mardi 30 mai 2017

BELLES PAGES 3: L'AUTORITÉ JUDICIAIRE DANS LA CONCEPTION FRANÇAISE DE LA SÉPARATION DES POUVOIRS



DE L'AUTORITÉ JUDICIAIRE
À UN NOUVEAU POUVOIR JUDICIAIRE ?

Controverse autour des notions d'autorité et de pouvoir judiciaires et remise en cause de l’équilibre des pouvoirs dans notre démocratie. L'indépendance de la magistrature fait l'objet depuis longtemps d'un examen critique, qui est actuellement l'un des aspects de la remise en cause contemporaine de la Justice dans son ensemble et de la société elle-même. Des magistrats de toute tendance considèrent aujourd'hui que l'indépendance de la magistrature par rapport au Gouvernement mérite d'être renforcée et, à l'inverse, des hommes politiques de toute tendance eux aussi, ministres et parlementaires, considèrent que les juges se trompent en « s'acharnant » sur eux, qu'ils s'immiscent dans l'exercice du pouvoir exécutif. Des deux côtés la suspicion d'une ingérence dans le pouvoir de l'autre est réelle. C’est tout l’enjeu des débats actuels, pas toujours feutrés. En partant d’un constat partagé par tous les acteurs de ces débats, celui d’une autorité judiciaire en crise, on arrive rapidement à la revendication d’une autorité judiciaire qui voudrait être un pouvoir comme les deux autres (exécutif et législatif), alors qu’elle ne peut pas l’être)[1].

A) Un constat partagé : une autorité judiciaire en crise

a) La crise actuelle de l’autorité judiciaire est d'abord une crise d'identité, avec deux conceptions possibles de cette crise : on peut considérer que cette crise naît d'une cassure entre la conception de sa fonction au moment de la Révolution et ce que le public, le justiciable attend de lui, 200 ans plus tard ; il y aurait, d'un côté, « une justice de sécurité à base de raison » et, de l'autre, l'attente « d'une justice d'équité à base de sentiment »[2] ; or, le juge (judiciaire civil) ne peut pas, et il le sait, « s'abandonner aux mirages d'une sentimentalité changeante et arbitraire » alors que, « le justiciable, confronté à ses problèmes concrets, ne comprend pas toujours la nuance »[3] ; de cet écartèlement entre le devoir du juge (dire le droit) et son souci de révéler le juste, naît la crise d'identité. Mais cette crise peut aussi être envisagée comme une crise d'existence au sein de nos institutions : ainsi du Conseil constitutionnel dont la nature de cour constitutionnelle est parfois contestée et doit pourtant être affirmée[4], ou des juges administratifs qui se trouvent concurrencés par d'autres instances dans leur élaboration d'un droit jurisprudentiel[5]. C'est aussi une question de confiance en la Justice : son efficacité étant mise en doute, les justiciables ont d'elle une vision négative.
b) Cette crise de l’autorité judiciaire est aussi une crise de légitimité[6] :
– du juge constitutionnel, qui est remis en cause dans son existence pour des raisons de changements politiques (par exemple entre 1981 et 1986)[7] ;
– du juge administratif, qui perd sa crédibilité auprès du public (en raison de l'ineffectivité de nombreuses décisions à l'encontre des personnes morales de droit public) ou doute du soutien des pouvoirs publics qui imposent des solutions alternatives ou concurrentes[8] ;
– du juge judiciaire, qui s'interroge sur les raisons qui ont pu pousser un gouvernement de la République à publier un décret sur les préséances dans les cérémonies officielles, duquel il résultait que les magistrats judiciaires passaient systématiquement après ceux de l'ordre administratif etc.[9]. Le premier magistrat de France ne relevait-il pas lors de la rentrée solennelle de la Cour de cassation en janvier 2004, que « le magistrat de l'ordre judiciaire craint de voir, au fil des interprétations évolutives de la Constitution, sa compétence se réduire à la garantie contre la détention arbitraire… Le juge vérifie chaque jour la concurrence qu'il subit et lui fait partager avec d'autres le pouvoir de juger… Comment voit-il son reflet dans le regard d'autrui ? Pour s'apprécier, il ne faut pas se sentir rejeté ». Bref, les magistrats continuent de se sentir les mal-aimés de la République.
Au-delà de ces aspects parfois anecdotiques (la hiérarchie du protocole républicain), la crise de légitimité est profonde, car elle remet en question les relations que le juge entretient avec les pouvoirs exécutif et législatif, comme on va le voir dans les numéros qui suivent.

