. Pal. 21 oct. 2014, n° 292-293. G. Rabut-Bonaldi, La mesure de justice restaurative ou les mystères d’une voie procédurale parallèle, D. 2015, 97 ; J.-H. Robert, La honte réinterprétative, moteur de la justice restaurative, JCP 2015, 273 et in La victime de l’infraction pénale [dir. C. Ribeyre], XXIIème congrès Ass. fr. dr. pénal, Grenoble, 15-16 oct. 2015, Dalloz 2016, collec. Thèmes et commentaires, p. 41 ; R. Cario, La consécration législative de la justice restaurative, LPA 4 janv. 2016, n° 1-2, p. 6 et De la justice restaurative. Pour une authentique œuvre de justice, Mélanges R. Badinter, Dalloz 2016.
[44] De David Fincher, 1996, avec Brad Pritt, Morgan Freeman et Gwyneth Paltrow.
[45] De Bertrand Tavernier.
[46] Et non pas « de Francisque », comme cela aurait pu être le cas, par un mauvais jeu de mots, le maire de Lyon de l’époque étant le sénateur Francisque Collomp.
[47] Le parti socialiste.
[48] Avec, le jour de son installation, la participation effective de Pierre Truche, alors Procureur général à Lyon et Paul Bouchet, ancien Bâtonnier de Lyon.
[49] Je ne peux pas ne pas citer ici Madame de La Tombelle, même si sa modestie doit en souffrir : responsable du service des cimetières et des pompes funèbres de la ville de Lyon, elle joua un grand rôle dans la mise en place des travaux d’intérêt général, par ses déclarations de conviction, son action d’incitation et le suivi chrétien qu’elle assura pour le succès de cette opération.
[50] L’arrêté a été rapporté en janvier 2003.
[51] Propos de M. Mocaer, cités par Raoul Béteille dans le n° 161, décembre 2002, de Vigilance et action, bulletin mensuel de liaison du Mouvement Initiative et liberté.
[52] Déclaration de Jean-Marie Bockel au journal Le Monde, 6 nov. 2002.
[53] Déclaration de Jean-Claude Barreau, ancien prêtre, ancien éducateur de rue à Paris XVIIIème, ancien conseiller particulier de François Mitterrand et de Charles Pasqua, Le Figaro Magazine, 11 janvier 2003, p. 41.
[54] Julien Dray, Le Figaro, 18 juillet 2002, p. 5.
[55] Le Monde, 15 nov. 2002, p. 9.
[56] Jean-Maris Bockel, Le Figaro, 4 nov. 2002, p. 10.
[57] 100 000 personnes avaient défilé à Paris derrière la quinzaine de jeunes lyonnais qui avaient traversé la France, à pied, pour réclamer l’égalité des droits ; depuis, ces jeunes de la région lyonnaise sont tombés dans un islam intégriste (v. Le Monde, 12 février 2003, p. 1 et 10), pourquoi ? Deux des six lyonnais incarcérés sur la base américaine de Guantanamo sont originaires de la région lyonnaise (plus précisément de la cité des Minguettes dont le père Delorme était le curé) et la kamikaze tunisien qui a fait sauter la synagogue de Djerba (21 morts) a bénéficié de l’aide de sa famille lyonnaise. Déjà, les attentats islamistes de 1995 avaient mis en évidence la « lyonnaise connection », avec un jeune délinquant de la banlieue lyonnaise tué dans les Monts du lyonnais et des groupes basés dans les communes limitrophes (Vaulx-en-velin, Chasse-sur-Rhône).
[58] Déclaration à Lyon Magazine, décembre 2002, p. 62.
[59] Le Monde, 12 février 2003, p. 10, 4ème colonne, en bas de la page.
[60] Gérard Collomb, Le Figaro, 4 nov. 2002, p. 10.
[61] Rappr. supra, ce §, A, le désaveu du délégué régional des Yvelines de ce syndicat.
[62] Le Monde, 18 janvier  2003, p. 8.
[63] Déclaration du député PS Bruno Le Roux (rapportée par Le Monde, 18 janvier 2003, p. 8).
[64] Déclaration du député PS Manuel Valls (rapportée par Le Monde, 18 janvier 2003, p. 8).
[65] Le Monde, 18 janvier 2003, p. 8.
[66] Discours de Dominique Perben, Les Annonces de la Seine, 5 déc. 2002, p. 5.
[67]J.-P. Costa, Le juge et les libertés : Pouvoirs 1998-84, p. 75.
[68] D. Maus, Regard sur l’écriture de l’article 66 : un Habeas corpus à la française ? Mélanges Flauss, Pedone 2014.