c) Cette crise de l’autorité judiciaire  doit en effet être replacée dans une perspective plus générale de relation avec les autres pouvoirs dans la fabrique du droit[10]. Elle est « l'indice d'un mouvement qui s'amorce et qui constitue un moment privilégié pour redessiner le rôle du droit dans une démocratie »[11] et, surtout, le rôle de juge dans la fabrique du droit. Notre démocratie moderne se caractérise par une redéfinition du rôle du juge, revalorisé comme gardien, à l'encontre des pouvoirs exécutif et législatif, des valeurs de liberté et d'égalité ;  le juge s'affirme par rapport aux autres pouvoirs, afin d'évaluer la fidélité aux valeurs démocratiques de base des finalités concrètes de l'action sociale qui appartiennent aux pouvoirs législatif et exécutif[12] ? L'autorité judiciaire contrôlerait l'action du pouvoir exécutif, lui redonnant ainsi une « légitimité démocratique »[13], tout pouvoir « n'étant désormais considéré comme pleinement démocratique que s'il est soumis à des épreuves de contrôle et de validation à la fois concurrentes et complémentaires de l'expression majoritaire »[14]. Si cette hypothèse se vérifiait, ce mouvement serait la troisième étape de notre histoire contemporaine, car nous aurions eu successivement une période d'affirmation du pouvoir législatif, fondé sur le concept démocratique de volonté générale et la prise en compte de la liberté (fin du xviiisiècle), puis une période de valorisation du pouvoir exécutif en vue d'une meilleure prise en compte des exigences de l'égalité (fin du xixsiècle) ; aujourd'hui nous vivrions la troisième période, celle du juge, qui doit s'affirmer par rapport aux autres pouvoirs et qui suppose une meilleure conception du rapport du juge à la règle[15] ; peut-être pourrait-on y voir, avec prudence, le concept de solidarité, au sens de la fraternité de notre devise républicaine (voir les expériences étrangères du New Deal et, à l'opposé, de certains pays qui se disaient socialistes). Mais alors, il faudra s'interroger sur les limites à l'immixtion du juge dans le contrôle du respect des valeurs démocratiques de base par ceux (pouvoirs législatif et exécutif) qui déterminent les finalités concrètes de l'action sociale, notamment par l’utilisation de la technique du contrôle de proportionnalité. Le danger d'un véritable gouvernement des juges est d’autant plus fort que des associations à but altruiste, qui défendent des intérêts purement moraux de portée générale, viennent en justice pour obtenir la satisfaction de leur objet social, par exemple, l'interdiction de ventes d'armes à des pays dénoncés par les instances internationales comme coupables de crimes de guerre[16]. Si l'on devait céder à ces tentatives de défense en justice des grandes causes[17], il conviendrait pour le moins, qu'une loi habilite certaines associations à agir et de ne pas laisser aux juges, à l'initiative d'associations de toutes sortes, le soin de se faire le champion d'une certaine conception de la morale, conception qui, à terme, serait dangereuse pour l'exercice des libertés individuelles. Que Dieu nous protège des héros purificateurs et autres Savonarole ! Les agitations politico-médiatiques autour de la question de la Justice tout au long de l'année 2000, avec le report, sine die, en janvier 2000, du projet de la loi constitutionnelle sur la réforme du CSM témoignent, en tout cas, d'un manque de maturité de la classe politique, dès qu'elle s'intéresse à la Justice[18].

B) Une revendication contestée : une autorité judiciaire qui voudrait être un pouvoir

a) Une autorité qui se pose en s’opposant. Cette crise de l’autorité judiciaire a toujours été envisagée sous l'angle des relations avec les autres pouvoirs et notamment le pouvoir exécutif : l'idée d'indépendance à conforter, voire à accroître, le serait toujours par rapport à ce pouvoir ; c’est le principe, « je me pose en m’opposant ». C'est ainsi que le malaise des juges, malaise jusqu'alors rarement observé par des manifestations, mais qui est réel depuis 1968, a conduit certains d'entre eux à manifester publiquement contre le gouvernement en 1990, manifestation de « petits juges » autour du Palais de justice de Paris, à l'occasion de l'accueil du président de la République, en ce palais, par les plus hauts magistrats de France ; trois grèves de magistrats marquèrent cette même année, sans doute « l'année horrible de la justice ». Un autre mouvement de protestation de grande ampleur a eu lieu au début de l'année 2001, avec des grèves accompagnées de manifestations dans la rue, place Vendôme, les 19 janvier et 9 mars 2001[19] et plus récemment en février 2011 avec de nombreuses suspensions d'audience. Le livre que deux journalistes ont consacré aux entretiens réguliers qu’ils ont eus avec le président de la République entre 2012 et 2016, avec des propos rapportés sur l’opinion que ce président avait des juges, a conduit les deux plus hautes autorités de la Cour de cassation à demander un entretien avec lui pour protester officiellement. Si l'on y ajoute les affaires politico-financières de tous bords, qui ont conduit les deux camps (le politique et le judiciaire) à des excès de toute sorte (en parole, en actions hasardeuses, voire illégales)[20], c'est bien un combat (à mort ?)[21] que se livrent ces deux pouvoirs ; l'histoire a montré que dans ces conditions c'est toujours le politique qui l'a emporté en France, sans doute parce qu'il a le double avantage de faire les lois et de tirer sa légitimité de l'élection[22].
b) Une autorité qui voudrait être devenir le troisième pouvoir aux côtés de l’exécutif et du législatif. La montée en puissance du pouvoir économique, du pouvoir des médias, ne pouvait laisser indifférente l’autorité judiciaire, la laisser sur le bord de la route ; ce que les uns avaient obtenu, pourquoi ne l’obtiendrait-elle pas ? Des voix se sont élevées en doctrine pour réclamer ce pouvoir s’auto-gérant, suivies, en 2016, d’une tentative de l’obtenir par les voies détournées de la technique procédurale.

1) En doctrine, on a d’abord fait remarquer que le choix entre pouvoir judiciaire et autorité judiciaire est, pour partie, lié au choix entre procédure accusatoire et procédure inquisitoire : à une procédure de type inquisitoire ne pourrait correspondre un véritable pouvoir judiciaire, puisque dans ce système l'État est maître du procès, donc de ses juges, à défaut de l'être des parties ; au contraire, une procédure de type accusatoire favoriserait davantage l'émergence d'un pouvoir judiciaire ; la remarque en a été faite pour le juge pénal[23], mais elle vaut pour d'autres justices, ainsi de la justice constitutionnelle : lorsqu'en 1995, le Conseil constitutionnel a obtenu que l'État fasse connaître ses arguments en réponse à un recours parlementaire en inconstitutionnalité, il a beaucoup progressé dans l'affirmation de sa jurisdictio, devenant un élément extérieur à deux parties qui s'affrontent dans un système de type accusatoire. Certains hauts magistrats (on va les citer dans un instant) n'ont pas hésité à aller très loin dans la voie de l'affirmation d'un véritable pouvoir judiciaire, en revendiquant l’autonomie totale de l’institution judiciaire pour les nominations, le budget et l’inspection des juridictions. On verra alors les dangers que ce type d’organisation ferait courir à notre démocratie.

2) Une tentative de prise de pouvoir en 2016, sous la face cachée d’une « révolution tranquille » à la Cour de cassation. Le débat ouvert à la Cour de cassation en 2015 sur le contrôle de proportionnalité et la fameuse balance des intérêts contre le syllogisme judiciaire illustre cette question (sur ce débat, nous renvoyons le lecteur à ce qui sera développé avec le rôle de la cour de cassation au regard du droit, V° Belles pages, N° 6). Sous ce regard, il n’est pas anodin que le Premier président et le Procureur général de la Cour de cassation aient, de concert, en 2016, tout à la fois, présenté le contrôle de proportionnalité comme « le nouveau légalisme » permettant d’écarter une loi interne jugée inadaptée aux circonstances d’espèce[24], réclamé un accès restreint au juge de cassation (en ce, ils restaient dans leur champ de compétence technique) et, au final, pour boucler la boucle, demandé que l’autorité judiciaire échappe à la tutelle de l’exécutif et gère seule la gestion des carrières de ses membres, ce en quoi ils débordaient de l’exercice de leurs fonctions pour s’engager sur le terrain, ô combien plus polémique, du politique, sans justifier le lien qu’ils établissaient entre les deux[25]. Cette conjonction des demandes de ces hauts magistrats, fait penser à une tentative de prise de pouvoir, qu’un seul auteur a relevé[26]. Cela mérite attention.
Sur ce terrain plus politique de la création d’un véritable pouvoir judiciaire, que les plus hautes autorités judiciaires citées ont sciemment rattachée au débat en apparence technique du contrôle de proportionnalité et de l’accès restreint à la Cour de cassation, on sera plus réservé, car ces hautes autorités remettent en cause l’équilibre de nos institutions en souhaitant ouvertement une prise de pouvoir au profit du judiciaire, alors que le débat technique ne commande pas le second et qu’une autre voie est possible, celle d'une autorité judiciaire maintenue, mais autrement[27].

C) Une autorité qui ne peut pas être un pouvoir,
mais qui pourrait être une autorité… autrement légitimée

Il est fréquent, malheureusement que la confusion soit entretenue entre la question de l’indépendance organique et fonctionnelle des juges, pris individuellement, avec celle d’un pouvoir qui serait érigé sur ce fondement à égalité avec les deux autres. Cette confusion doit être dénoncée, car elle ferait encourir des dangers majeurs à notre démocratie (a) et parce que la légitimité de l’autorité judiciaire ne lui est pas conférée de l’extérieur, mais de l’intérieur, et que ce défaut d’extranéité illégitime toute tentative d’en faire un véritable pouvoir à égalité avec l’exécutif et le législatif (b) ; ce qui n’interdit pas de la concevoir autrement (c).  

a) Une autorité qui ne peut pas être un pouvoir à raison des risques encourus par notre démocratie. La revendication d’une assimilation de l’autorité judiciaire à un véritable pouvoir repose sur une confusion : ce n’est pas la même chose que de revendiquer des pouvoirs ou un pouvoir : aux pouvoirs répondent des devoirs et une responsabilité accrue[28], alors qu’au pouvoir répondent le principe de la séparation cher à Montesquieu et la question de sa légitimité[29]. La justice a des pouvoirs, mais elle n’est pas un pouvoir[30] et la question posée par certains n’est donc pas celle de l'indépendance de chaque juge pris individuellement dans son statut, comme elle le fut au début de la VRépublique[31] ou un peu plus tard[32], mais celle de la renaissance d'un véritable pouvoir judiciaire, à partir de l’universalité du corps des magistrats, qui traiterait à égalité avec les deux autres pouvoirs et ne dépendrait pas d'eux, y compris dans son budget et la gestion du corps, et qui prendrait toute sa place dans l'organisation institutionnelle des pouvoirs en France et bouleverserait l’équilibre actuel[33].

1) Cette revendication d’une assimilation de l’autorité judiciaire à un véritable pouvoir porte en elle une forte inquiétude par la confiance totale qu’elle suppose en une poignée d'hommes et de femmes qui composeraient, par exemple, un « Conseil de Justice » ; même si, comme on l’a parfois proposé, ils étaient élus par le Parlement à une majorité qualifiée, qui évitera les marchandages entre courants politiques pour parvenir à cette majorité ? et qui, ensuite, les contrôlera dans l’exercice de leurs fonctions ? Les expériences espagnoles et italiennes sont là pour le prouver.
- En Espagne, où la magistrature s’auto-gouverne par un organe proche de notre CSM, très puissant, les courants politiques et philosophiques, voire religieux qui le traversent ont conduit à la paralysie de l’institution puisque, pendant deux ans, ce Conseil n’a procédé à aucune nomination en raison de son éloignement de du Parlement nouvellement élu ! Même remarque sur la dangerosité du système érigeant l’autorité judiciaire en un véritable pouvoir autonome des deux autres et s’auto-gouvernant.
- Deux universitaires italiens ont fait observer que si l'Italie a vécu une véritable révolution judiciaire dans les années 1980, « cette évolution a abouti à un curieux paradoxe : la coupure de presque tout lien institutionnel avec le système politique d'un côté et le démantèlement des contraintes hiérarchiques de l'autre, tout en assurant des garanties d'indépendance, interne et externe, singulièrement élevées, semblent encourager la mise en place d'un réseau de connexions, le plus souvent peu visibles, susceptibles de menacer à terme l'autonomie de la magistrature »[34]. L'expérience italienne montre très clairement que plus on s'efforce de rendre les juges plus indépendants, plus ils recherchent des appuis extérieurs, aliènent leur liberté sitôt acquise. Elle nous invite « à reconsidérer l'idéal de la séparation radicale des pouvoirs… et donc au deuil de certaines de nos certitudes »[35].