[69]Sur une étude très complète, V. notamment Code constitutionnel commenté et annoté par Th. Renoux, M. de Villiers et X. Magnon (ss dir.), LexisNexis, 7e éd., sept. 2015, daté 2016, ss art. 66. – Th. Renoux, Le Conseil constitutionnel et l’autorité judiciaire, Economica et PUAM, 1984, préf. L. Favoreu ; L’autorité judiciaire, in L’écriture de la Constitution, Economica et PUAM, 1992, p. 677-711. – E. de la Lance, Le juge pénal et la protection des libertés individuelles, Rapp. C. cass. 2001, Doc. fr., 2002, p. 131. – D. Cohen, Le juge, gardien des libertés ? : Pouvoirs 2009/3, n° 130, p. 113.
[70] Cons. const., no 2010-71 QPC, 26 novembre 2010, Danielle S.
[71] Sur ce point, D. Maus, Habeas corpus, liberté individuelle et contrôle du juge : quel juge ? D. 2016, 671. Ch. Tukov, L’autorité judiciaire, gardienne exclusive de la liberté individuelle ? », AJDA 2016, 936.
[72] J.-M. Sauvé, « Quel juge pour les libertés ? », D. 2016, 1320. Ch. Tukov, L’autorité judiciaire gardienne exclusive de la liberté individuelle ? AJDA 2016, 936 ; Le référé administratif, élément structurant de la modification de la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, Procédures 2016, étude 6. Th. Renault, Du rififi chez les juges, AJDA 2016, 1677. V. Codaccioni, La place de l’autorité judiciaire dans l’antiterrorisme : des juridictions politiques à l’avènement d’une justice d’exception policière et administrative, Cahiers de la Justice 2016/3, 549. G. Canivet, De la garde de la liberté individuelle, Mélanges G. Giudicelle-Delage, Dalloz, 2016, 323.
[73]Déc. 12 janv. 1977, n° 76-75 DC, Fouille des véhicules.
[74]Déc. 18 janv. 1995, n° 94-352 DC, Vidéosurveillance : JCP 1995, II, 22525, note Lafay ; RDP 1995, 575, note F. Luchaire ; RFD const. 1995-22, 362, obs. Favoreu ; LPA 1995, n° 48, p. 18, note Nguyen Van Tuong et n° 68, p. 7, note B. Mathieu.
[75]Déc. 19 janv. 2006, n° 2005-532 DC, Lutte contre le terrorisme, consid. 6 et 14.
[76]Déc. 30 mars 2006, n° 2006-535 DC, consid. 42.
[77] Déc. n° 2013-357 QPC, 29 nov. 2013 et n° 2016-536 QPC du 19 fév. 2016.
[78] Décision n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015. Commentaires : C. Haguenau-Moizard, D. 2016, 665 ; N. Roret, Gaz. Pal. 22 mars 2016, n°2, p. 13.
[79]Déc. 22 nov. 1978, n° 78-98 DC, Exécution des peines : JCP 1980, II, 19309, note Nguyen Quoc Vinh ; RDP 1979, 1686, note L. Favoreu.
[80]Déc. 19 et 20 janv. 1981, n° 80-127 DC, Sécurité et liberté : JCP 1981, II, 19701, note C. Franck ; D. 1981, 101, note Pradel et 1982, 441, note A. Dekeuwer ; AJDA 1981, 275, note Rivero ; RDP 1981, 651, note L. Philip.
[81]Déc. 16 juill. 1996, n° 96-377 DC, Perquisitions de nuit : JCP 1996, II, 22709, note Nguyen Van Tuong ; AJDA 1996, 693, note O. Schrameck ; ibid. 1997, 86, note C. Teitgen-Colly et F. Julien-Laferrière ; RFD const. 1996-28, 806, obs. Th. Renoux ; RDP 1996, 1245, note F. Luchaire ; D. 1997, 69, note B. Mercuzot ; ibid. 1998, somm. comm., obs. Th. Renoux.
[82]Déc. 21 févr. 2008, n° 2008-562 DC, Rétention de sûreté.
[83] Publié à la Documentation française en août 2008.
[84] Parfaitement justifiés vue l’œuvre de Christine Lazerges, tant du point de vue universitaire que de l’action politique, notamment lorsqu’elle était vice-présidente de la Commission des lois de l’Assemblée nationale.
[85] Nous nous retrouvions au Conseil national de prévention de la délinquance, elle, élue de la ville de Montpellier et adjointe au Maire en charge de ces questions, moi de même, mais adjoint au Maire de Lyon, sous l’autorité, pour certaines réunions, de Mireille Delmas-Marty.
[86] Annuaire statistique de la Justice 2005-2010.
[87] Chiffres-clefs de la Justice publiés en novembre 2012.
[88] CEDH, 29 avr. 2008, Thomas c/ France, Rev. sc. crim. 2008, 697, obs. D. Roets.
[89] D. 2008, 1748.
[90] Les éléments de cette contribution doivent beaucoup au rapport de la Commission Guinchard, dont le chapitre consacré au contentieux routier a été rédigé sur la base du texte fourni par Samuel Gillis, alors magistrat au bureau de la législation pénale à la Direction des affaires criminelles et des grâces.
[91] J.

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