2) En outre, la question se poserait alors de l’acceptation par notre Nation d’un changement dans ce jeu démocratique qui ne connaît aujourd’hui que deux acteurs (le législatif et l’exécutif) et de la venue, dans cet équilibre, d’un troisième qui ne dépendrait de personne, alors que les deux autres, précisément, trouvent leur équilibre dans le contrôle mutuel que chacun exerce sur l’autre. Faut-il rappeler, à cet égard : que selon Montesquieu, tout est homme qui a du pouvoir est conduit à en abuser ? Que pour répondre à cette avertissement notre Constitution prévoit que le gouvernement est responsable devant le Parlement qui peut le « renverser », qu’à l’inverse le premier peut dissoudre l’Assemblée nationale pour revenir devant le peuple souverain et que tous les deux sont contrôlés par le Conseil constitutionnel dans leur respect des valeurs démocratiques de base, lesquelles déterminent les finalités concrètes de l’action sociale qui appartiennent à ces deux pouvoirs ? Quel type de contrôle de la part des deux autres, le futur pouvoir judiciaire serait-il prêt à accepter ? Nous n’en connaissons aucune piste venant de ceux qui portent haut et fort cette revendication.

3) C’est sans doute pour cela que maints auteurs, dont Jean-Denis Bredin, ont relevé et relayé les risques que fait encourir à notre démocratie cette confusion entre la nécessaire indépendance des juges dans l’exercice de leurs fonctions et l’autonomie de l’autorité judiciaire qui serait érigée en pouvoir autonome sur le fondement de cette indépendance. L’auteur éminent, universitaire, avocat et académicien (au carrefour donc du savoir, de la pratique et de la culture humaniste), souligne combien « les remous de notre histoire ont constamment confondu l'indépendance du juge avec son indépendance à l'égard du pouvoir politique »[36] et que s'il est devenu « libre et fort », « en mesure de faire trembler les pouvoirs légitimes », « ne risque-t-il pas de découvrir d'autres dépendances, non moins redoutables, celles que notre vieux débat avait le plus souvent ignorées, celles aussi que peuvent porter des temps nouveaux »[37] ; le juge doit « prendre garde de ne jamais substituer une dépendance à une autre » ; « indépendant du pouvoir politique, est-il pour autant capable de refuser toutes les soumissions que propose notre société ? Ne risque-t-il pas, gonflé d'indépendance, de se soumettre à ses préjugés, à ses passions, à l'exaltation de son rôle et de son image, à sa carrière, bref à soi ? »[38]. On rejoint par là le problème de la neutralité sociale et politique du juge, dans le cadre du service public de la justice, qui prolonge et complète la réflexion que l'on peut porter sur l'indépendance des juges à l'égard du pouvoir politique.

b) Une autorité qui ne peut pas être un pouvoir par son manque de légitimité démocratique. Il ne faut pas confondre l'auctoritas et la potestas comme autrefois on distinguait l'auctoritas du Pape, par opposition à la potestas des rois. Et la seconde était soumise à la première. Ainsi entendue, l'autorité des juges, l'autorité judiciaire aurait une toute autre portée : l'exécutif lui serait soumis ! En tout cas, elle le contrôlerait dans l'accomplissement des finalités sociales[39]. Pour les raisons qui viennent d’être développées, il faut envisager autrement la question de la place de l'autorité judiciaire dans l'organisation institutionnelle des pouvoirs en France et, plutôt que de s'attarder sur le combat politique de certains juges contre le pouvoir exécutif, qu’il s’agisse de ceux qui ont mené une tentative de prise de pouvoir en 2016 ou de ceux qui ont conduit d’autres batailles contre des projets de loi [40], mieux vaut réfléchir à la nature de sa légitimité, car elle révèle l’impossibilité de l’ériger en pouvoir. Et pour cela, il faut partir de la nature de la légitimité démocratique, avant de voir si elle est transposable à l’actuelle autorité judiciaire.

1) La notion de légitimité démocratique. Pierre Rosanvallon. relève que le peuple est la source de tout pouvoir démocratique, mais que cela n’est pas suffisant pour garantir qu’un gouvernement soit au service de l’intérêt général, ni qu’il y reste : pour faire simple dans le cadre de cet ouvrage, « un pouvoir n’est désormais considéré comme pleinement démocratique que s’il est soumis à des épreuves de contrôle et de validation à la fois concurrentes et complémentaires de l’expression majoritaire. Il doit se plier à un triple impératif de mise à distance des positions partisanes et des intérêts particuliers (légitimité d’impartialité), de prise en compte des expressions plurielles du bien commun (légitimité de réflexivité) et de reconnaissance de toutes les singularités (légitimité de proximité) » [41]. Bref, si l’élection ne suffit pas à conférer la légitimité démocratique, à l’inverse, sans élection, il est difficile d’adouber les institutions non élues de cette légitimité. C’est sans doute pour cette raison que si Pierre Rosanvallon recherche la légitimité des autorités administratives indépendantes, il ne pose pas la question de leur transformation en un pouvoir autonome.

2) L’absence de légitimité « externe » de l’autorité judiciaire. Cette idée de « légitimité » est essentielle pour qui veut comprendre la crise de la Justice aujourd'hui et dénoncer la confusion entretenue par certains. La légitimité d’un pouvoir ne peut venir que de l’extérieur ; elle ne doit pas dépendre de la volonté ou de la force de celui qui en jouit ; c’est cette extranéité qui lui donne une assise moins fragile que celle que ce pouvoir trouve dans les qualités personnelles, aussi éminentes soient-elles, de ceux qui l’exercent[42]. Et si l’autorité judiciaire ne peut revendiquer d’être un pouvoir c’est parce que sa légitimité ne lui vient pas de l’extérieur, mais de son mode de recrutement et des garanties d’indépendance et d’impartialité qui lui sont accordées par l’État, sous le contrôle vigilant du Conseil constitutionnel et de la Cour EDH. Ces garanties ne légitiment pas la mutation de l’autorité vers un pouvoir autonome. Une autorité c'est d'abord quelqu'un (ou une institution) qui est respecté en raison de ses qualités propres, de ses mérites reconnus par tous, qui tire sa légitimité[43] de sa force intérieure, du respect qu'il inspire naturellement parce qu'on a confiance en lui. Ainsi, la doctrine n'est une autorité que lorsqu'elle ne faillit pas à sa mission qui est de transmettre le savoir en critiquant et en apportant sa réflexion, ses idées, au débat démocratique, soit par des publications de qualité, soit par des directions de thèses qui marqueront leur époque, soit par des enseignements qui ne reproduisent pas servilement les ouvrages des autres. Et en s’abstenant d’exercer de manière prépondérante une activité accessoire de consultation, d’arbitrage ou au barreau.
On retrouve cette question de la légitimité « externe » dans les propos tenus par M. Jean-Jacques Urvoas qui a déclaré, en tant que ministre de la Justice, sans doute en réponse au Premier président de la Cour de cassation qui réclamait le 18 décembre 2015 lors d’un colloque à la Cour de cassation, sur « le statut du magistrat » que le fonctionnement des juridictions et le recrutement des magistrats ne dépendent plus du ministre[44] : « si le sens de l’Histoire va indubitablement dans un accroissement du rôle dévolu aux juges, ce mouvement doit-il conduire à faire de l’autorité judiciaire un pouvoir égal aux pouvoirs exécutif et législatif ? En conscience et un tout petit peu par expérience, je ne le crois pas. Quelle serait alors sa légitimité ? La légitimité de la magistrature ne peut pas dépendre que d’elle-même »[45]. Le même ministre persistait et signait, six mois plus tard, en déclarant, lors d’une audience accordée au premier Président et au procureur général de la cour de cassation venus protester contre le contrôle de toutes les juridictions, y compris leur Haute juridiction, par la nouvelle « inspection générale de la Justice » : « le gouvernement ne partage pas la vision d’un Conseil de Justice gérant l’ensemble des moyens des juridictions (ressources humaines, inspection, budget, immobilier, école) »[46] Quelle (double) gifle ! Tout est dit sur ce sujet… ou presque car une autre conception de l’autorité est possible.

c) À la recherche d’une légitimité. Bernard Mathieu attire notre attention sur le fait que le gouvernement des juges « ce n’est pas la démocratie »[47], et que si le politique doit respecter l’indépendance des juges, les juges doivent respecter la fonction politique[48], même si l’auteur opte pour le concept de « pouvoir judiciaire ». Si l’on exclut l’élection des juges pour des raisons déjà évoqués, les pistes en faveur d’une légitimité externe de l’autorité judiciaire (pour la transformer en pouvoir) ont rarement été explorées (1) et la piste qui a été proposée laisse ouverte le débat sur une légitimité interne sans transformation de l’autorité judiciaire en pouvoir (2).

1) À la recherche d’une légitimité externe pour transformer l’autorité judiciaire en un pouvoir. C’est sans doute pour ces risques et ces raisons que nous venons d’évoquer, qu’un auteur, tout en préconisant la suppression du ministère de la Justice, afin de faire disparaître l'exécutif dans la procédure de nomination de tous les juges, qu'ils soient du siège ou du Parquet (« il faut reconnaître que l'autorité judiciaire est un pouvoir et imposer que le gouvernement ne s'occupe pas de justice ») et son remplacement par un « Conseil supérieur de la justice », apporte immédiatement des garde-fous : au sein de ce Conseil, les magistrats seraient minoritaires et les membres non-magistrats nommés par le Parlement à la majorité des trois cinquièmes ; son président serait élu par les membres du Conseil et ne serait pas juge. Ses compétences comprendraient la nomination de tous les magistrats et il aurait la responsabilité de la direction des services judiciaires et de l'ENM ; il aurait l'appui de l'inspection des services judiciaires. Les justiciables pourraient le saisir directement[49]. On voit poindre cette recherche d’une légitimité externe, dans la composition du Conseil de la Justice, sa présidence, son mode de désignation et l’action extérieure des justiciables. À tout le moins, il faudrait constitutionnaliser ces garde-fous si, un jour, on devait aller vers ce type de solution. On peut aussi, au moins dans un premier temps, valoriser une légitimité interne au corps judiciaire avant de fusionner les deux solutions.

2) À la recherche d’une légitimité interne au corps judiciaire, fondement d’une autorité judiciaire vue autrement qu’un pouvoir. C'est donc en interne au corps qu'il faut (re)trouver la légitimité de la justice, qui peut rester sans peine une autorité, nouvellement définie, sans se livrer à un combat stérile et voué à l'échec pour devenir un « pouvoir ». C'est en elle-même que la justice trouve sa propre légitimité, puisqu'on conçoit mal qu'un jour, en France, elle puisse procéder de l'élection généralisée. Dès lors, la légitimité de la justice viendra du charisme qu'inspireront un jour les juges et ce charisme viendra de leur haute compétence, non sujette à contestation et cette compétence sera elle-même issue de leur formation initiale et continue, donc de leur mode de recrutement. Tout est lié et ce que nous avons dit du recrutement et de l'avancement des magistrats éclaire mieux la question (voir Belles pages, N° 5). Ce n'est pas en ferraillant avec le politique que la justice sera plus forte, ou alors la victoire sera, pour les raisons qui viennent d'être indiquées, de courte durée et, à terme, replongera la magistrature dans un état de dépendance indigne de cette institution. Il faut transcender le clivage actuel politique-justice, pour trouver une meilleure harmonie institutionnelle, qui s'établira d'autant mieux et sera d'autant plus acceptée, qu'elle sera issue de la pratique et non pas imposée par l'un des deux camps en présence. Pierre Rosanvallon, dans son ouvrage précité, prend l’exemple des juges constitutionnels (nommés) qui, « en tant que personnes, doivent s’effacer derrière leur fonction. Ils ne peuvent pleinement jouer leur rôle que s’ils font revivre l’ethos professionnel de ces grands robins du XVIIème siècle, imprégnés comme le fut un d’Aguesseau des idéaux de l’humanité civique. Mais ils ne doivent jamais se considérer comme les propriétaires de leur fonction, ils n’en sont que les titulaires passagers » ; et d’ajouter que « la légitimité des juges constitutionnels […] ne peut enfin s’apprécier en des termes équivalents à ceux d’une souveraineté »[50]. Et le raisonnement vaut pour les autorités administratives indépendantes que l’auteur étudie pour en rechercher la légitimité ; et s’il trouve leur légitimité (interne) dans les trois légitimités d’impartialité, de réflexivité et de proximité (que doivent aussi incarner les pouvoirs élus par le peuple), ce n’est pas pour en faire un pouvoir. A fortiori pour l’autorité judiciaire. On retrouve cette question de la confiance, fondement de la légitimité du juge, en introduction d'un auteur à son propos sur « l'émergence du contre-pouvoir juridictionnel sous la Ve République »[51] ; il note que l'on est passé « d'une culture de méfiance au principe démocratique de confiance envers le juge »[52], puis développe l'idée que « le processus de légitimation du juridictionnel comme contre-pouvoir » passe par « la stature du juge » (légitimité lors de son recrutement et dans sa carrière) et par « son activité » (légitimité par l'impact de la jurisprudence et par « la responsabilisation du juge »)[53]. De là à en faire le troisième pouvoir, il y a un fossé que nous ne saurions enjamber en raison des dangers que nous avons dénoncés de l’auto-gouvernance des juges (v. ss ce numéro, a).
 Comme nous l’avons écrit il y a maintenant plus de vingt ans, « là est sans doute le summum du pouvoir : le contrôle de soi. On pourrait l'appeler l'autorité qui, à proprement parler, n'a rien de péjoratif ou de réducteur par rapport à la notion de pouvoir »[54]. C'est cette autorité que le juge s'impose à lui-même qui légitime fondamentalement celle qu'il a mission d'exercer sur autrui, simple particulier ou détenteur d'une puissance de vouloir pour autrui. Mais cette autorité a un prix, celui de la responsabilité qui est l'expression achevée de la liberté. D'où cette question finale posée par Jean-Denis Bredin : « le juge indépendant peut-il être irresponsable ? ». Certes, « ne sont pas simples à rechercher les règles qui pourraient mettre en œuvre la responsabilité du juge sans porter aucune atteinte à son indépendance ». Mais si l'on veut éviter au juge la tentation de l'exaltation, le fantasme du « héros purificateur » qui finirait par se placer au-dessus du Droit, il ne sera pas possible de faire longtemps l'économie de ce débat »[55]. La question de la responsabilité du juge sera envisagée dans le prochain chapitre avec les principes du service public de la justice et ses relations avec les justiciables : c'est une question capitale, au cœur des réflexions sur l'avenir du service public de la justice, sur le statut des juges et dont tout dépend, la carrière des magistrats comme la confiance des justiciables en leur justice, confiance grandement altérée chez nos concitoyens, à en croire un sondage réalisé en 1995, qui révélait que le service public de la justice venait en dernière position des bonnes opinions des Français, pour la confiance qu'il inspirait, bien après l'enseignement supérieur, ce qui est un comble et un désastre quand on pense à toutes les crises graves subies par ce dernier et qu'il n'est pas considéré par les Français comme ayant démérité[56]. V. Belles pages, N° 2, d'autres sondages sur l'image de la Justice.


[1] Sur la distinction entre autorité, fonction et pouvoir, v. Ch. Atias, in Les juges : de l’irresponsabilité à la responsabilité ?, Colloque Aix 3, 5-6 mai 2000, PUAM, 2000. 9.
[2] R. Perrot, in La crise du juge, ouvrage collectif, Story Scientia et LGDJ, 1991, p. 37.
[3] Ibid. 37.
[4] L. Favoreu, ibid. 69.
[5] Y. Gaudemet, ibid. 98.
[6] Sur laquelle, D. Salas, « Le juge dans la cité : nouveaux rôles, nouvelle légitimité », Justices 1995-2. 177. A. Garapon, Justices 1999-1, nouvelle série, 40 et, en réponse, L. Cadiet, in Archives de philosophie du droit, Dalloz, 2001, t. 45. Rappr. P. Rosanvallon, cité ci-après.
[7] L. Favoreu, La crise du juge, colloque préc. p. 67.
[8] Y. Gaudemet, ibid. 90-97.
[9] D. 13 sept. 1989 (JO 15 sept. 1993), mod. par Décr. no 95-1037, 21 sept. 1995. CE 20 mars 1992, D. 1992. IR 139 qui en confirme la légalité.
[10] Sur la crise d’efficacité de la justice en Europe, v. Pour une nouvelle justice civile, colloque du MEDEL, Paris, 29-30 janv. 1999, éd. Annonces Seine.
[11] J. Lenoble, op. cit. 142. A. Garapon, « La démocratie à l’épreuve de la justice », Revue Justices 1999-1, nouvelle série, 40.
[12] Ibid. 154. S. Guinchard, in Mélanges Farjat, éd. Frison-Roche, 1999, p. 139, spéc. III.
[13] P. Rosanvallon, La légitimité démocratique, Seuil, 2008.
[14] Interview P. Rosanvallon, Nouvel observateur 4-10 sept. 2008, p. 90 et, surtout, son ouvrage précité sur la Légitimité démocratique.
[15] J. Lenoble, op. cit. 140 à 143.
[16] TI Paris 1er juill. 1988 et 12 oct. 1989 ; Versailles 22 mars 1990 ; Paris 15 nov. 1991, JCP 1992. II. 21954, note Viney.
[17] S. Guinchard, « L’action de groupe en droit français », RID comp. 1990. 599 ; « La morale au prétoire », in Mélanges Foyer, PUF, 1997.
[18] A. Garapon et T. Pech, « L’impossible réforme de la justice. Bilan d’un échec politique », Re. Esprit juin 2000, p. 22.
[19] Mouvements motivés par la revendication « d’une justice de qualité, rendue dans un délai raisonnable », d’un budget pour une justice « digne de ce nom », avec la remise à plat du système judiciaire et la redéfinition des missions essentielles de la justice.
[20] V. par ex. Crim. 6 févr. 1996 : D. 1996. 198, note Pradel ; Procédures 1996, no 94, obs. J. Buisson ; Justices 1996-3 (juge d’instruction qui instruit au-delà de sa saisine). TGI Paris 1re ch. A 3 avr. 1996, Gaz. Pal. 584 et chron. Woog, ibid. p. 1406 (qui retient la faute lourde de l’État pour transmission à la presse d’un rapport du procureur général de Lyon, par ailleurs jugé mensonger et diffamatoire par un jugement du tribunal correctionnel de Lyon 5 juill. 1994, Gaz. Pal. 25 mai 1995), v. ss 248.
[21] D. Soulez-Lariviere, « Le juge et la politique, un opéra sans fin ? », in Commentaire 1994, no 65, Plon, p. 5. X. Puel, « Le mirage à la Française : le gouvernement des juges », Gaz. Pal. 27 avr. 1996.
[22] Sur l’exemple anglais des relations entre justice et politique, J. Bell, Justices 1996-3. 25. Aux États-Unis, C. Vroom, RSC 1988. 487 s.
[23] D. Salas, Du procès pénal, coll. « Les voies du droit », PUF, 1995.
[24] B. Louvel, Allocution à la Cour de cassation, 18 déc. 2015, JCP 2016, supplément au n° 1-2, p. 5. B. Louvel et J.-C. Marin, audition à l’Assemblée nationale, 6 avril 2016.
[25] B. Louvel et J.-C. Marin, audition à l’Assemblée nationale le 3 février 2016.
[26] F. Zenati-Castaing, « La juridictionnalisation de la Cour de cassation », RTDCiv. 2016, 511. Rappr. E. Dreyer, « La main invisible de la cour de cassation », D. 2016, 2473.
.[27] V. aussi les propositions du Club des juristes en mai 2012, Pour une administration au service de la justice ». Aperçus : L. Raschel, JCP 2012, doctr. 882 et Revue Lamy dr. civil, juill./août 2012, n° 95, p. 68. J. Danet et P. Delmas-Goyon, JCP 2012, doctr. 886. Ce Club ne prévoit aucun contre-pouvoir au futur pouvoir judiciaire et on a envie de lui dire : Montesquieu où es-tu ? Séparation des pouvoirs et indépendance ne signifient pas absence de contrôle. Le Conseil constitutionnel contrôle la production législative du Parlement et, par là même, l’action politique du Gouvernement ; ce dernier est auss soumis au contrôle du Parlement et celui-ci à la volonté des citoyens telle qu’elle s’exprime dans les élections ! Rappr. v. ss 130, c, pour la composition et les compétences du CSM et v. ss 167 pour l’autonomie budgétaire du corps.
[28] V. P. Truche, « Discours de rentrée du 13 janv. 1999 », in Rapport annuel de la Cour de cassation pour 1998, Doc. fr., 1999, p. 27.
[29] Sur cette question de la légitimité, v. ss 98, les références citées, en note.
[30] Déjà, P. Truche, Rapport de la commission de réflexion sur la justice, Doc. fr. 1197
[31] P. Hébraud, Les garanties d’indépendance des juges, Travaux de l’Institut de droit comparé de Paris, 1958.
[32] N. Questiaux, « Statut, carrière et indépendance du magistrat français », rapport au colloque IEP de Strasbourg, in Justice et Politique, PU Alsace, 1974. F. Sarda, « L’intervention du pouvoir dans les instances judiciaires », Pouvoirs 1981. 16.
[33] V. A. Garapon, Le gardien des promesses, O. Jacob, 1996 ; C. Guarnieri et P. Pederzoli, La puissance de juger, Michalon éd., 1998. in intro. générale ; J.-D. Bredin, « Un nouveau pouvoir ? », Rev. deux mondes, nov. 1995. 126 ; D. Salas, Le tiers pouvoir, vers une autre justice, Hachette Littératures, 2e éd., 2000 ; M. Dobkine, « La question judiciaire : un enjeu pour la justice ou pour la politique ? », D. 16 avr. 1998, Vo « Dernière actualité » ; T. Renoux, « Justice et politique, pouvoir et contre-pouvoir ? », JCP 1999. I. 161 ; « La réforme de la Justice en France : le juge et la démocratie », Gaz. Pal. 22 janv. 2000, Doctr. ; D. de Bechillon, « Le gouvernement des juges : une question à dissoudre », D. 2002. Chron. 973 ; J. Van Compernolle, « Vers un gouvernement des juges ? », in Le rôle du juge dans la cité, colloque Bruxelles, 12 oct. 2001, Bruylant, 2002, 151 ; J. Gicquel, « La Justice : un enjeu politique de la cohabitation de législature (1997-2002) », in Mélanges Pactet, Dalloz, 2003, p. 649. F. Hourquebie, Sur l’émergence du contre-pouvoir juridictionnel sous la Ve République, Bruylant, 2004, préf. Slobodan Milacic. Y. Benhamou, « Plaidoyer pour le retour en grâce des juges », D. 2009. 1040.
[34] C. Guarnieri et P. Pederzoli, La puissance de juger, Michalon éd., 1998,  in « Introduction générale ».
[35] A. Garapon, préf. à La puissance de juger, op. cit., Michalon éd., 1998, p. 12.
[36] J.-D. Bredin, « Qu’est-ce que l’indépendance du juge » ?, Justices 1996-3. 164.
[37] Ibid.
[38] Ibid.
[39] S. Guinchard, « Le procès équitable, garantie formelle ou droit substantiel ? », in Mélanges Farjat, éd. Frison-Roche, 1999, p. 139, spéc. III. Dans le même sens que notre pensée exprimée dès l’éd. de 1996, A. Garapon, Le Gardien des promesses, op. cit. 1995 ; Le nouvel âge de l’autorité, rapport aux Entretiens d’Aguesseau, Limoges 19-20 oct. 2000, PU Limoges, 2001, 13 ; J. Danet, in Encyclopedia Universalis, supplément Universalia, 1998, avr. 1999, p. 120, spéc. p. 121.
[40] Par exemple, la prise de position politique de l’association des juges d’instruction contre un projet de réforme de la prescription de l’abus de biens sociaux, en janv. 1996 ou contre le vote de la loi conduisant à la création d’un juge des libertés et de la détention (L. 15 juin 2000) ; or, les juges, et les juges d’instruction peut-être plus que les autres (parce qu’ils ont prise sur les libertés individuelles), sont nommés pour appliquer les lois, pas pour contester, ès qualités de magistrat, les projets de loi ; s’ils veulent le faire qu’ils démissionnent et se présentent au suffrage de leurs concitoyens ! Il faut éviter la confusion des genres et des pouvoirs si l’on veut être respecté.
[41] P. Rosanvallon, La légitimité démocratique – Impartialité, réflexivité, proximité, Seuil éd., 2008, 4ème de couverture. 
[42] V. O. Duhamel et Y. Mény, Dictionnaire constitutionnel, PUF, 1998.
[43] Sur cette notion, v. ss 84, la biblio. citée, en note.
[44] Pour faire bonne mesure, M. Louvel attaquait de front le Conseil d’État d’une part, sur sa jurisprudence en matière d’organisation du service public de le justice qui le conduit à contrôler les avis du CSM sur les nominations des magistrats et, d’autre part, sur sa compétence dans le contentieux de mise en œuvre de la loi « renseignement » ou dans celui de l’état d’urgence
[45] Allocution de clôture au colloque organisé par…la Cour de cassation à l’Assemblée nationale et au Sénat, les 25 et 26 mai 2016 (sur « La place de l’autorité judiciaire dans les institutions » et rapportée à Gaz. Pal. 31 mai 2016, n° 20, p. 6 et Dalloz, collec. Thèmes et commentaires, série Actes, nov. 2016, p. 235 s., spéc. p. 236.
[46] Propos rapportés par la Gazette du Palais, 13 décembre 2016, p. 4, communiqué du ministre le 10 décembre.
[47] B. Mathieu, Justice et politique : la déchirure ? LGDJ/Lextenso 2015 et interwiews Gaz. Pal. 26 sept. 2015, n° 269, p. 15 et Petites affiches 19 oct. 2015, n° 208, p. 4.
[48] B. Mathieu, Entretien Gaz. Pal. 18 oct. 2016, n° 36, p. 7, à propos du livre de MM. G. Davet et F. Lhomme, Un président ne devrait pas dire çà, Stock éd. 2016.
[49] D. Rousseau, interview au journal Le Monde 14 avr. 2007, p. 12.
[50] P. Rosanvallon, La légitimité démocratique – Impartialité, réflexivité, proximité, op. cit., p. 262.
[51] F. Hourquebie, Sur l’émergence du contre-pouvoir juridictionnel pour la Ve République, Bruylant, 2004, préf. Sl. Milacic.
[52] Ibid., p. 1 s.
[53] Ibid., seconde partie, p. 347 s.
[54] S. Guinchard, Justices 1996/3, présentation du numéro « Justice et pouvoirs ». Rappr. A. Garapon, Le gardien des promesses. Justice et démocratie, O. Jacob, 1996, préf. P. Ricœur, p. 171-187.
[55] Sur ce débat, XXIIe colloque des IEJ, La responsabilité des gens de justice, Nantes, 8 et 9 nov. 1996, rapport de synthèse par S. Guinchard. V. aussi, G. Canivet, « Discours de rentrée solennelle de la Cour de cassation, 6 janvier 2006 », Le Monde 7 janv. 2006, p. 21.
[56] Ce sondage de 1995 ne fait que confirmer celui de la Sofrès de 1991 (publié par L’Express 13 juin 1991) et qui révélait que 78 % des Français estimaient que la justice ne remplissait pas bien son rôle, 82 % qu’elle était trop soumise au pouvoir politique (sondage réalisé à la demande du président et du rapporteur de la commission sénatoriale sur le fonctionnement de la justice).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire