mardi 30 mai 2017

BELLES PAGES 33: LES 3 PRINCIPES STRUCTURANT LES PROCÈS


SOMMAIRE
I – VERS DES PRINCIPES STRUCTURANT LES PROCÈS : VUE GÉNÉRALE
II – VERS DES PRINCIPES STRUCTURANT LES PROCÈS : VUES SPÉCIALES
III – LOYAUTÉ EN DROIT DU PROCÈS ET LOYAUTÉ EN DROIT DE LA CONCURRENCE
IV – VARIATION SUR LE MENSONGE ET LA DÉLOYAUTÉ : DE LA VIE POLITIQUE A LA VIE JUDICIAIRE EN PASSANT PAR LA VIE ACADÉMIQUE

I – VERS DES PRINCIPES STRUCTURANT LES PROCÈS :
 VUE GÉNÉRALE
Vers de nouveaux principes directeurs communs à toutes les procédures :
les principes structurants d’une démocratie procédurale
janvier 2017
Un triple mouvement vers une démocratie procédurale : loyauté, dialogue et célérité a) Trois principes structurent le droit du procès, l’ensemble des contentieux. Si, en partant des grandes évolutions de notre société, des attentes nouvelles des justiciables, on recherche un dénominateur commun à tous les contentieux, dans une perspective prospective, quels sont les principes directeurs susceptibles de se dégager en ce début de siècle ? Avec le risque de minimiser certaines évolutions, nous avons avancé l’idée, dès 1999, que trois principes structurants se profilent derrière les principes directeurs actuellement retenus dans chaque type de contentieux, principes qui correspondent à des besoins nouveaux, telles que les expriment les justiciables et les citoyens : un besoin de confiance dans l’institution Justice et de respect de l’Autre, d’où un principe (structurant) de loyauté, notamment dans la recherche de la preuve ; un besoin d’écoute de l’Autre, qu’il s’agisse des parties ou du juge, voire de tiers, d’où un principe (structurant) de dialogue entre les parties et entre celles-ci et le juge ; un besoin de proximité, mais pas forcément dans l’espace, le temps mis à parcourir une distance se substituant à la proximité géographique, d’où un principe, lui aussi structurant, de célérité, de proximité temporelle (que l’on trouvait déjà dans les principes énoncés, pour la procédure pénale, par la commission justice pénale et droits de l’homme) [1]. Ce sont les principes directeurs de demain qui ont vocation à irriguer tous les contentieux, ainsi du procès constitutionnel [2]. Ils transcendent la procédure civile pour confiner à l’élaboration d’un nouveau droit processuel, principes qui forment l’ossature d’une justice de meilleure qualité [3]. Ce sont des principes émergents [4], ce qui signifie clairement qu’ils sont encore contestés par certains auteurs qui, au mieux n’en voient pas l’utilité et, au pire, n’en décèlent pas l’existence (dans l’un et l’autre cas, ce sont souvent les mêmes qui s’opposent à la reconnaissance d’un principe de loyauté ; la jurisprudence les consacre peu à peu. On retrouve ces trois principes en filigrane du protocole passé le 29 septembre 2003 entre le TGI de Paris et l’Ordre des avocats de Paris pour améliorer le fonctionnement des chambres civiles quant à la mise en état : dialogue entre le juge et les parties/avocats, loyauté dans les comportements processuels, célérité dans le déroulement de la mise en état. Surtout, en matière d’arbitrage, le décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 qui refond entièrement cette procédure, introduit dans l’article 1464, al. 3 C. pr. civ., les principes que « les parties et les arbitres agissent avec célérité et loyauté dans la conduite de la procédure ». Avec le principe du dialogue contenu dans le respect de la contradiction (art. 1464, al. 2), on peut dire et souligner que les trois principes directeurs du nouveau droit de l’arbitrage correspondent exactement à ce que nous préconisons et écrivons en matière de principes structurant les procès[5]. Même réflexion pour l’ensemble de la procédure civile dans le rapport Delmas-Goyon remis en décembre 2013 sur Les juges du xixe siècle, qui propose d’inscrire le principe de loyauté dans le code de procédure civile[6], insiste sur la promotion de structures de dialogue (conciliation, médiation, etc.) et vise à favoriser la célérité de jugement. Ces évolutions récentes rendent par là même anachroniques et archéologiques les résistances doctrinales à cette émergence : une vision à long terme du droit du procès clive la doctrine en deux camps, d’un côté ceux qui, très attachés au légalisme procédural, se contentent de commenter la technique procédurale existante (souvent fort bien), de l’autre, ceux qui regardent au-delà de cet horizon et qui s’efforcent d’anticiper les évolutions à venir pour les instiller dans les esprits et les pratiques ; ce sont souvent les mêmes qui n’ayant pas vu venir ce que nous avons appelé dès les premières éditions de ce précis « le droit commun et le droit comparé du procès équitable », n’ayant pas compris le sens des expressions « droit processuel horizontal/droit processuel vertical », nient l’existence de ces principes structurants.
b) Ces principes structurants traduisent l’avènement d’une démocratie procédurale[7], ou, en termes plus politiques, participative [8] et qu’il faut « inscrire en lettres d’or aux frontons des palais de justice » [9]. Peu étudiés en doctrine, ils s’infiltrent néanmoins dans l’esprit des praticiens, que ce soit dans les discours de rentrée [10], ou dans les protocoles de fonctionnement des juridictions [11], dans celui des rédacteurs de rapports [12]. Ainsi, cette intuition de 1999 a été consacrée en juin 2004 par un rapport remis au garde des Sceaux sur la célérité et la qualité de la justice, puisque les auteurs de ce rapport préconisent la reconnaissance officielle du principe de loyauté « qui devrait figurer explicitement au nombre des principes directeurs du procès pour mieux asseoir sa nécessité et servir de référent pour toutes les procédures et devant tous les juges. Il impose également des réformes plus techniques qui visent toutes les phases de la procédure, notamment celles de première instance » [13]. Éclatante illustration de l’influence de la doctrine sur l’évolution des pratiques procédurales, au-delà de la pure technique juridique[14]. Les deux concepts de démocratie procédurale que nous défendons depuis 1999 et de légitimité démocratique (laquelle se trouve développée dans un ouvrage de Pierre Rosanvallon édité en 2008[15]), ne sont pas absents des préoccupations de la Cour EDH qui aidé à construire le concept de démocratie procédurale [16], puisque les exigences d’une société démocratique font aussi partie du contexte pertinent de la Convention EDH, au sens de l’article 31 de la Convention de Vienne, car il « la domine toute entière » [17] et parce que, selon le Préambule de la Convention, le maintien des libertés fondamentales « repose essentiellement sur un régime politique véritablement démocratique » [18]. Il faut donc préserver et promouvoir « un juste équilibre entre la défense des institutions de la démocratie dans l’intérêt commun et la sauvegarde des droits individuels » [19]. Appliquée au droit processuel, cette exigence a conduit la Cour EDH a déclaré que « dans une société démocratique, le droit à une bonne administration de la justice occupe une place si éminente qu’on ne saurait le sacrifier à l’opportunité » [20] et que l’exigence d’un procès équitable et public (art. 6, § 1) « compte parmi les principes fondamentaux de toute société démocratique » [21].

c) La démocratie se fonde ainsi sur la procéduralisation du droit [22] et la boucle est bouclée : la démocratie est procédurale et sa légitimité au sens de Rosanvallon s’enracine dans la procédure suivie plus que dans le résultat obtenu. La finalité universelle de recherche de l’effectivité du droit à un procès équitable dans toutes ses composantes, à la fois droit processuel par l’affirmation du principe et droit procédural par ses modalités de mise en œuvre au niveau national, c’est, au final, ce que nous appelons, depuis 1999, l’avènement d’une démocratie procédurale) et, dans un autre domaine, ce que Pierre Rosanvallon appelle la « légitimité démocratique ».

A. La confiance et le respect de l’Autre
par le principe de loyauté
Un principe consacré en droit européen, dans les règles transnationales de procédure et par la Cour de cassation belge
a) Le principe de « bonne foi » est visé dans l’un des arrêts fondateurs du droit européen, l’arrêt Golder du 21 février 1975, généralement connu pour l’affirmation de la Cour EDH d’un droit à un juge ; mais l’arrêt parle aussi de « bonne foi », qui n’est qu’une forme de loyauté (§ 34). D’autres arrêts de la Cour EDH consacrent le principe de loyauté : ainsi, celui du 26 septembre 1996 qui rejette, en l’espèce, l’argument de déloyauté, mais le retient en son principe [23]. Ou encore, celui du 5 octobre 2000, qui relève « qu’il est inacceptable qu’une partie remette des observations à l’autre, sans possibilité pour cette dernière d’y répondre » [24]. La cour EDH sanctionne de plus en plus souvent la déloyauté procédurale[25], notamment en droit de la preuve.
b) Le Conseil de l’Europe a expressément visé le principe de loyauté dans sa Recommandation no (95) 5 du 7 février 1995 : « il s’agit de conférer au principe de loyauté et à celui de coopération entre les différents acteurs du procès une place centrale au sein du processus judiciaire ».
c) Ce n’est sans doute pas un hasard si le projet de règles transnationales de procédure civile prévoit que la partie qui a agi de mauvaise foi pendant le procès (ce qui ne se confond pas avec l’abus du droit d’agir), peut être condamnée au paiement d’une amende.
d) En droit belge, outre la doctrine [26], la Cour de cassation a jugé le 27 novembre 2014 « qu’en vertu du principe de loyauté qui s’impose aux parties dans le déroulement d’une procédure civile, une partie qui change de domicile ou de résidence au cours d’une procédure est tenue d’en informer les autres parties à la cause » d’où le rejet de son pourvoi pour déloyauté)[27]. La droiture et la probité entrent ainsi au Panthéon de la justice civile, pour écarter l’application de règles de procédure.
Un principe essentiel à la qualité de la justice rendue, bien que contesté par une partie de la doctrine
Notion large sans doute (ce qui ne veut pas dire floue), protéiforme, mais dont on ressent bien la nécessité à lire ceux qui pratiquent la justice au quotidien ou qui réfléchissent à introduire davantage d’équilibre entre les parties en sanctionnant les comportements procéduraux déloyaux [28].
a) Si ce principe n’apparaît pas en tant que tel, pour l’instant du moins, dans les principes directeurs qui figurent en tête du Code de procédure civile, il est parfois expressément exprimé (EN droit de la preuve en matière civile et article 763, al. 3 pour l’arbitrage) et il sous-tend nombre de dispositions. Comme le soulignait J. Carbonnier, un principe peut être « latent sous des textes fragmentaires »[29] et, selon Cornu et Foyer, « certains principes non expressément énoncés sont nécessairement impliqués par l’ensemble des dispositions : ainsi le principe de loyauté, partout sous-jacent (dans la contradiction, les devoirs de la défense, l’obligation de concourir à la manifestation de la vérité) » [30]. Motulsky lui-même mettait à la charge des parties « une obligation d’observer un minimum de loyauté » [31]. Et, surtout, le rapport Delmas-Goyon sur Les juges du xxie siècle propose de l’inscrire dans l’article 15 du code de procédure civile, comme principe directeur du procès civil (proposition n° 28), suivant en cela le vœu d’une certaine doctrine[32], même si cette dernière en dénonce parfois l’utilisation douteuse qui peut en être faite[33].
b) Pour autant, une autre partie de la doctrine en conteste :
- soit l’existence en tant que principe directeur du procès [34], tout en faisant observer que les exigences de loyauté sont distillées dans le Code, ce qui traduit, pour le moins, une certaine contradiction ; en outre, est-il besoin de proclamer solennellement un principe au fronton d’un code pour qu’il existe ? Outre les opinions de Jean Carbonnier, de Cornu et Foyer et de Motulsky déjà citées dans ce numéro, on ajoutera que nul ne conteste l’existence de la cause du litige, bien que le mot même ne figure point dans le code ; qu’à l’instar de la nature qui fait émerger une partie seulement des icebergs, il est fréquent que le législateur soit sibyllin, ainsi de l’énumération des actes de commerce dans l’article L. 110-1, C. com., dont la doctrine la plus avisée écrit et enseigne depuis plus de cinquante ans qu’elle n’est que la partie émergée d’une notion dont la clef doit être recherchée, entre autres, chez Saint Thomas d’Aquin, Calvin et Karl Marx[35], doctrine que tout juriste devrait avoir lue avant de ne voir que ce qui est écrit dans les textes de lois. Et que deviendra la critique lorsque la proposition n° 28 du rapport Delmas-Goyon, précité, aura, un jour, force de loi dans l’article 15, CPC ? Enfin, la loyauté n’est pas la seule légalité procédurale, « car elle recouvre une autre réalité supposant un comportement actif des plaideurs au cours de l’instance »[36]. Les applications jurisprudentielles développées ci-après apportent un démenti cinglant à cette soi-disant inexistence du principe de loyauté procédurale ;
- soit ses conséquence imprévisibles[37] ou perturbatrices du système juridique [38] : ce à quoi on peut répondre que le droit substantiel, d’une part, connaît bien d’autres concepts protéiformes, les « bonnes mœurs », le « bon père de famille » (même si ces deux expressions ont disparu du code civil), la « bonne foi », notions qui, néanmoins, n’ont jamais perturbé notre système juridique et les procédures, mais ont, au contraire, poussé les juristes à promouvoir une justice plus équitable, au sens de l’equus, de l’équilibre entre les parties. D’autre part, pour rester sur le terrain de la loyauté, que dire de l’exigence de loyauté de la concurrence qui est le pendant et le corollaire de la liberté de celle-ci ? doit-on considérer, au-delà de toute évidence, que seul devrait exister un principe de liberté (totale) de la concurrence et que Paul Roubier a eu grand tort de construire une théorie de la concurrence déloyale[39] ? On n’a jamais entendu les pourfendeurs de la loyauté procédurale, pourfendre la loyauté de la concurrence ! Nous avons au contraire essayer de tisser des liens entre les deux utilisations du concept, en droit de la concurrence et en droit procédural, tellement il nous paraît évident que les deux droits (substantiel et procédural) ne peuvent échapper à l’emprise de cette notion[40]. En quoi le droit du procès, véritable science, devrait-il être traité moins bien que le droit substantiel ? Sans doute faut-il y voir une scorie du mépris dans lequel le droit du procès a longtemps été tenu par certains auteurs du droit substantiel ; la faiblesse du rejet de la loyauté procédurale est révélée par la faiblesse de l’argumentation, qui se résume généralement à l’affirmation péremptoire que « la morale n’a pas sa place en procédure » ! C’est un peu court.
- soit qu’il serait tout à la fois, et non sans contradiction avec les constats posés dans l’introduction de la chronique, « introuvable », « inutile », « inopportun » et « incohérent » [41].
c) Il nous semble que, même si la confiance domine dans les relations des parties avec leurs avocats ou avec le juge, il n’est pas inutile d’expliciter cet implicite par la consécration de la loyauté comme principe directeur du procès. Rendre la justice est une œuvre collective et se passer de loyauté est impossible ; on rejoint ici l’éthique [42] : le procès n’est pas un combat comme les autres, tous les coups ne sont pas permis. La qualité de la justice en dépend, dans tous les contentieux [43], de même que dans les modes alternatifs de règlement des différends[44] et, on le verra, en droit de l’arbitrage : par exemple, l’atteinte à la réputation d’un juge, par ses préjugés, son comportement personnel, son manque d’indépendance et son défaut de partialité, ruine la confiance en la Justice.

B. L’écoute de l’Autre par le principe du dialogue
Les trois aspects du principe du dialogue
Ce nouveau principe structurant [45] qui ne se confond pas avec la coopération entre le juge et les parties à l’œuvre commune de justice (car on peut dialoguer sans coopérer à une œuvre commune) tend à concerner tous les aspects de la vie des juridictions, dans le cadre d’un procès. Certaines applications sont classiques, d’autres émergent, mais toutes se répartissent entre un dialogue entre les juridictions elles-mêmes, entre les parties et le juge et, enfin, dans les relations des parties entre elles [46].
Ce principe apparaît aujourd’hui tellement fortifié, qu’un auteur a proposé l’idée d’un nouveau modèle de procès, le « procès dialogique », dont le principe d’égalité des armes serait le moteur [47].

C. La proximité (temporelle) par le principe de célérité
Principe essentiel de procédure
La lenteur a pu être considérée autrefois comme une sagesse qui « donne le temps de déjouer les calculs d’un adversaire trop habile et rassure la conscience du juge » (Garsonnet et Cézar-Bru). Ce temps est révolu, car la justice, service public, doit trancher les litiges dans les délais les plus rapides afin de garantir l’effectivité de leurs droits et, accessoirement, coûter moins cher aux contribuables (« time is money ! ». La célérité participe à cette effectivité [48]. D’ailleurs, certaines législations étrangères n’hésitent pas à inscrire dans leurs textes que « la solution juste et en même temps rapide des litiges apparaît comme un but essentiel » [49]. Déjà Montesquieu relevait : « il faut que la Justice soit prompte. Souvent l’injustice n’est pas dans le jugement, elle est dans les délais » [50]. Progressivement, au niveau des concepts, la célérité remplace l’exigence de proximité (des juridictions), laquelle, avec les moyens modernes de transport et de communication électronique pose moins de problèmes à résoudre ; déjà on prévoit, à Lyon, de tenir des audiences virtuelles de mise en état (protocole avec le Barreau). C’est la célérité qui est aujourd’hui l’un des nouveaux principes qui structurent les contentieux.
On retrouve cette exigence d’une part dans la notion de délai raisonnable de l’article 6, § 1 de la Convention EDH, notion commune à tous les contentieux et, d’autre part, dans chacun des contentieux.

II – VERS DES PRINCIPES STRUCTURANT LES PROCÈS :
VUES SPÉCIALES
Quels principes directeurs pour les procès de demain ?
(mélanges offerts à Jacques Van Compernolle, 2004)

                L’époque est à la (re)découverte des principes directeurs des procès, tout au moins en France[51]. Dès février 2001, avec la première édition de notre précis de droit processuel[52], nous avions posé les premiers jalons de cette mutation de tous les contentieux, en soulignant deux aspects caractéristiques de cette évolution : d’une part, l’apparition de principes directeurs dans chaque branche du droit du procès, d’autre part, l’émergence de nouveaux principes directeurs, communs à tous les procès, qui transcendent la diversité des contentieux. C’est ce double mouvement que nous voudrions reprendre et développer ici, en insistant sur la philosophie qui se dégage de cette double évolution : d’un côté une vision souverainiste, pour ne pas dire nationaliste (I), de l’autre une vision plus moderne et que l’on pourrait qualifier d’universaliste (II). Dans les deux cas – et ce trait mérite d’être relevé – tous les auteurs et tous les législateurs accordent une grande importance aux principes directeurs, qu’ils soient nationaux ou européens.
i) une vision souverainiste
            Apparue dans le contentieux civil, il y a plus de trente ans (A), elle se prolonge aujourd’hui dans les contentieux répressif et administratif (B), sans même parler des contentieux des autorités administratives indépendantes, notamment des autorités de régulation, un jeune auteur[53] ayant même préconisé la création d’un code de procédure de ces nouveaux contentieux qui mêlent étroitement justice civile, justice répressive et justice administrative, codification qui aurait le mérite de mieux fixer les principes directeurs de ces nouveaux contentieux.
            a) l’harmonieux équilibre des principes directeurs du procès civil
La procédure civile est, sur ce point au moins, nettement en avance sur les autres contentieux, dans la mesure où le code qui la régit comporte l’énoncé de principes directeurs dans un chapitre qui porte cet intitulé (article 1 à 24), depuis les premiers décrets de 1971, prélude à la grande codification réalisée en décembre 1975[54]. Ces vingt-quatre articles constituent la base réglementaire des principes directeurs du procès civil. Suivis de cinq articles propres à la matière gracieuse, ils sont l'image de marque du nouveau Code de procédure civile, la trace permanente que leurs rédacteurs légueront à la postérité, au-delà des nécessaires adaptations techniques des règles procédurales qui les suivent dans les articles 30 à 1507. Ils sont l'esprit du code, sa philosophie, son âme.

a) Quel esprit ? Ces principes ne sont pas nouveaux et s'inspirent largement du passé jurisprudentiel ; pourtant, la pars nova  est considérable et leur consécration légale leur donne une nouvelle force. Il serait dangereux de croire qu'ils ne proclament que ce que les processualistes ont toujours su. Les développements jurisprudentiels du droit procédural depuis 1976 prouvent que ces principes, tout en balancement entre le rôle des parties et celui du juge (V. les articles 1 à 3, 7 et 12, etc.), ont été largement utilisés par la jurisprudence pour affirmer progressivement le rôle prééminent du juge dans la conduite du procès civil, servant même de visa aux arrêts de la Cour de cassation, alors que ce n'était pas l'intention des rédacteurs du code. En effet, si ces principes précèdent formellement toutes les autres dispositions du code, chronologiquement dans l'élaboration du code, ils ne sont venus qu'après qu'a été annulée l'intention originaire du dialogue du juge avec les conseils des parties dans la mise en état de l'affaire. Ils ont donc une fonction, non pas d'accroître le caractère inquisitorial de la procédure, mais de modérer les pouvoirs reconnus au juge par le Nouveau code, spécialement au juge de la mise en état[55].

b) Quelle philosophie ? En deux mots, cohérence et équilibre :
- Cohérence d'un tout, d'un ensemble, car les principes– directeurs doivent être lus en coordination les uns des autres, en contemplation, ce qui ne rend guère la tâche aisée aux commentateurs du code, article par article ! Cohérence encore, parce que les principes directeurs se prolongent vers des applications particulières dans le reste du code ; ils énoncent des principes et, par conséquent, annoncent une suite ;
- Équilibre, car la procédure, comme les symphonies de Robert Schumann, est harmonie ; toute la procédure doit être un droit d'harmonie ; nous l'avions souligné à propos de la procédure d'appel et du principe du double degré de juridiction[56], mais la remarque vaut pour toute la procédure civile. N'est-ce pas, d'ailleurs, le sens du mot «équitable» dont la racine étymologique est aequus, c'est-à-dire «équilibre» ? L'équilibre rejoint le procès équitable et la Charte européenne de nos droits fondamentaux.

c) Quelle âme ? L'âme française bien sûr, car la procédure est territoriale par essence, même si elle est maintenant largement mâtinée d'influence européenne. Cette âme, c'est l'exigence d'une bonne justice, tant il est vrai que la technique, surtout lorsqu'elle est procédurale, n'est que la traduction de principes supérieurs qui la dépassent et la bordent. Si la procédure est une technique d'organisation du procès, rien de plus[57], il y a, au-dessus d'elle, plus fort, plus exigeant, un droit du procès qui se fond dans les libertés et droits fondamentaux, dans notre tradition républicaine enrichie de l'apport européen que la France contribue à élaborer. Bref, l'âme du procès, c'est « le souffle républicain »[58] qui passe sur la procédure civile, grâce à un droit du procès qui s'enracine dans notre devise, liberté, égalité, fraternité[59].

d) Quels principes ? Aucun n'est qualifié par les rédacteurs du code, alors qu'ils n'ont pas hésité à retenir l'expression de principes directeurs pour identifier le chapitre. Sans doute faut-il y voir une volonté de ne pas donner prise à certaines controverses (par exemple sur la cause) et, surtout, la traduction de l'idée que les textes de procédure civile, les codes en général, n'ont pas pour objectif, en France en tout cas, d'énoncer une théorie générale de la matière qu'ils réglementent. C'est à la doctrine qu'il revient d'accomplir ce travail de conceptualisation. On peut distinguer, en regroupant les articles de ce chapitre premier : un principe accusatoire ou d'impulsion du procès, dans son double volet d'introduction et d'extinction de l'instance (art. 1er), et de la maîtrise de la conduite, du déroulement de celle-ci (art. 2 et 3) ; un principe dispositif entendu comme la maîtrise de la matière– litigieuse, quant à l'objet du litige (art. 4 et 5), aux faits (art. 6 à 8) et à la preuve (art. 9 à 11) ; mais sans le droit qui reste l'apanage du juge (art. 12 et 13) ; un principe de la contradiction (art. 14 à 17) ; un principe de liberté de se défendre par soi-même (art. 18) et de choisir son défenseur (art. 19), tout en pouvant être entendu par le juge (art. 20) ; un principe (d'espoir) de la conciliation par le juge (art.– 21) ; un principe de publicité des débats (art. 22), assorti de– celui que les débats ont lieu en langue française (art. 23) ; enfin, un devoir, plus qu'un principe, de réserve des parties à l'égard de la justice (art. 24).
Les autres contentieux n’étaient pas, jusqu’en l’an 2000, régis, officiellement, de source législative, par des principes directeurs. On les cherchait en vain dans le code de procédure pénale ou dans le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, codes de procéduriers, pas de processualistes. Les choses ont changé en mai et juin 2000.

            b) la difficile ebauche de principes directeurs répressifs et administratifs
a) En procédure pénale, une tentative avait été faite, hors code, avec l’énoncé de dix principes directeurs par la commission « justice pénale et droits de l’homme », présidée par Madame Delmas-Marty. On y trouve le principe de légalité, la garantie des libertés, le principe de proportionnalité, la présomption d’innocence, le respect des droits de la défense, l’égalité entre les justiciables, le dignité de la personne humaine, l’égalité des armes, la célérité de la procédure et l’accès des victimes à la justice pénale. On remarquera que certains de ces principes sont directement repris du droit européen (proportionnalité, égalité des armes, célérité, accès à la justice). En doctrine, une présentation de trois principes directeurs a été faite en ouverture d’un manuel de procédure pénale, pour en constituer la première partie : l’unité de la justice civile et de la justice pénale, la présomption d’innocence et la théorie des preuves [60] ; on est donc assez loin des dix principes retenus par la commission précitée, le respect des droits de la défense n’y figurant pas à titre autonome. Un autre ouvrage érige ces principes en « encadrement » de tout le procès pénal et lui consacre près de 200 pages[61].
Mais la loi n° 2000- 516 du 15 juin 2000, renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, s’ouvre sur un article 1er, qui introduit un article préliminaire dans le code de procédure pénale. Et voilà placé au fronton de notre procédure pénale, des principes directeurs, certes fortement inspirés de nos engagements internationaux et de la jurisprudence constitutionnelle sur le procès équitable, mais qui ont le mérite de « recadrer » l’action législative et de nos tribunaux dans un ensemble de principes fondamentaux dont notre droit avait bien besoin, à titre symbolique au moins, sans parler de l’ignorance dans laquelle certains étaient de la jurisprudence européenne.
Ces principes directeurs ont été indiqué, chemin faisant, chacun à sa place, lorsque nous avons étudié les composantes du procès équitable. Rappelons simplement ici, dans une brève présentation synthétique, que le nouvel article préliminaire du code de procédure pénale s’articule en trois paragraphes, le premier étant consacré à la procédure elle-même, le deuxième aux droits des victimes et le troisième aux droits des suspects et poursuivis.

1)  Dans le paragraphe I en effet, trois alinéas définissent successivement les caractères d’une « bonne » justice pénale, la garantie de la séparation des autorités de poursuite et de jugement et le droit à un juge naturel. Les caractères d’une bonne justice pénale tournent autour de l’idée que la procédure pénale « doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties ». Ainsi trouve-t-on exposé, sous forme d’une obligation pour les législateurs à venir, la trilogie la plus caractéristique du procès pénal : équité (au sens le plus large d’équilibre, d’égalité entre toutes les parties), contradiction et, à nouveau, dans une répétition qui aurait pu être évitée, l’équilibre des droits de parties. On remarquera que cette dernière formule semble restrictive et ne viser que l’égalité des droits, pas une égalité de fait ; sans doute y verra-t-on un esprit bien français qui s’attache plus aux grandes déclarations de principe sur l’égalité en droit qu’à l’effectivité de cette égalité ; mais la rédaction et la promulgation du texte n’écartent pas l’application de la jurisprudence européenne, avec son cortège de décisions sur l’absence d’obstacles juridiques ou financiers à l’exercice des droits et notamment du droit à un juge. Bien que cela ne soit pas écrit dans le code, la procédure pénale française devra assurer des garanties effectives et concrètes et non pas illusoires, pour reprendre quelques unes des formules utilisées par la Cour européenne des droits de l’homme.
L’alinéa 2 sur la séparation des autorités de poursuite (le texte parle d’ailleurs « d’action publique » et de jugement est plus curieux, puisqu’il écarte les autorités d’instruction dont la séparation n’est ainsi élevée au rand d’un principe législatif. Pourquoi ? Au-delà de la question du juge pour enfants qui tout à la fois instruit et juge et dont il fallait préserver l’existence (non condamnée à Strasbourg), il y a l’idée, sous-jacente, qu’il n’est pas gravé dans les tables de l’éternité que l’instruction doive être confiée à une autorité indépendante des deux autres. Ainsi se profile un nouveau modèle de procès pénal dont le juge d’instruction, en tant qu’organe autonome, serait exclu (v. infra, n° 581). On ne s’en plaindra pas, tant la situation actuelle montre qu’on est arrivé au bout des raisons qui justifiaient son maintien.
Enfin, pour le droit à un juge naturel, le législateur prend soin de préciser qu’il ne joue que pour les personnes placées dans les mêmes conditions ; ainsi se trouve justifiée l’existence des juridictions « politiques » pour le chef de l’Etat (Haute Cour de justice) et pour les ministres (Cour de justice de la République), sans parler des juridictions pour les mineurs ou, pour ce qu’il en reste, pour les infractions militaires.

2)  Le deuxième paragraphe place l’information des victimes et la garantie de leurs droits au cours d’une procédure pénale, sous la « veille » de l’autorité judiciaire. Rappelons que l’article 66 de notre Constitution fait de cette autorité la gardienne de la liberté individuelle. Cette application aux victimes n’est donc que l’expression d’un principe pus général qui dépasse le sort des victimes. Il faut y voir, en procédure pénale, l’idée d’un devoir de protection juridictionnelle de l’Etat à l’égard de tous les citoyens et pas seulement des victimes.

3)  Enfin, le troisième paragraphe, très long, se scinde en cinq alinéas où l’on trouve, pêle-même : le droit à la présomption d’innocence qui a déjà valeur internationale, européenne et constitutionnelle (al. 1) ; le droit à l’information des charges contre une personne suspectée ou poursuivie et le droit à l’assistance d’un défenseur (al. 2) ; le contrôle effectif d’un juge ou d’un autre membre de l’autorité judiciaire dans toute mesure de contrainte, la proportionnalité qui doit être respectée entre cette mesure et la gravité de l’infraction reprochée et le respect de la dignité humaine (al. 3) ; la garantie d’un délai raisonnable dans le jugement de l’accusation portée contre une personne (al. 4) ; enfin, le droit à un double degré de juridiction (al. 5).
A terme, compte tenu de l’éclatement du pouvoir de répression pénale entre plusieurs organes, du juge judiciaire pénal classique (tribunaux de police, correctionnels, cours d’assises, chambre criminelle de la Cour de cassation) au juge civil (cour d’appel de Paris et chambre commerciale de la Cour de cassation pour certains contentieux de la régulation) en passant par le juge administratif (contraventions de grandes voiries, recours dans d’autres contentieux de la régulation), l’administration elle-même (par exemple pour les pénalités fiscales, douanières) et les autorités administratives indépendantes, l’idée a été émise d’un codes des procédures répressives qui permettrait d’imposer à tous ces attributaires du pouvoir de répression, les mêmes principes et les mêmes procédures[62].

b) En contentieux administratif, les choses ont aussi évolué en mai 2000, plus modestement, il est vrai, qu’en procédure pénale. Le nouveau code de justice administrative, porté par une ordonnance n° 2000-387 et deux décrets n° 2000-388 et 389 du 4 mai 2000, contient un titre préliminaire comprenant onze articles qui ressemblent fort, bien que cela ne soit pas dit, à l’énoncé de principes directeurs de la justice administrative. L’intérêt ratione materiae de ce titre c’est qu’il a vocation à s’appliquer à tous les contentieux traités devant le Conseil d’Etat, les Cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs (art. L. 1). Mis à part l’article L.2 qui rappelle que la justice, même administrative, est rendue au nom du peuple français, les autres dispositions ont trait au fonctionnement de la justice administrative ou aux effets des requêtes et des jugements :

1) Pour ce qui concerne le fonctionnement de la justice, on trouve : le principe de collégialité, sauf exception dûment prévue par la loi (art. L. 3) ; le principe de la publicité de la justice (art. L. 6 pour les débats et L. 10 pour les jugements qui sont rendus publiquement et dont le nom des juges qui l’ont rendu est porté sur le jugement) ; le principe du secret du délibéré (art. L. 8) et celui de la motivation des jugements (art. L. 9) ; le principe de la contradiction, mais curieusement limitée à l’instruction des affaires et sous réserve de l’urgence qui peut justifier une adaptation de ce principe (art. L. 5), ce qui constitue une double restriction difficilement admissible : pourquoi pas un contradictoire pour l’audience de jugement ? Pourquoi une adaptation en cas d’urgence, alors qu’au contraire l’urgence d’une situation devrait renforcer la garantie du contradictoire ?
Quant au principe que le commissaire du gouvernement est « membre de la juridiction » et « expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu’elles appellent » (art. L. 7), il a manifestement été rédigé en écho à la jurisprudence du Conseil d’Etat sur la place de ce commissaire dans le fonctionnement de la justice administrative et plus particulièrement par rapport au délibéré auquel il assiste sans délibérer (arrêt Esclatine), mais aussi en réaction à la jurisprudence européenne sur la même question. Ce texte ne convainc pas. En effet, si le commissaire du gouvernement est membre de la juridiction il n’est pas membre de la formation de jugement (le texte se garde bien de le dire) et alors la question est posée de savoir pourquoi il assiste au délibéré. S’il n’est pas membre de la formation de jugement et qu’il n’est pas une partie, sa neutralité doit être rigoureusement garantie par sa place égale, à juste distance des parties et du juge ; or, avec cette rédaction, il se rapproche, un peu trop du juge qu’il espère bien influencer par le contenu des conclusions doublé d’une présence (taisante ? mais alors pourquoi ?) au délibéré.

2) Deux dernières dispositions sont relatives aux effets des requêtes qui n’ont pas d’effet suspensif (art. L. 4) et des jugements qui sont exécutoires (art. L. 11).
Au final, un texte qui manifeste un léger progrès vers la prise en compte, en jurisprudence administrative, de certaines des garanties d’une bonne justice, mais un texte peu ambitieux (où est l’équité, l’égalité des armes ?) et bien terne (par exemple sur la contradiction).

ii) une vision universaliste : vers de nouveaux principes directeurs communs à toutes les procédures

Si, en partant des grandes évolutions de notre société, des attentes nouvelles des justiciables, on recherche un dénominateur commun à tous les contentieux, dans une perspective prospective, quels sont les principes directeurs susceptibles de se dégager en ce début de siècle ? Avec le risque d’en oublier ou, plus exactement de minimiser certaines évolutions, nous avancerons l’idée que trois principes se profilent derrière les principes actuellement retenus, qui correspondent à des besoins nouveaux, telles que les expriment les justiciables et les citoyens : un besoin de loyauté, notamment dans la recherche de la preuve ; un besoin de dialogue entre les parties et entre celles-ci et le juge ; un besoin de célérité (que l’on trouvait déjà dans les principes énoncés, pour la procédure pénale, par la commission justice pénale et droits de l’homme). Ce sont les principes directeurs de demain [63]. Ainsi, pour la procédure civile, le Nouveau code a aujourd'hui trente ans, et s'il constitue la charte des droits et obligations des parties et du juge, il faut aller chercher ailleurs les droits fondamentaux du procès civil, ceux que le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'homme confortent ou découvrent au fil des lois ou des affaires qui leur sont soumises, sans parler de la jurisprudence du Comité des droits de l'homme de l'ONU, sur le fondement du Pacte international des droits civils et politiques de 1966. Encore modeste dans le droit du procès civil, cette construction s'affine et s'affirme comme l'événement majeur de ce troisième millénaire naissant. Qui eût cru, par exemple, que les articles 979 et 1009-1 feraient un jour l'objet d'un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme  ? Qui eût pensé que le droit à un juge, à un recours, et le droit à l'exécution d'un jugement seraient consacrés comme des droits fondamentaux par cette même Cour ? Qui aurait osé utiliser la notion de droit à un tribunal impartial de l'art. 6, §1, de la Convention européenne, plutôt que la procédure de récusation des juges du Code de procédure civile ? Qui eût envisagé que le Conseil constitutionnel verrait dans la Cour de cassation un ordre de juridiction et que les règles relatives à la création de nouveaux ordres de juridiction s'entendraient comme les règles constitutives de tout nouveau type de juridiction ? Qui eût prophétisé que, sur cette base ainsi élargie, la jurisprudence du Conseil constitutionnel allait envahir la procédure civile, bien au-delà de la répartition des compétences qu'opèrent les articles 34 et 37 de notre Constitution, le Conseil reconnaissant même que le législateur peut déborder sur le domaine réglementaire, sans que cela constitue une cause d'inconstitutionnalité de la loi ? Qui eût alors songé qu'un jour, le Conseil nous dirait que le droit à un sursis d'exécution en cas de recours porté devant une juridiction est l'un des éléments des droits de la défense ?

A.        Le principe de loyauté
Notion vague sans doute, protéiforme, mais dont on ressent bien la nécessité, même si c’est de manière empirique[64]. Les comportements processuels des professionnels de la justice sont concernés au premier chef, dans leurs relations entre eux et avec leurs clients[65]. Rendre la justice est œuvre collective et se passer de loyauté est impossible ; on rejoint ici l’éthique : le procès n’est pas un combat comme les autres, tous les coups ne sont pas permis. Le principe de « bonne foi » est d’ailleurs visé dans l’un des arrêts fondateurs du droit européen, l’arrêt Golder du 21 février 1975, généralement connu pour l’affirmation de la Cour européenne d’un droit à un juge ; mais l’arrêt parle aussi de « bonne foi », qui n’est qu’une forme de loyauté (§ 34). Ce n’est sans dote pas un hasard si le projet de règles transnationales de procédure civile prévoit en son article 30-5, que la partie qui a agi de mauvaise foi pendant le procès (ce qui ne se confond pas avec l’abus du droit d’agir), peut être condamnée au paiement d’une amende. La qualité de la justice en dépend, dans tous les contentieux.

a) En procédure civile, ce principe n’apparaît pas en tant que tel dans le nouveau code de procédure civile.

1) Indirectement on le trouve exprimé dans le droit de la preuve[66], aux article 9 (« conformément à la loi ») et 10 (« mesures légalement admissibles ») du code civil, dispositions que l’on retrouve dans les textes du nouveau code de procédure civile sur les mesures d’instruction (par exemple dans l’article 143 pour la notion de mesure légalement admissible). De même, en permettant la production forcée des pièces détenues par une partie, l’article 142, NCPC, postule une obligation de loyauté dans la production spontanée. Motulsky y voyait l’une des composantes des droits de la défense, au même titre, pour les parties, que l’obligation de donner connaissance de l’introduction de l’instance et de l’obligation de permettre la comparution et aux côtés de l’obligation, pour le juge, de sanctionner les violations des droits de la défense commises par les parties, d’observer une stricte neutralité et de motiver ses jugements et, pour le législateur, d’organiser un système rationnel de voies de recours [67].

2) Le principe de loyauté procédurale tend à acquérir une importance autonome, au-delà du domaine de la preuve.
- Cette évolution doit être rapprochée de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, (qui est une forme de l’obligation de loyauté) et de l’introduction de l’estoppel en droit français. En effet, sont récemment apparues en droit interne français des hypothèses où le juge a rejeté la prétention d’un plaideur à remettre en cause, devant les tribunaux, une situation qu’il avait lui-même provoquée, sans que ce rejet ne soit fondé sur les théories traditionnelles de la fraude à la loi, de l’apparence ou de la règle nemo auditur ; ainsi, lorsqu’une « mère » adoptive sollicita la révocation de l’adoption du jeune homme qu’elle n’avait adopté, en fait, que pour échapper, en tant que bailleur, à la législation sur les baux ruraux [68] ; ou encore, lorsque le cédant d’actions sociales n’ayant pas notifié cette cession invoque l’absence d’agrément des cessionnaires [69] ; ou enfin, lorsqu’il est décidé « qu’un prévenu n’est pas recevable à invoquer l’inopposabilité en France d’une décision étrangère qui a prononcé le divorce sur sa demande » [70]. Cette interdiction de se contredire au détriment d’autrui, véritable principe général du droit[71], notamment dans le domaine du commerce international [72]et qui tend à être sanctionné par l’irrecevabilité en droit privé interne (donc présenté par le moyen d’une fin de non-recevoir) pourrait, selon un auteur, être systématisée, formalisée par l’institution anglaise de l’estoppel, « mécanisme purement défensif, enraciné dans l’équité et tendant à la moralisation des comportements processuels » [73]. Ce mécanisme pourrait même, dans l’ordre international, « prendre le relais de la fraude au jugement » [74]. En tout cas, on voit poindre, en droit français, une technique d’irrecevabilité fondée sur l’idée plus générale de loyauté dans le pouvoir d’agir en justice. Il ne serait pas anormal alors, d’y voir une nouvelle fin de non-recevoir, plutôt qu’une défense au fond ; on remarquera à cet égard que dans le lexique anglo-français du Conseil de l’Europe (1993), l’estoppel correspond à trois institutions françaises, dont la fin de non-recevoir [75].
- De même, dans le cas d’une femme marocaine divorcée selon la loi française et qui n’a pas demandé l’application (obligatoire, en raison d’un traité franco-marocain, lorsque les deux époux sont de la même nationalité marocaine et du caractère indisponible des droits) de la loi marocaine, ni en première instance, ni en appel ; elle le fait pour la première fois en Cour de cassation, parce qu’elle a perdu dans son affaire de divorce. N’y a-t-il pas violation d’une obligation de bonne foi processuelle ? N’est-ce pas une déloyauté que d’attendre d’arriver en cassation pour invoquer un moyen qui aurait pu l’être utilement dans les instances précédentes ? La Cour de cassation n’aurait-elle pas pu sanctionner cette déloyauté par le rejet du pourvoi ? [76]
- Avec la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 sur la prestation compensatoire, l’article 272, al. 2 du code civil s’enrichit d’une obligation de loyauté : « dans le cadre de la fixation d’une prestation compensatoire par le juge ou par les parties dans la Convention visée à l’article 278 ou à l’occasion d’une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie ». C’est une obligation de transparence, de loyauté, à rapprocher des article 10, 132 et s., 763, NCPC, dispositions qui visent à assurer la loyauté des débats. La ruse est visée pour être mieux déjouée, mais la surcharge de travail de certains juges aux affaires familiales permettra-t-elle de sanctionner cette déloyauté ? [77]

3) Dans les procédures d’exécution, on peut découvrir une trace de cette obligation de loyauté dans l’article 24 de la loi du 9 juillet 1991 qui fait obligation aux tiers d’apporter leur concours aux procédures d’exécution, sauf motif légitime [78]. De même, dans l’article 60 du décret d’application du 31 juillet 1992, à propos de l’obligation d’information qui pèse sur le tiers saisi dans le cadre de la saisie-attribution.

4) Enfin, on voit poindre cette obligation dans l’arbitrage. Ainsi la cour de Paris a-t-elle jugé le 5 juillet 2001[79] que « le comportement consistant à invoquer un vice de la sentence seulement dans le cadre du recours en annulation, alors que ledit vice aurait déjà pu être soulevé en cours de procédure, constitue une violation du principe de la bonne foi que les pouvoirs d’amiable composition conférés aux arbitres n’affranchissent pas les parties de respecter ». On retrouve ce principe aussi dans les modes alternatifs de règlement des conflits[80].

b) En procédure pénale, contrairement à ce que l’on pourrait croire, compte tenu de l’importance de ce contentieux pour la protection des libertés fondamentales, ses règles ne consacrent pas encore une obligation absolue de loyauté, notamment dans la recherche des preuves. Il est significatif de signaler, à cet égard, qu’en mars 1999, au cours du débat à l’Assemblée nationale sur la réforme de la procédure pénale et de la présomption d’innocence, un amendement tendant à ce qu’il soit statué sur l’accusation « sur le fondement de preuves loyalement obtenues » a été combattu par des députés et notamment par un avocat ! On aurait cru la jeune génération de députés venus du Barreau plus proche des libertés et droits fondamentaux qui fondent notre procédure pénale [81].

1)  Certes, le policier dans l’enquête, comme le juge d’instruction dans l’instruction, doivent administrer la preuve dans le respect du principe de légalité, ce qui implique que cette administration soit loyale, sans stratagème ni artifice. C’est la fameuse affaire Wilson de 1888 dans laquelle les Chambres réunies de la Cour de cassation avaient sanctionné l’attitude d’un juge qui s’était fait passer pour un tiers, au téléphone, afin de mieux obtenir, par la ruse, les confidences d’un complice de l’infraction [82]. La chambre criminelle a confirmé cette jurisprudence par la suite [83] :
- Même solution pour un policier qui avait enregistré les propos d’un suspect en dissimulant un magnétophone [84].
- C’est aussi tout le problème des écoutes téléphoniques, pour lequel l’attraction de la procédure par les droits fondamentaux internationaux est forte, puisque la France a dû adapter sa législation par une loi du 10 juillet 1991, suite à sa condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme [85].
- De même encore, l’administration des douanes qui met en œuvre une fausse filière de trafic de stupéfiants effectue une livraison contrôlée dont la finalité reste obscure ; dans ce cas, « la provocation à l’infraction par un agent de l’autorité publique exonère le prévenu de sa responsabilité pénale lorsqu’elle procède de manœuvres de nature à déterminer les agissements délictueux portant ainsi atteinte au principe de loyauté des preuves » [86].

2)  Pour autant, l’obligation de loyauté n’est pas encore, en procédure pénale, un impératif absolu, comme on va pouvoir en juger : beaucoup reste à faire pour conforter le principe de loyauté :

- Ainsi, est-il admis depuis l’arrêt Wilson de 1888 (précitée), que si un juge ne peut procéder par ruse, la même obligation ne pèse pas avec la même force sur le policier, « la dignité ayant des exigences variables suivant le rang qu’on occupe dans la hiérarchie ». D’où l’admission de la preuve par un cinémomètre associé à un appareil de photo et dissimulé, ce procédé ne portant pas atteinte, selon la Chambre criminelle, à la vie privée (protégée par l’article 8 de la Convention européenne) [87]. De même, le principe de loyauté oblige seulement les policiers ou gendarmes à justifier de l’homologation de l’appareil qu’ils utilisent pour contrôler le taux d’alcoolémie des conducteurs ; ils n’ont pas à joindre le ticket imprimé par l’appareil, la preuve de l’alcoolémie résultant suffisamment du taux indiqué sur le P.V par le policier [88].

- Les provocations policières elles-mêmes sont admises, dès lors qu’elles visent seulement à administrer la preuve de l’infraction, alors qu’elles entraînent la nullité de la procédure si elles tendent à provoquer une infraction. « La chambre d’accusation a justifié sa décision d’étendre la nullité des écoutes téléphoniques aux actes de la procédure qui les ont suivies dès lors que l’interpellation de l’intéressé a procédé d’une machination de nature à déterminer ses agissements délictueux et que, par ce stratagème, qui a vicié la recherche et l’établissement de la vérité, il a été porté atteinte au principe de la loyauté des preuves » [89].

- De même, les parties peuvent produire en justice des preuves établies de manière déloyale [90], voire au prix d’une infraction [91], par exemple en matière d’écoutes téléphoniques illégales. « Aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d’écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale » [92]. Le juge doit joindre ces éléments au dossier pénal, les victimes pouvant faire ce que les policiers ne peuvent faire ! L’exigence de loyauté dans la recherche et l’obtention des preuves ne s’applique qu’aux autorités policières et judiciaires ; cette jurisprudence est tout à fait critiquable, la déloyauté devant être sanctionnée d’où qu’elle provienne. On va pourtant la retrouver dans le contentieux répressif économique.

c) En contentieux économique, devant les autorités administratives indépendantes et spécialement devant le Conseil de la concurrence, la jurisprudence, dans le silence des textes, a dégagé une obligation de loyauté dans la recherche des preuves des infractions [93], s’inspirant en cela de la procédure pénale, ce qui n’est guère étonnant dans une procédure qui relève de la matière pénale au sens de la jurisprudence de la Cour européenne.
Cette jurisprudence, initiée par la Cour de Paris et à laquelle s’oppose, en partie, celle de la Cour de cassation concerne essentiellement la délimitation de l’objet de l’enquête pour déboucher sur une véritable déontologie de celle-ci [94] :

1) L’obligation, pour les enquêteurs, de faire connaître l’objet de leur enquête aux personnes interrogées a été mise en évidence par la cour de Paris, juge d’appel naturel des décisions du Conseil de la concurrence ; il est piquant que l’on redécouvre une obligation qui fut l’une des conquêtes du droit procédural moderne contre le droit de l’Ancien régime ; la jurisprudence ne se contente pas d’une formule de style dans le procès-verbal d’enquête, du genre « l’enquêteur à indiqué à M.  X l’objet de l’enquête » ; il faut que la mention permette de vérifier que les exigences légales et réglementaires ont été respectées et elle doit donc mentionner d’une façon concrète l’objet et l’étendue de l’enquête [95]. Par exemple, les enquêteurs ne doivent pas présenter l’objet de leur enquête comme étant simplement le moyen de vérifier le prix des carburants, alors que l’objet véritable de cette enquête est de rechercher des déclarations qui seront ensuite utilisées pour faire la preuve, contre les personnes interrogées, d’une pratique anticoncurrentielle.
Dans une décision du 15 décembre 1999, le Conseil de la concurrence a visé l’obligation de loyauté dans la recherche de la preuve ; il relève que, lors de leurs auditions, dans une affaire mettant en cause des entreprises de porcelaine, deux personnes « ont largement débordé le champ de la résiliation d’un contrat de distribution et se sont étendues à la totalité de leurs systèmes de distribution ; qu’ainsi, il n’a pas été satisfait à l’obligation de loyauté dans la recherche des preuves » [96].
Mais une certaine souplesse apparaît dans certaines décisions. Ainsi, la cour de Paris a admis que l’autorité qui a prescrit l’enquête peut la délimiter préalablement si cela lui est possible et modifier ensuite son étendue [97].
La Cour de cassation est encore plus généreuse quant aux réalités du terrain, en matière de délimitation du champ des investigations des enquêteurs. Elle prend en compte le fait que lorsque l’autorité prescrit l’enquête, elle ne connaît pas encore, avec précision, le marché sur lequel porte les investigations et elle a considéré, en conséquence, le 21 mars 2000, que l’article 47 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 n’obligeait pas les enquêteurs à délimiter préalablement le marché sur lequel pourront porter les investigations ; il appartient au Conseil de la concurrence de la faire, a posteriori [98] ; mais dans l’arrêt sur renvoi, la cour de Paris (qui avait écarté des débats un procès-verbal d’audition au motif que la personne entendue avait pu se méprendre sur l’objet de l’enquête et dont l’arrêt avait été cassé) réaffirme que « l’enquête préalable à laquelle se livrent les fonctionnaires habilités ne peut avoir pour affet de compromettre irrémédiablement l’exercice des droits de la défense » ; en conséquence, même si l’enquête n’est pas soumise au contradictoire, elle ne doit « conduire les personnes entendues à faire, dans l’ignorance de l’objet de l’enquête, des déclarations sur la portée desquelles elles pourraient se méprendre et qui seraient ensuite utilisées contre elles » ; et elle confirme qu’elle écarte des débats le procès-verbal d’enquête « dans la mesure où l’obligation de loyauté devant préciser à la recherche des preuves a été méconnue »[99].

2) Apparaît ainsi une l’obligation de respecter une véritable déontologie de l’enquête. En revanche, le Conseil de la concurrence admet, comme en procédure pénale, que les moyens de preuve obtenus d’une manière déloyale par les parties peuvent être produits devant lui, notamment l’enregistrement et la transcription des conversations téléphoniques obtenues à l’insu de l’intéressé ; le Conseil se réfère expressément la décision précitée de la Chambre criminelle du 15 juin 1993, reprenant sa motivation, ajoutant qu’il est « chargé de la défense de l’ordre public économique et non de se prononcer sur le bien-fondé des demandes dirigées par une partie contre une ou plusieurs autres » [100].

B.        Le principe de dialogue
Ce nouveau principe directeur qui ne se confond pas avec la coopération entre le juge et les parties à l’œuvre commune de justice (car on peut dialoguer sans coopérer à une œuvre commune) tend à concerner tous les aspects de la vie des juridictions, dans le cadre d’un procès. Certaines applications sont classiques, d’autres émergent, mais toutes se répartissent entre un dialogue entre les juridictions elles-mêmes (1°), entre les parties et le juge (2°) et, enfin, dans les relations des parties entre elles (3°) [101].

1°) Le dialogue entre les juridictions
On ne peut reprendre ici tous les exemples contemporains qui illustrent la percée de ce nouveau principe directeur en procédure civile [102]. Pour l’essentiel, on notera qu’il se manifeste entre toutes les juridictions.

a) La forme la plus achevée de dialogue entre juridictions est sans doute le mécanisme du renvoi préjudiciel, mécanisme qui permet à une juridiction nationale d’un Etat membre de l’Union européenne d’interroger la Cour de justice des Communautés européennes (art. 223, traité CE, ex-art. 177). La Cour de justice qualifie elle-même ce dialogue de « d’instrument de coopération entre la Cour et les juges nationaux » [103]. Il faut y voir un exemple très probant de « transparence dans les procédures juridictionnelles » [104].
Ce dialogue que ne connaît pas la Cour européenne des droits de l’homme prend une importance considérable avec l’adoption de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En disposant de cet outil de dialogue avec le juge national, notamment sur l’aspect des droits fondamentaux du procès, la Cour de Luxembourg apparaîtra rapidement comme une cour, à part entière, de protection des droits et libertés fondamentaux.
Les modifications apportées au règlement de procédure, le 16 mai 2000, renforcent cette idée de dialogue entre les juridictions [105]. En effet, l’article 104, § 5, modifié de ce nouveau règlement de procédure permet à la Cour de justice de demander, à la juridiction de renvoi, des éclaircissements, ce qui devrait réduire les hypothèses de déclaration d’irrecevabilité préjudicielle par simple ordonnance motivée et après avoir entendu les intéressés (au sens de l’article 20 du statut de la Cour et l’avocat général (art. 104, § 3, modifié, du règlement) [106].

b) Le dialogue est aussi organisé en droit interne avec les procédures de saisine pour avis soit de la Cour de cassation (art. L. 151 et s. et R. 151-1 du code de l’organisation judiciaire ; art. 1031-1 à 1031-7, NCPC), soit du Conseil d’Etat (art. L. 113-1 du nouveau code de justice administrative) et pour lesquelles nous renvoyons aux ouvrages spécialisés.

c) Le dialogue entre la juridiction chargée du recours et l’organe dont la décision est attaquée. Il est encore rare que la juridiction (ou l’organe) dont la décision est attaquée puisse intervenir à l’instance d’appel. Lorsque cette technique existe elle pose la question de l’égalité des armes entre la partie qui exerce le recours et l’organe qui a rendu la décision, ainsi que celle du respect du principe du contradictoire.

1) Pourtant ce procédé existe en droit suisse, dans la législation cantonale de certains cantons de la Suisse romande, en matière de procédure civile. La Cour européenne des droits de l’homme n’y a pas vu une atteinte à l’équité du procès pour la partie qui, ayant perdu en première instance, trouve en face d’elle, en appel, non seulement son adversaire, mais la juridiction de première instance, car « cette juridiction indépendante ne saurait passer pour l’adversaire de l’une des parties ». Elle exige toutefois que l’argumentation de la juridiction de première instance soit soumise à la contradiction des parties [107]. En d’autres termes, il peut y avoir violation du contradictoire, sans violation de l’égalité des armes, si la décision attaquée n’a pas été soumise à la contradiction des parties[108].

2) La Cour de cassation n’a pas sanctionné la pratique qui veut que le bâtonnier est invité à présenter ses observations en appel d’une décisions disciplinaire de son Conseil de l’ordre.

3) Le Conseil de la Concurrence est autorisé, par l’article 9 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987,  à présenter ses propres observations, par écrit, lors de l’instance d’appel, à l’occasion du recours formé contre sa décision, lorsqu’il a reçu communication de l’ensemble des pièces de la procédure ; mais ses observations doivent être portées à la connaissance des parties à l’instance, par le greffe. La Cour de cassation a jugé que cette pratique était conforme au droit interne, sans la soumettre au contrôle de conventionnalité [109]. De ce point de vue, mutadis mutandis de la jurisprudence de la Cour européenne sur les cantons suisses, on peut considérer que cette possibilité ouverte au Conseil de la concurrence est conforme au principe de l’égalité des armes (v. supra, n° 449) puisque ce Conseil n’est pas (ce que prend soin de préciser l’article 9) une partie à l’instance, mais que le principe du contradictoire doit être respecté. Pour autant, une jurisprudence plus restrictive semble naître au sein de la section spécialisée de la cour de Paris dans les affaires de concurrence. Une décision du 9 avril 2002, déjà rencontrée (v. supra, n° 449) annule toute la procédure de recours contre une décision du Conseil de la concurrence et la décision elle-même, au motif qu’en intervenant à l’instance le Conseil rompait l’égalité des armes et que le respect du contradictoire ne saurait purger ce vice ; en fait, à lire attentivement la décision, il semble bien que le Conseil de la concurrence soit allé trop loin dans le contenu de ses observations qui apportaient des éléments nouveaux, qui modifiaient « en les aggravant, les données qu’il avait retenues contre les parties dans sa décision » ; la solution se comprend donc plus par le dépassement du rôle de la technique ouverte par le décret de 1987, que par un refus du dialogue. Cette interprétation est d’autant plus justifiée que la même chambre, composée des mêmes magistrats avait, un mois auparavant, utilisé le dialogue pour faire progresser l’œuvre de justice dans l’élaboration de sa décision, dans une affaire concernant la COB.

4) La même section spécialisée de la cour de Paris, mais cette fois pour un recours dirigé contre une décision de la COB a été plus audacieuse en demandant à celle-ci de « s’expliquer sur l’éventuelle nullité de la décision déférée en ce qu’elle ne permettait pas de contrôler qu’elle aurait été rendue dans le respect du principe d’ordre public d’indépendance et d’impartialité institué par la Convention européenne »[110] (v. supra, n° 372).

2°) Le dialogue entre les parties et le juge

a) Le nouveau visage du procès civil

1) Le dialogue entre le juge et les parties dans l’assignation qualificative. Le dialogue c’est aussi le dialogue entre le juge et les parties, dès l’introduction de l’instance que consacre le décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998, en imposant une assignation qualificative. Dès l’introduction de l’instance par assignation, les parties ont, en effet, l’obligation depuis le 1er mars 1999, de préciser « l’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit », ainsi que l’exige désormais le nouvel article 56, al. 1er, 2°)[111]. La Cour européenne exige aussi que les parties « exposent leurs prétentions de manière claire, non ambiguë et raisonnablement structurée » et ne se contentent pas, dans leurs mémoires (en appel), à faire une simple allusion à une directive européenne pour prétendre qu’elle n’a pas été respectée, au détour d’une phrase de cinq lignes dans un mémoire de plusieurs pages ; dès lors, il était inévitable que le moyen soit nouveau en cassation et la Cour de cassation n’a pas fait une erreur d’appréciation (comp. supra, n° 320, avec l’affaire Dulaurans)[112].

2) Le dialogue dans la mise en état des affaires civiles et communautaires.

α) En droit national, les textes et la pratique de la mise en état des affaires civiles confortent le principe de dialogue. Ainsi, toute la réglementation de la mise en état devant le tribunal de grande instance, dans le nouveau code tel qu’il était à l’origine, repose sur la nécessité d’un dialogue entre le juge et les représentants des parties, dès la conférence du président [113]. Le dialogue est intimement lié au principe de la contradiction, lequel ne se conçoit pas sans échanges entre le juge et les parties ou entre les parties. Le dialogue est aussi inscrit aux article 8 et 13 avec la possibilité reconnue au juge de solliciter l’avis des parties sur les faits et sur le droit. Mais de la théorie à la réalité il y a une marge, les choses ne se passant pas tout à fait comme les rédacteurs du code l’avaient envisagé. Le code a prévu la tenue d’une audience dite d’appel des causes, afin que le président puisse conférer avec les avocats en vue de connaître l’état d’avancement de l’affaire et déterminer avec eux la suite à lui réserver, selon l’état d’instruction du dossier. D’où l’article 759, dont l’alinéa 2 dispose que le président « confère de l’état de la cause avec les avocats présents ». En pratique, malheureusement, en raison de la pratique contra legem, de la remise au greffe de la constitution de l’avocat du défendeur, non pas par cet avocat, mais par celui du demandeur les choses ne se passent pas ainsi. L’avocat du demandeur vient seul à l’audience (le plus souvent, l’avocat du défendeur n’est même pas prévenu de la date de l’audience d’appel des causes, n’étant pas encore connu du greffe, par hypothèse) ; il remet, ce jour là, la constitution d’avocat de son adversaire, ce qui évite à ce dernier un déplacement au Palais mais présente l’inconvénient de ne pas permettre la conférence avec le président au cours de l’audience d’appel des causes, à la date initialement fixée par le président. L’audience qui aurait dû être un temps d’échanges, de premiers échanges, d’une véritable conférence à trois (ou plus) se transforme en un dialogue entre le président et l’avocat du demandeur et en une audience de renvoi !
Dans le souci de répondre aux besoins des avocats et d’une saine concertation entre le juge civil et les auxiliaires de justice, la pratique s’est instaurée d’établir un calendrier de conférences successives entre le président et les avocats, au cours des audiences d’appel des causes qui se succèdent au sein de la juridiction. L’avantage est de permettre une bonne appréhension du dossier par le président, de laisser aux parties un peu de temps, mais sous le contrôle du président et dans les délais qu’il leur impartis, d’audiences en audiences. L’inconvénient, outre de ne pas tenir compte du texte de l’article 761, qui ne semblait pas avoir prévu la tenue de plusieurs conférences pour la même affaire (à preuve la demande de renvoi de l’une des parties à titre de sanction, mais ici, on suppose un accord entre les parties pour les renvois successifs), c’est que cette pratique transforme le rôle du président et la nature de cette procédure. Le président devient un juge de la mise en état et la procédure d’appel des causes une procédure d’instruction de l’affaire, avec des phases de concertation. Les avocats étant d’accord sur cette pratique, on ne peut que l’encourager si elle doit favoriser une meilleure instruction des affaires et un délai de jugement raisonnable. En tout cas, elle favorise le dialogue entre les parties et le juge [114].
Une autre pratique consiste, au Tribunal de grande instance de Paris, par un la passation d’un « contrat de procédure » entre la juridiction et l’ordre des avocats, à revaloriser le rôle du juge rapporteur de l’article 785[115].
Le décret précité du 28 décembre 1998 accentue cette obligation de dialogue en permettant au président de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée ou au juge de la mise en état de demander aux représentants des parties d’accomplir leurs nouvelles obligations en matière de conclusions qualificatives et récapitulatives, avant que la sanction ne tombe (nouvel article 765, NCPC). Ce nouveau pouvoir d’injonction est aussi un élément du dialogue entre le juge et les parties ; il doit être rapproché de l’actuel 13 du nouveau code qui permet au juge d’inviter les parties à fournir les explications de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige. Dans le premier cas l’invitation du président lui permettra d’utiliser le circuit court de la conférence avec les avocats pour mettre l’affaire en état ; dans le second cas, le juge (ou le conseiller) de la mise en état pourra parvenir plus rapidement à une clôture de l’instruction.
A terme, on devrait s’orienter vers un dialogue interactif très fort entre le juge de la mise en état et les parties, afin de permettre à celui-ci, aidé éventuellement par un assistant de justice, de décanter le dossier, de le mettre en état en vue de préparer un projet de décision, ce qui devrait être rendu obligatoire. Mais il ne faut pas transformer la distinction nécessaire d’une phase d’instruction et d’une phase de jugement en cloisonnement rigide qui ferait du juge de la mise en état une juridiction autonome ; il faut que le JME participe à la formation de jugement, tout en réglant les incidents de procédure [116]. Il doit être une aide pour ses collègues, pas un tribunal distinct. L’exemple des procédures communautaires est, à cet égard, très probant.

β) En droit communautaire en effet, une pratique s’est instaurée à la Cour de justice des Communautés européennes et au Tribunal de première instance : la juridiction charge l’un des siens, juge-rapporteur, de rédiger un rapport, dit rapport d’audience, sur les faits, le cadre juridique, les prétentions et les moyens des parties à partir de leurs écritures ; les parties sont invitées à faire connaître leurs observations sur la conformité des faits rapportés et du droit en litige à leurs écritures ; à cet effet, le rapport leur est communiqué 15 jours avant l’audience ; cela permet de cristalliser le débat, sans contestation sur ce point. Bien des erreurs sont ainsi évitées, donc des recours inutiles et la formation de jugement connaît mieux le dossier.
A ce rapport d’audience s’ajoute un rapport préalable, mais qui est destiné aux seuls membres de la juridiction ; rédigé par le même juge qui a rédigé le rapport d’audience, c’est l’équivalent de la « note » du conseiller-rapporteur à la Cour de cassation. Devant le TPI, le rapport d’audience est plus développé qu’à la Cour, le rapporteur devant esquisser la solution qui lui semble la meilleure ; la raison en est qu’à la Cour il existe un avocat général qui rédige des conclusions, alors que ce n’est pas le cas devant le TPI.

3) Le dialogue dans la recherche de la conciliation, d’une médiation et d’une transaction. Le nouveau code de procédure civile, surtout après les modifications intervenues avec le décret du 28 décembre 1998 contient plusieurs dispositions, disséminées dans le corps du texte, qui tendent à organiser et à favoriser les modes de résolution amiable des conflits. On notera que les textes sur la conciliation limitent le dialogue entre le juge d’instance et le conciliateur de justice, dans la mesure où ce dernier est tenu à une obligation de secret (art. 8 du décret n° 78-381 du 20 mars 1978), obligation qui lui interdit en principe de révéler au juge, dans son rapport, le fond de l’affaire (il ne peut parler que de la forme : diligences entreprises et résultat « brut » obtenu, sans détails du contenu) ; l’interdiction n’est levée qu’en cas de médiation (et avec l’accord des parties, art. 131-14, NCPC) ou de conciliation provoquée par une demande expresse de tentative de conciliation par le demandeur à une action devant le tribunal d’instance (toujours sous la condition de l’accord des parties, art. 832-9, NCPC) ; ce dialogue est bloqué dans les autres cas de conciliation, aucun texte ne permettant de déroger à l’obligation de confidentialité des conciliateurs de justice, même avec l’accord des parties, ainsi lorsque le conciliateur est saisi directement par les parties et qu’ensuite elles vont devant le tribunal d’instance ; ou lorsque le juge d’instance propose aux parties de rencontrer le conciliateur, avant de statuer sur le litige dont elles l’ont saisi, par exemple par déclaration au greffe. Dans ce dernier cas, le dialogue entre le juge et le conciliateur est inhérent à la mission de ce dernier puisque l’article 5 du décret du 20 mars 1978 lui fait obligation de rendre compte de sa mission au juge (art. 5), mais cela ne concerne que ses diligences et le résultat de cette mission. Il serait donc préférable de permettre aux parties de lever le secret dans tous les cas de conciliation[117].

4) Le dialogue à l’audience. Au-delà de la question des plaidoiries et de leur place dans une procédure qui tend à devenir de plus en plus écrite [118], on voudrait simplement signaler ici une pratique de droit communautaire qui mériterait d’être transposée en France et une demande :

- Dialogue à l’audience de jugement lorsque les juges interrogent les parties sur le fait (rarement, en raison de la pratique qui a été décrite du rapport d’audience), sur le droit et leur conscience que leur argumentation (si c’est le cas) va à l’encontre d’une jurisprudence constante de la Cour ou du TPI ; le TPI ou la Cour testent aussi à cette occasion la cohérence de l’argumentation et, parfois, de nouvelles pistes de réflexion, de nouvelles solutions, par une interrogation des parties invitées à faire connaître leur sentiment sur ces réflexions et solutions. C’est « une sorte de prédélibéré contradictoire » [119]qui s’instaure, introduisant les parties « dans l’antichambre du conseil » [120]. Bien sûr, il ne faut pas se cacher que cette méthode bouleverse les habitudes des conseils des parties, notamment des avocats de tradition continentale, qui doivent apprendre à ne pas plaider sans interactivité ; c’est après l’adhésion de la Grande-Bretagne et de l’Irlande que les audiences à Luxembourg sont devenues moins ternes, plus animées, et que le débat oral est devenu une partie utile de la procédure judiciaire [121]. Pour aider les avocats, la Cour a établi une « note destinée à servir de guide à Mmes et MM. les conseils des parties lors de l’audience » et le TPI des « conseils aux avocats et agents pour la procédure écrite » [122], ainsi qu’une « note destinée à servir de guide aux conseils des parties lors de l’audience des plaidoiries ».

- Au titre de l’émergence des idées nouvelles et dans le prolongement de ce qui vient d’être dit sur la procédure communautaire, on signalera la volonté de « dialogue interactif » demandé par le Bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris, en faisant allusion à la possibilité pour le tribunal de désigner un rapporteur qui serait « l’interlocuteur naturel des avocats des parties », qui fixerait, de concert avec les parties, le calendrier de la procédure, auprès duquel serait déposé, à l’avance, le dossier de plaidoirie, avec lequel il serait possible de mieux dialoguer, puisqu’il ferait connaître les questions que le tribunal s’apprête à poser à l’audience [123]. La proposition a rencontré un écho favorable : « le dépôt préalable par les avocats de leurs dossiers de plaidoiries permettrait à ceux-ci, qui bénéficieraient d’un rendez-vous judiciaire, de répondre par observations aux questions qui commandent la solution du litige. Les débats ainsi conçus comme un dialogue interactif gagneraient en temps, en efficacité, en clarté » [124]. Il est vraisemblable qu’un long délai s’écoulera entre ces déclarations d’intention et leur mise en œuvre, si l’on veut bien se rappeler ce que nous avons dit à propos des difficultés de dialoguer à la Cour de cassation entre les parties et le conseiller-rapporteur (v. supra, n° 466) ou entre les parties et l’avocat général (v. supra, n° 462). Il est certain, en tout cas, que ce dialogue interactif constituera la base du nouveau modèle de procès.

5) Le dialogue dans l’élaboration et la rédaction du jugement. Il semble bien que la tendance contemporaine au dialogue entre les parties et le juge se retrouve dans les nouvelles dispositions sur la rédaction des jugements issues du décret du 28 décembre 1998. L’alinéa 1er de l’article 455 du nouveau code est complété d’une phrase (art. 11 du décret) autorisant le juge à n’exposer les prétentions et moyens des parties que par « un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date ». Si cette nouvelle disposition ne facilitera pas pour les tiers et autres commentateurs des décisions de justice, la lecture et la compréhension des jugements, puisqu’ils n’auront pas connaissance des écritures des parties, elle manifeste bien l’idée que le jugement est une œuvre commune des parties et du juge ; peut-être reviendra-t-on un jour au rétablissement des qualités ! A tout le moins, on pourrait s’orienter vers un système, pour les Cours suprêmes, et lorsque la procédure est avec représentation obligatoire, de soumission du projet d’arrêt aux conseils des parties, ce qui permettrait d’éliminer les erreurs de fait comme celle qui a conduit à la condamnation de la France par la cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Fouquet [125].
            Une amorce de dialogue visant à parfaire la décision du juge et le jugement s’est instaurée à la Cour de cassation, à compter du 1er janvier 2002, avec la mise en œuvre des nouvelles dispositions sur le filtrage des pourvois devant cette juridiction ; les parties menacées d’une décision d’irrecevabilité sont interrogées sur le projet d’arrêt pour faire connaître leurs observations.

b) Les difficultés du dialogue en procédure pénale

1) Médiation et transaction. L’initiative du procès pénal appartient au Parquet, même si la victime, en se constituant partie civile, met en mouvement l’action publique. De plus, dès qu’une poursuite est déclenchée, l’instance doit se poursuivre, le ministère public ne disposant pas de l’instance. Pour autant, la médiation et la transaction ne sont pas inconnues dans le procès pénal :[126]

- Préalablement à toute décision de poursuite, lorsqu’il s’apprête à classer sans suite un dossier, le procureur de la République peut décider de recourir à une médiation, manifestation extérieure d’un dialogue ; la médiation a été introduite dans le code de procédure pénale (article 41, al. 7) par la loi n° 93- 2 du 4 janvier 1993 : « le procureur de la République peut enfin, préalablement à sa décision sur l’action publique et avec l’accord des parties, décider de recourir à une médiation s’il lui apparaît qu’une telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction et de contribuer au reclassement de l’auteur de l’infraction ». On le voit, la médiation ne heurte pas de plein front le principe d’indisponibilité du procès pénal, puisque l’action publique n’est pas encore déclenchée lorsqu’elle intervient [127]. En tout cas, elle est l’expression d’un dialogue (art. D. 15-1 à D. 15-8) entre la victime et l’auteur de l’infraction. La loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998, relative à l’accès au droit et à la résolution amiable des conflits, prévoit que la médiation pénale puisse désormais être prise en charge par l’Etat au titre de l’aide juridique (art. 13 qui modifie l’article 1er de la loi du 10 juillet 1991). D’autre part, il peut être créé dans le ressort de chaque TGI une « Maison de justice et du droit » dont la mission est notamment d’assurer « une présence judiciaire de proximité » et de concourir « à la prévention de la délinquance et à l’aide aux victimes », à côté de l’accès au droit (COJ, art. L. 7-12-1-1, al. 3, réd. art. 21 de la loi de 1998).

- Dialogue encore dans la possibilité de recourir à une transaction pour certaines infractions, transaction qui va éteindre l’action publique [128]. Certaines administrations en effet, ont le pouvoir de transiger avec le délinquant [129]. Celui-ci reconnaît l’infraction, verse une certaine somme d’argent ou exécute certaines obligations et, en contrepartie, l’administration abandonne les poursuites. Une telle pratique ne peut aboutir qu’à la suite d’un dialogue avec le délinquant. Elle est admise par la Cour européenne des droits de l’homme si elle est conclue sans contrainte [130].
- Enfin, dialogue entre le Parquet et le délinquant en matière de stupéfiants, puisque le Parquet peut ordonner une cure de désintoxication et que si le toxicomane l’accepte (ou s’y soumet de sa propre initiative) l’action publique est éteinte (C. santé publique, art. L. 628-1).

2) L’échec de l’injonction pénale. La compensation pénale. Une loi votée par le Parlement a été invalidée par le Conseil constitutionnel en février 1995. Elle prévoyait que le Procureur de la République pouvait « proposer » à l’auteur de certaines infractions (celles visées à l’article 48-2 du projet), par la voie d’une injonction et en contrepartie de l’extinction de l’action publique, l’exécution de certaines obligations (versement au Trésor public d’une somme fixée par le Procureur dans les limites définies par la loi ; participation à une activité non rémunérée au profit d’une personne morale de droit public ou d’une association habilitée à cet effet, dans la limite de quarante heures). La personne devait reconnaître les faits et l’action publique ne devait pas avoir été mise en mouvement ; le procureur devait justifier que cette procédure était susceptible de mettre fin au trouble résultant de l’infraction, de prévenir le renouvellement de celle-ci et d’assurer, s’il y a lieu, la réparation du dommage causé à la victime. L’accord du délinquant résultait de l’exécution des obligations mises à sa charge, dialogue a posteriori en quelque sorte. Le Conseil constitutionnel a considéré que, dès lors que certaines mesures étaient de nature à porter atteinte à la liberté individuelle et constituaient des sanctions pénales, leur prononcé et leur exécution ne pouvaient, même avec l’accord de la personne susceptible d’être pénalement poursuivie, intervenir à la seule diligence d’une autorité chargée de l’action publique, mais requerraient la décision d’une autorité de jugement, conformément au principe du respect des droits de la défense et à celui de la séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de jugement (considérant n° 5) [131]. Ce n’est donc pas l’amorce d’un dialogue (d’une négociation sur la poursuite) qui est sanctionnée, mais la confusion sur la même tête de la décision de poursuivre ou non et de prononcer une « peine », même déguisée en obligation pécuniaire ou de faire.
En 1999, la loi n° 99-515 du 23 juin tend à « renforcer l’efficacité de la procédure pénale » [132]. Il aurait mieux valu parler de la réaction sociale à une certaine forme de délinquance, puisque l’essentiel de la loi est consacré (Chapitre I, art. 1 à 6) « aux alternatives aux poursuites et à la composition pénale ». Reprenant l’ensemble de la question des mesures alternatives aux poursuites, la loi crée la composition pénale qui s’insère dans un dispositif plus vaste d’évitement des poursuites, la procureur de la République pouvant, « préalablement à sa décision sur l’action publique, directement ou par délégation », prendre l’une des mesures énumérées au nouvel article 41-1, C. pr. pén., « s’il lui apparaît qu’une telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits ». Parmi ces mesures, outre celles énumérées à l’article 41-1, C. pr. pén. (admonestation, suivi sanitaire ou socio-éducatif etc.), on trouve la nouvelle « composition pénale », dont on dira simplement ici qu’elle constitue une alternative aux poursuites qui revêt plusieurs formes (amende dite de composition, précisément, remise à l’Etat de la chose qui a servi ou qui était destinée à commettre l’infraction ou qui en est le produit, remise du permis de conduire ou de chasse, travail au profit d’une collectivité) mais qui suppose toujours, d’une part, l’accord de l’intéressé et,, d’autre part, la « validation », par le président du tribunal de grande instance, de la mesure proposée par le procureur (C. pr. pén., art. 41-2, al. 10) ; cette dernière exigence répond au souci du législateur de respecter la décision du Conseil constitutionnel, du 2 février 1995, Injonction de payer, qu’un magistrat du siège, indépendant et impartial, intervienne dans la procédure qui conduit à une mesure qui, au final, apparaît comme une sanction pénale et suppose la reconnaissance, par l’auteur des faits, qu’il les a commis [133].
Le projet de loi sur la répression de la grande criminalité, qui sera vraisemblablement adopté en décembre 2003, prévoit la possibilité pour certains délinquants de plaider coupable, en contrepartie d’un dialogue sur leur peine avec le Parquet.

c) Le dialogue dans la procédure administrative

1) Instruction des procès. Le nouveau code de justice administrative pose en principe préliminaire, applicable à toutes les juridictions administratives, que l’instruction est menée contradictoirement, ce qui ne vaut pas que pour les relations des parties entre elles mais concerne aussi les relations du juge administratif avec les parties (art. L. 5). Même si la « culture » judiciaire de ces juridictions est moins portée vers le dialogue qu’en procédure civile, ce serait une erreur de croire qu’elle ne le pratique pas. Il y a parfois plus de dialogue entre ce juge et les requérants qu’il n’y en a dans certains procès civils[134].

2) Conciliation et médiation. Les tribunaux administratifs ont été invités au dialogue par la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986 qui modifiait l’article L. 3 du code des TA et CAA : « les tribunaux administratifs exercent également une mission de conciliation ». Malgré quelques difficultés d’application et d’adaptation des pratiques au nouveau texte [135], en l’absence de décret d’application, le texte a été déclaré applicable immédiatement par le Conseil d’Etat[136] et la matière administrative connaît des modes de résolution nés du dialogue. Le nouveau code de justice administrative reprend cette disposition (art. L. 211-4), toujours limitée aux seuls tribunaux administratifs, mais avec une nuance : les tribunaux administratifs « peuvent exercer » et non plus « exercent » cette mission ; sans doute faut-il y voir la volonté du législateur de prendre acte que la conciliation devant les TA reste très limitée (cinq cas d’action de conciliation en 1999)[137].

3) Le dialogue des parties avec le Conseil d’Etat. Plusieurs dispositions du code de justice administrative permettent au Conseil d’Etat de répondre à un besoin de dialogue des parties :

- Au profit des seules collectivités publiques, l’article R. 931-1 leur permet, lorsqu’un de leurs actes administratifs a été annulé pour excès de pouvoir ou lorsque la juridiction du fond a rejeté, dans un litige de pleine juridiction, leurs conclusions en défense, de demander au Conseil d’Etat « d’éclairer l’administration sur les modalités d’exécution de la décision de justice ».

- Au profit cette fois de toutes les parties, l’article R. 931-2 prévoit qu’elles peuvent signaler à la section du rapport et des études du Conseil d’Etat « les difficultés qu’elles rencontrent pour obtenir l’exécution d’une décision rendue par le Conseil d’Etat ou par une juridiction administrative spéciale ». Ce sont de véritables demandes d’aide à l’exécution.

- Les parties peuvent aussi demander au Conseil d’Etat de prononcer une astreinte « pour assurer l’exécution d’une décision rendue par le Conseil d’Etat ou par une juridiction administrative spéciale » (art. R. 931-3).

3°) Le dialogue entre les parties

a) Le respect du contradictoire. La manifestation la plus importante du dialogue entre les parties est celle qui leur est imposée dans le respect du contradictoire, qui a, en droit français, valeur constitutionnelle.

b) La requête conjointe. Dans le procès civil, c’est bien sûr la possibilité d’introduire l’instance par requête conjointe (art. 54 et 57 et s., NCPC) qui retient l’attention ; les rédacteurs du code avait mis quelque espoir dans l’esprit de conciliation, en tout cas de dialogue, qui irait jusqu’à s’entendre sur l’existence de son différend au point de saisir ensemble le juge. La lecture de l’exposé des motifs du décret du 9 septembre 1971 révèle l’importance que revêtait, pour ses rédacteurs, la faculté offerte aux plaideurs de s’entendre avant le déclenchement des hostilités pour saisir conjointement le tribunal par une requête. Espoir déçu sans doute, à en juger à l’utilisation quasiment inexistante de ce mode d’introduction de l’instance en dehors du divorce [138].

c) En procédure pénale.
1) L’émergence d’un dialogue malgré le droit de se taire et celui de ne pas contribuer à sa propre incrimination. Consacré par la Cour européenne des droits de l’homme le droit de se taire [139], et celui de ne pas contribuer à sa propre incrimination [140] sont des obstacles rédhibitoires au dialogue entre le mis en cause et la justice, voire la victime. Les deux droits ne se confondent pas, la Cour européenne considérant que le premier cité est plus large que le second [141]. La Cour européenne estime que ces deux droits sont au cœur de la notion de procès équitable ; ils font partie du noyau dur de cette garantie. Mais ces deux droits ne sont pas sans limites, limites qui sont autant d’incitations au dialogue :

- d’une part, si « le droit de se taire implique qu’on ne puisse fonder une condamnation exclusivement ou essentiellement sur le silence du prévenu ou sur son refus de répondre à des questions ou de déposer, il est tout aussi évident que ces interdictions ne peuvent et ne sauraient empêcher de prendre en compte le silence de l’intéressé, dans des situations qui appellent assurément une explication de sa part, pour apprécier la force de persuasion des éléments à charge » [142]. Ce droit n’est donc pas absolu.

- D’autre part, le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination n’englobe pas la possibilité de refuser de remettre des documents à charge, ni celle d’empêcher l’utilisation de tels documents dans une procédure pénale, lorsqu’ils ont été obtenues par la contrainte. La Cour européenne [143]rejoint ici la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés [144].
Enfin, dans une affaire mêlant les deux droits, la Cour européenne a considéré que « les condamnations du requérant à des amendes en raison de son refus de prêter serment devant le juge d’instruction qui l’avait convoqué comme témoin, ne s’analyse pas en une violation du droit de l’intéressé de ne pas contribuer à sa propre incrimination ». La Cour considère en effet que si le requérant pouvait redouter que par le biais de certains des propos qu’il pouvait être amené à tenir devant le juge d’instruction, il témoigne contre lui-même, ce qui l’autorisait à ne pas répondre à celles des questions qui auraient été de nature à le pousser dans cette direction, il ne pouvait pas d’emblée refuser de prêter serment [145].

2) L’émergence d’un dialogue dans le cours de l’instruction, malgré la nature inquisitoriale de celle-ci. La loi du 4 janvier 1993 a apporté un incontestable progrès dans la reconnaissance des droits des mis en examen en instaurant un début de dialogue entre les parties privées et le juge d’instruction, même si cela reste nettement insuffisant et, parfois, très indirect. Le maintien du principe d’une procédure d’instruction essentiellement écrite ne favorise pas le dialogue ! C’est l’émergence de l’oralité qui change progressivement les choses et accroît les possibilités de dialogue. Ainsi, du débat préalable au placement en détention provisoire (art. 145, al. 4, CPP), de la possibilité pour les parties de comparaître personnellement devant la chambre de l’instruction (art. 199, al. 3 et 5), de prendre la parole en dernier devant cette juridiction [146]. Dans le même ordre d’idées, la possibilité de demander une contre-expertise ou un complément d’expertise (art. 167), d’être présent lors des perquisitions et saisies (art. 95 et 96) et, surtout, de réclamer au juge d’instruction, à tout moment, certaines investigations (art. 81, al. 9 et 82-1). Il reste que le refus d’accorder ces investigations n’est soumis qu’à un appel restreint (art. 186-1). La volonté d’introduire un peu de dialogue dans la procédure d’instruction ne va pas encore jusqu’à ouvrir largement le respect des droits de la défense. La France est encore très en retard sur le plan d’une participation équilibrée de toutes les parties à l’instruction. Il reste beaucoup faire et le déficit démocratique est encore fort.

C) Le principe de célérité

La lenteur a pu être considérée autrefois comme une sagesse qui « donne le temps de déjouer les calculs d’un adversaire trop habile et rassure la conscience du juge » (Garsonnet et Cézar-Bru). Ce temps est révolu, car la justice, service public, doit trancher les litiges dans les délais les plus rapides afin de garantir l’effectivité de leurs droits. La célérité participe à cette effectivité[147]. D’ailleurs, certaines législations étrangères n’hésitent pas à inscrire dans leurs textes que « la solution juste et en même temps rapide des litiges apparaît comme un but essentiel » [148].On retrouve cette exigence d’une part dans la notion de délai raisonnable de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, notion commune à tous les contentieux (1°) et, d’autre part, dans chacun des contentieux (2° à 5°).

1°) La célérité, exigence commune à toutes les procédures

La Cour européenne veille scrupuleusement au respect d’un délai raisonnable entre le début de l’instance et l’exécution du jugement. Selon les termes mêmes de la Cour européenne, « le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes » [149]. La Cour européenne a eu l’occasion de fixer les deux moments qui doivent être pris en compte pour déterminer le délai permettant d’apprécier le caractère non raisonnable de la durée de la procédure. Le point de départ de la période à considérer pour apprécier le caractère raisonnable de la durée d’une procédure civile est la date de l’assignation des requérants devant le TGI [150]. Le terme du délai est la date du prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation [151]. Mais la procédure d’exécution du jugement constitue une phase de l’instance, car la réalisation effective du droit inclue l’exécution du jugement au fond [152].
En droit interne, un délai non raisonnable peut constituer une faute lourde du service de la justice au sens de l’article L. 781-1, COJ, pour les juridictions judiciaires [153] et de la jurisprudence du Conseil d’Etat pour les juridictions administratives. Le service public de la justice a un devoir de protection juridictionnelle de l’individu [154].

2°) Le traitement de la célérité en procédure civile : le nouveau visage du procès civil
Le principe de célérité n’est pas inconnu du nouveau code [155]. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les articles relatifs aux principes directeurs pour y voir poindre quelques exigences de rapidité (art. 2, sur les délais requis ; art. 3, sur le pouvoir du juge d’impartir des délais ; art. 15, sur le temps utile). Que l’on songe encore aux procédures d’urgence, jour fixe, référé, ou aux textes sur la mise en état, avec ses trois circuits (dont un court) et le pouvoir général du juge de la mise en état tel que l’exprime l’article 763, al. 2 (il « a pour mission de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l’échange des conclusions et de la communication des pièces »). C’est bien sûr, au-delà du référé et autres procédures d’urgence, les réformes introduites par le décret n° 98-1231 du 28 décembre qui retiennent l’attention, comme illustration de l’émergence d’un principe de célérité. L’essentiel du décret du 28 décembre est de permettre à la justice civile de traiter plus rapidement des affaires enrôlées, désencombrer à terme les rôles des juridictions civiles. Trois séries de dispositions peuvent être dégagées : les unes tendent à faciliter le travail du juge et traduisent en partie le renforcement du principe de dialogue, les autres à accélérer l’instruction des affaires, les dernières à créer une véritable justice de l’urgence, non sans complications d’ailleurs. Toutes ne sont pas sans dangers potentiels pour la qualité de la justice qui sera rendue dans ces conditions nouvelles ; il faudra veiller à ce que vitesse et précipitation ne se confondent pas. Mais la pression de l’exigence d’un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention européenne, est forte.

a) Faciliter le travail du juge
1) Faciliter le travail du juge par des conclusions récapitulatives. L’innovation la plus radicale, celle qui avait donné lieu à des réactions parfois très vives des professionnels concernés, consiste dans l’obligation qui pèse désormais sur les parties et leurs représentants de « reprendre dans leurs dernières conclusions (art. 753, al. 2, pour le TGI), ou « écritures » (art. 954, al. 2, pour la cour d’appel,), « les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures » (art. 753 pour le TGI) ou « précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures » (art. 954 pour la cour d’appel). C’est tout le problème des conclusions dites récapitulatives, que le nouveau code connaissait déjà mais uniquement en appel et à titre facultatif, seulement si le juge sollicitait des avoués la récapitulation des moyens « successivement présentés » (art. 954, al. 2 ancien) ; les prétentions elles-mêmes n’étaient pas visées [156]. La faculté est étendue au tribunal de grande instance et, surtout, devient une exigence légale, ce qui introduit un facteur d’autorité dans les relations du juge avec les parties qui se substitue au dialogue, vertu contemporaine du procès civil, vertu qu’il convient de restaurer et de promouvoir. L’obligation est aussi étendue aux prétentions : dès lors que des prétentions n’auront pas été reprises dans les dernières conclusions, elles devront être considérées comme abandonnées ; l’absence de récapitulation constitue désormais un signe d’abandon, pour les prétentions comme pour les moyens. Il sera prudent, pour les parties, de reprendre les prétentions et les moyens dès le deuxième jeu de conclusions, pour éviter toute contestation sur le sens de l’expression « dernières conclusions » (the last, but not the least). On renvoie aux ouvrages spécialisés en procédure civile pour la mise en œuvre de cette nouvelle obligation qui pèse sur les parties.

b) Accélérer et améliorer l’instruction des affaires civiles

1) L’article 5 du décret introduit, dans le nouveau code de procédure civile, un article 155-1 qui permet au président d’une juridiction d’installer un juge spécialisé dans le contrôle de l’exécution des mesures d’instruction confiées à un technicien ; l’initiative en reviendra au président de chaque juridiction qui jugera si l’intérêt d’une bonne administration de la justice dans sa juridiction justifie la création de ce juge. Si cette décision est prise, cela ne signifie pas que ce juge se verra confier le contrôle de toutes les mesures d’instruction confiées à un technicien. En effet, le décret du 28 décembre maintient en vigueur l’article 155, dont les deux premiers alinéas prévoient que le contrôle de ces mesures est confié au juge qui a ordonné la mesure (al. 1er) ou, en cas de mesure ordonnée par un formation collégiale, au juge chargé de l’instruction et, à défaut au président de cette formation s’il n’a pas été confié à un membre de celle-ci (al. 2, dont la rédaction subit quelques retouches de rédaction purement formelles). C’est seulement si le juge chargé de l’instruction ou la formation collégiale le décident que le contrôle sera confié au juge spécialisé (art. 155, al. 3 nouveau, issu de l’article 4 du décret). On peut penser que le président qui aura instauré un juge spécialisé veillera à ce qu’il soit abondamment pourvu en mesures d’instruction à contrôler !

2) Le contrôle, par la Cour européenne des droits de l’homme, des diligences du juge de la mise en état. Dans un arrêt du 9 novembre 1999 (Gozalvo), la Cour européenne sanctionne la France pour défaut de délai raisonnable dans une procédure en indemnisation d’un hémophile contaminé par le virus de l’hépatite C, ce qui, en soi, n’a rien d’étonnant. Mais la motivation est intéressante : « l’enjeu du litige devait conduire les autorités judiciaires à un comportement diligent, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, le magistrat de la mise en état ne semblant pas avoir fait plein usage des pouvoirs que lui donne le code de procédure civile en matière de conduite de la procédure, notamment en donnant aux parties injonction de conclure » [157].

3) L’encadrement des délais de l’expertise. Plusieurs dispositions viennent accroître les obligations qui incombent à l’expert ou aux parties dans le but de rendre l’expertise plus rapide. Ainsi, l’expert devra dorénavant informer le juge non seulement de l’avancement de ses opérations, mais aussi « des diligences par lui accomplies » (art. 273 complété par l’article 6 du décret. Quant aux parties elles seront sanctionnées par la juridiction de jugement en cas de défaut de communication de documents à l’expert ; en effet, la juridiction de jugement pourra « tirer toute conséquence de droit » de ce défaut de communication (art. 275, al. 2, complété par l’article 7 du décret).

c) Créer une véritable justice civile de l’urgence
Plusieurs dispositions dessinent, si on les rapproche, l’ébauche d’une véritable justice civile de l’urgence.

1) Simplification et accélération de la technique de la passerelle devant le TGI. L’article 21 du décret rétablit un article 811 qui améliore sensiblement la technique de la passerelle entre la procédure de référé et la procédure au fond devant le TGI ; désormais, le juge des référés peut directement fixer dans son ordonnance de non lieu à référer la date de l’audience au fond, sans qu’une nouvelle assignation soit nécessaire, puisque « l’ordonnance emporte saisine du tribunal ». La passerelle doit être demandée par l’une des parties et être justifiée par l’urgence ; le juge doit veiller à ce que le défendeur dispose d’un temps suffisant pour préparer sa défense. Pour la constitution d’avocat par le défendeur et pour le déroulement de l’audience, l’article 811 renvoie respectivement aux dispositions des article 790 et 792, al. 2 à 4. En conséquence de ce nouveau texte, l’article 788, dernier alinéa est abrogé par l’article 20 du décret, ce qui a pour effet de ne plus permettre une utilisation d’office de la passerelle ; la technique doit obligatoirement être demandée par l’une des parties. La technique n’a pas été étendue au tribunal d’instance, pas plus qu’au tribunal de commerce ; sans doute une occasion manquée.

2) L’accélération, en appel, du circuit court de l’article 910, al. 2. Le décret du 28 décembre crée une audience à bref délai dans le cadre des dispositions de l’article 910, al. 2 qui, pour l’essentiel, sont maintenues sur les autres points. Lorsque l’affaire semble présenter un caractère d’urgence ou être en état d’être jugée (le texte ne vise plus le critère de pouvoir être jugée à bref délai), le président de la chambre saisie, d’office ou à la demande de l’une des parties, « fixe à bref délai l’audience à laquelle elle sera appelée ». Le texte ne se contente donc plus d’une fixation aux « jour et heure auxquels l’affaire sera appelée ». Il est clair que les rédacteurs du décret ont voulu renforcer la possibilité offerte aux parties et au président d’accélérer en appel le jugement des affaires urgentes (en apparence au moins) ou en état d’être jugée (en apparence aussi). La seule difficulté consistera à trouver une date d’audience à bref délai pour toutes les affaires qui répondront à l’une de ces conditions ! A force de créer des procédures accélérées on s’apercevra vite que tout est urgence et que les disponibilités des juridictions ne permettront pas de répondre aux demandes. Pour le reste il est procédé selon les dispositions des articles 760 à 762 (renvoi à l’audience).

3°) La justice pénale de l’urgence
L’équilibre est ici plus difficile à tenir entre l’exigence d’une justice pénale rapide, qui participe à l’efficacité de la répression (cf. Beccaria, point n’est besoin de peines trop sévères, dès lors que la certitude et la rapidité de la peine, dans son prononcé et son exécution sont acquises) et le respect des droits de la défense, qui constitue l’un des fondements d’un Etat de droit. La procédure pénale contemporaine répond déjà à cette exigence, avec notamment l’enquête flagrante qui donne à ceux qui en sont chargés des pouvoirs de contrainte justifiés par l’urgence et avec la procédure de comparution immédiate. Il semble difficile d’aller beaucoup plus loin, sauf à remettre en cause les droits de la défense. La loi du 15 juin 2000, déjà évoquée, introduit la notion de délai raisonnable pour le jugement d’une accusation en matière pénale (article préliminaire du code de procédure pénale).

4°) Le traitement de la célérité dans la justice administrative
Plusieurs aspects doivent être envisagés, de la création (en 2000) d’une véritable justice de l’urgence à la célérité dans les cas où l’urgence n’est pas présente [158].

a) La création d’une véritable justice de l’urgence
Le juge administratif n’était pas habitué, jusqu’à une époque récente, à statuer dans l’urgence ; cela ne faisait pas partie de sa culture. Certes, la loi du 22 juillet 1889 sur les Conseils de préfecture, faisait application de la pratique du constat d’urgence, par laquelle le juge désigne un expert pour constater des faits sans délai et cette procédure avait été reprise aux articles R. 136 et R. 137 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Mais, il faut attendre la loi du 28 novembre 1955 pour constater l’introduction d’un juge des référés dans le contentieux administratif, avec des pouvoirs d’ailleurs limités, l’administration ne souhaitant pas voir son action gênée par un juge administratif trop audacieux ! Aujourd’hui, pour le contentieux de droit commun et sous réserve de quelques contentieux particuliers, le référé-instruction, qui permet au juge d’ordonner toutes mesures utiles d’expertise ou d’instruction, n’est pas lié à l’urgence mais à l’utilité de la mesure réclamée. Le référé-provision n’existe que depuis le décret du 2 septembre 1988, rattrapant ainsi un retard considérable sur le contentieux civil. Le référé conservatoire suppose l’urgence de la mise en œuvre de la mesure demandée. Par ailleurs, quelques contentieux particuliers connaissent d’un référé spécifique ; ainsi, du contentieux fiscal pour accorder au contribuable qui conteste son imposition un sursis au paiement, sursis que lui refuse l’administration. Ou encore, le référé pré-contractuel des articles L. 22 et L. 23 qui ne date que de la loi du 4 janvier 1992 (revue par la loi du 29 janvier 1993) et qui permet de faire censurer des infractions aux règles de passation des marchés publics (règles de publicité et de mise en concurrence). Le juge des référés ne pouvait pas, jusqu’aux lois du 8 février 1995 et du 30 juin 2000, sauf rares exceptions (par exemple dans la procédure de contrôle de légalité des arrêtés de reconduite à la frontière), ordonner la suspension d’une décision administrative ; or, les recours n’étant pas suspensifs et les délais de jugement devant la juridiction administrative étant longs, l’exécution provisoire sans possibilité d’agir en référé donne l’avantage à l’administration sur l’administré. Il a fallu attendre la loi n° 95-125 du 8 février 1995 (loi commune aux trois grands contentieux) pour que soit reconnue la possibilité de demander au président du tribunal administratif la suspension provisoire d’exécution d’une décision dont le sursis à exécution est par ailleurs sollicité de la juridiction administrative (art. L. 10, Code des TA/CAA). Mais c’est une possibilité aux effets limités car les conditions du prononcé de cette mesure provisoire sont les mêmes que celles qui doivent être remplies pour obtenir le sursis à exécution, à savoir le risque de conséquences irréversibles et l’existence d’un moyen sérieux d’annulation. La nécessité d’une réforme était indispensable.
La loi du 30 juin 2000 clarifie le contentieux de l’urgence [159]. Pour l’essentiel, ne sont pas concernés par la réforme les référés non liés à l’urgence, référé-provision, référé-expertise et référé-fiscal, ainsi que le référé pré-contractuel ; en revanche sont supprimées les procédures de sursis à exécution et de suspension provisoire, pour fusionner, en quelque sorte, dans un nouveau référé-suspension. Décret d’application no 2000-1115, 22 novembre 2000[160].

1) Deux nouveaux référés apparaissent en effet, dans le paysage administratif français :

α) Le référé-suspension (art. L. 521-1, du code de justice administrative). Ce texte prévoit que « quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ». Ainsi, pour la première fois en France, est remise en cause, d’une manière large, la règle sacro-sainte que les recours contentieux ne sont pas, en matière administrative, suspensif d’exécution de la décision attaquée. Ce nouveau référé s’étend aux décisions administratives de rejet, remettant ainsi en cause la jurisprudence Amoros [161]. Certes, il faut justifier de l’urgence et que le moyen invoqué à l’appui du recours contentieux soit propre à fonder un doute sérieux sur la légalité de la décision, mais c’est une avancée considérable dans la défense des citoyens devant l’administration. La jurisprudence traditionnelle qui interdisait au juge des référés de suspendre l’exécution d’une décision est ainsi anéantie. Celle qui autorisait le sursis à exécution, dans des conditions particulièrement restrictives, se voit substituer de nouvelles conditions : plus n’est besoin de faire état d’un « préjudice difficilement réparable », ou « de conséquences irréparables » (ce qui excluait le sursis lorsque le préjudice pouvait faire l’objet d’une réparation d’ordre exclusivement pécuniaire [162]), l’urgence suffit ; et le « doute sérieux quant à la légalité de la décision » remplace le « moyen sérieux d’annulation », moyen que le juge examinait d’une manière approfondie, mais on remarquera – et cela atténue la portée du changement – que le nouveau doute sérieux doit être dans le moyen ! Saisi comme juge des référés, le Conseil d’Etat, a précisé, très vite, qu’il y a urgence « lorsque l’acte dont la suspension est demandée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à l’intérêt public, voire à la situation du requérant ou à ses intérêts, quand bien même ledit préjudice ne serait que de nature financière » [163]. A l’inverse, le Conseil d’Etat a retenu l’urgence pour suspendre une sanction pécuniaire disciplinaire prononcée, à l’encontre d’un cadre d’une société prestataires de services financiers, par le Conseil des marchés financiers, au motif « qu’elle préjudicie à la situation de celui-ci d’une façon qui conduit à tenir la condition relative à l’urgence comme satisfaite », alors que, dans la même affaire, l’urgence n’était pas regardée comme remplie « en raison de la gravité des manquements reprochés à ce cadre et des considérations, d’intérêt général, relatives à la loyauté du marché et à la protection des épargnants et investisseurs », pour ce qui est de la sanction du retrait de la carte professionnelle[164]. En tout cas, il ne s’agit que d’une faculté pour le juge des référés. L’article L. 521-4 du code de justice administrative apporte des précisions intéressantes : à tout moment, le juge des référés peut, au vu d’un élément nouveau, modifier les mesures qu’il avait ordonnées ou y mettre fin.

β) Le référé-liberté fondamentale, qui autorise le juge à donner des injonctions à l’administration (article L. 521-2, code de justice administrative). C’est l’apport essentiel de la réforme du 30 juin 2000. Dans le cadre de ce référé-liberté, le juge peut ordonner des « toutes mesures nécessaires » pour sauvegarder une liberté fondamentale menacée par une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public. Il s’agit, en réalité, de limiter l’intervention du juge judiciaire aux seuls cas véritables de voie de fait, lorsque l’autorité administrative a porté une atteinte « manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative ou à un texte législatif ou réglementaire » ; la compétence du juge judiciaire est donc désormais subsidiaire en matière d’atteinte à une liberté fondamentale par une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public : elle ne peut jouer que dans le cas d’absence manifeste de rattachement à un texte ou à un pouvoir. Le nouvel article L. 521-2 donne ainsi au juge administratif des référés les moyens qui lui manquaient pour répondre aux attentes du Tribunal des conflits qui avait affirmé en 1997, à propos de consignation à bord d’étrangers non admis à séjourner sur le territoire français, que « le pouvoir d’adresser des injonctions à l’administration, qui permet de priver les décisions de celle-ci de leur caractère exécutoire, est de même nature que celui consistant à annuler ou à réformer les décisions prises par elle dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, pouvoir dont l’exercice relève de la seule compétence de la juridiction administrative, à l’exception des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire » [165]. Quatre conditions cumulatives sont nécessaires à l’intervention du juge des référés administratif : que l’on soit en présence d’une liberté fondamentale[166], que cette liberté soit l’objet d’une atteinte grave[167], que cette atteinte soit manifestement illégale[168] et qu’il y ait urgence.

2) Le référé conservatoire de l’ancien article R. 130 du code des TA et CAA, est toiletté, avec la suppression de l’interdiction de faire préjudice au principal. En cas d’urgence et sur simple requête le juge des référés pourra ordonner toutes mesures utiles, à la seule condition de ne pas faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative (art. L. 521-3, code de justice administrative). Le juge des référés pourra ainsi prévenir l’aggravation d’une situation dommageable ou la prolongation d’une situation illicite. On est proche du référé judiciaire de l’article 809, al. 1er, NCPC.

b) La célérité dans les affaires non urgentes
Il faut attendre le décret n° 97-563 du 29 mai 1997 pour que le contentieux administratif connaisse du calendrier de procédure, dont l’objet et l’utilité sont tout de même d’accélérer l’instruction des affaires. L’article R. 142 pour le tribunal administratif et l’article R. 147 pour la cour administrative d’appel autorisent le président de la formation de jugement ou de la chambre à fixer la date à laquelle l’instruction de l’affaire sera close, dès l’enregistrement de la requête et si les circonstances de l’affaire le justifient et, notamment, en cas de conclusions à fin de sursis à exécution de la décision attaquée.

5°) En droit processuel économique
Les contentieux des autorités de marché [169]fournissent un bon exemple de l’adaptation de la procédure à un impératif de rapidité, que ce soit dans l’organisation réglementaire des recours contre les décisions de ces autorités ou dans la pratique suivie par la Cour d’appel de Paris dans l’application de cette réglementation : simplicité des formes de recours, possibilité pour le juge saisi de suspendre l’exécution de la décision, tant au fond que dans les mesures conservatoires prises par l’autorité de régulation, calendrier de procédure fixé dès le dépôt de la requête, jugement en moins de six mois etc.. [170]. Pour s’en tenir, par exemple, au contentieux de la concurrence, il connaît depuis l’ordonnance du 1er décembre 1986, une véritable justice de l’urgence, les mesures conservatoires pouvant être ordonnées soit par le Conseil de la concurrence (art. 12, ord. 1er déc. 1986), soit par le juge des référés, avec cette particularité que devant ce dernier juge, l’urgence n’est pas expressément exigée comme condition de son intervention (art. 36, dernier alinéa, ord. 1er déc. 1986). Dans le premier cas, l’urgence est la condition nécessaire à la mise en œuvre des mesures conservatoires, dans le second elle est présumée [171]. Voilà donc un contentieux d’urgence particulièrement adapté aux nécessités de notre temps.

On le voit, à partir de ce panorama des nouveaux principes directeurs des procès, c’est tout une vision universaliste du droit du procès qui se dégage ; les anciens principes directeurs édictés par les législateurs nationaux conservent certes un intérêt de guide des plaideurs dans la conduite, au quotidien, de leurs procès, mais les principes nouveaux que nous avons dégagés et que trois doctorants ont su développer avec dextérité sous la forme d’une thèse (dialogue, loyauté et célérité) ont l’immense mérite et avantage de fixer un cadre qui dépasse largement les intérêts privés des parties pour dessiner le nouveau visage d’une justice rénovée, encadrée par des considérations d’intérêt général. En outre, ces principes sont communs à plus de quarante Etats et les législateurs nationaux ne peuvent pas les ignorer sous peine d’inconventionnalité. Tous les Etats se reconnaissent aisément dans ces trois principes, ce qui n’est pas nécessairement le cas des principes directeurs nationaux et cela quelque soit la place respective des parties et du juge dans la conduite du procès. Enfin, ces trois nouveaux principes peuvent être aisément exportés vers ces contentieux nouveaux, ceux des autorités administratives indépendantes qui ne disposent pas encore d’une tradition leur permettant de dégager des principes directeurs

III – LOYAUTÉ EN DROIT DU PROCÈS
ET LOYAUTÉ EN DROIT DE LA CONCURRENCE
de la loyauté de la concurrence à la loyauté de la procédure,
ou les dangers de la proclamation d’un principe conçu exclusivement comme l’instrument d’une politique de gestion des flux judiciaires
(publié aux mélanges Yves Serra, 2006)
            C’est au Conseil national des universités – lieu où la loyauté doit s’exercer et être respectée avec beaucoup d’acuité – que j’ai rencontré puis apprécié Yves Serra. Bien sûr, je connaissais l’œuvre scientifique de celui qui, très tôt, contribua à donner ses lettres de noblesse au droit de la concurrence. Et la loyauté tenait une place importante dans l’étude du droit auquel il se consacrait. Mais c’est de l’homme dont il faut dire ici (et écrire, pour garder trace du passé au profit de ceux qui n’auront plus la chance de le rencontrer), qu’il fut non seulement un honnête homme (au sens plein de cette expression au XVIIIème siècle), mais aussi un collègue d’une grande loyauté ; lorsqu’il exerçait ses responsabilités de rapporteur sur un candidat à la qualification aux fonctions de maître de conférences ou à une promotion, il était très attentif au respect de cette exigence : lorsqu’un dossier présentait des faiblesses, il ne les sous-estimait jamais, même pour un candidat de sa région ou de sa discipline, mais il les exposait avec mesure, sans chercher à blesser. Sa loyauté s’exerçait aussi, à l’inverse, pour les candidats dont il souhaitait ardemment la qualification ou la promotion ; sans excès, sans emphase, il savait, mieux que d’autres, décliner les qualités qu’il avait décelées par la lecture d’une thèse, d’une note d’arrêt, d’une chronique ; sa capacité d’analyse et de synthèse était exceptionnelle. Et le regard noir et fougueux du catalan qu’il revendiquait d’être, accompagnait par la force de l’expression visuelle, la détermination de la parole et de l’écrit. Si une discussion s’engageait, si des précisions lui étaient demandées, il répondait toujours avec courtoisie, parfois avec passion, n’hésitait pas à convenir qu’il fallait infléchir son jugement sur tel ou tel point ou, au contraire, rejetait avec force et détermination toute contestation des conclusions de son rapport. Mais chacun savait que son honnêteté intellectuelle se prolongeait dans une loyauté totale. Bref, il était apprécié et respecté et je savais, en tant que Président de la section de droit privé du Conseil national des universités entre 1992 et 1996, que je pouvais compter sur lui en toutes circonstances, sur une question de procédure, la régularité d’un vote, comme sur la nécessité de débattre librement et totalement avant de voter ou de s’assurer de la loyauté de certains rapports. A cet égard, pour nous préserver de rapports partisans, il lui est arrivé de me protéger de ses amis, comme je le protégeais des miens ! C’est pourquoi – au-delà de la raison que ces Mélanges seront offerts à un collègue disparu – je me suis permis de souligner, à grands traits, l’une des qualités essentielles d’Yves Serra en guise de propos préliminaires à une contribution qui concerne au premier chef son œuvre doctrinale, mais aussi sa forte personnalité.
La loyauté revient à la mode à travers le rapport présenté au Garde des sceaux par le Président du Tribunal de grande instance de Paris, en juin 2004 et disponible sur le site du ministère de la justice en septembre 2004, « Célérité et qualité de la justice – La gestion du temps dans le procès ». Bien avant la rédaction et le dépôt de ce rapport, dès 1999, une certaine doctrine processualiste avait souligné l’importance de la loyauté dans le droit du procès[172] ; et bien avant la doctrine processualiste, une autre doctrine, celle du droit des activités économiques, s’est beaucoup intéressée, il y a plus d’un siècle, à l’idée de loyauté : une saine et véritable concurrence ne doit pas seulement être libre, elle doit aussi être loyale, nous apprennent la jurisprudence dès la fin du XIXème siècle, Pouillet et, surtout, Roubier avec son magnifique traité de l’action en concurrence déloyale[173], pour ne citer que ces deux auteurs. Nous avons la chance d’avoir étudié successivement ces deux branches du droit, celui de la concurrence déloyale, dès 1970[174] et celui du droit du procès à partir de 1979, sans discontinuité. Nous pensons donc pouvoir livrer quelques réflexions tirées de cette double appartenance doctrinale. Nous le ferons à partir des deux idées suivantes, dont la seconde s’apparente à une mise en garde à ceux qui voudraient instrumentaliser le principe de loyauté :
- il faut être loyal dans le droit du procès comme dans celui de la concurrence : certes et nul ne peut nier l’importance de ce principe ; mais quel contenu faut-il lui donner et quelle sanction faut-il envisager de lui apporter ? Le droit de la concurrence peut nous aider, par sa longue pratique du principe de loyauté, à mieux appréhender ce contenu et cette sanction dans le droit du procès.
            - Surtout, quelle finalité reconnaître à cette exigence ? En proclamant, dès 1999, la loyauté comme principe directeur du procès, nous étions dans une démarche de conceptualisation du droit du procès qui englobait deux autres principes, ceux du dialogue et de la célérité. Reprendre cette idée d’une loyauté élevée à la hauteur d’un principe directeur dans un rapport tout entier tendu vers la réalisation d’un seul objectif, celui de la gestion quantitative des flux judiciaires, fait courir le soupçon de vouloir faire de la loyauté la servante, l’instrument de la célérité, sans souci du dialogue et des autres principes directeurs du procès. Si le rapport « Célérité et qualité de la justice » magnifie la loyauté et sanctifie la célérité, en occultant le troisième volet de notre conception du droit du procès, celui sur le dialogue, on peut s’interroger sur les intentions de ses auteurs. Nous savons, par nos travaux sur la concurrence déloyale, que la loyauté de la concurrence doit s’accompagner de la liberté de celle-ci ; de la même façon, un procès loyal doit s’accompagner d’un esprit de dialogue, autre forme de la liberté, pour contrer ce que la loyauté proclamée en vertu absolue porterait en elle d’instrumentalisation, pour ne pas dire de manipulation, au détriment des justiciables qui feraient ainsi encore les frais d’une nouvelle réforme de la Justice.
            Bref, soyons loyaux (I), mais restons libres (II).
i – une ardente obligation : soyons loyaux !
            Que nous apprend le droit de la concurrence déloyale en matière de loyauté ?
- Que son domaine est très large et que son contenu est maintenant bien délimité par la jurisprudence ; il sera intéressant de suivre cette évolution dans le droit du procès.
- Que sa sanction reste traditionnelle, celle des conditions de mise en œuvre de la responsabilité civile : faute, préjudice et lien de causalité entre les deux sur le fondement de l’article 1382 du code civil. Sur ce point, les deux branches du droit ne peuvent pas se rejoindre : on imagine mal une action en responsabilité pour déloyauté dans le procès, même si rien au niveau des principes ne s’y oppose !
a) convergence quant au domaine et au contenu du principe de loyauté
            A priori, droit de la concurrence et droit du procès n’ont pas grand-chose en commun, si ce n’est que, comme pour toute autre branche du droit, le second vient organiser la sanction de la violation des règles du premier. Et pourtant, on peut souligner à la fois l’extension du domaine du principe de loyauté (a) et la précision de son contenu (b).
a) Extension du domaine du principe de loyauté
            1) Dans le droit de la concurrence, la loyauté est exigée dans tous les secteurs de la concurrence, pas seulement celui du commerce, mais aussi celui des activités économiques non commerciales, telles les professions libérales. Parce qu’elle irrigue toutes les branches de la concurrence, la loyauté conforte sa position comme principe ; loin de l’affadir, son exportation vers les secteurs concurrentiels libéral, voire rural, la renforce. Elle s’exporte même vers ce que les anglo-saxons dénomment « unfair competition without competition », c'est-à-dire la concurrence déloyale sans concurrence ; cela se produit par exemple, lorsqu’un opérateur économique d’un secteur déterminé n’étend pas son activité au-delà de ce secteur mais, par son action, notamment sa publicité, en vient à mettre en cause l’activité des opérateurs d’un autre secteur, par exemple en reprenant leurs slogans ou leurs marques ; de ce fait, il les concurrence de manière déloyale.
            2) Qu’en est-il en droit du procès ? L’émergence du principe de loyauté se manifeste désormais dans tous les types de contentieux, même si les degrés en sont variables selon la nature de celui-ci.
α) En procédure civile, ce principe n'apparaît pas en tant que tel dans le nouveau code de procédure civile, mais il sous-tend nombre de dispositions. Indirectement, on le trouve exprimé dans le droit de la preuve [175], aux article 9 (« conformément à la loi ») et 10 (« mesures légalement admissibles ») du code civil, dispositions que l'on retrouve dans les textes du nouveau code de procédure civile sur les mesures d'instruction (par exemple dans l'article 143 pour la notion de mesure légalement admissible). De même, en permettant la production forcée des pièces détenues par une partie, l'article 142, NCPC, postule une obligation de loyauté dans la production spontanée. Organiser une filature pour contrôler et surveiller un salarié « constitue un moyen de preuve illicite [parce que déloyale], dès lors qu’elle implique nécessairement une atteinte à la vie privée de ce dernier et est insusceptible d’être justifié, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l’employeur »[176]. Motulsky y voyait l'une des composantes des droits de la défense, au même titre, pour les parties, que l'obligation de donner connaissance de l'introduction de l'instance et de l'obligation de permettre la comparution et aux côtés de l'obligation, pour le juge, de sanctionner les violations des droits de la défense commises par les parties, d'observer une stricte neutralité et de motiver ses jugements et, pour le législateur, d'organiser un système rationnel de voies de recours[177].
Le débat judiciaire doit être loyal et chacun doit apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité[178].
Mais le principe de loyauté procédurale tend à acquérir une importance autonome, au-delà du domaine de la preuve. Cette évolution doit être rapprochée de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui, (qui est une forme de l'obligation de loyauté) et de l'introduction de l'estoppel en droit français. En effet, sont récemment apparues en droit interne français des hypothèses où le juge a rejeté la prétention d'un plaideur à remettre en cause, devant les tribunaux, une situation qu'il avait lui-même provoquée, sans que ce rejet ne soit fondé sur les théories traditionnelles de la fraude à la loi, de l'apparence ou de la règle nemo auditur ; ainsi, lorsqu'une « mère » adoptive sollicita la révocation de l'adoption du jeune homme qu'elle n'avait adopté, en fait, que pour échapper, en tant que bailleur, à la législation sur les baux ruraux [179] ; ou encore,lorsque le cédant d'actions sociales n'ayant pas notifié cette cession invoque l'absence d'agrément des cessionnaires [180] ; ou enfin, lorsqu'il est décidé« qu'un prévenu n'est pas recevable à invoquer l'inopposabilité en France d'une décision étrangère qui a prononcé le divorce sur sa demande » [181]. Cette interdiction de se contredire au détriment d'autrui, véritable principe général du droit [182], notamment dans le domaine du commerce international [183], pourrait, selon un auteur, être systématisée, formalisée par l'institution anglaise de l'estoppel, « mécanisme purement défensif, enraciné dans l'équité et tendant à la moralisation des comportements processuels » [184]. Ce mécanisme pourrait même, dans l'ordre international, « prendre le relais de la fraude au jugement »[185]. De même, dans le cas d'une femme marocaine divorcée selon la loi française et qui n'a pas demandé l'application (obligatoire, en raison d'un traité franco-marocain, lorsque les deux époux sont de la même nationalité marocaine et du caractère indisponible des droits) de la loi marocaine, ni en première instance, ni en appel ; elle le fait pour la première fois en Cour de cassation, parce qu'elle a perdu dans son affaire de divorce. N'y a-t-il pas violation d'une obligation de bonne foi processuelle ? N'est-ce pas une déloyauté que d'attendre d'arriver en cassation pour invoquer un moyen qui aurait pu l'être utilement dans les instances précédentes ? La Cour de cassation n'aurait-elle pas pu sanctionner cette déloyauté par le rejet du pourvoi ? [186]
Dans les procédures d'exécution, on peut découvrir une trace de cette obligation de loyauté dans l'article 24 de la loi du 9 juillet 1991 qui fait obligation aux tiers d'apporter leur concours aux procédures d'exécution, sauf motif légitime [187]. De même, dans l'article 60 du décret d'application du31 juillet 1992, à propos de l'obligation d'information qui pèse sur le tiers saisi dans le cadre de la saisie-attribution.
Par ailleurs, on rencontre un phénomène d’extension du principe de loyauté au-delà du champ judiciaire, un peu comme en matière de concurrence déloyale avec la pratique de l’unfair competition without competition. Ainsi, on voit le poindre dans le domaine de l'arbitrage et la cour de Paris a-t-elle jugé le 5 juillet 2001 [188]que « le comportement consistant à invoquer un vice de la sentence seulement dans le cadre du recours en annulation, alors que ledit vice aurait déjà pu être soulevé en cours de procédure, constitue une violation du principe de la bonne foi que les pouvoirs d'amiable composition conférés aux arbitres n'affranchissent pas les parties de respecter ».
On retrouve ce principe aussi dans les modes alternatifs de règlement des conflits[189].
L’inscription du principe de loyauté dans le nouveau code de procédure civile ne ferait donc que consacrer cette évolution : « le respect de la loyauté processuelle devrait figurer explicitement au nombre des principes directeurs du procès pour mieux asseoir sa nécessité et servir de référent pour toutes les procédures et devant tous les juges »[190].
β En procédure pénale, contrairement à ce que l'on pourrait croire, compte tenu de l'importance de ce contentieux pour la protection des libertés fondamentales, la procédure pénale ne consacre pas encore une obligation absolue de loyauté, notamment dans la recherche des preuves. Il est significatif de signaler, à cet égard, qu'en mars 1999, au cours du débat à l'Assemblée nationale sur la réforme de la procédure pénale et de la présomption d'innocence, un amendement tendant à ce qu'il soit statué sur l'accusation « sur le fondement de preuves loyalement obtenues » a été combattu par des députés et notamment par un avocat ! On aurait cru la jeune génération de députés venus du Barreau plus proche des libertés et droits fondamentaux qui fondent notre procédure pénale[191]. De fait, le principe de loyauté ne figure pas dans les principes directeurs du procès pénal énumérés à l’article préliminaire du CPP[192].
Certes, le policier dans l'enquête, comme le juge d'instruction dans l'instruction, doivent administrer la preuve dans le respect du principe de légalité, ce qui implique que cette administration soit loyale, sans stratagème ni artifice. C'est la fameuse affaire Wilson de 1888 dans laquelle les Chambres réunies de la Cour de cassation avaient sanctionné l'attitude d'un juge qui s'était fait passer pour un tiers, au téléphone, afin de mieux obtenir, par la ruse, les confidences d'un complice de l'infraction [193]. La chambre criminelle a confirmé cette jurisprudence par la suite [194] : même solution pour un policier qui avait enregistré les— propos d'un suspect en dissimulant un magnétophone [195]. C'est aussi tout le problème des écoutes téléphoniques,— pour lequel l'attraction de la procédure par les droits fondamentaux internationaux est forte, puisque la France a dû adapter sa législation par une loi du 10 juillet1991, suite à sa condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme [196]. De même encore, l'administration des douanes qui met en— œuvre une fausse filière de trafic de stupéfiants effectue une livraison contrôlée dont la finalité reste obscure ; dans ce cas, « la provocation à l'infraction par un agent de l'autorité publique exonère le prévenu de sa responsabilité pénale lorsqu'elle procède de manœuvres de nature à déterminer les agissements délictueux portant ainsi atteinte au principe de loyauté des preuves »[197].
Pour autant, l'obligation de loyauté n'est pas encore, en procédure pénale, un impératif absolu, comme on va pouvoir en juger : beaucoup reste à faire pour conforter le principe de loyauté : ainsi, est-il admis depuis l'arrêt Wilson de 1888 (précitée), que si un juge ne peut procéder par ruse, la même obligation ne pèse pas avec la même force sur le policier, « la dignité ayant des exigences variables suivant le rang qu'on occupe dans la hiérarchie ». D'où l'admission de la preuve par un cinémomètre associé à un appareil de photo et dissimulé, ce procédé ne portant pas atteinte, selon la Chambre criminelle, à la vie privée (protégée par l'article 8 de la Convention européenne) [198]. De même, le principe de loyauté oblige seulement les policiers ou gendarmes à justifier de l'homologation de l'appareil qu'ils utilisent pour contrôler le taux d'alcoolémie des conducteurs ; ils n'ont pas à joindre le ticket imprimé par l'appareil, la preuve de l'alcoolémie résultant suffisamment du taux indiqué sur le P.V parle policier[199]. Les provocations policières elles-mêmes sont admises,dès lors qu'elles visent seulement à administrer la preuve de l'infraction, alors qu'elles entraînent la nullité de la procédure si elles tendent à provoquer une infraction. « La chambre d'accusation a justifié sa décision d'étendre la nullité des écoutes téléphoniques aux actes de la procédure qui les ont suivies dès lors que l'interpellation de l'intéressé a procédé d'une machination de nature à déterminer ses agissements délictueux et que, parce stratagème, qui a vicié la recherche et l'établissement de la vérité, il a été porté atteinte au principe de la loyauté des preuves »[200]. De même, les parties peuvent produire en justice des preuves établies de manière déloyale[201], voire au prix d'une infraction[202], par exemple en matière d'écoutes téléphoniques illégales. « Aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale »[203]. Le juge doit joindre ces éléments au dossier pénal, les victimes pouvant faire ce que les policiers ne peuvent faire ! L'exigence de loyauté dans la recherche et l'obtention des preuves ne s'applique qu'aux autorités policières et judiciaires ; cette jurisprudence est tout à fait critiquable, la déloyauté devant être sanctionnée d'où qu'elle provienne. On va pourtant la retrouver dans le contentieux répressif économique.
γ En contentieux économique Devant les autorités administratives indépendantes et spécialement devant le Conseil de la concurrence, la jurisprudence, dans le silence des textes a dégagé une obligation de loyauté dans la recherche des preuves des infractions[204], s'inspirant en cela de la procédure pénale, ce qui n'est guère étonnant dans une procédure qui relève de la matière pénale au sens de la jurisprudence de la Cour européenne. Cette jurisprudence, initiée par la Cour de Paris et à laquelle s'oppose, en partie, celle de la Cour de cassation concerne essentiellement la délimitation de l'objet de l'enquête pour déboucher sur une véritable déontologie de celle-ci [205] :
- L'obligation, pour les enquêteurs, de faire connaître l'objet de leur enquête aux personnes interrogées a été mise en évidence par la cour de Paris, juge d'appel naturel des décisions du Conseil de la concurrence ; il est piquant que l'on redécouvre une obligation qui fut l'une des conquêtes du droit procédural moderne contre le droit de l'Ancien régime ; la jurisprudence ne se contente pas d'une formule de style dans le procès-verbal d'enquête, du genre « l'enquêteur à indiqué à M. X l'objet de l'enquête » ; il faut que la mention permette de vérifier que les exigences légales et réglementaires ont été respectées et elle doit donc mentionner d'une façon concrète l'objet et l'étendue de l'enquête [206]. Par exemple, les enquêteurs ne doivent pas présenter l'objet de leur enquête comme étant simplement le moyen de vérifier le prix des carburants, alors que l'objet véritable de cette enquête est de rechercher des déclarations qui seront ensuite utilisées pour faire la preuve, contre les personnes interrogées, d'une pratique anticoncurrentielle. Dans une décision du 15 décembre 1999, le Conseil de la concurrence a visé l'obligation de loyauté dans la recherche de la preuve ; il relève que, lors de leurs auditions, dans une affaire mettant en cause des entreprises de porcelaine, deux personnes « ont largement débordé le champ de la résiliation d'un contrat de distribution et se sont étendues à la totalité de leurs systèmes de distribution ; qu'ainsi, il n'a pas été satisfait à l'obligation de loyauté dans la recherche des preuves »[207]. Mais une certaine souplesse apparaît dans certaines décisions. Ainsi, la cour de Paris a admis que l'autorité qui a prescrit l'enquête peut la délimiter préalablement si cela lui est possible et modifier ensuite son étendue[208]. La Cour de cassation est encore plus généreuse quant aux— réalités du terrain, en matière de délimitation du champ des investigations des enquêteurs. Elle prend en compte le fait que lorsque l'autorité prescrit l'enquête,elle ne connaît pas encore, avec précision, le marché sur lequel porte les investigations et elle a considéré, en conséquence, le 21 mars 2000, que l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'obligeait pas les enquêteurs à délimiter préalablement le marché sur lequel pourront porter les investigations ; il appartient au Conseil de la concurrence de la faire, a posteriori [209] ; mais dans l'arrêt sur renvoi, la cour de Paris (qui avait écarté des débats un procès-verbal d'audition au motif que la personne entendue avait pu se méprendre sur l'objet de l'enquête et dont l'arrêt avait été cassé)réaffirme que « l'enquête préalable à laquelle se livrent les fonctionnaires habilités ne peut avoir pour effet de compromettre irrémédiablement l'exercice des droits de la défense » ; en conséquence, même si l'enquête n'est pas soumise au contradictoire,elle ne doit « conduire les personnes entendues à faire, dans l'ignorance de l'objet de l'enquête, des déclarations sur la portée desquelles elles pourraient se méprendre et qui seraient ensuite utilisées contre elles » ; et elle confirme qu'elle écarte des débats le procès-verbal d'enquête « dans la mesure où l'obligation de loyauté devant préciser à la recherche des preuves a été méconnue » [210].
- Apparaît ainsi une l'obligation de respecter une véritable déontologie de l'enquête. En revanche, le Conseil de la concurrence admet, comme en procédure pénale, que les moyens de preuve obtenus d'une manière déloyale par les parties peuvent être produits devant lui, notamment l'enregistrement et la transcription des conversations téléphoniques obtenues à l'insu de l'intéressé ; le Conseil se réfère expressément la décision précitée de la Chambre criminelle du 15 juin 1993, reprenant sa motivation, ajoutant qu'il est « chargé de la défense de l'ordre public économique et non de se prononcer sur le bien-fondé des demandes dirigées par une partie contre une ou plusieurs autres »[211].
            b) Précision du contenu du principe de loyauté
            Les deux droits sont ici très décalés.
1) Le droit de la concurrence connaît une jurisprudence ancienne, devenue classique, qui encadre formellement l’exigence de loyauté. Les opérateurs économiques peuvent aujourd’hui connaître aisément les directives, la norme juridique que leur imposent les tribunaux ; les auteurs de comportements déloyaux peuvent rarement arguer de l’ignorance des critères de la loyauté. Mieux, dès la publication des premiers traités de droit de la concurrence déloyale (on pense à Pouillet), on trouve l’énumération – un peu comme un catalogue – des comportements déloyaux. C’est Paul Roubier qui, le premier, sort de cette pure casuistique et élève la concurrence déloyale à la hauteur d’une véritable théorie ; il faut lire en contemplation les deux ouvrages pour comprendre ce que théoriser veut dire, ce qu’être Professeur d’université signifie ; la synthèse a fait place à l’analyse, le brio de la démonstration à la platitude de l’exposé, analytique toujours, chronologique souvent, des affaires soumises à la sagacité des juges.
2) Le droit du procès est encore loin de ce schéma. D’abord, parce que la doctrine ne s’est pas pratiquement pas intéressée à l’émergence de ce principe de loyauté, ni antérieurement à 1999, date à laquelle l’auteur de ces lignes l’a mis en évidence (v. supra), ni postérieurement[212]. Ensuite, parce que la jurisprudence a rarement déclaré clairement que la loyauté était une exigence à respecter, avant même d’être un principe à proclamer. C’est pourquoi, la publication du rapport « Célérité et qualité de la Justice » et l’insistance de ses auteurs à demander qu’on grave dans le marbre du nouveau code de procédure civile ce principe directeur du procès, auront au moins le mérite d’attirer l’attention des processualistes et des praticiens sur le respect de cette exigence et de faire réfléchir la doctrine et les juges à la détermination de son contenu. Que doit-on y mettre en effet ? Bien sûr, la loyauté dans les comportements processifs des parties et de leurs représentants dans leurs relations entre eux et dans leurs rapports avec le juge. Ce qui, déjà, recouvre un champ très large qui ne se réduit pas au dépôt des conclusions et à la production des pièces en temps utile ; mais ne faut-il pas aussi exiger une loyauté du juge ? Evidemment, chacun s’accorde à reconnaître que le juge doit être loyal, mais qu’est-ce que cela signifie au-delà de cette proclamation, de son application immédiate la plus lisible dans le domaine du droit de la preuve et de sa traduction dans le champ de cette vertu que constitue l’impartialité ? Par exemple, faut-il aller plus loin et sanctionner comme déloyal le comportement d’un président de tribunal correctionnel qui, dépassant son rôle de tiers arbitre, se comporte en accusateur, empiétant sur les fonctions du ministère public ? Doit-on sanctionner le comportement du juge d’instruction qui, à une demande verbale et informelle d’un avocat (« quand pensez vous remettre en liberté mon client qui est en détention provisoire ?) répond « pourquoi, il a des choses à me dire, des révélations à faire ? ». Faut-il sanctionner le comportement de ces juges d’instruction qui ne permettent pas aux avocats présents dans leurs cabinets, aux côtés des mis en examen (ou de ceux qui vont l’être) de lire, à l’écran de l’ordinateur du greffier, en même temps qu’eux, les réponses des intéressés, réponses dont on sait qu’elles sont reformulées par le juge lui-même ? Car, enfin, par la lecture immédiate des réponses, le juge d’instruction acquiert un temps d’avance sur l’avocat qui n’a fait qu’écouter son client et n’a pas eu le temps de visualiser à l’écran la transcription des réponses, ce qui ne lui permet pas de vérifier la conformité de cette transcription à la teneur des propos tenus, sans même parler de ce qu’il ne bénéficie pas de la force, de la puissance de l’écrit.
            En proclamant la loyauté comme principe directeur du procès, on permettrait à nos tribunaux d’affiner notre connaissance de son contenu, surtout si la sanction de sa violation est efficiente.
b) évolutions divergentes quant aux sanctions du principe de loyauté
            a) En droit de la concurrence, la sanction est classique : prouvez la faute, le préjudice et le lien de causalité entre les deux et vous serez indemnisé sur le terrain connu de la responsabilité civile, au fondement de l’article 1382 du code civil. L’action en concurrence déloyale, malgré certaines tentatives pour l’autonomiser, reste, fondamentalement, une action en responsabilité civile ; elle peut donc puiser dans tous les champs de mise en œuvre d’une responsabilité civile, la richesse considérable des apports jurisprudentiels.
            b) En revanche, le droit du procès n’en est qu’à ses premiers balbutiements en matière de loyauté. La remarque ne vaut pas que pour la délimitation de son domaine ; elle vaut aussi pour sa sanction.
1) Dans les relations des parties entre elles, on voit poindre, en procédure civile française, une technique d'irrecevabilité fondée sur l'idée plus générale de loyauté dans le pouvoir d'agir en justice. Il ne serait pas anormal alors, d'y voir une nouvelle fin de non-recevoir, plutôt qu'une défense au fond ; on remarquera à cet égard que dans le lexique anglo-français du Conseil de l'Europe (1993), l'estoppel correspond à trois institutions françaises, dont la fin de non-recevoir[213]. En droit anglais, « il a été jugé que le juge a le pouvoir mais aussi le devoir de radier une affaire ou de rejeter un moyen de défense (to strike out a claim or defence) – la radiation constituant une sanction du manque de loyauté dans la phase de disclosure des documents – en vertu de l’objectif prioritaire du traitement équitable de l’affaire. En schématisant, le manque de loyauté entre adversaires lors de la production forcée des pièces dans la phase de préparation de l’audience peut être sanctionné par la radiation de l’affaire »[214].
            Mais que faire lorsque le comportement déloyal de la partie ne peut être ainsi sanctionné par une fin de non-recevoir ? Par exemple, en cas de dépôt de conclusions à la veille de l’ordonnance de clôture de la procédure de mise en état ou son jour même ? Littéralement, l’article 783 NCPC, n’interdit pas un dépôt dans ces conditions, mais on voit bien qu’il peut empêcher la partie adverse d’en prendre connaissance en temps utile ; or, la contradiction doit être respectée dans de bonnes conditions. La jurisprudence soit repousse ou révoque cette clôture, soit écarte du débat les conclusions tardives, toute autre solution étant exclue[215]. Mais ne faudrait-il pas prévoir le prononcé d’une amende dans une telle hypothèse ?
            Dans le procès pénal, l’acte révélant une déloyauté pourrait être annulé, mais quid lorsque la déloyauté ne résulte pas de l’accomplissement d’un acte ? Ne doit-on pas envisager la possibilité pour le juge de tirer toutes les conséquences de cette déloyauté quant à l’issue du procès Mais la solution porte en elle-même ses limites ; le juge ne peut tout de même pas faire dépendre son jugement sur l’issue de l’affaire (condamnation ou relaxe en correctionnelle par exemple) de l’appréciation qu’il porte sur le comportement d’une partie pendant le déroulement de la procédure ! Là encore, la possibilité de prononcer une amende doit être envisagée.
2) Lorsque la déloyauté est le fait du juge, les choses sont encore plus complexes. On imagine mal en effet, la possibilité laissée aux parties de se plaindre aisément de tel ou tel comportement du juge, par exemple en mettant en cause la responsabilité de l’Etat pour dysfonctionnement du service public de la justice. Le dessaisissement lorsqu’il est possible, l’exercice des voies de recours en toute hypothèse devraient constituer les solutions à mettre en œuvre avant d’envisager contre l’Etat une action sur le fondement de l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire.
            On constate ainsi que la proclamation de l’exigence de loyauté dans le droit du procès comme principe directeur est loin d’être inutile, même si sa sanction peut soulever quelques difficultés. Mais il ne faudrait pas que cette proclamation occulte les autres composantes du droit du procès, notamment la liberté de le conduire et de dialoguer.
ii - une impérieuse nécessité : restons libres  
            De la même façon qu’en droit de la concurrence la liberté accompagne la loyauté (A), en droit du procès la loyauté ne doit pas être instrumentalisée au service de la seule préoccupation de célérité ; elle doit s’accompagner de la liberté d’agir et de conduire le procès et d’un principe de dialogue (B).

a) la loyauté de la concurrence dans la liberté des pratiques concurrentielles
            Avant d’être loyale, la concurrence doit être libre. Certes, les deux exigences ont leurs règles propres, mais on ne peut favoriser l’une au détriment de l’autre. Que serait l’exigence d’une concurrence loyale, si cette concurrence ne pouvait même pas exister parce qu’entravée par des pratiques condamnables ? Et à l’inverse, quelle serait une concurrence si libre quelle serait déloyale ? Les deux qualités de la concurrence sont étroitement liées, de la même façon que désormais il est admis que la protection des consommateurs vaut aussi comme protection des concurrents. Ce que nous avions pressenti et présenté dès 1970[216], à savoir que les consommateurs et les concurrents sont dans le même « panier », dans le même rapport, est aujourd’hui confirmé par la jurisprudence ; ainsi, lorsqu’un opérateur accomplit des actes de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur le consommateur, non seulement il lèse les intérêts des consommateurs, mais de plus il se rend coupable de concurrence déloyale puisqu’il attire vers lui des clients par un procédé déloyal[217]. Le « délit » est ici économique[218] et concerne tant les consommateurs que les concurrents ; l’unité de la répression traduit l’unité du comportement ; la liberté de concurrencer les autres opérateurs trouve sa limite dans la licéité des pratiques envers les consommateurs et cette licéité est elle-même un aspect de la loyauté de la concurrence. C’est dire que tout est lié et qu’on ne peut affirmer l’une des exigences (la liberté par exemple) en occultant l’autre (ici la loyauté).
b) la loyauté de la procédure dans la liberté d’agir et de conduire le procès
            Inscrire le principe de loyauté en droit du procès dans une logique exclusive de célérité de la justice, de gestion quantitative des flux judiciaires, serait une grave erreur. C’est pourtant ce que laisse penser la lecture du rapport « Célérité et qualité de la Justice ».
a) Sans d’ailleurs que la lettre de mission du Garde des sceaux ne soit reproduite en-tête du rapport (bien qu’annoncée), le principe de loyauté, affirmé et proclamé comme un principe directeur du procès, est ici inséré dans une pure logique de célérité, puisque telle est l’une des composantes de l’intitulé du rapport. Les comportements déloyaux des parties (il n’est pas question de ceux du juge) sont mis en perspective avec la durée des procédures ; en réalité, il est à craindre qu’il ne s’agisse purement et simplement de museler les parties pour que leurs initiatives procédurales soient sanctionnées plus aisément. Dans le cadre d’un objectif de qualité, deux principes seulement sont affirmés, loyauté (dont il est demandé qu’il soit reconnu comme un principe directeur du procès) et célérité ; le lien entre les deux est évident et la qualité n’est qu’un prétexte qui habille d’un vêtement de respectabilité (qui ne souscrirait à un tel objectif ?) une entreprise de reprise en mains par le juge de la conduite des procès pour aller vite (mais sans doute pas très bien) dans le but (inavoué) d’évacuer les rôles. Au profit de quels intérêts ? Certainement pas ceux des justiciables, malgré l’affirmation que c’est « l’intérêt général » et « l’image d’une justice enfin digne du label européen » qui sont ici visés.
La preuve la plus éclatante en est donnée par la proposition littéralement ahurissante d’imposer l’exécution provisoire de plein droit des décisions de première instance, alors que cette malheureuse solution a été écartée six mois auparavant par celui-là même qui a commandé le rapport, c'est-à-dire le Garde des sceaux (quel respect, quelle loyauté envers l’exécutif ?)[219] ; alors qu’un amendement du Sénat au projet qui devait devenir la loi du 11 février 2004 sur les professions judiciaires a été repoussé par l’Assemblée nationale après qu’un rapport ait été établi par une mission parlementaire et qu’une étude approfondie et contradictoire a montré que le système actuel de l’exécution provisoire à la discrétion du juge était sans doute la meilleure solution (quel respect pour la représentation nationale puisque le rapport feint de ne pas s’apercevoir que les députés n’en ont pas voulu?). En guise de loyauté, c’est par antinomie que le rapport l’illustre…
Ou encore, pourquoi vouloir chasser des prétoires les parties et la procédure accusatoire au profit d’un juge d’instruction civil et de la procédure inquisitoire, en limitant, par exemple, la production des pièces nouvelles devant la cour d’appel, au mépris de la découverte de la vérité, et la recevabilité de moyens nouveaux au détriment de l’évolution du litige et de la liberté des parties de faire évoluer leur stratégie procédurale ? La liberté des parties est totalement entravée dans la préconisation que les pièces nouvelles et les conclusions complémentaires ne pourraient être produites ou déposées que sur autorisation du juge, alors qu’il arrive qu’une partie ne puisse se procurer une pièce au début de l’instance pour des raisons indépendantes de sa volonté. Quelle conception de la justice peut inspirer une telle préconisation, si ce n’est que les parties sont aux ordres du juge, que la procédure est faite pour brider leurs initiatives et non pas pour promouvoir leur liberté ?
Où est l’égalité des armes lorsque le demandeur pourra préparer les siennes pendant des mois avant de lancer son assignation, alors que le défendeur se voit imposer un délai de deux mois pour signifier ses premières conclusions et pièces ?
Où est la liberté de se défendre lorsque les avocats devraient subir une sorte d’examen oral au cours d’une audience de plaidoiries dite « interactive » et dont le résultat le plus spectaculaire sera de réduire le temps des plaidoiries au profit de questions posées par le juge aux avocats sur des points limités ?
Pourquoi, au pénal, interdire à la défense le libre choix de ses arguments en allant jusqu’à proposer de retirer la parole aux avocats ? « Célérité et qualité » ont pour seul objectif de laisser le plaideur seul face au juge qui pourra le conseiller sur la procédure à suivre, sans s’embarrasser de la présence d’un avocat. Ah, que le justice est belle sans ses auxiliaires !
b) En contrepoint, on se permettra de rappeler que lorsque nous avons préconisé que la loyauté devienne un principe directeur du procès, cette proposition s’insérait dans un système cohérent et complet qui n’était au service que d’une seule cause, la défense des intérêts du justiciable. Le procès est une équation à trois dimensions indissociables : loyauté, dialogue et célérité. Abandonner l’une c’est déséquilibrer le droit du procès ; amputer le triangle existentiel du principe de dialogue, c’est tout ramener à une exigence d’aller vite, mais pas nécessairement bien ; c’est confondre vitesse et précipitation, c’est sacrifier la sérénité au seul profit de la seule célérité. Insister sur les seules exigences de loyauté et de célérité, n’est-ce pas, même inconsciemment, même par pulsion freudienne, tout ramener et tout réduire aux seuls aspects quantitatifs du droit du procès, exigence d’une époque d’évacuation des flux judiciaires qui encombre la justice (en tant qu’institution) contre les valeurs éternelles que la Justice (en tant que vertu cette fois) porte en elle ? Evacuer les rôles, soulager les juges du fardeau des dossiers innombrables, sans dialogue, c’est nier la liberté du justiciable, car s’il faut être loyal, encore faut-il pouvoir rester libre de conduire sa procédure (civile) comme on l’entend.
            Célérité et loyauté doivent s’articuler avec le dialogue et la liberté. Les réformes allemandes le démontrent : la généralisation du juge unique, le rôle plus directif du juge dans le renforcement de la direction matérielle du procès par le juge, la réduction du champ de l’appel, la restriction d’accès à la Cour fédérale de justice[220], ont conduit à un auteur à se demander si toutes ces modifications ne traduisaient pas la méfiance des politiques envers les avocats et les magistrats, au lieu de renforcer la protection du justiciable[221].
IV – VARIATION SUR LE MENSONGE ET LA DÉLOYAUTÉ :
DE LA VIE POLITIQUE A LA VIE JUDICIAIRE
EN PASSANT PAR LA VIE ACADÉMIQUE

Mélanges Yves Mayaud, Dalloz, avril 2017
  
« Dire la vérité, c’est faire renaître la liberté. »
                                                                                             Alexandre Soljenitsyne, décembre 1975.
Bien des liens m’unissent à Yves Mayaud, mais l’un d’eux s’enracine dans nos œuvres de jeunesse et me tient à cœur : si Yves consacra sa thèse de doctorat au Mensonge en droit pénal, sous la direction du doyen André Decocq[222], je l’avais précédé, plus modestement, en 1970, sur le thème de La publicité mensongère en droit français et en droit fédéral suisse. Étude comparative, au civil et au pénal, d’un délit économique, qui fut, au départ, un simple mémoire de doctorat[223], dans le cadre de la préparation de mon second diplôme d’études supérieures de sciences criminelles (DES), alors exigé pour être autorisé à se présenter à l’agrégation de droit. Cet hommage au Professeur est donc pour moi l’occasion de revenir à l’un de mes premiers thèmes de recherche, celui que je devais ensuite côtoyer tout au long de ma vie, pas seulement académique et dont je trouve un prolongement antinomique dans la notion de loyauté dont je préconise qu’on l’érige en principe structurant du procès, de tous les procès. Peut-être que cette préconisation n’est-elle que la traduction doctrinale de l’expérience de la vie politique, qui devient douloureuse lorsqu’elle glisse sur le terrain judiciaire, à l’initiative d’une Justice qui dû et sut ensuite reconnaître ses erreurs, successivement par l’affirmation que l’une des plus hautes autorités judiciaires avait menti et diffamé, par la condamnation de l’État pour ce fait qualifié de faute lourde de ce service public[224] et par une relaxe pour absence totale d’infraction, qui constitua le désaveu cinglant de l’instruction conduite exclusivement à charge par un juge, persuadé, dès le début, de la culpabilité de ceux qu’il avait mis en examen[225] ? Quoi qu’il en soit, sans me livrer ici à une analyse pseudo-psychologique de mes intuitions doctrinales, le fil conducteur de cette contribution (ou, si l’on préfère, l’axe vertical d’une leçon d’agrégation) est que le mensonge et la déloyauté sont si fortement ancrés dans notre culture française (I), qu’ils expliquent sans aucun doute la difficulté à faire admettre durablement l’existence d’un principe de loyauté procédurale dans le droit du procès (II).
I. - La culture du mensonge
et de la déloyauté
Sans excès et sans tomber dans le populisme, on peut dire qu’il arrive à la classe politique de cultiver le mensonge et/ou la déloyauté, sans doute encouragée par un sentiment d’impunité (A) et par un système procédural qui a longtemps entretenu l’idée qu’on pouvait mentir en justice sans encourir de sanctions (B) ; même la vie littéraire ou académique par le silence, sorte d’omerta fautive, n’échappe pas à ce cancer de la démocratie (C). Certains des exemples cités ci-après sont tirés d’expériences personnelles vécues dans trois de mes vies : académique, judiciaire et politique. Le lecteur intéressé par cette question du mensonge et de la duperie, moteur de nos sociétés, en trouvera un prolongement : dans le monde de l’économie et l’ouvrage de G. Akerlof et R. Shiller[226], qui estiment, selon les propos de J.-P. Pascal[227] que « les pathologies de l’économie sont inhérentes à leur fonctionnement normal » et que « dans tous les domaines (consommation, finance, travail, santé, politique, etc.), les marchés engendrent toujours des opportunités de manipulations et de duperies, lesquelles sont nécessairement saisies par les agents, jusqu’à atteindre un équilibre, aux dépens des dupés » ; et dans le monde de l’éthique biomédicale avec l’ouvrage collectif Autour de l’intégrité scientifique, la loyauté et la probité[228].
Les exemples qui suivent, non exhaustifs, démontrent que si du songe au mensonge il n’y a qu’une différence de trois lettres, alors on peut comprendre que certains, à l’instar de l’une des héroïnes de Julien Green, « recherchent la vérité, à peu près comme d’autres se jettent dans le rêve et ses paradis mensongers[229] ».
A. - Mensonge et déloyauté dans la vie politique
La campagne présidentielle américaine de 2016 a été placée sous le signe du mensonge, plus exactement des accusations de chaque candidat envers son concurrent d’être un menteur, de ne pas être loyal : mensonge sur sa fortune et déloyauté par l’obscurité de sa situation fiscale pour Donald Trump, mensonge dans l’affaire dite des courriels sur un serveur privé pour Hillary Clinton ; il est vrai qu’aux USA, mentir est grave (v. infra en matière judiciaire) et que le manquement à la loyauté peut être durement sanctionné par l’électeur ou par un candidat envers ses collaborateurs[230]. Chacun se souvient du sobriquet donné à Richard Nixon après l’affaire du Watergate : Dick le menteur. En France, le mot loyauté a été prononcé et le concept invoqué des centaines de fois dans les campagnes des primaires de la droite puis de la gauche, chacun s’étonnant de la déloyauté de ses concurrents. Ces imprécations sont d’autant plus surprenantes que la vie politique donne plutôt le sentiment d’être dominée par le mensonge et la déloyauté, ainsi que l’illustrent les trois exemples qui suivent, loin d’être exhaustifs[231].
1o « Les yeux dans les yeux » !
Chacun se souvient, bien sûr, de ce ministre délégué au budget qui, accusé de fraude fiscale, osa déclarer, le 8 février 2013, face au journaliste Jean-Jacques Bourdin sur le plateau de BFM-TV, en utilisant l’expression « les yeux dans les yeux », « Je n’ai pas, je n’ai jamais eu de compte en Suisse. À aucun moment » ; après avoir réitéré ses affirmations à l’Assemblée nationale, il démissionna du gouvernement le 19 mars 2013 et avoua, enfin, le 2 avril 2013, l’existence d’un compte non déclaré à l’étranger. Par la personnalité de l’intéressé, qui avait gravi patiemment tous les échelons de l’accès au pouvoir, par les fonctions exercées (le budget, qui le qualifiait particulièrement pour lutter contre la fraude fiscale) il est et restera pour longtemps, quoi qu’il en soit de l’issue du procès pénal qui l’attend, l’archétype d’une classe politique à mille lieues des préoccupations des Français et de leur exigence de probité.
2o La main sur le cœur !
Pour tenir la balance égale entre la gauche et la droite, il convient de citer ici l’épisode suivant. Le mardi 28 mars 2006, à 22 h 58, en pleine crise du CPE (qui devait conduire, au final, un président de la République à promulguer une loi et à décider de ne pas l’appliquer, ce qui choqua profondément le professeur de droit que je suis toujours resté), 30 recteurs ont reçu un courriel du cabinet du ministre (et donc qui l’engageait) ainsi rédigé : « il convient de mettre fin aux fermetures et aux blocages des lycées, pour assurer le libre accès aux élèves. Pour cela : demander aux proviseurs de lycées touchés par des blocages de prendre toute disposition utile pour que soit mis un terme à ces blocages : ils doivent, en particulier, prendre contact directement avec les autorités locales de police et de gendarmerie pour obtenir l’appui des forces de l’ordre jeudi matin pour que l’entrée dans les établissements soit possible à tous les élèves ». Surtout, parallèlement et par téléphone (sur la ligne sécurisée des ministères), il fut demandé à 14 recteurs seulement (sans doute ceux jugés les plus « fiables ») de dresser une liste des établissements à évacuer par la force publique le jeudi 30 mars ; demande confirmée par courriel du même jour, à 22 h 59, adressé à ces seuls recteurs : « quant à vous (les 14 que j’ai appelés particulièrement), il vous suffira de m’adresser une liste des établissements concernés ». Libre au ministère d’envisager l’évacuation de certains lycées par la force publique (évacuation qui, toutefois, relève du ministre de l’Intérieur…), mais le plus surprenant et indécent c’est que, la rectrice de Lille ayant diffusé ce dernier courriel aux chefs d’établissement de son académie et la presse en ayant fait état, le ministre, sans doute apeuré par l’ampleur prise par cette affaire, cru bon, le vendredi 31 mars, de démentir avoir demandé l’intervention des forces de l’ordre dans les établissements scolaires et déclara : « les forces de l’ordre ne m’appartiennent pas » (propos rapportés par le journal Le Monde des 3 et 4 avril 2006, page 16), évidence qui ne démentait en rien la teneur du courriel et des propos ici rapportés. Le recteur de l’académie de Rennes que j’étais alors exécuta, malicieusement, l’ordre donné de dresser une liste de quatre établissements à évacuer, avec l’aide de son secrétaire général et en prenant deux initiatives : prévenir la préfète (qui fut fort surprise d’apprendre par mon canal une initiative qui relevait de la compétence de son ministre de tutelle) ; choisir lesdits établissements, à égalité entre deux circonscriptions de la majorité de l’époque (dont celle d’un ancien ministre devenu président de la commission des finances de l’Assemblée nationale et celle du ministre de la recherche en exercice…) et deux autres de députés de l’opposition (à Lorient et dans le Finistère nord) ; la liste fut transmise par fax au cabinet du ministre, le soir même du 28 mars mais je pris soin d’indiquer que l’opération supposait l’aval du ministre de l’Intérieur ! Et le jeudi 30 mars, par un communiqué que je rédigeais moi-même, comprenant que l’ordre d’évacuation par la force était irréaliste et stupide, que la crise provoquée par le CPE ne pouvait justifier cet excès d’autoritarisme, j’écrivais, en relayant l’affirmation par une conférence de presse, « qu’il m’est apparu qu’aucune situation locale ne justifiait de faire appel aux forces de l’ordre », non sans avoir préalablement pris soin de rappeler « qu’un recteur loyal à l’égard de son ministre et pleinement responsable dans l’exercice de ses fonctions a toujours une marge d’appréciation des directives nationales aux réalités locales ». Bref, je m’appliquais à moi-même la théorie dite des « baïonnettes intelligentes », mais face aux propos du ministre suite à l’initiative prise par son cabinet, ma loyauté pesa de peu de poids : 3 mois après je ne fus pas reconduit dans mes fonctions et en fus fort soulagé. Si, pour moi, un homme politique (et je le fus pendant 20 ans, dont 12 en tant qu’élu) est d’abord un visionnaire et un meneur d’hommes, ce que je connus à ce moment-là, me confirma dans mon idée qu’être ministre n’adoube pas le titulaire d’un « portefeuille » ministériel de cette double qualité.
3o L’esquive déloyale dans la motivation et le cheminement du projet de loi sur la modernisation de la justice du xxie siècle
Plus récemment, le processus parlementaire du projet de loi de modernisation de la justice du xxie siècle révéla comment on peut être successivement partial dans la présentation de ce projet, puis déloyal dans la gestion des amendements gouvernementaux.
– Quant à l’exposé des motifs de ce projet on peut y lire que la suppression des tribunaux des affaires de sécurité sociale et des tribunaux de l’incapacité, réunis au sein d’un pôle social dans certains TGI (avec une partie du contentieux confié aux commissions départementales d’aide sociale) a pour objectif « de mieux répondre aux besoins des justiciables les plus vulnérables : travailleurs indépendants économiquement fragiles, personnes malades, bénéficiaires de prestations sociales qui ont de faibles ressources, personnes handicapées pour lesquelles les délais d’attente des décisions peuvent être particulièrement préjudiciables. Ces derniers ont besoin d’un accompagnement personnalisé impliquant une identification rapide de la juridiction compétente et une proximité avec celle-ci. Actuellement, la multiplicité des juridictions intervenantes en la matière est source de complexité et génère une procédure coûteuse et longue ». Cet objectif est louable et la création d’un pôle social au sein des TGI (que nous avions préconisée en 2008 dans le rapport de la commission qui porte notre nom[232]) n’est pas en soi critiquable, mais la justifier par le souci de rapprocher le justiciable de son juge, ne manque pas de sel, ni d’audace : d’une part, même avec l’échevinage créé au sein des TGI, il n’est pas évident que le juge « naturel » de ces affaires (surtout celles relevant de l’incapacité) soit le TGI ; d’autre part, seuls certains TGI désignés par décret seront compétents[233], ce qui signifie clairement que le justiciable aura plus de kilomètres à parcourir pour voir son juge ! Là encore, libre au ministère de la Justice de procéder à cette fusion, mais la justifier ainsi est une contre-vérité, qui, au final, ne confortera pas la confiance du justiciable en ce ministère et des citoyens en la parole politique.
– Quant à la gestion des amendements présentés par le gouvernement, celui sur le divorce par consentement mutuel est un exemple de pure déloyauté. Alors que l’introduction de ce type de divorce sans juge ne figurait pas dans le texte initial, déposé le 31 juillet 2015 sur le bureau du Sénat qui l’examina donc en première lecture, à l’automne 2015, avant l’Assemblée nationale, le nouveau ministre de la Justice introduisit nombre d’amendements au printemps 2016, en commission des lois de l’Assemblée nationale avant que celle-ci n’en débatte publiquement. La méthode était habile car en glissant des amendements dans une loi fourre-tout sur la justice plutôt que d’en faire une loi autonome, le gouvernement a réussi à éluder tout débat sur la famille et à faire de cette question sociétale une variable d’ajustement de la régulation des flux devant les juridictions. Cette méthode donne l’impression d’un mauvais coup porté à la famille et aux enfants mineurs ! En effet, supprimer l’intervention du juge, y compris en présence d’enfants mineurs (sauf si ceux-ci le demandent…), relève du débat de société et il aurait été utile d’en discuter contradictoirement au Sénat et publiquement dans les médias, non seulement à raison de la protection de ces mineurs (la loi n’exigeant pas qu’en cas de présence d’enfants mineurs l’intervention du juge soit obligatoire)[234], mais aussi, parce que cette évolution change la nature du mariage, qui tend à devenir un contrat entre époux, sans souci des enfants nés du couple et non plus l’adhésion consentie et responsable à une institution qui fonde la famille ; c’est d’ailleurs pour cette raison que la commission qui porte mon nom, et qui fut chargée de réfléchir aux hypothèses possibles de déjudiciarisation et de nouvelle répartition des flux de contentieux entre les juridictions existantes ou à supprimer ou à créer, refusa de se prononcer sur le fond (tout en optant pour un divorce allégé et tarifé[235]), estimant expressément que ce débat de société relevait de la représentation nationale, de toute cette représentation, Sénat compris[236]. Avec la méthode suivie par le gouvernement, à savoir le cumul d’amendements tardifs avec la procédure accélérée, le Sénat fut privé de discussion en première lecture du texte, à tel point que le grand débat que notre commission avait souhaité n’eut pas lieu et que le président du Sénat organisa un débat public avec des experts et la presse ! Débat d’autant plus nécessaire que dans ce type de divorce, la loi du plus fort, économiquement parlant, est souvent la règle et qu’on peut craindre une communautarisation de ce divorce (avec, selon la religion des époux, les enfants masculins confiés au père et les filles à la mère), comme cela a pu se produire au Canada où la déjudiciarisation s’est accompagnée de cas de divorce sous le signe de la Charia[237] et comme on a pu craindre au Royaume-Uni une instrumentalisation des modes alternatifs de règlement des différends pour introduire une justice religieuse, sous couvert d’une procédure participative ou d’une médiation familiale[238]. Ce risque nous avait été signalé par certaines des personnalités auditionnées par « ma » commission en 2008 ; la question méritait d’être amplement débattue.
B. - Mensonge et déloyauté dans la vie judiciaire
C’est la justice pénale qui retiendra notre attention, mais d’autres exemples pourraient aisément être tirés des procès civils (on pense aux affaires en matière de filiation et de recherche de la vérité biologique ou non) ou du droit de l’arbitrage (sur lequel, v. infra, seconde partie).
1o La culture du mensonge en droit procédural pénal français
– Jusqu’à l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal le 1er mars 1994, le faux témoignage n’était pas répréhensible devant les juridictions d’instruction, ni devant les officiers de police judiciaire (art. 361 et 362 ancien code qui ne visaient que le faux témoignage devant les juridictions de jugement, puisqu’il fallait que le mensonge soit porté contre ou en faveur d’un « accusé », pour les assises, ou d’un « prévenu » pour les tribunaux correctionnels, ce qui supposait un renvoi devant l’une ou l’autre de ces juridictions). Incroyable mais vrai, jusqu’au 1er mars 1994, on pouvait mentir allègrement devant un juge d’instruction : en matière de justice pénale, trompait qui voulait (v. comme un écho, en matière civile, une nouvelle jurisprudence sur les constats d’huissier demandés et obtenus sur requête, infra, II, A, 3o, 2). Il en reste des traces dans la pratique française.
– Dans un arrêt du 4 juin 1997, la chambre criminelle juge encore, s’appuyant sur l’immunité accordée par l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 aux discours prononcés et aux écrits produits devant les tribunaux, qu’une personne entendue comme témoin, sur commission rogatoire, pouvait mentir, déclarer qu’elle n’avait pas eu connaissance d’un vote du conseil municipal auquel elle appartenait, alors que le procès-verbal de séance indiquait qu’elle était présente ce jour-là et avait pris part au vote en question, sans tomber sous le coup d’aucune incrimination ! Au nom de la garantie de « la liberté de la défense et de la sincérité des auditions », que l’article 41 est censé assurer, la chambre criminelle étend l’immunité aux propos (mensongers) tenus par un témoin devant un juge d’instruction ; la sincérité de l’audition était loin d’être garantie et la chambre criminelle en tire la conséquence inverse de celle voulu par le législateur de 1881, que le témoin a pu dire ce qu’il voulait dans le cadre de son immunité, dès lors que les plaignants avaient pu connaître son témoignage, le discuter et que le procès-verbal de déposition avait été soumis à l’appréciation du juge d’instruction[239]. On croit rêver : l’immunité est pervertie au point de permettre à un témoin de s’abriter derrière elle pour mieux mentir, dès lors que le juge et les plaignants ont pu apprécier et discuter le témoignage. Mais où est la recherche de la vérité dans tout cela ? Un abîme nous sépare du droit américain.
2o Le contre-exemple américain : la vérité à tout prix
Beaucoup des malentendus transatlantiques trouvent une explication dans certains aspects de la procédure pénale américaine comparée à la nôtre. L’affaire Clinton, après l’affaire Nixon (qui conduisit ce dernier à la démission pour avoir menti dans l’affaire du Watergate) a révélé tout ce qui nous sépare de la culture américaine quant au mensonge[240].
Le droit de la preuve et la recherche de la vérité constitue un droit absolu en droit américain : véritable droit subjectif, droit-garantie, on peut attraire tout le monde à ce droit, y compris le président des États-Unis, qui n’obtiendra pas de sursis à la réunion d’un jury d’accusation au motif de ses (lourdes) obligations professionnelles. La décision United States contre Nixon a posé le principe fondamental de l’obligation pour tous, y compris le président des États-Unis, de concourir à la recherche de la vérité. Personne ne peut s’opposer à la recherche de la vérité et les commentateurs français n’ont pas été sensibles aux aspects procéduraux de l’arrêt, sans doute parce que, s’agissant du droit de la preuve, notre culture juridique est différente[241].
Dans l’affaire Clinton, l’ancien président américain n’était pas poursuivi par le procureur fédéral pour des agressions sexuelles, mais pour avoir menti dans ses déclarations et dépositions, ce qui d’ailleurs, au final, ne fut pas retenu contre lui car, après avoir reconnu, dans un accord passé avec le procureur (particularisme de la procédure américaine), avoir eu une « attitude inappropriée » envers l’une de ces stagiaires, il put aisément prouver qu’il n’avait jamais dit quoi que ce soit de contraire à la vérité exprimée dans ce document ; ainsi « blanchi » sur le terrain du mensonge, il put continuer à exercer son mandat.
Au-delà du monde politique et toujours en droit américain, puisque tout tend à la recherche de la vérité, mentir sous serment est une insulte à la liberté, qui valut six mois de prison ferme à Marion Jones, cinq fois championne olympique d’athlétisme : dopée, elle avait menti sur son dopage à des agents fédéraux et fut condamnée à ce titre, parce que, selon le juge, « il faut réfléchir à deux fois avant de mentir et que personne n’est au-dessus de l’obligation de dire la vérité ; les criminels doivent avoir conscience des conséquences de leurs actes[242] ». Aux États-Unis seulement.
3o La déloyauté en droit procédural pénal
Au sujet du parquet, la chambre criminelle n’a pas craint d’affirmer qu’il n’y a aucune atteinte à l’impartialité du tribunal dans le cas d’un avocat général qui serait parrain du fils du principal prévenu[243]. Il est vrai que, littéralement, le parquet étant une partie, il ne compose pas le « tribunal » au sens de l’article 6, § 1 de la Convention EDH, mais il est évident que la position de la chambre criminelle fait peu de cas de la jurisprudence européenne qui s’attache à l’image que la justice donne d’elle-même. Quelle confiance le justiciable peut-il avoir dans une justice où le parquet est représenté par un avocat général parrain du fils du prévenu ? À une époque où les membres du parquet revendiquent le statut de magistrats au même titre que les juges du siège, il serait sain que la chambre criminelle leur applique les mêmes obligations qu’aux juges du siège, lorsqu’ils ne se les sont pas imposées à eux-mêmes (en se déportant).
Même position dans une affaire où était invoquée l’attitude prétendument déloyale du parquet dans une première affaire (il aurait dissimulé une pièce du dossier pour écarter le privilège de juridiction dont bénéficiaient les élus jusqu’en 1993, pièce enregistrée au secrétariat du parquet, mais dont le procureur niait l’existence jusqu’à la délivrance du bordereau informatique en faisant état), pour obtenir la délocalisation d’une seconde procédure sur le fondement de l’article 662 du Code de procédure pénale (requête en suspicion légitime) ; pour la chambre criminelle, la suspicion d’une attitude partiale du parquet ne peut être retenue que si elle concerne le même procès, la même affaire, alors même que, dans les deux cas, on retrouvait au moins l’un des deux protagonistes[244]. Dans cette affaire, la circonstance que la déloyauté avait eu lieu dans une autre affaire n’ôte pas à l’acte déloyal son caractère partial. Là encore, quelle image de la justice a-t-on donné aux justiciables ?
Le changement du représentant du parquet dans le premier cas (celui du parrain), la délocalisation dans l’autre (celui de la dissimulation d’une pièce) auraient été des solutions plus conformes à nos engagements internationaux et, tout simplement, à l’équité d’un procès, à l’impartialité attendue et exigée de tous les acteurs du procès pénal. « Il ne suffit pas que justice soit rendue, il faut encore que l’on ait le sentiment qu’elle l’a été. »
Le Conseil supérieur de la magistrature ne s’y est pas trompé lorsqu’il a jugé le 21 décembre 1994, en formation disciplinaire, « qu’en prenant des décisions de poursuite et de classement dans des procédures mettant en cause des personnes avec lesquelles il était en relation d’affaires, le membre du parquet a pu légitimement faire douter de l’impartialité du parquet ».
C. - Le mensonge et la déloyauté
dans la vie littéraire ou académique
Tout juriste se souvient de l’affaire Branly, qui vit l’auteur d’un article sur l’histoire de la TSF[245], condamné, civilement, pour avoir omis de citer Édouard Branly, parmi les savants à l’origine de cette invention. La Cour de cassation estima que cette abstention était une omission volontaire constitutive d’une faute au regard des devoirs de l’historien[246]. Et elle eut raison, car si Jean Carbonnier a pu critiquer l’arrêt au motif que le juge s’arroge le droit d’écrire l’histoire[247], on peut aussi considérer que le juge condamne celui qui, écrivant sur une invention, falsifie, par omission, le processus d’élaboration de cette invention.
Dans la ligne de cette jurisprudence, au carrefour de la liberté d’expression et de la diffamation, la chambre criminelle a estimé, qu’un ancien juge d’instruction chargé d’affaires de terrorisme avait manqué à son devoir de prudence et de mesure dans l’expression en passant sous silence, dans un ouvrage où il évoquait des faits reprochés à « Action directe », la décision, définitive, d’acquittement dont avait bénéficié une personne nommément mise en cause dans ce livre pour avoir perpétré les crimes évoqués ; sa relation des faits était strictement personnelle et contraire à la décision de la cour d’assises[248].
La littérature académique n’est pas à l’abri de cette dérive, ainsi que l’illustrent les exemples suivants qui concernent tous le même auteur.
Le premier concerne l’annotation du Code de procédure civile (et de ses annexes) que j’avais créé de toutes pièces en novembre 1986 (édition datée 1986-1987), tant dans son plan que dans la forme et le fond des annotations, et que je poursuivis pendant 12 ans et 11 éditions (la dernière datée 1997-1998) ; lassé de poursuivre cette œuvre intellectuellement peu gratifiante, je passais avec l’éditeur un protocole de séparation amiable, dans lequel j’autorisais mon successeur, librement choisi par l’éditeur, à utiliser la totalité de mon travail sans aucune contrepartie financière ; bien évidemment, je pensais[249] — naïvement — que le collègue qui reprendrait l’ouvrage dans ces conditions, aurait à cœur, non pas de me tresser des couronnes de lauriers pour le travail accompli mais, simplement, d’indiquer, objectivement, en guise d’avertissement au lecteur, que « les précédentes éditions ont toutes été rédigées par Serge Guinchard », ou une formule équivalente. Jamais je n’aurais imaginé que l’on puisse, tranquillement, reprendre l’œuvre d’un auteur, en occultant le nom de celui qui l’avait créée. Au-delà de l’éthique, en tout cas de la courtoisie, que l’on se doit de respecter entre collègues[250], j’ai trouvé et trouve encore aujourd’hui, bien que le temps ait passé, que ne rien écrire de tel, c’est, en occultant l’auteur initial de l’ouvrage, d’une part l’effacer des tablettes de l’histoire de la doctrine[251], à la manière des dictatures communistes qui faisaient effacer des photos officielles les personnages tombés en disgrâce ; c’est, d’autre part, s’approprier un savoir, en laissant croire, implicitement, qu’on a créé l’œuvre en question, car si j’avais eu l’élégance d’autoriser mon successeur à reprendre mon travail au point exact où je l’avais laissé, il n’était pas incongru, ni contraire aux usages, de tisser le fil intellectuel reliant celui qui partait à celui qui arrivait en se glissant, sans état d’âme, dans ses pantoufles. C’est un peu comme si, lors de la construction d’un ouvrage d’intérêt général (opéra, parkings souterrains, périphérique d’une grande ville, etc., pour ne prendre que des opérations auxquelles j’ai activement pris part dans ma vie publique/politique) on occultait le nom de l’architecte sur la plaque commémorative, généralement apposée lors de l’inauguration. Fort heureusement, quelques années plus tard, les jeunes collègues qui ont repris certaines de mes annotations en voies d’exécution et en arbitrage eurent la délicatesse de me citer dans leurs propos introductifs, car leurs codes annotés étaient encore un peu les miens, puisqu’on y retrouve maintes de mes annotations[252]. Et pour un autre code au moins, chez le même éditeur, le repreneur a tenu à rendre hommage au cédant[253].
L’occultation se répéta dans la manière de présenter la chronologie des Rencontres de procédure civile entre la Cour de cassation et l’Université. Initiative due à M. Guy Canivet, qui confia au regretté Jean Buffet pour la Cour et à deux universitaires, l’un de Paris 1, l’autre de Paris 2, le soin de mettre en œuvre son idée qui consistait à faire travailler ensemble, le temps d’une journée, magistrats, avocats aux Conseils et universitaires, sur des sujets préparés avant la rencontre par un collège constitué d’un représentant de chacune de ces professions. La publication fut assurée par deux numéros hors-série du Bulletin d’information de la Cour de cassation[254]. Par l’effet de ma nomination comme recteur d’académie, en juillet 2003, je m’éloignais, géographiquement (la Guadeloupe) et temporellement (un recteur n’a que peu de temps disponible) de l’organisation de ces rencontres, qui ne reprirent qu’en 2011, cette fois sans représentant de Paris 2 ! Le « hold-up » au profit d’une seule université s’accompagna, pour la publication, non plus au bulletin d’information de la Cour de cassation, mais dans une collection de Paris 1, d’une omission totale de toute mention des journées de 2002 et 2004, puisque la numérotation des Rencontres ainsi publiées dans cette collection, commence au no 1 pour celles de 2011, comme si rien n’avait existé avant cette date[255] ! Là encore, l’écrit publié efface la mémoire constitutive d’une histoire de la doctrine.
Plus récemment encore, quelle ne fut pas ma surprise de voir cité dans un rapport de synthèse sur la médiation publié en juillet 2015 (le colloque ayant eu lieu en mai 2015), le Lexique de termes juridiques que je codirige[256], dans sa 16e édition de 2007, alors qu’une 22e avait déjà été publiée en juin 2014, au moment de la rédaction de ce rapport. L’ennui de cette citation du texte de 2007, c’est qu’elle donne une vision de la conciliation et de la médiation qui n’est plus celle du lexique en 2014 et occulte la summa divisio entre conciliation/médiation organisée par le juge à l’occasion d’une procédure juridictionnelle en cours et celle à la seule initiative des parties à un différend hors toute procédure juridictionnelle, division aujourd’hui reprise par la loi de modernisation de la justice du xxie siècle pour le contentieux administratif !
On l’aura compris, ces exemples traduisent un état d’esprit et constituent un péché contre l’esprit, surtout lorsque la science d’un universitaire est ainsi mise au service de l’occultation d’autres œuvres de l’esprit que les siennes ; et la répétition des « oublis » fait douter de l’oubli involontaire. S’interrogeant sur le devenir de l’école, en août 2015, Alain Finkielkraut écrit : « l’école des savoirs cède sa place à l’école de la thérapie par le mensonge[257] ». La phrase peut être transposée à la vie universitaire et littéraire, à la vie judiciaire et à la vie politique (en ôtant le mot « thérapie »).
On comprend mieux que certains soient réticents, en doctrine, à l’idée de consacrer un principe de loyauté procédurale.
II. - La difficile consécration
d’un principe de loyauté procédurale
Chaque code de procédure français est aujourd’hui fondé sur des principes directeurs, qui laissent transparaître l’émergence de nouveaux principes, plus affinés, qui les transcendent et qui, à ce titre, pourraient être appelés « principes structurants ». Avec le risque de minimiser certaines évolutions, nous avons avancé l’idée, dès 1999, que trois principes structurants se profilent derrière les principes directeurs actuellement retenus dans chaque type de contentieux, principes qui correspondent à des besoins nouveaux, tels que les expriment les justiciables et les citoyens : un besoin de confiance dans l’institution Justice et de respect de l’Autre, d’où un principe (structurant) de loyauté, notamment dans la recherche de la preuve ; un besoin d’écoute de l’Autre, qu’il s’agisse des parties ou du juge, voire de tiers, d’où un principe (structurant) de dialogue entre les parties et entre celles-ci et le juge ; un besoin de proximité, mais pas forcément dans l’espace, le temps mis à parcourir une distance se substituant à la proximité géographique, d’où un principe, lui aussi structurant, de célérité, de proximité temporelle (que l’on trouvait déjà dans les principes énoncés, pour la procédure pénale, par la commission justice pénale et droits de l’homme)[258]. Compte tenu du thème choisi pour cette contribution (Variations sur le mensonge et la déloyauté), on s’en tiendra ici à une présentation du droit positif pour le seul principe de loyauté procédurale (A), avant d’indiquer comment ces trois principes structurants — et particulièrement celui de la loyauté — fondent la démocratie procédurale en contemplation de la légitimité démocratique chère à Pierre Rosanvallon (B).
A. - La confiance et le respect de l’Autre
par le principe de loyauté procédurale
1o Un principe consacré en droit européen, dans les règles transnationales de procédure, dans le Code de procédure civile du Québec et par la Cour de cassation belge
Le principe de « bonne foi » est visé dans l’un des arrêts fondateurs du droit européen, l’arrêt Golder du 21 février 1975, généralement connu pour l’affirmation par la Cour EDH du droit à un juge ; mais l’arrêt parle aussi de « bonne foi », qui n’est qu’une forme de loyauté (§ 34). D’autres arrêts de la Cour EDH consacrent le principe de loyauté : ainsi, celui du 26 septembre 1996 qui rejette, en l’espèce, l’argument de déloyauté, mais le retient en son principe[259]. Ou encore, celui du 5 octobre 2000, qui relève « qu’il est inacceptable qu’une partie remette des observations à l’autre, sans possibilité pour cette dernière d’y répondre[260] ». La Cour EDH sanctionne de plus en plus souvent la déloyauté procédurale[261], notamment en droit de la preuve, v. infra. Le Conseil de l’Europe a expressément visé le principe de loyauté dans sa recommandation no (95) 5 du 7 février 1995 : « il s’agit de conférer au principe de loyauté et à celui de coopération entre les différents acteurs du procès une place centrale au sein du processus judiciaire ».
Ce n’est sans doute pas un hasard si le projet de règles transnationales de procédure civile prévoit que la partie qui a agi de mauvaise foi pendant le procès (ce qui ne se confond pas avec l’abus du droit d’agir), peut être condamnée au paiement d’une amende.
Le nouveau Code de procédure civile du Québec, promulgué en décembre 2015[262] pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2016, consacre de nouveaux principes procéduraux, notamment l’obligation de bonne foi qui pèse sur les parties au cours de l’instance (art. 19). Une application en a été faite par la cour d’appel du Québec qui dénonce et condamne une stratégie, qui, tout en se fondant sur la possibilité offerte par le code de suspendre une instance au titre d’un incident prévu à l’article 32 de ce code, se caractérise en réalité par la volonté de retarder l’issue du procès « en rattachant l’examen d’un recours, fort simple, en garantie de qualité du vendeur à une instance très complexe portant sur des fondements juridiques et factuels différents, qui s’enlise et qui risque fort de perdurer pendant bien des années » ; le comportement est jugé déloyal et contraire à « une nouvelle culture judiciaire qui s’impose » avec le nouveau code[263].
En droit belge, outre la doctrine [264], la Cour de cassation a jugé le 27 novembre 2014 « qu’en vertu du principe de loyauté qui s’impose aux parties dans le déroulement d’une procédure civile, une partie qui change de domicile ou de résidence au cours d’une procédure est tenue d’en informer les autres parties à la cause » d’où le rejet de son pourvoi pour déloyauté[265]. La droiture et la probité entrent ainsi au Panthéon de la justice civile, pour écarter l’application de règles de procédure.
2o Un principe essentiel à la qualité de la justice rendue, bien que contesté par une partie de la doctrine
Notion large sans doute (ce qui ne veut pas dire floue), protéiforme, mais dont on ressent bien la nécessité à lire ceux qui pratiquent la justice au quotidien ou qui réfléchissent à introduire davantage d’équilibre entre les parties en sanctionnant les comportements procéduraux déloyaux[266].
Si ce principe n’apparaît pas expressément, pour l’instant du moins, dans les principes directeurs qui figurent en tête du Code de procédure civile, il est parfois expressément exprimé (dans le droit de la preuve en matière civile, par l’article 763, al. 2, C. pr. civ. à propos du juge de la mise en état et en arbitrage) et il sous-tend nombre de dispositions. Comme le soulignait Jean Carbonnier, un principe peut être « latent sous des textes fragmentaires[267] » et, selon Cornu et Foyer, « certains principes non expressément énoncés sont nécessairement impliqués par l’ensemble des dispositions : ainsi le principe de loyauté, partout sous-jacent (dans la contradiction, les devoirs de la défense, l’obligation de concourir à la manifestation de la vérité)[268] ». Motulsky lui-même mettait à la charge des parties « une obligation d’observer un minimum de loyauté[269] ». Et, surtout, le rapport Delmas-Goyon sur Les juges du xxie siècle propose de l’inscrire dans l’article 15 du Code de procédure civile, comme principe directeur du procès civil (proposition no 28), suivant en cela le vœu d’une certaine doctrine[270], même si la même doctrine est assez lucide pour en dénoncer l’utilisation douteuse qui peut en être faite[271].
Pour autant, une autre partie de la doctrine en conteste :
– soit l’existence en tant que principe directeur du procès[272], tout en faisant observer que les exigences de loyauté sont distillées dans le code, ce qui traduit, pour le moins, une certaine contradiction ; en outre, est-il besoin de proclamer solennellement un principe au fronton d’un code pour qu’il existe ? Outre les opinions de Jean Carbonnier, de Cornu et Foyer et de Motulsky déjà citées, on ajoutera que nul ne conteste l’existence de la cause du litige, bien que le mot même ne figure point dans le code ; qu’à l’instar de la nature qui fait émerger une partie seulement des icebergs, il est fréquent que le législateur soit sibyllin, ainsi de l’énumération des actes de commerce dans l’article L. 110-1 du Code de commerce dont la doctrine la plus avisée écrit et enseigne depuis plus de cinquante ans qu’elle n’est que la partie émergée d’une notion dont la clef doit être recherchée, entre autres, chez saint Thomas d’Aquin, Calvin et Karl Marx[273], doctrine que tout juriste devrait avoir lue avant de ne voir que ce qui est écrit dans les textes de lois. Et que deviendra la critique lorsque la proposition no 28 du rapport Delmas-Goyon, précité, aura, un jour, force de loi dans l’article 15 du Code de procédure civile ? Enfin, la loyauté n’est pas la seule légalité procédurale, « car elle recouvre une autre réalité supposant un comportement actif des plaideurs au cours de l’instance[274] ». Les applications jurisprudentielles développées ci-après apportent un démenti cinglant à cette soi-disant inexistence du principe de loyauté procédurale ;
– soit ses conséquences imprévisibles[275] ou perturbatrices du système juridique[276] : ce à quoi on peut répondre que le droit substantiel, d’une part, connaît bien d’autres concepts protéiformes, les « bonnes mœurs », le « bon père de famille » (même si ces deux expressions ont disparu du Code civil), la « bonne foi », notions qui, néanmoins, n’ont jamais perturbé notre système juridique et les procédures, mais ont, au contraire, poussé les juristes à promouvoir une justice plus équitable, au sens de l’aequus, de l’équilibre entre les parties. D’autre part, pour rester sur le terrain de la loyauté, que dire de l’exigence de loyauté de la concurrence qui est le pendant et le corollaire de la liberté de celle-ci ? Doit-on considérer, au-delà de toute évidence, que seul devrait exister un principe de liberté (totale) de la concurrence et que Paul Roubier a eu grand tort de construire une théorie de la concurrence déloyale[277] ? On n’a jamais entendu les pourfendeurs de la loyauté procédurale, pourfendre la loyauté de la concurrence ! Nous avons au contraire essayé de tisser des liens entre les deux utilisations du concept, en droit de la concurrence et en droit procédural, tellement il nous paraît évident que les deux droits (substantiel et procédural) ne peuvent échapper à l’emprise de cette notion[278]. En quoi le droit du procès, véritable science, devrait-il être traité moins bien que le droit substantiel ? Sans doute faut-il y voir une scorie du mépris dans lequel le droit du procès a longtemps été tenu par certains auteurs du droit substantiel ; la faiblesse du rejet de la loyauté procédurale est révélée par la faiblesse de l’argumentation, qui se résume généralement à l’affirmation péremptoire que « la morale n’a pas sa place en procédure » ! C’est un peu court ;
– soit qu’il serait tout à la fois, et non sans contradiction avec les constats posés dans l’introduction de la chronique, « introuvable », « inutile », « inopportun » et « incohérent »[279].
Il nous semble que, même si la confiance domine dans les relations des parties avec leurs avocats ou avec le juge, il n’est pas inutile d’expliciter cet implicite par la consécration de la loyauté comme principe directeur du procès. Rendre la justice est une œuvre collective et se passer de loyauté est impossible ; on rejoint ici l’éthique[280] : le procès n’est pas un combat comme les autres, tous les coups ne sont pas permis. La qualité de la justice en dépend, dans tous les contentieux[281], de même que dans les modes alternatifs de règlement des différends[282] et, on le verra, en droit de l’arbitrage : par exemple, l’atteinte à la réputation d’un juge, par ses préjugés, son comportement personnel, son manque d’indépendance et son défaut de partialité, ruine la confiance en la justice.
3o Un principe aux applications multiples
Le cadre de cette contribution ne nous permet pas de développer ici toutes les applications du principe de la loyauté procédurale. Nous l’illustrerons par les exemples les plus significatifs[283].
1) On le rencontre d’abord dans la régulation des comportements personnels des professionnels de la justice. Ils sont concernés au premier chef par la loyauté, lors de l’admission dans la profession choisie[284], puis dans leurs relations entre eux et avec leurs clients[285]. Pour les juges, l’obligation de loyauté régit leurs relations avec les parties, tant pour les juridictions étatiques que pour l’arbitrage. Pour les premières, n’est-ce pas une expression de la loyauté que d’obliger les magistrats (Ord. no 58-1270 du 22 décembre 1958, art. 7-1 à 7-3, réd. LO no 206-1547 du 18 novembre) : « à veiller à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d’intérêts », ainsi défini comme « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction » ; à remettre au chef de la juridiction à laquelle ils appartiennent « une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leurs intérêts » dans les deux mois de l’installation dans leurs fonctions. Curieusement, un auteur y voir « une forme de morale laïque qui s’immisce dans les institutions juridictionnelles »[286] ; on avoue ne pas bien voir ce que la morale a à voir avec cette situation des conflits d’intérêts et l’exigence de loyauté ; cela prouve en tout cas que ceux qui repoussent le principe de loyauté en procédure ou dans le monde de la justice commettent une grave erreur d’analyse ; on peut être déloyal en mentant, mais on peut aussi l’être sans mentir, comme l’illustre l’exemple rapporté ci-dessus de l’arrêt de la cour d’appel du Québec du 1er novembre 2016. Pour l’arbitrage, le décret no 2011-48 du 13 janvier 2011 a introduit cette obligation dans l’article 1456 du Code de procédure civile qui énonce, dans son alinéa 2, « qu’il appartient à l’arbitre, avant d’accepter sa mission, de révéler toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance ou son impartialité. Il lui est également fait obligation de révéler sans délai toute circonstance de même nature qui pourrait naître après l’acceptation de sa mission ». C’est cette obligation de loyauté, support de l’appréciation de l’indépendance et de l’impartialité de l’arbitre, qui a été malheureusement et lamentablement oubliée par certains, dont des universitaires connus au-delà du cercle de leurs étudiants[287], et qui ont défrayé la chronique judiciaire en 2010-2011[288].
2) On le rencontre aussi dans le droit de la preuve en matière civile : le principe de loyauté est exprimé aux articles 9 (« conformément à la loi ») et 10 (« mesures légalement admissibles ») du Code de procédure civile, dispositions que l’on retrouve dans les textes sur les mesures d’instruction (par exemple dans l’article 143 pour la notion de mesure légalement admissible) ; de même, en permettant la production forcée des pièces détenues par une partie, l’article 142 du Code de procédure civile postule une obligation de loyauté dans la production spontanée. Une doctrine contemporaine y voit un principe autonome, qui a son existence propre[289], à l’encontre d’une autre qui lui refuse un caractère propre en l’assimilant au principe de la contradiction[290], ou qui relève le paradoxe qu’il y aurait à vouloir faire appel à une notion floue et subjective dans son appréhension pour l’ajouter aux règles d’un code rigoureusement ordonnancé[291]. Tout en déclarant que « la loyauté de la preuve est une notion qui n’a aucune existence légale », un magistrat a pu poursuivre en indiquant qu’elle ne pouvait se réduire à sa seule dimension morale, avant de conclure « qu’il est nécessaire de dégager “un fil conducteur” entre ceux qui prônent la liberté de la preuve et ceux qui invoquent la loyauté de la preuve[292] ». En désaveu total de la doctrine précitée qui refuse au principe de loyauté probatoire une existence propre, la Cour de cassation a progressivement dégagé, de 2002 à 2010, par toute une série d’arrêts, un principe autonome de loyauté dans l’administration de la preuve, pour aboutir à un arrêt du 7 janvier 2011 de son assemblée plénière qui, solennellement, reconnaît son autonomie par rapport au principe de la contradiction, en affirmant « qu’il résulte des articles 9, C. proc. civ., 6, § 1 Convention EDH et du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, que l’enregistrement d’une conversation téléphonique réalisé à l’insu de l’auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve[293] ». En 2013, la chambre sociale sanctionne la déloyauté caractérisée dans la captation et l’enregistrement d’une image ou d’un propos au moyen d’un procédé mis en place à l’insu de la partie contre laquelle il est produit[294]. Nouvelle reprise de la formule de l’assemblée plénière, par la chambre sociale en 2015, pour sanctionner le refus d’une cour d’appel de rouvrir les débats, alors que l’une des parties n’avait pas eu le temps pour produire par une note en délibéré les pièces sollicitées[295].
Mais certaines décisions sont aujourd’hui en retrait de cette reconnaissance du principe de loyauté en matière probatoire. Ainsi, pour les constats d’huissier de justice ordonnés sur requête (donc pour surprendre la personne concernée) : après avoir exigé en 2011 que « copie de la requête et de l’ordonnance soit remise à la personne à laquelle elle est opposée antérieurement à l’exécution des mesures d’instruction[296] », la deuxième chambre civile a estimé, par un revirement de 2014, que la loyauté dans l’exposé des faits n’est pas exigée pour apprécier les mérites d’une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête rendue sur l’article 145 du Code de procédure civile pas plus que l’information du juge des requêtes sur l’existence d’une procédure au fond[297] : la violation du principe de loyauté, fût-elle caractérisée, n’expose pas le requérant à un risque de rétraction[298] ; avec cette jurisprudence, on peut donc mentir sur les faits ou en omettre, occulter des procédures existantes au fond entre les parties, etc. Bref, en matière de justice trompe qui veut ! Cette nouvelle jurisprudence fait écho aux dispositions de l’ancien Code pénal, sous l’empire duquel le faux témoignage n’était pas répréhensible devant les juridictions d’instruction, ni devant les officiers de police judiciaire (art. 361 et 362 ancien code, v. supra, I, B). En outre, elle présente deux défauts : d’abord, elle écorne le principe de loyauté admis dans l’administration de la preuve et consacré, on vient de le voir, par l’assemblée plénière le 7 janvier 2011 et vient en contradiction avec ce principe : qu’adviendra-t-il si un plaideur produit au soutien de sa requête des preuves obtenues de manière déloyale (par ex. par dol ou fraude) ? le rejet d’une demande en rétractation dans une telle hypothèse reviendra à délivrer un blanc-seing de loyauté à une preuve déloyalement produite[299] ; heureusement, des juges du fond ont bien vu le danger et ont écarté la requête dans une espèce où les preuves produites à son soutien avaient été obtenues par soustraction frauduleuse, au motif que « dans une procédure sur requête, le requérant a un devoir de loyauté envers le juge encore plus impératif que dans une procédure contradictoire[300] ». Ensuite, cette solution n’est pas compatible avec l’applicabilité de l’article 6 de la Convention EDH aux procédures provisoires, ce qui explique, peut-être, ce qui suit. La même chambre, en septembre 2015, vise l’article 6, § 1 de la Convention EDH, les articles 3, 14 et 16 du Code de procédure civile sans viser le principe de loyauté des débats pour sanctionner un comportement déloyal, ce qui pourrait indiquer que la loyauté a perdu son caractère autonome[301]. Ces évolutions jurisprudentielles récentes, qui illustrent notre propos que la culture française a du mal à accepter toutes les conséquences de la loyauté dans le débat judiciaire, ont conduit un auteur à poser la question de l’avenir du principe de loyauté procédurale dans le contentieux de la concurrence[302]. Paul Roubier pour sa magistrale théorie générale du droit la concurrence déloyale et Motulsky pour sa non moins magistrale théorie générale du droit du procès doivent en frémir dans leurs tombes respectives à Lyon et à Genay (en Côte-d’Or).
3) On le rencontre encore dans le déroulement d’une instance civile, avec l’article 763, alinéa 2 du Code de procédure civile qui énonce que le juge de la mise en état « a pour mission de veiller au déroulement loyal de la procédure » ; au visa de ce texte et/ou de l’article 15, la Cour de cassation rappelle régulièrement que, pour ne pas favoriser la déloyauté des débats, les juges du fond doivent répondre aux conclusions qui sollicitent le rejet des écritures tardives, que ces conclusions aient été déposées avant ou après le prononcé de l’ordonnance de clôture[303]. Au-delà du droit de la preuve, le débat judiciaire doit être loyal et chacun doit apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité, sans essayer de jouer sur les mécanismes procéduraux pour échapper à son juge[304]. Plusieurs séries de comportements sont ainsi visées[305].
L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui est aussi une forme de l’obligation de loyauté qui s’illustre dans l’interdiction, en cassation, de soutenir un moyen contraire à ses précédentes écritures[306] et, surtout, dans l’introduction de l’estoppel en droit français[307]. Cette jurisprudence sur le moyen contraire au comportement procédural d’une partie, a été critiquée en doctrine, notamment par Georges Bolard qui écrit : « on n’imagine pas que l’erreur des parties libère le juge des devoirs de sa charge. Pour s’être trompé, en outre avec le juge, le plaideur n’est pas un coupable à punir. L’erreur dans l’appréciation du droit n’engage pas la responsabilité civile du plaideur ni ne saurait, par une compensation d’un nouveau genre, le priver de l’office du juge[308] ». Et Louis Boré d’ajouter que « cette jurisprudence est contestable en ce qu’elle s’applique aux moyens de pur droit ou d’ordre public qui sont normalement recevables en cassation[309] » ; et l’auteur d’ajouter qu’on ne peut justifier cette solution par le principe de loyauté qui doit gouverner les débats, sauf lorsque le plaideur a intentionnellement plaidé l’inverse de ce qu’il plaide désormais, dans le seul but de gagner du temps ; de là à considérer que le plaideur serait le plus souvent plus maladroit que déloyal, il y a un pas que nous ne saurions accomplir, car il n’est pas seul en cassation, il est assisté et représenté par un avocat ; sa « maladresse » est sujette à caution.
C’est en matière d’arbitrage que l’obligation de loyauté a été expressément énoncée à l’article 1464 du Code de procédure civile : « les parties agissent avec célérité et loyauté[310] ». La cour de Paris avait déjà jugé, dès le 5 juillet 2001[311], que « le comportement consistant à invoquer un vice de la sentence seulement dans le cadre du recours en annulation, alors que ledit vice aurait déjà pu être soulevé en cours de procédure, constitue une violation du principe de la bonne foi que les pouvoirs d’amiable composition conférés aux arbitres n’affranchissent pas les parties de respecter ». Même solution lorsque la partie à l’arbitrage a « violé son devoir procédural de loyauté et de bonne foi », en alléguant la compétence arbitrale devant le juge judiciaire, puis la compétence judiciaire devant le tribunal arbitral[312]. Cette notion de loyauté procédurale est reprise dans de nombreux arrêts de la cour d’appel de Paris[313] et la Cour de cassation a même consacré le principe de l’estoppel dans le procès arbitral à l’occasion d’une affaire où l’une des parties avait participé à la procédure pendant neuf ans, sans émettre aucune réserve sur la convention d’arbitrage, avant d’en contester l’existence à l’occasion d’un pourvoi en cassation contre l’arrêt confirmant l’exequatur. Ou encore lorsqu’un président de société refuse d’intervenir dans une procédure arbitrale dans laquelle sa société est demanderesse, puis conteste la régularité des débats : il viole le principe de loyauté des débats[314].
4) En procédure pénale : contrairement à ce que l’on pourrait croire, compte tenu de l’importance de ce contentieux pour la protection des libertés fondamentales, la procédure pénale ne consacre pas encore une obligation absolue de loyauté, notamment dans la recherche des preuves, mais elle s’en rapproche depuis un arrêt du 7 janvier 2014. Sans reprendre ici toute la théorie de la preuve en matière pénale[315], on indiquera seulement que si le principe de loyauté ne figure pas dans les principes directeurs du procès pénal énumérés à l’article préliminaire du Code de procédure pénale, la chambre criminelle, par un arrêt du 7 janvier 2014, a opéré un revirement capital : elle juge en effet, au triple visa de l’article 6 de la Convention EDH, de l’article préliminaire du même code et « du principe de loyauté des preuves », d’une part (mais la formule est classique), que « porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves, le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de l’autorité publique » et, d’autre part (la formule est innovante et laisse espérer une évolution vers une reconnaissance plus absolue de ce principe, au-delà des provocations policières), que « la conjugaison des mesures de garde à vue, du placement des suspects en cellules contiguës et de la sonorisation des locaux participe d’un stratagème constituant un procédé déloyal de recherche des preuves, lequel a conduit l’un des suspects à s’auto-incriminer lui-même au cours de sa garde à vue[316] » ; en l’espèce, après les auditions des suspects en garde à vue, les cellules de repos dans lesquelles ils avaient été placés, conformément à la loi pour se reposer, avaient été sonorisées à leur insu. Ainsi est opéré le lien entre le droit de se taire aux fins de ne pas s’auto-incriminer et la déloyauté dans la recherche des preuves[317]. Malgré l’errance d’un arrêt ultérieur de cette chambre, arrêt qui considère que la déloyauté est tolérable si les éléments ainsi collectés sont corroborés par d’autres obtenus légalement et semble opérer un clivage arbitraire entre les délinquants qui méritent la protection du principe de loyauté (les braqueurs par ex.) et ceux dont la nature de leurs crimes (les terroristes) ou leur fonction (les préfets) autoriserait à les priver de cette protection[318], la Cour de cassation a confirmé, en mars 2015[319], la solution retenue en janvier 2014. La jurisprudence ultérieure est en dents de scie : un arrêt du 14 avril 2015 juge que « l’exploitation des conversations téléphoniques passées clandestinement depuis un lieu de détention n’est pas contraire à la loyauté de la preuve », en l’absence « d’actes positifs de l’autorité publique susceptibles de caractériser un stratagème constituant un procédé déloyal »[320]. Un arrêt du 15 décembre 2015 reconnaît à un tiers le droit de demander l’annulation d’un acte entaché de déloyauté (acte d’un juge d’instruction), dès lors qu’il lui fait grief[321].
5) En contentieux administratif : le principe de loyauté n’est pas absent du contentieux administratif, où il connaît une application grandissante[322] notamment dans le droit de la preuve : le Conseil d’État juge que les moyens de preuve obtenus en méconnaissance de ce principe ne peuvent être retenus, sauf si un intérêt public majeur le justifie[323]. Et il sanctionne sévèrement les comportements de mauvaise foi, voire frauduleux et, si l’administration, au cours d’une instance, substitue une autre décision à celle qui est attaquée, elle a l’obligation de la notifier au requérant, à peine d’inopposabilité[324]. De même, il affirme le principe de loyauté dans les relations contractuelles[325]. En revanche, le principe de l’estoppel n’est pas admis dans le contentieux administratif général[326], pas plus qu’en matière fiscale[327] ou dans le contentieux de la légalité[328], alors qu’une partie de la doctrine l’appelle de ses vœux[329] et que, dans son avis précité du 1er avril 2010, le Conseil d’État avait semblé réserver l’avenir en soulignant que ce contentieux fiscal est objectif, qu’il ne soumet au juge fiscal que de pures questions de légalité, dans lequel le comportement des parties n’a pas d’influence ; par ailleurs, il fait l’effort de préciser ce que recouvre ce principe : il interdit à une partie, « après avoir adopté une position claire ou un comportement non ambigu sur sa future conduite à l’égard de l’autre partie, de modifier ultérieurement cette position ou ce comportement d’une façon qui affecte les rapports de droit entre les parties et conduise l’autre partie à modifier à son tour sa position ou son comportement ».
6) Devant les autorités administratives indépendantes, la Cour de cassation a progressivement remis en cause une jurisprudence qui privilégiait les règles de procédure pénale sur celles de procédure civile : d’abord, devant l’Autorité de la concurrence, pour sanctionner, par application des règles du Code de procédure civile, les enregistrements de conversations téléphoniques à l’insu de leur auteur[330]. Ensuite, devant l’Autorité des marchés financiers, pour juger « contraire au principe de loyauté dans l’administration de la preuve, le fait, pour des enquêteurs de cette Autorité, de recueillir des déclarations spontanées alors que l’intéressé n’a pas préalablement renoncé au bénéfice des garanties applicables aux auditions seules réglementées par le code des marchés financiers[331] ».
B. - L’avènement d’une démocratie procédurale
et la notion de légitimité démocratique
1o Ce sont ces principes directeurs de demain (loyauté, mais aussi dialogue et célérité[332]) qui ont vocation à irriguer tous les contentieux, ainsi du procès constitutionnel[333]. Ils transcendent la procédure civile pour confiner à l’élaboration d’un nouveau droit processuel, principes qui forment l’ossature d’une justice de meilleure qualité. Ces évolutions récentes rendent par là même anachroniques et archéologiques les résistances doctrinales à cette émergence : une vision à long terme du droit du procès clive la doctrine en deux camps, d’un côté ceux qui, très attachés au légalisme procédural, se contentent de commenter la technique procédurale existante (souvent fort bien), de l’autre, ceux qui regardent au-delà de cet horizon et qui s’efforcent d’anticiper les évolutions à venir pour les instiller dans les esprits et les pratiques ; ce sont souvent les mêmes qui, n’ayant pas vu venir ce que nous avons appelé dès les premières éditions du précis de Droit processuel (en janvier 2001) « le droit commun et le droit comparé du procès équitable[334] » et n’ayant pas compris le sens des expressions « droit processuel horizontal/droit processuel vertical[335] », nient l’existence de ces principes structurants.
2o Ces principes structurants traduisent, ce que nous avons appelé[336], avec d’autres[337], l’avènement d’une démocratie procédurale, ou, en termes plus politiques, participative[338] et qu’il faut « inscrire en lettres d’or aux frontons des palais de justice[339] ». Peu étudiés en doctrine, ils s’infiltrent néanmoins dans l’esprit des praticiens, que ce soit dans les discours de rentrée[340], ou dans les protocoles de fonctionnement des juridictions[341], dans celui des rédacteurs de rapports[342]. Ainsi, cette intuition de 1999 a été consacrée en juin 2004 par un rapport remis au garde des Sceaux sur la célérité et la qualité de la justice, puisque les auteurs de ce rapport préconisent la reconnaissance officielle du principe de loyauté « qui devrait figurer explicitement au nombre des principes directeurs du procès pour mieux asseoir sa nécessité et servir de référent pour toutes les procédures et devant tous les juges. Il impose également des réformes plus techniques qui visent toutes les phases de la procédure, notamment celles de première instance[343] ». Éclatante illustration de l’influence de la doctrine sur l’évolution des pratiques procédurales, au-delà de la pure technique juridique[344].
3o Il est très intéressant de rapprocher ce qui précède de ce qu’écrit Pierre Rosanvallon à propos de ce qu’il appelle, dans son ouvrage sur la légitimité démocratique, légitimité de proximité[345]. Ainsi, il montre que selon les travaux de Tom Tyler la légitimité des agents publics est fonction des qualités de « justice procédurale » attachées à leur comportement[346]. En d’autres termes et selon une « grande étude menée en 1984 à Chicago auprès d’individus ayant eu personnellement maille à partir avec la police et la justice », il résulte que « ces individus ont un regard sur l’institution qui n’est que faiblement corrélé avec la nature des sanctions qui leur avaient été infligées. Si la satisfaction des individus dépendait évidemment, au premier chef, du verdict prononcé, leur appréciation de la légitimité de l’institution judiciaire était, elle, fondée sur un autre critère : celui de la perception de l’équité du procès ».
Ces deux concepts de démocratie procédurale que nous défendons depuis 1999 et de légitimité démocratique qui se trouve développée dans l’ouvrage précité de Pierre Rosanvallon édité en 2008, ne sont pas absents des préoccupations de la Cour EDH qui a aidé à construire le concept de démocratie procédurale[347], puisque les exigences d’une société démocratique font aussi partie du contexte pertinent de la Convention EDH, au sens de l’article 31 de la convention de Vienne, car il « la domine tout entière[348] » et parce que, selon le Préambule de la Convention, le maintien des libertés fondamentales « repose essentiellement sur un régime politique véritablement démocratique[349] ». Il faut donc préserver et promouvoir « un juste équilibre entre la défense des institutions de la démocratie dans l’intérêt commun et la sauvegarde des droits individuels[350] ». Appliquée au droit processuel, cette exigence a conduit la Cour EDH à déclarer que « dans une société démocratique, le droit à une bonne administration de la justice occupe une place si éminente qu’on ne saurait le sacrifier à l’opportunité[351] » et que l’exigence d’un procès équitable et public (art. 6, § 1) « compte parmi les principes fondamentaux de toute société démocratique[352] ».
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La démocratie se fonde ainsi sur la procéduralisation du droit[353] et la boucle est bouclée : la démocratie est procédurale et sa légitimité au sens de Pierre Rosanvallon s’enracine dans la procédure suivie plus que dans le résultat obtenu. La finalité universelle de recherche de l’effectivité du droit à un procès équitable dans toutes ses composantes, à la fois droit processuel par l’affirmation du principe et droit procédural par ses modalités de mise en œuvre au niveau national, c’est, au final, ce que nous appelons, depuis 1999, l’avènement d’une démocratie procédurale et, dans un autre domaine, ce que Pierre Rosanvallon appelle la « légitimité démocratique ».
Si le principe de loyauté procédurale a parfois du mal à s’imposer, c’est sans doute parce que notre culture française est encore trop empreinte de mensonge et de déloyauté. Mais cette loyauté est aussi indispensable au monde politique qu’aux acteurs de la justice, car quelle confiance le peuple peut-il avoir en sa démocratie et ceux qui l’incarnent, en sa Justice et ceux qui la servent ou la subissent, s’il constate, amèrement, qu’une poursuite, une instruction, se sont déroulées sur le fondement d’un mensonge et qu’un jugement a finalement été rendu sur ce même fondement ou, pour le moins, sur une déloyauté ? La loyauté participe de l’État de droit, du rule of law, des fondements d’une société démocratique. Relisons et écoutons François de Callières, qui écrivait en 1717 : « contrairement à l’opinion vulgaire, on ne doit jamais fonder le succès de ses négociations sur de fausses promesses et sur des manquements de foi. Un négociateur doit considérer qu’il aura plus d’une affaire à traiter dans le cours de sa vie, qu’il est de son intérêt d’établir sa réputation et qu’il doit la regarder comme un bien réel, puisqu’elle leur facilite dans la suite, le succès de ses autres négociations ». Ce qui valait il y a plus de trois siècles pour la diplomatie, vaut aussi, aujourd’hui, pour la politique, le judiciaire et le monde des lettres et de l’université[354].
Paris, le 31 décembre 2016



[1]. Au titre des principes généraux du droit de l’UE, la confiance légitime et la sécurité juridique ne sont-elles pas une illustration de la loyauté qui doit exister dans les relations des citoyens avec les pouvoirs publics ?
[2]. V. G. Drago, Contentieux constitutionnel français, op. cit., no 459, qui applique ces trois principes à ce type de contentieux. V. aussi, G. Drago, « Quels principes directeurs pour le procès constitutionnel ? », Mélanges S. Guinchard, Dalloz, 2010, 439.
[3]. Sur cette exigence et ses exigences : J. Cl. Magendie « L’exigence de la qualité de la justice dans le respect des principes directeurs de l’euro-procès », Mélanges Buffet, LPA/LGDJ éd., 2004 ; « Loyauté, dialogue, célérité, trois principes à inscrire en lettres d’or aux frontons des palais de justice » in Mélanges S. Guinchard, Dalloz, 2010, 329.
[4]. J. Fr. Van Drooghenbroeck, « Le nouveau droit judiciaire en principes », in Le droit judiciaire en mutation, en hommage à Alphonse Kohl, [dir. G. De Leval et Fr. Georges], Commission Université-Palais, Université de Liège, vol. 95, 2007, 213 s., spéc. no 24, p. 232 : « aux principes dits classiques en raison de leur désignation comme principes généraux du droit viennent désormais s’ajouter deux postulats qui, quelle que soit leur actuelle identification normative, n’en sont pas moins prégnants. La célérité et la loyauté dictent des exigences qui ne peuvent plus être ignorées ».
[5] En ce sens aussi, Y. Derains, « Les nouveaux principes en droit de l’arbitrage : confidentialité, célérité, loyauté », in Le nouveau droit français de l’arbitrage [dir. Th. Clay], Lextenso éd. 2011, p. 91.
[6] Proposition n° 28 : dans l’article 15, C. pr. civ.
[7]. Sur cette notion à partir du droit du procès, V. l’ensemble des écrits de S. Guinchard, à partir de 1999 [mais en germe dès 1991 dans la 22e édition du Précis de procédure civile, bâti sur les trois termes de la devise républicaine] : « Vers une démocratie procédurale », Justices, nouvelle série, 1999/1, p. 91, repris plus amplement in « Les métamorphoses de la procédure à l’aube du IIIe millénaire », in Clefs pour le siècle, Paris 2/Dalloz éd. 2000, p. 1135-1211. « Ô Kress, où est ta victoire, ou la difficile réception en France d’une (demie) leçon de démocratie procédurale », Mélanges G. Cohen-Jonathan, Bruylant éd., 2004, vol. 2, p. 937. « Quels principes directeurs pour les procès de demain ? » Mélanges J. Van Compernolle, Bruylant éd., 2004. Rép. Proc. civ., Dalloz, Cahiers de l’actualité, janv. 2007/1, « Les prémices d’une démocratie procédurale ». « La doctrine, le juge et l’avènement d’une démocratie procédurale », Mélanges Shlomo Levin,vice président honoraire de la Cour Suprême israélienne, A. Grunis, E. Rivlin et M. Karayanni éd., Jérusalem et Tel-Aviv, 2013, p. 711. « Le fondamentalisme religieux à l’aune de la distinction doctrinale droit processuel européen-droit procédural national – Entre démocratie procédurale et légitimité démocratique », Mélanges J.-Fr.Flauss, Pédone éd., 2014 p. 365. « Le changement en procédure civile », Rev. dr. Assas, 2015/10, p. 132, spéc. p. 142-143 (rapprochement avec la « légitimité démocratique » de Pierre Rosanvallon). Autres auteurs : avant, Jürgens Habermas, Droit et démocratie. Entre faits et normes, Gallimard, 1997, traduction R. Rochlitz et C. Bouchindhomme ; analyse de sa pensée in Dictionnaire des grandes œuvres juridiques [dir. O. Cayla et J.-L. Halperin], Dalloz 2010, p. 230. Dans la foulée : P. Rosanvallon, La légitimité démocratique – Impartialité, réflexivité proximité, Le Seuil éd., collec. Les livres du nouveau monde, 2008. G. Timsit, « L’invention de la légitimité procédurale », Mélanges Costa Dalloz, 2011, 635. J.-M. Roy, « La Justice du XXIème siècle, la procédure et la démocratie », in I. Teyssié et C. Puigelier [dir.], Quarantième anniversaire du CPC, éd. Panthéon-Assas, 2016, p. 111.
[8]. S. Guinchard, Rép. Proc. civ., Dalloz, Cahiers de l’actualité, janv. 2007/1, « Les prémices d’une démocratie procédurale ».
[9]. Selon l’heureuse formule de J. Cl. Magendie, in Mélanges S. Guinchard, Dalloz, 2010, 329 : « Loyauté, dialogue, célérité, trois principes à inscrire en lettres d’or aux frontons des palais de justice ».
[10]. Pour deux de ces principes au moins (dialogue et loyauté), l’idée semble faire son chemin dans la conceptualisation de la pratique du procès, v. « Discours de rentrée des avocats aux Conseils », 18 déc. 2001, par E. Baraduc, Annonces de la Seine, 27 déc. 2001.
[11]. Par ex., Protocole d’octobre 2003 du TGI de Paris « tendant à l’amélioration du fonctionnement des chambres civiles » : on y retrouve le dialogue entre les juges et les parties (via leurs avocats), la loyauté et, bien sûr, la célérité, finalité première de ce protocole. V. J. Cl. Magendie, « L’exigence de qualité de la justice civile dans le respect des principes directeurs de l’euro-procès, L’expérience parisienne », Mélanges Buffet, LPA et LGDJ éd., 2004, 319.
[12]. V. rapport du Conseil économique et social sur la judiciarisation de l’économie, JO 2004, spéc. p. I-14. Rapport Guinchard, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, Doc. fr. 2008. Rapport Delmas-Goyon, Les juges du XXIe siècle, déc. 2013.
[13]. Rapport dit Magendie, sur le site internet du ministère de la Justice, spécialement p. 35. Mais ce rapport ne visait que deux de nos principes directeurs dégagés dès la première édition de ce précis (janv. 2001), la loyauté et la célérité, évitant de parler du dialogue, ce qui laissait planer un doute sur la finalité de la proposition ; en occultant le dialogue, est-ce que la loyauté exigée des parties, mais pas du juge, n’était pas envisagée comme étant au seul service de la célérité ? V. S. Guinchard, « De la loyauté de la concurrence à la loyauté de la procédure – Ou les dangers de la proclamation d’un principe conçu exclusivement comme l’instrument d’une politique de gestion des flux judiciaires », Mélanges Y. Serra, Dalloz, 2006, 229. Depuis, l’auteur du rapport a ajouté le dialogue aux « principes à inscrire en lettres d’or aux frontons des palais de justice », Mélanges S. Guinchard, Dalloz, 2010, 329.
[14] Sur cet aspect, S. Guinchard, « La doctrine, le juge et l’avènement d’une démocratie procédurale », Mélanges Shlomo Levin, loc. et op. cit.
[15] P. Rosanvallon, La légitimité démocratique – Impartialité, réflexivité, proximité, op. cit.
[16]. Pour une illustration dans l’arrêt Kress, 7 juin 2001, à propos de la place du commissaire du gouvernement au Conseil d’État, S. Guinchard, « Ô Kress, où est ta victoire, ou la difficile réception en France d’une (demie) leçon de démocratie procédurale », Mélanges G. Cohen-Jonathan, Bruylant éd. 2004, vol. 2, p. 937.
[17]. CEDH 8 juill. 1986, Lingens, série A, no 103, § 42.
[18]. CEDH 2 mars 1987, Mathieu-Mohin et Clerfayt, série A ; no 113, § 47.
[19]. CEDH 29 nov. 1988, Brogan, série A, no 145-B, § 48. Déjà, CEDH 18 oct. 1982, Young, James et Webster c/ Roy. Uni, série A, no 55, § 63.
[20].CEDH 20 nov. 1989, série A, no 166 § 44.
[21]. Commission, avis du 29 oct. 1991, Andersson, série A, no 212-B, § 24.
[22]. P. Coppens et J. Lenoble (dir.), Démocratie et procéduralisation du droit, Biblio. Fac. Dr. Louvain, vol. XXX, Bruylant, 2001.
[23]. CEDH 26 sept. 1996, Miailhe c/ France, Rec. 1996-IV, § 48-44 et chron. Flauss, Rev. fr. fin. pub., 1999, p. 81 ; JCP 1997, I, 4000, obs. Sudre.
[24]. CEDH 5 oct. 2000, Apeh Üldözötteinek Szvövetsège et alii c/ Hongrie, Rec. 2000-X, § 42, qui confirme CEDH 22 févr. 1996, Bulut c/ Autriche, § 49.
[25] V. les ex. commentés par N. Fricero en 2012, Dr. et proc. 2012/8, Cahier des proc. intern. n°11 à 14, p. 13.
[26] V. J. Fr. Van Drooghenbroeck, in Le droit judiciaire en mutation, en hommage à Alphonse Kohl, [dir. G. De Leval et Fr. Georges], Commission Université-Palais, Université de Liège, vol. 95, 2007, 213 s., spéc. p. 234, « nul ne contestera l’avènement du postulat de loyauté au nombre des principes directeurs du procès civil ». Et, in Mélanges Guinchard, Dalloz, 2010, les écrits de J. Van Compernolle p. 413 (« Quelques réflexions sur un principe émergent : la loyauté procédurale ») et J. Van Drooghenbroeck, p. 425 (« La loyauté procédurale au-dessus de l’ordre public – Irrecevabilité du moyen renégat devant la Cour de cassation de Belgique »).
[27] Cass. belge, 27 nov. 2014, n° C. 13.04666. F/2, E.M. c/ Ville d’Eupen.
[28]. Pour s’en tenir au droit procédural, par ordre chronologique : Mélanges Cerexhe, La loyauté, Larcier éd., 1997, spéc., pour le droit procédural : Ph. Couvreur, « La loyauté dans les rapports judiciaires internationaux », p. 67 ; Fr. Delpérée, « À la loyale », p. 116 ; X. Dijon, « La loyauté osmotique », p. 127 ; P. Martens, « Sur les loyautés démocratiques du juge », p. 249. M.E. Boursier, La loyauté en droit processuel, Dalloz, Nouvelle biblio. de thèses, 2003, préface S. Guinchard). M.Th. Caupain et E. Leroy, « La loyauté : un modèle pour une petit supplément d’âme ? » Mélanges J. Van Compernolle, Bruylant éd. 2004, 67. Y. Strickler, « La loyauté procédurale », Mélanges Burgelin, Dalloz, 2008, 355. M. Douchy-Oudot, « La loyauté en matière civile », Gaz. Pal. 17 nov. 2009. Aux Mélanges S. Guinchard, Dalloz, 2010, quatre articles : J. Cl. Magendie, « Loyauté, dialogue, célérité, trois principes à inscrire en lettres d’or aux frontons des palais de justice », p. 329. M. Cl. Rivier, « Justice étatique, justice arbitrale – L’exigence de loyauté procédurale, entre diligence, cohérence et compétence », p. 837. J. Van Compernolle, loc. cit. , p. 413. J. Van Drooghenbroeck, loc. cit., p. 425 et, du même auteur, in Le droit judiciaire en mutation, op. et loc. cit., p. 213 s. N. Fricero, « La loyauté dans le procès civil », rapport au colloque Loyauté et impartialité en droit des affaires, Association Droit et commerce, Deauville, 31 mars-1er avril 2012, Gaz. Pal. 24 mai 2012. Au-delà du droit du procès : J. Carbonnier, Droit civil. Introduction, 2002, op. cit., no 188. V. aussi, A. Leborgne, « L’impact de la loyauté sur la manifestation de la vérité ou le double visage d’un grand principe », RTD civ. 1996. 535. Colloque sur L’obligation, Arch. philo. dr., 9 et 10 avr. 1999, rapport L. Aynès, « L’obligation de loyauté ». Dossier de la revue Justice et cassation, Dalloz éd., 2014, « La loyauté », spéc. E. Alt, « La loyauté dans la procédure en droit civil », p. 13.
[29] Droit civil. Introduction au droit, 2002, PUF, collec. Thémis, no 188.
[30].  Cornu et Foyer, Procédure civile, PUF, Thémis, 3e éd., no 100, p. 457.
[31]. H. Motulsky, « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la défense en procédure civile », Mélanges P. Roubier, 1961, no 16, p. 187.
[32].H. Muir Watt, note ss. Civ. 1re, 21 nov. 2006, Rev. crit. DIP 2007/3, spéc. p. 580, note 1:  « ce dernier [la loyauté des comportements] étant désormais perçu, à travers le premier [le souci d’économie procédurale], comme un principe directeur du procès, assurant la gouvernance de celui-ci en conjuguant efficacité procédurale et procès équitable ». J. Van Compernolle, « Quelques réflexions sur un principe émergent : la loyauté procédurale », in Mélanges Guinchard, Dalloz, 2010, p. 413. J. Fr. Van Drooghenbroeck : in Le droit judiciaire en mutation, en hommage à Alphonse Kohl, [dir. G. De Leval et Fr. Georges], Commission Université-Palais, Université de Liège, vol. 95, 2007, 213 s., spéc. p. 234, « nul ne contestera l’avènement du postulat de loyauté au nombre des principes directeurs du procès civil » et aux Mélanges Guinchard, Dalloz, 2010, p. 425, « La loyauté procédurale au-dessus de l’ordre public – Irrecevabilité du moyen renégat devant la cour de cassation de Belgique ».
[33] S. Guinchard, « De la loyauté de la concurrence à la loyauté de la procédure – Ou les dangers de la proclamation d’un principe conçu exclusivement comme l’instrument d’une politique de gestion des flux judiciaires », Mélanges Y. Serra, Dalloz, 2006, 229, pour critiquer le rapport dit Magendie I, sur la la célérité et la loyauté de la Justice qui instrumentalisait cette dernière pour en faire un outil de régulation des flux ; ce qui c’est concrétisé dans l’arrêt Césaréo de l’assemblée plénière du 7 juillet 2006, arrêt qui impose aux parties de concentrer leurs moyens dès la première instance sous la sanction de se voir opposée l’autorité de la chose jugée.
[34]. L. Cadiet, « La légalité procédurale en procédure civile », BICC 15 mars 2006.
[35] P. Didier, Droit commercial, 1re éd., 1970, PUF, pages 184 à 203. Enseignement de doctorat, Lyon, Faculté de droit, 1968-1969.
[36] M. Douchy-Oudot, loc.cit., Gaz. Pal. 17 nov. 2009.
[37] Perrot, RTD civ. 2006. 151, qui craint les conséquences imprévisibles de la reconnaissance de ce nouveau principe, au motif qu’il est empreint d’une forte connotation morale.
[38]. B. de Lamy, « La loyauté, principe perturbateur des procédures ? », note ss. Com. 24 mai 2011, n° 10-18267, JCP 2011, doctr. 988, qui y voit « un principe hasardeux », « un concept indéfinissable » qui « devrait simplement être utilisé comme modérateur pour remédier aux excès les plus criants, aux abus les plus manifestes, ne pouvant être corrigés par les principes directeurs. L’ériger en principe autonome, doté de critères d’application incertains, revient à prendre le risque de déséquilibrer les procédures au hasard des espèces ».
[39] P. Roubier, Le droit de la propriété industrielle, t. 1, Sirey éd., 1952.
[40] S. Guinchard, De la loyauté de la concurrence à la loyauté de la procédure ou les dangers de la proclamation d’un principe conçu exclusivement comme l’instrument d’une politique de gestion des flux judiciaires, Mélanges Yves Serra, Dalloz, 2006, p. 229.
[41]. L. Miniato, « L’introuvable principe de loyauté en procédure civile », D. 2007, 1035.   V., en réponse, S. Guinchard, « L’autorité de la chose qui n’a pas été jugée à l’épreuve des nouveaux principes directeurs du procès civil », Mélanges G. Wiederkehr, Dalloz, 2009, spéc. p. 381-382, « Qui cherche, trouve ».
[42]. V. par ex., à propos de l’impartialité du juge, E. Baraduc, « L’avocat, garant de l’impartialité du juge », Mélanges A. Ponsard, Litec 2003, spéc. p. 44-45 : « la mosaïque d’un procès loyal intègre la loyauté du professionnel qui en a la maîtrise » (no 19).
[43]. A. Couret, « Devoir de loyauté et devoir de dénonciation », Gaz. Pal. 24 mars 2007, Doctr.
[44] J.B. Racine, « Les garanties de loyauté dans les modes alternatifs de résolution des conflits », in Pluralisme des MARC, pluralisme du droit (dir. J.B. Racine), GIP Justice, L’Hermès éd., 2002. C. Arens et N. Fricero, « Médiation et conciliation : modes premiers de règlement des litiges ? à propos du décret n° 2015-282 du 11 mars, Gaz. Pal. 25 avr. 2015, n° 114-115, p. 13.
[45]. V. thèse Patricia Aubijoux-Imard, Le dialogue dans le procès, thèse (dacty.) Paris 2, 1999 (dir. S. Guinchard). Sous l’angle philosophique, V. F. Kaplan, La vérité – Le dogmatisme et le septicisme, A. Colin, 1998, p. 146.
[46]. Sur la distinction du dialogue et du débat, V. Ch. Lièvremont, Le débat en droit processuel, PUAM, nov. 2001, préface H. Croze, spéc., p. 223 s.
[47]. Gaëlle Betrom, Le principe d’égalité des armes au sens de la Convention EDH, thèse Montpellier 1, déc. 2006, dir. Sudre.
[48]. Sur le temps et le droit : Ch. Gavalda, Mélanges B. Mercadal, éd. Fr. Lefèbvre, 2002. Pour la procédure civile, V. ss 566).
[49]. Pour le droit américain, Federal Rules of civil procédure, Rule 1 ; New York Civil Pratice Lawand Rules, § 104, cités par Peter E. Herzog : Justices, 1996-3, p. 446.
[50]. Discours prononcé à la rentrée du Parlement de Bordeaux, in Œuvres complètes, t. 1, Gallimard, Biblio. Pléiade, 1949, p. 47.
[51] V. par exemple, L. Cadiet, Mélanges Normand, Litec, 2003.
[52] Dalloz éd., fév. 2001.
[53] Audrey Guinchard, Les enjeux du pouvoir de répression en matière pénale, Du modèle judiciaire à l’attraction d’un système unitaire, LGDJ, 2002, collec. Biblio. sc. crim., préface Y. Mayaud.
[54] Cornu : Les principes directeurs du procès civil par eux-mêmes, fragment d'un état des questions : Mélanges Bellet 1991. 83. – L'élaboration du code de procédure civile : Rev. hist. Fac. Dr. 1995-16, p. 241 et, ibid. in La codification, collec. Thèmes et commentaires, Dalloz, 1996, p. 71. – La codification de la procédure civile en France : Rev. jur. et politique, 1986. 689, repris in L'art du droit en quête de sagesse, PUF, 1998, p. 385 ; L'avènement du NCPC, in Le NCPC, vingt ans après, Doc. fr. 1998, p. 19, spéc. p. 21. – R. Martin, Un autre procès possible ou est-il possible de rêver ?: RTD civ. 1994. 557. – L'art. 6, §1, CEDH, contre l'art. 12 ?: D. 1996. Chron. 20. – Une contre-évolution du procès civil : le déclin du juge providence ou le retour de l'avocat : Rev. huiss. 1997. 345. – Et, en réponse, J. Normand, RTD civ. 1996. 694 à 700 et 1998. 466 à 469. – R. Martin,  A nouveau siècle, nouveau procès civil : Edilex Club éd., Aix-en-Provence, mars  2000. – Georges Rouhette, L'article 1er des lois, in  Les mots de la  loi : Economica, 1998, p. 37.
[55] V. Cornu, L'avènement du Nouveau code, op. cit., p. 19 s.).
[56] Serge Guinchard, Rapport de synthèse au XXe anniversaire de la cour d'appel de Versailles, Gaz. Pal. 1996. 2. 1004
[57] V. Vincent et Guinchard, Procédure civile, 27ème éd., 2003, n° 48.
[58] L’expression est du Doyen Carbonnier, dans une lettre qu’il nous avait adressée en retour de l’envoi de l’édition du précis de procédure civile qui, pour la première fois, exposait la procédure civile sous l’éclairage de notre devise républicaine.
[59] Sur ces exigences et leur traduction en termes procéduraux, V. Vincent et Guinchard, op.cit., n° 49.
[60]Conte et Maistre du Chambon, Procédure pénale, A. Colin, 4e éd. 2002, p. 15.
[61] S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 2ème éd., Litec, sept. 2002.
[62] Audrey Guinchard, Le pouvoir de répression en matière pénale – Du modèle judiciaire à l’attraction d’un modèle unitaire, thèse préc.
[63]Pour deux de ces principes au moins (dialogue et loyauté), l’idée semble faire son chemin dans la conceptualisation de la pratique du procès, v. discours de rentére, 18 déc. 2001, par E. Baraduc, Annonces de la Seine, 27 déc. 2001.
[64] Pour le droit procédural : M.E. Boursier, La loyauté en droit processuel, thèse, Paris 2, Dalloz, 2003, préface Serge Guinchard. Mélanges Cerexhe, La loyauté, Larcier éd., 1997, spéc., pour le droit procédural : Ph. Couvreur, La loyauté dans les rapports judiciaires internationaux, p. 67, Fr. Delpérée, A la loyale, p. 116 et P. Martens, Sur les loyautés démocratiques du juge, p. 249.
Au-delà du droit du procès : J. Carbonnier, Introduction, PUF, n° 188. V. aussi, A. Leborgne, L'impact de la loyauté sur la manifestation de la vérité ou le double visage d'un grand principe, RTD Civ. 1996, 535. X. Dijon, La loyauté osmotique, in Mélanges Cerexhe, La loyauté, Larcier éd., 1997, p. 127. Colloque sur l'obligation, ass. Philo. Dr., 9 et 10 avr. 1999, rapport L. Aynès, L'obligation de loyauté.
[65] Colloque ENM/CNB/Ordre des avocats de Paris, Loyauté du procès et comportements professionnels, Paris, 26 et 27 sept. 2001. Bulletin d'information du Bâtonnier de Paris, 18 janv. 1994, p. 15 : « la loyauté dans les relations entre les avocats constitue une impérieuse nécessité ».
[66] V. Perrocheau, Les fluctuations du principe de loyauté dans la recherche des preuves, Petites affiches, 17 mai 2002, p. 6. L. Raison-Rebuffat, Le principe de loyauté en droit de la preuve, Gaz. Pal. 27 juill. 2002, Doctrr.
[67]Motulsky, Mélanges Roubier, n° 13 et s., note 27.
[68]Civ. 1re, 19 nov. 1991 : Bull. I, n° 316.
[69]Com. 27 mars 1990 : D. 1991, 503, note Bonnard.
[70]Crim. 11 juin 1996 : D. 1997, 576, note Agostini.
[71] V. les réserves émises par O. Hillel et M.N. Jobard-Bachelier, Les applications du principe [de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui] en droit du contentieux interne et international, in actes du colloque, Univ. Paris 5, 13 janv. 2000, Economica, p. 53.
[72]E. Gaillard, Rev. arbitr. 1985, 241. – Ph. Pinsolle, Distinction entre le principe de l'estoppel et le principe de bonne foi dans le commerce international : JDI, 1998, 905.
[73]H. Muir Watt, Pour l'accueil de l'estoppel en droit privé français : Mélanges Loussouarn, Dalloz, 1994, 303. Sur l'estoppel, O. Moreteau, L'estoppel et la protection de la confiance légitime, thèse (dacty.) Lyon III, 1990.
[74]H. Muir Watt, préc.
[75]V. Méga code de procédure civile, commenté par Serge Guinchard, ss. art. 126, n° 012. – Vincent et Guinchard, Procédure civile, 27e éd. 2003, n° 145, c.
[76]Civ. 1re, 14 mai 1996, Bull. I, n° 202.
[77]Claude Lienhard, D. recueil du 21 sept. 2000, Point de vue, p. V.
[78]Civ. 2e, 11 mars 1999, JCP 1999, II, 10095, note H. Croze.
[79] Paris, 1ère ch. C, 5 juill. 2001, Sociéte SFHT.
[80] J.B. Racin, Les garanties de loyauté dans les MARC, in Les MARC : approche générale et spéciale, CREDECO (Nice), étude pour le GIP Justice, mars 2001, p. 55-74.
[81]Débats du mercredi 24 mars 1999, Le Monde, 26 mars 1999, p. 10. Les réserves ont notamment été émises par Maître Arnaud Montebourg...
[82]Ch. réunies, 31 janv. 1888 : S. 1889, 1, 241.
[83]Crim. 9 oct. 1980, arrêt Tournet : JCP 1981, II, 18578, note Di Marino. 28 oct. 1991 : JCP 1992, II, 21952, note Pannier.
[84]Crim. 23 août 1994 : Bull., n° 291. – 16 déc. 1997 : D. 1998, 537, note Pradel.
[85]CEDH, 24 août 1990, arrêt Kruslin.
[86]Crim. 5 mai 1999, D. 1999, IR, 192.
[87]Crim. 7 mai 1996 : Procédures, sept. 1996, n° 270, obs. Buisson.
[88]Crim. 6 mai 1997 : Procédures, sept. 1997, n° 218, obs. Buisson.
[89]Crim. 27 févr. 1996, arrêt Schuller/Maréchal : D. 1996, 436, note Guéry ; JCP 1996, II, 22629, note Rassat. – V. aussi, Crim. 17 oct. 1991 : Dr. pénal, 1992, n° 27.
[90]Crim. 18 févr. 1958, Bull. n° 163. – 16 mars 1961, Bull. n° 172 ; JCP 1961, II, 12157, note J. Larguier. – 26 avr. 1987 : Bull. 173. – 11 févr. 1992 : Bull., n° 66 ; D. 1993, som. com. 206, obs. Pradel (avec Crim. 23 juill. 1993).
[91]Crim. 6 avr. 1993 : JCP 1993, II, 22144, note Rassat (pour un enregistrement obtenu en commettant une infraction pénale). – 15 juin 1993, Bull. n° 210 ; D. 1994, 613, note C. Mascala (lettre produite en violation du secret des correspondances). Et déjà, Crim. 23 juill. 1992 : Bull., n° 274. – 6 avr. 1994 : Bull. n° 136. – 30 mars 1999, D. 1999, IR, 131 ; RGDP 1999-4, 640, obs. Didier Rebut (remise à un juge, par une partie, de documents et d'enregistrements obtenus à l'insu de la personne qui les détenait ou qui avait tenu les propos).
[92]Crim. 15 juin 1993 : Bull. n° 210 ; D. 1994, 613, note C. Mascala.
[93]Paris, 8 avr. 1994 : BOCCRF, 18 mai 1994. – Paris, 17 mai 1994 : BOCCRF, 7 juin 1994.
[94]E. Putman, Contentieux économique, PUF, 1998, n° 180, p. 175.
[95]Paris, 2 mars 1999, Soc. Seco-Desquenne.
[96]Cons. conc., Déc. n° 99-D-78, 15 déc. 1999, Porcelaines de Limoges, BOCC, 7 mars 2000, p. 139, spéc. p. 141.
[97]Paris, 2 avr. 1996, BOCC, 15 mai 1996, p. 167 ; Contrats-Concurr.Consom. 1996, n° 108, obs. L. Vogel.
[98]Com. 21 mars 2000, Contrats-Concurr. Consom. juin 2000, n° 98; RTDCom. 2000, 628, obs. E. Claudel, qui casse Paris, 13 janv. 1998. Et déjà, Paris, 16 déc. 1994, BOCC, 28 déc. 1994 ; D. 1995, IR, 22. – 14 avr. 1995, BOCC 1995, p. 160.
[99] Paris, 12 déc. 2000, BOCCRF 23 janv. 2001, p. 32 ; RTDCom. 2001, 419, obs. E. Claudel. La référence à l’obligation de loyauté se trouve déjà dans Paris, 6 juin 2000, Petites affiches, 29 mars 2001, p. 13, obs. M. Malaurie-Vignal.
[100]Cons. conc., Déc. n° 98-MC 08, 8 sept. 1998 : Contrats-Concurrences-Consommation, févr. 1999, n° 25, obs. M. Malaurie-Vignal.
[101]Sur la distinction du dialogue et du débat, v. Christophe Lièvremont, Le débat en droit processuel, PUAM, nov. 2001, préface H. Croze, spéc., p. 223 et s.
[102]V. thèse Patricia Aubijoux-Imard, Le dialogue dans le procès, thèse (dacty.) Paris 2, 1999 (dir. S. Guinchard).
[103]CJCE, 16 juill. 1992, Meilicke, aff. C-83/91, Rec., p. I-4871, point 22. J. Pertek, La pratique du renvoi préjudiciel en droit communautaire – Coopération entre CJCE et juges nationaux, Litec, 2001.
[104]Fabrice Picod, La transparence dans les procédures juridictionnelles, in La transparence dans l'Union européenne, mythe ou principe juridique ? colloque du CEDORE, Nice, LGDJ, 1999 (ss. la direction de Joël Rideau), p. 147.
[105]JOCE, n° L 122, 24 mai 2000, p. 43 ; Rev. Europe, juill. 2000, n° 188, obs. F. Berrod et D. Simon. Sur le document de réflexion de la CJCE qui a inspiré cette modification, v. RTD Europ. 1999-3, 529 et commentaires : Jean-Paul Jacqué, ibid., p. 443 ; Rev. Europe, juill. 1999, n° 242, F. Berrod, A. Rigaux et D. Simon.
[106]V. commentaire F. Berrod et D. Simon, préc.
[107]CEDH, 18 févr. 1997, Nideröst-Huber c/ Suisse, § 23 : AJDA, 1997, 987, obs. J. Fr. Flauss.
[108] CEDH, 28 juin 2001, F.R. c/ Suisse, Journal des droits de l’homme, supplément au n° 56 des Annonces de la Seine, 9 août 2001. 21 fév. 2002, Ziegler c/ Suisse, Journal des droits de l’homme, supplément au n° 21 des Annonces de la Seine, 28 mars 2002.
[109]Com. 27 janv. 1998, Bull. IV, n. 42; D. Affaires 1998, 836, obs. A.M.; RJDA, 1998-6, p. 566 ; RGDP, 1998, 699, obs. L. Idot.
[110] Paris, 1ère ch., section H, 5 mars 2002, Olitec, RG 2001/ 19862.
[111] V. le commentaire de Serge Guinchard : D. 1999, chron. 65.
[112] CEDH, 29 août 2000, Jahnke c/ France, Bull. inf. cass. 15 janv. 2001, n° 4, p. 3.
[113]Motulsky, La réforme du code de procédure civile par le décret du 13 oct. 1965 : JCP 1966, I, 1996 et Ecrits, t. 1, p. 130, n° 68. – Vincent et Guinchard, op. cit., n° 864.
[114]Fr. Ruellan, L'office du juge dans le procès civil (à propos d'une expérience d'un schéma directeur de mise en état au TGI d'Annecy) : Petites affiches 12 juill. 1995 p. 23. Sur la pratique du contrat de procédure, Caratini : Gaz. Pal. 1985, doctr. 639 et 1er févr. 1986. – du Rusquec : JCP 1994, I, 3774. – Estoup : D. 1985, chron. 195 et Gaz. Pal. 1985, doctr. 680. – Gaudin : Gaz. Pal. 1er févr. 1986. – Gaz. Pal. 1986, doctr. 387. Sur les différentes pratiques de mise en état, v. Foulon, in Le nouveau code de procédure civile, vingt ans après, colloque Cour de cassation, 11 et 12 déc. 1997, Doc. fr. 1998, p. 161.
[115] Magendie, Gaz. Pal. 5 avr. 2001, doctr.
[116]V. à cet égard les débats très intéressants aux journées d'étude des avoués tenues à Reims les 29 et 30 sept. 2000, notamment le rapport de Mme Henriette Chaubon.
[117] V. Cl. Ph. Barriere, Gaz. Pal. 22 août 2002, doctr.
[118]V. Entretien avec Mme Ezratty, JCP 1996, I, 3894.
[119]V. André Potocki, L'organisation des juridictions communautaires est-elle porteuse d'enseignements pour les juridictions nationales ? Mélanges Pierre Drai, Dalloz, 2000, p. 109.
[120]Ibid.
[121]I. Forrester, British courtroom battles are arguably the most severe, in European voice, 14 janv. 1999, cité par Potocki, op. et loc. cit., note 3, p. 114.
[122]JOCE, n° C-120, 30 avr. 1994, p. 16.
[123]Francis Teitgen, Bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, Bulletin du Barreau de Paris, 23 mai 2000, n° 16.
[124]Jean-Pierre Magendie, Président du TGI de Paris, in Bulletin du Barreau de Paris, 20 juin 2000, n° 19.
[125]V. notre proposition en ce sens in Mélanges Terré, Dalloz/Ed. Techniques/PUF, 1999.
[126] Fr. Alt-Maes, La contractualisation du droit pénal, mythe ou réalité ? RSCrim. 2002-3, 501.
[127]V. Puechavy, L'art. 6, CEDH et la médiation pénale, Archives de philosophie du droit, 1992-14, p. 31. – Rémi Berg, Médiation pénale, in Rép. Pén. Dalloz. – Antoine Garapon et Denis Salas, La République pénalisée, spéc. p. 99. – Travail d'intérêt général et médiation pénale, Socialisation du pénal ou pénalisation du social, Colloque de L'Ecole des sciences criminologiques Léon Cornil, Bruylant 1997. Sandrine Voisin, La médiation pénale est-elle juste? in La médiation en débat, Petites affiches, 26 août 2002.
[128]Eric Gherardi, Réflexions sur la nature juridique des transactions pénales, RFD adm., 1999, 905.
[129]En matière domaniale, administration des eaux et forêts, art. L. 153-2, C. for. – En matière de voirie routière, au profit du ministre chargé de cette voirie, art. L. 116-8, C. voirie routière – En matière fiscale et d'infractions douanières et cambiaires, possibilité pour l'administration des douanes (art. 350, C. douanes) et pour celle des contributions indirectes (art. L. 248, Livre des procédures fiscales) de transiger.
[130]CEDH, 27 févr. 1980, Deweer c/ Belgique, série A, n° 35.
[131]Déc. 95-360 DC, 2 févr. 1995, Injonction pénale : RJ com. I, p. 632 ; D. 1995, chron. 171, Pradel et 201, Volff ; RFD const., 1995-22, 405, note Th. Renoux ; D. 1997, som. com. 130, obs. Th. Renoux.
[132]Fr. Le Gunehec, Présentation rapide de la loi : Semaine juridique des 14 et 21 juill. 1999, no 28 et 29, V° Actualité.
[133]Pour le détail de la réglementation de la composition pénale, v. Serge Guinchard et Jacques Buisson Procédure pénale, Litec, 2e éd. sept. 2002, n° 900 à 912. – Jocelyne Leblois-Happe, JCP 1999, I, 198. – Jean Pradel, D. 1999, chron. 379.
[134] Tanian Einaudi, L’obligation d’informer dans le procès administratif, LGDJ, collec. Biblio. dr. public, 2002.
[135]V. C. Hugo et Diego Pollet, La médiation et le juge dans l'ordre administratif, Petites affiches, 23 et 26 avr. 1999. – Etudes (quatre) de R.Ch. Dupuy, J.M. Perret, R. Ch. Dupuy et R. Beyssac, sur la pratique de la conciliation au TA de Nantes, RFD adm., 1999, respectivement p. 611, 614, 616 et 620. – J.M. Le Gars, Conciliation et médiation en matière administrative, AJDA, 20 juin 2000, p. 507. – Géraldine Chavrier, Réflexions sur la transaction administrative, RFD adm., 2000, 548.
[136] CE, 23 juin 1989, Rec. p. 146, concl. D. Levis ; AJDA 1989, 424, chron. E. Honorat et E. Baptiste.
[137] Pour un ex., CAA Marseille, 28 déc. 2000, AJDA 2001, 302, note L. Benoît.
[138]Cornu, Rev. hist. Fac. Dr., 1995, vol. 16, p. 241 ; repris in La codification, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 1996, p. 71.
[139]CEDH, 8 févr. 1996, arrêt Murray c/ Roy. Uni : Procédures, juin 1996, n° 194, obs. Buisson ; RSC 1997, 476, obs. R. Koering-Joulin.
[140]CEDH, 25 févr. 1993, Funke c/ France : JCP 1993, II, 22073, note R. et A. Garnon ; JCP 1994, I, 3472, n° 13, obs. Sudre ; Justices, 1996-3, 244, obs. Cohen-Jonathan et Flauss. – 17 déc. 1996, Saunders c/ Roy. Uni : RSC 1997, 478, obs. R. Koering-Joulin ; JCP 1997, I, 4000, n° 18, obs. Sudre ; AJDA 1997, 988, obs. Flauss. – 20 oct. 1997, Serves c/ France : JCP 1998, I, 107, n° 23, obs. Sudre ; RSC 1998, 395, obs. R. Koering-Joulin.
[141]CEDH, 17 déc. 1996, Saunders : préc. – Opinion dissidente du juge Martens (§ 12).
[142]CEDH, 8 févr. 1996 Murray, préc., § 47.
[143]CEDH, 17 déc. 1996, Saunders c/ Roy. Uni, préc. § 69, 2e phrase.
[144]CJCE, 18 oct. 1989, Orkem, aff. 347/87. – 10 nov. 1993, Otto/ Postbank, aff. C. 60/42.
[145]CEDH, 20 oct. 1997, Serves c/ France, préc.
[146]Crim. 28 sept. 1983 : D. 1984, 156, note Pradel.
[147] Sur le temps et le droit, en dernier lieu : Ch. Gavalda, Mélanges B. Mercadal, éd. Fr. Lefèbvre, 2002.
[148]Pour le droit américain, Federal Rules of civil procédure, Rule 1 ; New York Civil Pratice Law and Rules, § 104, cités par Peter E. Herzog : Justices, 1996-3, p. 446.
[149]M.-A. Eissen, La durée des procédures civiles et pénales dans la jurisprudence de la CEDH : Bull. inf. C. cass., 1er oct. 1995, p. 3. – Ch. Méral : Gaz. Pal. 1993, doctr. 480.
[150]CEDH 20 févr. 1991 : D. 1992, somm. 333, obs. Renucci ; JDI, 1992, 779, obs. E.D.
[151]Ibid.
[152]CEDH, 25 oct. 1988, arrêt Martins Moreira, série A, n° 143, § 44. – 24 mars 1984, arrêt Silva Pontès, série A, n° 286-A, § 33 : Justices, 1995-1, 170, obs. Cohen-Jonathan et Flauss. – 23 mars 1993 : Justices 1995, 1, 170, obs. G. Cohen-Jonathan et J.-F. Flauss. – 26 sept. 1996, arrêts Di Pede et Zappia c/ Italie : JCP 1997, I, 4000, n° 28, obs. Sudre ; D. 1997, Som. com. 209, obs. Fricero ; Rec. 1996-IV, vol. 17, p. 1376 (arrêt Di Pede) et p. 1403 (arrêt Zappia).
[153]TGI Paris, 6 juill. 1994 : JCP 1994, I, 3805, n° 2, obs. Cadiet ; Dr. et patrimoine, janv. 1995, p. 9, obs. de La Vaissière. – 5 nov. 1997 : Gaz. Pal. 8 nov. 1997 ; D. 1998, note Frison-Roche.
[154]L. Favoreu, Du déni de justice en droit français, thèse, LGDJ, 1964, p. 534.
[155]Sur la célérité dans la justice civile : Didier Cholet, La célérité de la procédure, thèse Poitiers, déc. 2003. Soraya Amrani-Mekki, Le temps et le procès civil, Dalloz, collec. Grandes thèses, 2002, préf. L. Cadiet. G. Canivet, Du principe d’efficience en droit judiciaire privé, Mélanges Drai, Dalloz, 2000. Jean Foyer, La judiciarisation en délire ou de l’abus du droit en un nouveau sens, Mélanges Terré, Dalloz/Ed. tech./PUF, 1999, 749. S. Guinchard, Le temps dans la procédure civile, rapport au Xvème colloque des IEJ, Annales Clermont-Ferrand, 1983; Les solutions d’orgnisation procédurale, rapport au coloque TGI Nanterre et Ass. philosophie du droit, 5 déc. 1995, Dalloz éd., collec. Thèmes et commentaires, 1996. J. Héron, Le temps et la procédure, rapport aux états généraux de la profession d’avocat sur la réforme de la procédure civile, Rev. jur. ïle de France, Dalloz éd., oct.-déc. 1997. J. Normand, Les facteurs d’accélération de la justice civile, Mélanges Drai, Dalloz, 2000. Michel Raynaud, Le principe de célérité en droit judiciaire privé, Conférence Association française de droit judiciaire privé, 1er mars 1984, imprimerie du TGI de Paris. – Y. Strickler, Les lenteurs de la justice, le procès, Annales Toulouse, 1998, p. 33. Ph. Théry, La justice entre l'exigence de la durée et la contrainte de l'urgence, Droits, 2000-30, p. 89.
[156]Sur la portée des récapitulations et leur sanction, v. Serge Guinchard, D. 1999, chron. 65.
[157]CEDH, 9 nov. 1999, Gozalvo c/ France, D. 2000, som. com. 183, obs. N. Fricero ; Procédures, avr. 2000, n° 93, obs. N. Fricero.
[158]Sur ce problème de la célérité : Roland Drago, Un nouveau juge administratif, Mélanges Jean Foyer, PUF, 1997, p. 451 (avec la banalisation et l'extension des procédures sommaires et les pouvoirs d'injonction et de substitution du juge). – Constance Chevallier-Govers, Le président du TA au secours de la célérité de la justice administrative, Gaz. Pal. 17 juin 2000.
[159]Commentaires : Cyril Clément, Petites affiches, 10 août 2000, p. 4. – Inès Moteillet Gaz. Pal. 9 sept. 2000, doctr. – Clotilde Morlot-Dehan, Petites affiches, 4 sept. 2000. – Roland Vandermeeren, La réforme des procédures d'urgence devant le juge administratif, AJDA 2000, p. 706. – B. Pacteau, RFDA 2000, 959 (Une réforme exemplaire). – Marjolaine Fouletier, RFDA 2000, 963 (Le référé). Emmanuelle Mignon, La réforme des procédures de référé devant le juge administratif: la fin de la grande misère pour le juge administratif, Courr. jur; fin. et ind., oct. 2000, n° 5. M. Ch. Roault, La loi du 30 juin 2000: un petit pas vers un traitemen efficace de l’urgence par le juge administratif, D. 2001, 398.
Sur des bilans: P. Cassia et A. Béal, (1er mars-31 août 2001), JCP 2001, I, 365. M. Guyomar et P. Collin, AJDA 2001, 465 (le Conseil d’Etat, juge de cassation en référé, première synthèse).Fr. Moderne, Vers une culture de l’urgence dans le contentieux administratif? D. 2001, 3283.
[160] Sur lequel, Claudie Boiteau, JCP 10 janvier 2001, Actualités, p. 53. Serge Deygas, Procédures, janv. 2002, chron. 1.
[161]CE, 23 janv. 1970, Rec. p. 51 ; AJDA, 1970, 174, note X. Delcros ; ibid., p. 609, chron. Labetoulle et Cabanes ; RDP 1970, 1035, note M. Waline.
[162]CE, 18 juin 1954, Préfet du Var.
[163] CE, en référé de section, 10 janv. 2001, Procédures, mai 2001, n. 116, obs. S. Deygas. V. aussi, CE, en référé de section, 12 oct. 2001, JCP 2002, II, 10020, note Danièle Crisstol.
[164] CE, ord. réf., 24 janv. 2002, D. Hannoun, Petites affiches, 29 janv. 2002, p. 5.
[165]T. confl., 12 mai 1997, Préfet de police de Paris c/TGI Paris, D. 1997, 567, note Legrand ; JCP 1997, II, 22861 ; RTD Civ. 1998, 186, obs. J. Normand ; AJDA, 1997, 574-584.
[166] Sur cette notion devant le juge administratif des référés, L. Favoreu, D. 2001, 1739. Premières applications : CE, sect., 18 janv. 2001, Commune de Venelles, RFDA 2001, 378, concl. M. Touvet ; Procédures, mars 2001, n. 73, obs. S. Deygas (libre administration des collectivités territoriales). 24 fév. 2001, ord. réf., Tiberi, D. 2001, 1748, note R. Ghévontian (caractère pluraliste de la liberté d’esxpression), etc..
[167] Sur cette notion, CE, 27 mars 2001, ord. réf., Djalout, JCP 2002, II, 10003, note Fr. Lichère.
[168] Sur cette notion, CE, 24 fév. 2001, ord. réf., Tiberi, D. 2001, 1748, note R. Ghévontian (caractère pluraliste de la liberté d’esxpression).
[169]Cons. conc., D. n° 87-849, 19 oct. 1987. – COB, D. n° 90-263, 23 mars 1990. – Conseil des marchés financiers, D. n° 90-869, 3 oct. 1996. – Autorité de régulation des télécommunications, D. n° 97-264, 19 mars 1997.
[170]Sur tous ces points, v. G. Canivet, Le principe d'efficience, Mélanges Drai, Dalloz, 2000.
[171]E. Putman, Les spécificités du droit processuel économique de l'urgence : Rev. conc. consom., Ministère de l'économie et des finances, n° 98, suppl. juill./août 1997, p. 35.
[172] Serge Guinchard, Vers une démocratie procédurale, Revue Justices 1999-1, nouvelle série, Dalloz éd., p. 91 ; Les métamorphoses de la procédure à l’aube du IIIème millénaire, in « Clefs pour le siècle », ouvrage collectif de l’université Paris 2, Dalloz éd., 2000 ; n° 542 et s. in Précis Dalloz de Droit processuel, 1ère éd. 2001, 3ème édition Droit processuel/Droit commun et droit comparé du procès, 2005 ; Quels principes directeurs pour les procès de demain ? Mélanges J. Van Compernolle, Bruylant éd. 2004. M.E. Boursier, La loyauté en droit processuel, Dalloz, nouvelle bibliothèque de thèses, 2003, préface Serge Guinchard.
[173] Sirey, 1953.
[174] V. notre ouvrage La publicité mensongère en droit français et en droit fédéral suisse – Etude critique de l’autonomie, au civil et au pénal, d’un délit économique, LGDJ, collec. Biblio. sc. crim., 1971, préface Albert Chavanne.
[175]V. . Perrocheau, Les fluctuations du principe de loyauté dans la recherche des preuves, Petites affiches, 17 mai 2002, p. 6. L. Raison-Rebuffat, Le principe de loyauté en droit de la preuve, Gaz.Pal. 27 juill. 2002, Doctr.
[176] Soc. 26 nov. 2002, D. 2003, 1858, note J. M. Bruguière.
[177]Motulsky, Mélanges Roubier, n° . 13 et s., note 27.
[178] Civ. 2ème, 23 oct. 2003, D. 2003, 2726 (irrecevabilité des conclusions récapitulatives qui réitère un comportement consistant à déposer au dernier moment des conclusions et à communiquer des pièces). Montpellier, 18 mars 2002, Bull. inf. cass. 15 nov. 2003, n° 1421. V. toutefois, Toulouse, 14 fév. 2002, D. 2003, 160, note Y. Schrikler, qui couvre une « déloyauté » ayant consisté à présenter une seconde requête (devant un vice-président) aux mêmes fins qu’une première (devant le président) qui avait été rejetée et dont le recours en référé-rétractation n’avait pu être examiné par le président du tribunal, l’appel n’ayant pas été réalisé. Comp. Civ. 2ème, 7 nov. 2002, D. 2002, 3188, qui sanctionne l’ingéniosité d’un plaideur dans le cas où la seconde ordonnance avait refusé de rétracter la première ayant fait droit à la demande.
[179]Civ. 1re, 19 nov. 1991 : Bull. I, n° 316.
[180]Com. 27 mars 1990 : D. 1991, 503, note Bonnard.
[181]Crim. 11 juin 1996 : D. 1997, 576, note Agostini.
[182]V. les réserves émises par O. Hillel et M.N. Jobard-Bachelier, Les applications du principe[de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui] en droit du contentieux interne et international, in actes du colloque, Univ. Paris 5, 13 janv. 2000, Economica, p. 53.
[183]E. Gaillard, Rev. arbitr. 1985, 241. — Ph. Pinsolle, Distinction entre le principe de l'estoppel et le principe de bonne foi dans le commerce international : JDI, 1998, 905.
[184]H. Muir Watt, Pour l'accueil de l'estoppel en droit privé français : Mélanges Loussouarn, Dalloz, 1994, 303. Sur l'estoppel, O. Moreteau, L'estoppel et la protection de la confiance légitime, thèse (dacty.) Lyon III, 1990.
[185]H. Muir Watt, préc.
[186]Civ. 1re, 14 mai 1996, Bull. I, n° 202.
[187]Civ. 2e, 11 mars 1999, JCP 1999, II, 10095, note H. Croze.
[188]Paris, 1ère ch. C, 5 juill. 2001, Société SFHT. V. aussi, Paris, 12 sept. 2002, Rev. arbit. 2003, 173, note M. E. Boursier.
[189] V. Xavier Lagarde, in Droit processuel/Droit commun et droit comparé du procès, op. cit., n° 600. J.B. Racine, Les garanties de loyauté dans les modes alternatifs de résolution des conflits, in Pluralisme des MARC, pluralisme du droit (dir. J.B. Racine), GIP Justice, L’hermès éd., 2002.
[190] Rapport précité, p. 35.
[191]Débats du mercredi 24 mars 1999, Le Monde, 26 mars 1999, p. 10. Les réserves ont notamment été émises par Maître Arnaud Montebourg.
[192] Sur ce regret, P. Couvrat et G. Giudicelli-Delage, Rev. sc. crim. 2001, 139.
[193]Ch. réunies, 31 janv. 1888 : S. 1889, 1, 241.
[194]Crim. 9 oct. 1980, arrêt Tournet : JCP 1981, II, 18578, note Di Marino. 28 oct. 1991 : JCP1992, II, 21952, note Pannier.
[195]Crim. 23 août 1994 : Bull., n° 291. — 16 déc. 1997 : D. 1998, 537, note Pradel.
[196]CEDH, 24 août 1990, arrêt Kruslin. .
[197]Crim. 5 mai 1999, D. 1999, IR, 192. .
[198]Crim. 7 mai 1996 : Procédures, sept. 1996, n° 270, obs. Buisson.
[199]Crim. 6 mai 1997 : Procédures, sept. 1997, n° 218, obs. Buisson.
[200]Crim. 27 févr. 1996, arrêt Schuller/Maréchal : D. 1996, 436, note Guéry ; JCP 1996, II, 22629, note Rassat. — V. aussi, Crim. 17 oct. 1991 : Dr. pénal, 1992, n° 27.
[201]Crim. 18 févr. 1958, Bull. n° . 163. — 16 mars 1961, Bull. n° 172 ; JCP 1961, II, 12157, noteJ. Larguier. — 26 avr. 1987 : Bull. 173. — 11 févr. 1992 : Bull., n° 66 ; D. 1993, som. com. 206, obs. Pradel  (avec Crim. 23 juill. 1993).
[202]Crim. 6 avr. 1993 : JCP 1993, II, 22144, note Rassat (pour un enregistrement obtenu en commettant une infraction pénale). — 15 juin 1993, Bull. n° 210 ; D. 1994, 613, note C. Mascala (lettre produite en violation du secret des correspondances). Et déjà, Crim. 23 juill. 1992 : Bull.,n° 274. — 6 avr. 1994 : Bull. n° 136. — 30 mars 1999, D. 1999, IR, 131 ; RGDP 1999-4, 640, obs. Didier Rebut (remise à un juge, par une partie, de documents et d'enregistrements obtenus à l'insu de la personne qui les détenait ou qui avait tenu les propos).
[203]Crim. 15 juin 1993 : Bull. n° 210 ; D. 1994, 613, note C. Mascala.
[204]Paris, 8 avr. 1994 : BOCCRF, 18 mai 1994. — Paris, 17 mai 1994 : BOCCRF, 7 juin 1994.
[205]E. Putman, Contentieux économique, PUF, 1998, n° 180, p. 175.
[206]Paris, 2 mars 1999, Soc. Seco-Desquenne. .
[207]Cons. conc., Déc. n° . 99-D-78, 15 déc. 1999, Porcelaines de Limoges, BOCC, 7 mars 2000, p. 139, spéc. p. 141.
[208]Paris, 2 avr. 1996, BOCC, 15 mai 1996, p. 167 ; Contrats-Concurr.Consom. 1996, n° 108, obs. L. Vogel.
[209]Com. 21 mars 2000, Contrats-Concurr. Consom. juin 2000, . n° 98 ; RTD com. 2000, 628,obs. E. Claudel, qui casse Paris, 13 janv. 1998. Et déjà, Paris, 16 déc. 1994, BOCC, 28 déc. 1994 ;D. 1995, IR, 22. — 14 avr. 1995, BOCC 1995, p. 160.
[210]Paris, 12 déc. 2000, BOCCRF 23 janv. 2001, p. . 32 ; RTD com. 2001, 419, obs. E. Claudel. Laréférence à l'obligation de loyauté se trouve déjà dans Paris, 6 juin 2000, Petites affiches, 29 mars2001, p. 13, obs. M. Malaurie-Vignal.
[211]Cons. conc., Déc. n° . 98-MC 08, 8 sept. 1998 : Contrats-Concurrences-Consommation,févr. 1999, n° 25, obs. M. Malaurie-Vignal.
[212] Il suffit de consulter les manuels de procédures civile, pénale et administrative pour s’en convaincre.
[213]Vincent et Guinchard, Procédure civile, op. cit., n° 145, c.
[214] Constantin et Ioannis Delicostopoulos, in Précis de Droit processuel/ Droit commun et droit comparé du procès, op. cit., n° 5-2.
[215] V. Vincent et Guinchard, Procédure civile, 27ème éd., 2003, n° 877.
[216] Serge Guinchard, La publicité mensongère en droit français et en droit fédéral suisse, op. cit.
[217] Poitiers, 27 fév. 2001, Jurisdata, n° 2001-165488. Paris, 26 juin 2003, Jurisdata, n° 2003-224084. V. Aurélien Condomines, Contester en justice la publicité d’un concurrent : une arme efficace mais à double tranchant, D. 2004, 2842.
[218] Serge Guinchard, La publicité mensongère en droit français et en droit fédéral suisse, op. cit.
[219] Voy. ses déclarations à Aix-en-Provence, en octobre 2003, lors d’une rencontre magistrats/avocats ; le Garde avait dit publiquement qu’il n’en était plus question car il s’agissait d’une atteinte trop grave portée au principe du double degré de juridiction.
[220] V. Frédérique Ferrand, in Droit processuel, Droit commun et droit comparé du procès, op. cit. 3ème éd., 2005, n° 5 bis.
[221] K. Schellhamer, Zivilprozessreform und esrste Instanz, MDR 2001, p. 1081, cité par Fr. Ferrand in Droit processuel, Droit commun et droit comparé du procès.
[222] Publiée en 1979 aux éditions L’Hermès, Lyon.
[223] Qui eut la chance et l’honneur d’être publié à la Bibliothèque de sciences criminelles, LGDJ, 1971, préface A. Chavanne, ce qui explique que beaucoup ont longtemps cru qu’il s’agissait de ma thèse pour le doctorat et, qu’au concours d’agrégation, en 1975, je me présentais devant le jury avec une œuvre publiée et une thèse en cours de publication, ce qui donna lieu à un partage égal des questions posées entre ces deux ouvrages, le doyen Carbonnier, Raymond Gassin et Bruno Oppetit m’interrogeant sur la publicité mensongère (et le droit suisse), alors que le haut-conseiller Jean Viatte préféra le terrain de l’affectation des biens (surtout sur les servitudes et les chemins ruraux !), les trois autres restant silencieux (Michel Despax, Jean Derruppé et Christian Gavalda).
[224] TGI Paris, 3 avr. 1996 : Gaz. Pal. 1996, 584 et Doctr. 1406, J.-C. Woog.
[225] T. corr. Lyon, 10 mai 1996, inédit, affaire Bonnet, Guinchard et Noir.
[226] Marchés de dupes. L’économie du mensonge et de la manipulation, O. Jacob, 2016.
[227] J.-P. Pascal, « Le rôle du droit dans l’économie de marché… de dupes », D. 2016. 1641.
[228] C. Hervé, M. Stanton-Jean et M.-F. Mamzer (dir.), Dalloz, coll. « Thèmes & commentaires », 2016.
[229] J. Green, Épaves, Bibl. de la Pléiade.
[230] V. le film Les marches du pouvoir de et avec George Clooney, 2011.
[231] On y ajoutera la lecture, édifiante sur leur vécu du double langage en politique, des ouvrages d’Anne Pingeot (Gallimard, 2016) qui reproduit les mille lettres d’amour à elle adressée par son amant de 1962 à 1995, François Mitterrand et de G. Davet et F. Lhomme, Un Président ne devrait pas dire ça (Stock, 2016) sur les propos tenus par François Hollande sur les sportifs, les magistrats et beaucoup d’autres : la justice est « une institution de lâcheté… Parce que c’est quand même ça, tous ces procureurs, tous ces hauts magistrats, on se planque, on joue les vertueux… On n’aime pas le politique. La justice n’aime pas le politique… ».
[232] L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, La Documentation française, 2008.
[233] Loi no 2016-1547 du 18 nov., de modernisation de la justice du xxie siècle, art. 12-III qui modifie en ce sens l’article L. 211-16 COJ.
[234] La raison officieusement donnée (elle nous l’avait été en 2008 lors d’une réunion à la Chancellerie entre le bureau de la commission Guinchard et certains magistrats en fonction dans ce ministère) est que les enfants mineurs des couples non mariés ne sont pas protégés lorsque leurs enfants se séparent, donc que ceux de couples mariés n’ont pas à se plaindre ! Horrifié, j’avais répondu que le droit est fait pour protéger les faibles et tirer vers le haut ceux qui ne le sont pas et que l’institution du mariage précisément avait des vertus que l’union libre n’avait pas. 8 ans plus tard les vieux démons d’un travail de sape de nos institutions l’ont emporté sur la modération.
[235] Rapport, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, La Documentation française, 2008, proposition no 25.
[236] Dans son rapport, la commission consacra 32 pages sur 300 (p. 87 à 119) à cette question.
[237] Déclaration de M. Stéphane Noël, président du TGI de Créteil, au Figaro du 10 juin 2016.
[238] Rapport de Caroline Cox, membre de la Chambre des Lords, « Un monde parallèle », 23 mars 2015, Le Figaro Magazine, 3 avr. 2015, p. 117, chron. F. d’Orcival, « La Charia chez les Anglais ».
[239] Crim. 4 juin 1997, no 96-80.520, Bull. crim., no 223, p. 745.
[240] V., S. Guinchard, intervention à la table ronde organisée par l’Institut Michel Villey de l’université Paris 2, sous la direction du professeur Stéphane Rials, autour du livre d’É. Zoller sur l’affaire Clinton (De Nixon à Clinton, malentendus juridiques transatlantiques, PUF, 1999), in revue Droits, 1999, no 29, p. 140 s.
[241] É. Zoller, op. cit., p. 25.
[242] Le Monde 13-14 janv. 2008, p. 13.
[243] Crim. 6 janv. 1998, Bull. crim., no 1 ; RGDP 1998. 461, obs. D. Rebut ; Procédures 1998, no 96, obs. Buisson ; D. 1999. 246, note G. Yildrim.
[244] Crim. 20 mars 1996, Bull. crim., no 124 (affaire Michel Noir).
[245] M. Turpain, in l’Almanach populaire.
[246] Civ. 27 févr. 1951, D. 1951. 329, note H. Desbois.
[247] J. Carbonnier, « Le silence et la gloire », D. 1951. 119.
[248] Crim. 17 nov. 2015, no 14-81.410, D. 2016. 55, note A. Sérinet.
[249] Et l’éditeur aussi.
[250] Ma conception de l’éthique m’avait conduit, dans la 8e édition d’octobre 1994 (datée 1994-1995) à rendre un hommage posthume, en page de garde, à celle qui, au sein des éditions techniques (Litec d’alors), avait pris en charge la fabrication de l’ouvrage par la formule : « à la mémoire de Marie-Pascale Naël qui a collaboré activement à la fabrication des éditions précédentes du CPC ».
[251] À preuve, un jeune collègue processualiste (agrégé qui plus est !) me confia un jour qu’il ignorait que j’étais à l’origine de ce code…
[252] Respectivement Loïs Raschel et Thomas Clay.
[253] L. Leveneur qui reprit le Code civil créé par notre collègue Lucas.
[254] Pour les 1res Rencontres du 14 juin 2002, no 2 des hors-série en 2003. Pour celles du 23 janv. 2004, no 3 des hors-série en 2005.
[255] On m’objectera peut-être que la « nouvelle » numérotation ne concerne que les rencontres publiées dans cette collection de Paris 1 et que, littéralement, elle n’est pas mensongère ; mais, dans ce cas, il était possible, tout à la fois, de faire partir ces (nouvelles) rencontres à compter de leur 3e édition et d’indiquer que les deux premières furent publiées chez un autre éditeur.
[256] Avec Thierry Debard qui a succédé à Gabriel Montagnier.
[257] Le Figaro, 23 août 2015.
[258] Au titre des principes généraux du droit de l’UE, la confiance légitime et la sécurité juridique ne sont-elles pas une illustration de la loyauté qui doit exister dans les relations des citoyens avec les pouvoirs publics ?
[259] CEDH 26 sept. 1996, Miailhe c/ France, Rec. CEDH 1996-IV, § 48-44 et chron. Flauss, RFFP 1999. 81 ; JCP 1997. I. 4000, obs. Sudre.
[260] CEDH 5 oct. 2000, Apeh Üldözötteinek Szvövetsège et alii c/ Hongrie, Rec. CEDH 2000-X, § 42, qui confirme CEDH 22 févr. 1996, Bulut c/ Autriche, § 49.
[261] V. les ex. commentés par N. Fricero en 2012, Dr. et proc. 2012/8, Cahier des proc. intern. nos 11 à 14, p. 13.
[262] J. Jehl, JCP 2015. Actu. 1403.
[263] CA Québec, 1er nov. 2016, QCCA 1755, Lavigne c/ 6040993 Canada in., JCP 2016, no 1293, obs. J. Jehl et [http://citoyens.soquij.qv.cq].
[264] V., J.-F. Van Drooghenbroeck, in G. De Leval et F. Georges (dir.), Le droit judiciaire en mutation, en hommage à Alphonse Kohl, Commission Université-Palais, Université de Liège, vol. 95, 2007, p. 213 s., spéc. 234, « nul ne contestera l’avènement du postulat de loyauté au nombre des principes directeurs du procès civil ». Et, in Justices et droit du procès. Du légalisme procédural à l’humanisme processuel. Mélanges en l’honneur de S. Guinchard, Dalloz, 2010, les écrits de J. Van Compernolle, p. 413 (« Quelques réflexions sur un principe émergent : la loyauté procédurale ») et J. Van Drooghenbroeck, p. 425 (« La loyauté procédurale au-dessus de l’ordre public. Irrecevabilité du moyen renégat devant la Cour de cassation de Belgique »).
[265] Cass. belge, 27 nov. 2014, no C. 13.04666. F/2, E.M. c/ Ville d’Eupen.
[266] Pour une bibliographie complète, v. notre précis de Droit processuel/Droits fondamentaux du procès, 9e éd., Dalloz, 2017, no 542.
[267] Droit civil. Introduction au droit, PUF, coll. « Thémis », 2002, no 188, p. 375.
[268] Cornu et Foyer, Procédure civile, 3e éd., PUF, coll. « Thémis », no 100, p. 457.
[269] H. Motulsky, « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la défense en procédure civile », in Mélanges en l’honneur de P. Roubier, Dalloz-Sirey, 1961, no 16, p. 187.
[270] H. Muir Watt, note ss. Civ. 1re, 21 nov. 2006, Rev. crit. DIP 2007, spéc. p. 580, note 1 : « ce dernier [la loyauté des comportements] étant désormais perçu, à travers le premier [le souci d’économie procédurale], comme un principe directeur du procès, assurant la gouvernance de celui-ci en conjuguant efficacité procédurale et procès équitable ». J. Van Compernolle, « Quelques réflexions sur un principe émergent : la loyauté procédurale », in Mélanges Guinchard, op. cit., p. 413. J.-F. Van Drooghenbroeck, in G. De Leval et F. Georges (dir.), Le droit judiciaire en mutation, en hommage à Alphonse Kohl, Commission Université-Palais, Université de Liège, vol. 95, 2007, p. 213 s., spéc. p. 234, « nul ne contestera l’avènement du postulat de loyauté au nombre des principes directeurs du procès civil » et aux Mélanges Guinchard, op. cit., p. 425, « La loyauté procédurale au-dessus de l’ordre public. Irrecevabilité du moyen renégat devant la cour de cassation de Belgique ».
[271] S. Guinchard, « De la loyauté de la concurrence à la loyauté de la procédure. Ou les dangers de la proclamation d’un principe conçu exclusivement comme l’instrument d’une politique de gestion des flux judiciaires », in Études sur le droit de la concurrence et quelques thèmes fondamentaux. Mélanges en l’honneur d’Y. Serra, Dalloz, 2006, p. 229, pour critiquer le rapport dit Magendie I, sur la célérité et la loyauté de la justice qui instrumentalisait cette dernière pour en faire un outil de régulation des flux ; ce qui s’est concrétisé dans l’arrêt Césaréo de l’assemblée plénière du 7 juill. 2006, arrêt qui impose aux parties de concentrer leurs moyens dès la première instance sous la sanction de se voir opposer l’autorité de la chose jugée.
[272] L. Cadiet, « La légalité procédurale en procédure civile », BICC 15 mars 2006.
[273] P. Didier, Droit commercial, 1re éd., 1970, PUF, p. 184 à 203. Enseignement de doctorat, Lyon, Faculté de droit, 1968-1969.
[274] M. Douchy-Oudot, loc. cit., Gaz. Pal. 17 nov. 2009.
[275] Perrot, RTD civ. 2006. 151, qui craint les conséquences imprévisibles de la reconnaissance de ce nouveau principe, au motif qu’il est empreint d’une forte connotation morale.
[276] B. de Lamy, « La loyauté, principe perturbateur des procédures ? », note ss. Com. 24 mai 2011, no 10-18267, JCP 2011. Doctr. 988, qui y voit « un principe hasardeux », « un concept indéfinissable » qui « devrait simplement être utilisé comme modérateur pour remédier aux excès les plus criants, aux abus les plus manifestes, ne pouvant être corrigés par les principes directeurs. L’ériger en principe autonome, doté de critères d’application incertains, revient à prendre le risque de déséquilibrer les procédures au hasard des espèces ».
[277] P. Roubier, Le droit de la propriété industrielle, t. 1, Sirey, 1952. L’ouvrage, première synthèse de ce droit, fait suite mais le surpasse et le transcende, à celui de Pouillet, Traité des marques de fabrique et de la concurrence déloyale en tous genres, 6e éd. par Taillefer et Claro, Paris, 1911.
[278] S. Guinchard, « De la loyauté de la concurrence à la loyauté de la procédure ou les dangers de la proclamation d’un principe conçu exclusivement comme l’instrument d’une politique de gestion des flux judiciaires », in Mélanges Y. Serra, op. cit., p. 229.
[279] L. Miniato, « L’introuvable principe de loyauté en procédure civile », D. 2007. 1035. V., en réponse, S. Guinchard, « L’autorité de la chose qui n’a pas été jugée à l’épreuve des nouveaux principes directeurs du procès civil », in De code en code. Mélanges en l’honneur du doyen G. Wiederkehr, Dalloz, 2009, spéc. p. 381-382, « Qui cherche, trouve ».
[280] V. par ex., à propos de l’impartialité du juge, E. Baraduc, « L’avocat, garant de l’impartialité du juge », in Études en l’honneur de A. Ponsard. La Cour de cassation, l’Université et le Droit, Litec, 2003, spéc. p. 44-45 : « la mosaïque d’un procès loyal intègre la loyauté du professionnel qui en a la maîtrise » (no 19).
[281] A. Couret, « Devoir de loyauté et devoir de dénonciation », Gaz. Pal. 24 mars 2007, Doctr.
[282] J.-B. Racine, « Les garanties de loyauté dans les modes alternatifs de résolution des conflits », in J.-B. Racine (dir.), Pluralisme des MARC, pluralisme du droit, GIP Justice, L’Hermès, 2002. C. Arens et N. Fricero, « Médiation et conciliation : modes premiers de règlement des litiges ? À propos du décret no 2015-282 du 11 mars », Gaz. Pal. 25 avr. 2015, no 114-115, p. 13.
[283] En nous permettant de renvoyer le lecteur, pour plus de détails, au précis de Droit processuel/Droits fondamentaux du procès, op. cit., nos 542 à 545.
[284] Par ex. Colmar, 3 oct. 2016, nos 16/00540 et 72/22016 : rejet d’une demande d’inscription au barreau pour déloyauté.
[285] Dans ce domaine des relations entre avocats, Jean Carbonnier avait noté « qu’en pratique, un minimum de loyauté est assuré par la déontologie qui gouverne les rapports entre avocats, ainsi que par le contrôle du juge (cf. art. 3, C. pr. civ.) » : Droit civil, Introduction, op. et loc. cit., no 188, p. 375.
[286] L. Cadiet, « Commentaire rapide de la loi no 2016-1547 du 18 novembre », Procédures 2016. Étude 11.
[287] V., S. Chalandon, Le Canard enchaîné, 29 févr. 2002, p. 4, « Un éminent juriste déconfit d’intérêts ».
[288] Sur les conflits d’intérêts du juge, S. Guinchard, « La gestion des conflits d’intérêts du juge : entre statut et vertu », in revue Pouvoirs, no 147, Les conflits d’intérêts, p. 79-90.
[289] V. Vigneau, « La preuve par l’image… de la théorie à la pratique », Dr. et proc. 2015/2, p. 25, spéc. no 14, p. 27. L. Raison-Rebuffat, « Le principe de loyauté en droit de la preuve », Gaz. Pal. 27 juill. 2002, Doctr. Dossier de la revue Procédures 2015, nos 7 à 27, suite au colloque du TGI Paris, 15 oct. 2015 (en toute matière). Motulsky y voyait l’une des composantes des droits de la défense, loc. et op. cit., in Mélanges P. Roubier, op. cit., nos 13 s., note 27.
[290] L. Cadiet, J. Normand et S. Amrani-Mekki, Théorie générale du procès, 2e éd., PUF, 2013, no 178.
[291] T. Vasseur, rapport présenté aux Rencontres de procédure civile, 5 déc. 2015, JCP 2016, no spécial de janvier ; la remarque est loin d’être pertinente : un code peut être « rigoureusement ordonnancé » et contenir des notions floues, à l’instar du Code civil avec les (anciennes) notions de « bon père de famille », de « bonnes mœurs », etc.
[292] Entretien avec J.-M. Hayat, Procédures oct. 2015, no 1. Du même auteur, au colloque du TGI Paris, 15 oct. 2015, sur la loyauté de la preuve, « La loyauté de la preuve et la loyauté du juge », Annonces de la Seine, 7 nov. 2015, no 47, p. 2. Au même colloque, rapport de synthèse de N. Fricero, p. 4 (« La mort annoncée de la loyauté »).
[293] Cass., ass. plén., 7 janv. 2011, D. 2011. 562, chron. Fourment (« Du principe de loyauté de la preuve et de son application aux matières civile et pénale ») et 618, note V. Vigneau ; JCP 2011, no 43, obs. M. Malaurie-Vignal ; Gaz. Pal. 22 mars 2011, note S. Amrani-Mekki.
[294] Soc. 6 févr. 2013, no 11-23738, D. 2013. 2802, obs. J.-D. Bretzner ; RTD civ. 2013. 380, obs. H. Barbier.
[295] Soc. 2 juill. 2015, no 14-13778, Gaz. Pal. 22 sept. 2015, no 263-265, p. 25, obs. L. Mayer.
[296] Civ. 2e, 10 févr. 2011, no 10-13.894, D. 2011. 600, RTD civ. 2011. 388, obs. P. Théry. Rappr. Civ. 2e, 26 mai 2012, no 11-17.299, D. 2012. 2066, obs. Leroy-Gissinger et F. Reanuet-Maliganc (l’huissier ne peut fouiller à son gré les locaux d’une société, sur le fondement de l’article 145 C. pr. civ., sans avoir préalablement sollicité la remise spontanée des documents et obtenu le consentement du requis).
[297] Civ. 2e, 20 mars 2014, deux arrêts, nos 13-11.135 et 12-29.568, Gaz. Pal. 9 sept. 2014, obs. Foulon et Strickler ; D. 2014. 2478, obs. Bretzner ; RTD civ. 2014. 441, obs. Perrot.
[298] Mêmes arrêts cités dans la note précédente, avec Civ. 2e, 15 mai 2014, nos 13-11.136 et 13-17.362, D. 2014. 2485, obs. J.-D. Bretzner.
[299] V. en ce sens les observations critiques de C. Pelletier, ss. Lyon, 26 mars 2008, RG no 06/06024, RDC 1er janv. 2009 et C. Chainais in Précis de procédure civile, op. cit., no 2115-1.
[300] Paris, pôle 1, ch. 2, 25 oct. 2012, RG no 11/19735.
[301] Civ. 2e, 24 sept. 2015, no 14-21.145, Gaz. Pal. 22 déc. 2015, no 354-356, p. 27, obs. L. Mayer.
[302] M. Mekki, « Le principe de la loyauté procédurale a-t-il encore un avenir dans le contentieux de la concurrence ? », D. 2016. 2355.
[303] Par ex. Civ. 1re, 18 déc. 2014, no 13-19.896.
[304] Civ. 2e, 7 nov. 2002, D. 2002. 3188, qui sanctionne l’ingéniosité d’un plaideur dans le cas où la seconde ordonnance avait refusé de rétracter la première ayant fait droit à la demande. V. toutefois, Toulouse, 14 févr. 2002, D. 2003. 160, note Y. Strickler, qui couvre une « déloyauté » ayant consisté à présenter une seconde requête (devant un vice-président) aux mêmes fins qu’une première (devant le président) qui avait été rejetée et dont le recours en référé-rétractation n’avait pu être examiné par le président du tribunal, l’appel n’ayant pas été réalisé.
[305] V. Guinchard et alii, Droit processuel/Droits fondamentaux du procès, op. cit., no 543.
[306] Civ. 1re, 13 janv. 1993, no 90-20.426 ; Civ. 1re, 28 janv. 2010, no 08-21.036 ; Civ. 2e, 30 janv. 2003, Bull. civ. I, no 23. N. Dupont, « L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui en procédure civile », RTD civ. 2010. 459 et note ss. Civ. 2e, 9 sept. 2010, D. 2011. 145.
[307] Sur lequel, v. Guinchard et alii, Droit processuel/Droits fondamentaux du procès, op. cit., no 543.
[308] G. Bolard, « Le moyen contraire aux précédentes écritures », in La procédure en tous ses états. Mélanges J. Buffet, Montchrestien/EJA/Petites affiches, 2004, p. 51.
[309] L. Boré, La cassation en matière civile, Dalloz, coll. « Dalloz-Action », mai 2015, no 81.44, p. 468.
[310] Y. Derains, « Les nouveaux principes en droit de l’arbitrage : confidentialité, célérité, loyauté », in T. Clay (dir.), Le nouveau droit français de l’arbitrage, Lextenso, 2011, p. 91.
[311] Paris, 1re ch. C, 5 juill. 2001, Société SFHT. V. aussi, Paris, 12 sept. 2002, Rev. arb. 2003. 173, note M. E. Boursier.
[312] Paris, 12 sept. 2002, Rev. arb. 2003. 173, note M. E. Boursier.
[313] Paris, 18 nov. 2004 et 23 juin 2005, D. 2005. 3059, obs. T. Clay.
[314] Civ. 1re, 8 juill. 2010, Dr. et proc. 2010. 291, note G. Cuniberti.
[315] V., Guinchard et Buisson, Procédure pénale, 10e éd., LexisNexis, coll. « Manuel », 2014, nos 564 s.
[316] Crim. 7 janv. 2014, no 13-85.246, JCP 2014, no 272, note A. Gallois, 409, no 16, obs. A. Maron et 1058, note M.-L. Guinamant ; Dr. pénal 2014. Étude 7, A. Bergeaud-Wetterwald ; D. 2014. 264, obs. S. Detraz, D. 2014. 407, étude E. Vergès et D. 2014. 1736, obs. Pradel ; RSC 2014. 130, obs. J. Danet.
[317] Sur ce lien, Guinchard et Buisson, Procédure pénale, op. cit., no 489.
[318] Crim. 7 oct. 2014, no 11-83.598, AJ pénal 2014. 577, note O. Cahn (auditions déloyales à Guantanamo de 5 ressortissants français par des autorités françaises, ensuite jugés en France : ces autorités étaient présentées comme des diplomates accomplissant une mission humanitaire). Solution justifiée, selon la Cour, par le fait que l’irrégularité des actes déloyaux serait compensée par le respect du contradictoire et l’assistance d’un avocat dans les phases ultérieures de la procédure et par le discernement des magistrats lorsqu’ils forgent leur intime conviction.
[319] Crim. 6 mars 2015, no 14-84.339, Gaz. Pal. 21 mars 2015, no 80, note S. Raoult ; D. 2015. 628, obs. S. Fucini et D. 2015. 1738, obs. Pradel ; JCP 2015, no 558, note E. Bonis-Garçon ; AJ pénal 2015. 362, note C. Girault et AJ pénal 2016. 115, étude P. de Combles de Nayves ; RSC 2015. 117, obs. Delage et 971, chron. Renucci.
[320] Crim. 14 avr. 2015, no 14-87.914, JCP 2015, no 789, note O. Décima.
[321] Crim. 15 oct. 2015, no 15-82.013, JCP 2016, no 335, note H. Matsopoulou.
[322] A. Beduschi-Ortiz, « La notion de loyauté en droit administratif », AJDA 2011. 944. X. Domino et A. Bretonneau, « De la loyauté dans le procès administratif », AJDA 2013. 1276 (à propos de deux arrêts, CE 19 juin 2013, no 340093, CCI Angoulême et 21 juin 2013, no 35427, Communauté d’agglomération du pays de Martigues) (aussi Gaz. Pal. 14 sept. 2013, obs. B. Seiller et E. Sagalovitsch, AJDA 2014. 1121, « Droit souple et principe de loyaté »). B. Seiller et M. Guyomar, Contentieux administratif, 3e éd., Dalloz, coll. « HyperCours », 2014, chap. 7, no 785, spéc. p. 366.
[323] CE 16 juill. 2014, no 355201, JCP 2014, no 1058, obs. M.-L. Guinamant.
[324] CE 23 mars 1973, Cie assurance l’Union, Lebon 251 (contentieux de l’urbanisme) ; CE 15 avr. 1986, Institut de radiologie, Lebon 138, qui généralise la solution à tous les contentieux. V. spéc. les conclusions R. Abraham ss. ce dernier arrêt, qui justifie cette jurisprudence par l’idée de « loyauté du débat contentieux », RFDA 1996. 761.
[325] CE, avis, 28 déc. 2009, Commune de Béziers.
[326] CE 7 mai 2012, no 342107, AJDA 2013. 1172, note N. Foulquier.
[327] CE, avis, 1er avr. 2010, Procédures 2010, no 256, obs. S. Deygas ; Gaz. Pal. 6 juill. 2010 ; Dr. fisc. 2010, no 299, concl. P. Collin ; AJDA 2010. 1327, note H. Belrhali-Bernard.
[328] CE 2 juill. 2014, no 368590, AJDA 2014. 1414, obs. Pastoret, 1897, rapport G. Dumortier et p. 1935, étude J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe ; Gaz. Pal. 6 sept. 2014, chron. B. Seiller ; JCP 2014. Doctr. 1232, no 4, obs. Y. Sérinet.
[329] A. Ciaudo et A. Frank, « Pour l’utilisation de l’estoppel dans le procès administratif », AJDA 2010. 479.
[330] Cass., ass. plén., 7 janv. 2011, nos 09-14.316 et 09-14.667, BICC 1er févr. 2011, p. 22, rapport Bargue et avis (contraire) Mme Petit ; D. 2011. 157, obs. E. Chevrier, D. 2011. 562, note F. Fourment et D. 2011. 618, chron. Vigneau ; Gaz. Pal. 17 févr. 2011, note S. Régnault ; RTD civ. 2011. 127, obs. B. Fages et RTD civ. 2011. 383, obs. Théry ; Dr. et proc. 2011. 97, obs. Fricero ; JCP 2011. Doctr. 43, obs. M. Malaurie-Vignal. Déjà, Com. 25 févr. 2003, RTD civ. 2004. 92, obs. Mestre et Fagès ; Civ. 2e, 7 oct. 2004, Bullciv. II, no 447 ; D. 2005. 122, note Bonfils ; RTD civ. 2005. 135, obs. Mestre et Fagès ; D. 2006. 1385, obs. E. Claudel ; Com. 3 juin 2008, D. 2008. 2753, obs. M.-L. Bélaval et R. Salomon ; Gaz. Pal. 11 sept. 2008, note J.-C. Rodo.
[331] Com. 24 mai 2011, no 10-18.267, JCP 2011. Doctr. 988, B. de Lamy.
[332] Trois besoins et trois principes : un besoin de confiance dans l’institution justice et de respect de l’Autre, d’où un principe (structurant) de loyauté, notamment dans la recherche de la preuve ; un besoin d’écoute de l’Autre, qu’il s’agisse des parties ou du juge, voire de tiers, d’où un principe (structurant) de dialogue entre les parties et entre celles-ci et le juge ; un besoin de proximité enfin, mais pas forcément dans l’espace, le temps mis à parcourir une distance se substituant à la proximité géographique, d’où un principe, lui aussi structurant, de célérité.
[333] V., G. Drago, Contentieux constitutionnel français, 4e éd., PUF, coll. « Thémis », 2016, no 454, qui applique ces trois principes à ce type de contentieux, spéc. p. 441. V. aussi, G. Drago, « Quels principes directeurs pour le procès constitutionnel ? », in Mélanges S. Guinchard, op. cit., p. 439.
[334] No 7.
[335] Nos 9 et 10.
[336] V. l’ensemble de nos écrits, à partir de 1999 [mais en germe dès 1991 dans la 22e édition du Précis de procédure civile, bâti sur les trois termes de la devise républicaine] : « Vers une démocratie procédurale », Justices, nouvelle série, 1999. 91, repris plus amplement in « Les métamorphoses de la procédure à l’aube du IIIe millénaire », in Clefs pour le siècle, Paris 2-Dalloz, 2000, p. 1135-1211 ; « Ô Kress, où est ta victoire, ou la difficile réception en France d’une (demie) leçon de démocratie procédurale », in Libertés, justice, tolérance. Mélanges en hommage au Doyen G. Cohen-Jonathan, Bruxelles, Bruylant, 2004, vol. 2, p. 937 ; « Quels principes directeurs pour les procès de demain ? », in Mélanges J. van Compernolle, Bruylant, 2004 ; Rép. pr. civ., Dalloz, Cahiers de l’actualité, janv. 2007/1, « Les prémices d’une démocratie procédurale » ; « La doctrine, le juge et l’avènement d’une démocratie procédurale », in Mélanges Shlomo Levin, vice-président honoraire de la Cour suprême israélienne, A. Grunis, E. Rivlin et M. Karayanni éd., Jérusalem et Tel-Aviv, 2013, p. 711 ; « Le fondamentalisme religieux à l’aune de la distinction doctrinale droit processuel européen-droit procédural national. Entre démocratie procédurale et légitimité démocratique », in L’homme et le droit. Mélanges en hommage au Professeur J.-F. Flauss, Pedone, 2014, p. 365 ; « Le changement en procédure civile », Rev. dr. Assas 2015/10, p. 132, spéc. p. 142-143 (rapprochement avec la « légitimité démocratique » de Pierre Rosanvallon).
[337] Avant nous : J. Habermas, Droit et démocratie. Entre faits et normes, Gallimard, 1997, trad. R. Rochlitz et C. Bouchindhomme ; analyse de sa pensée in O. Cayla et J.-L. Halpérin (dir.), Dictionnaire des grandes œuvres juridiques, Dalloz 2010, p. 230. Dans la foulée : P. Rosanvallon, La légitimité démocratique. Impartialité, réflexivité proximité, Seuil, coll. « Les livres du nouveau monde », 2008 ; G. Timsit, « L’invention de la légitimité procédurale », in La conscience des droits. Mélanges en l’honneur de J.-P. Costa, Dalloz, 2011, p. 635 ; J.-M. Roy, « La Justice du xxie siècle, la procédure et la démocratie », in I. Teyssié et C. Puigelier (dir.), Quarantième anniversaire du CPC, éd. Panthéon-Assas, 2016, p. 111.
[338] S. Guinchard, Rép. pr. civ., Dalloz, Cahiers de l’actualité, janv. 2007/1, « Les prémices d’une démocratie procédurale ».
[339] Selon l’heureuse formule de J.-C. Magendie, in Mélanges S. Guinchard, op. cit., p. 329 : « Loyauté, dialogue, célérité, trois principes à inscrire en lettres d’or aux frontons des palais de justice. »
[340] Pour deux de ces principes au moins (dialogue et loyauté), l’idée semble faire son chemin dans la conceptualisation de la pratique du procès, v. « Discours de rentrée des avocats aux Conseils », 18 déc. 2001, par E. Baraduc, Annonces de la Seine, 27 déc. 2001.
[341] Par ex., Protocole d’oct. 2003 du TGI de Paris « tendant à l’amélioration du fonctionnement des chambres civiles » : on y retrouve le dialogue entre les juges et les parties (via leurs avocats), la loyauté et, bien sûr, la célérité, finalité première de ce protocole. V., J.-C. Magendie, « L’exigence de qualité de la justice civile dans le respect des principes directeurs de l’euro-procès, L’expérience parisienne », in Mélanges Buffet, op. cit., p. 319.
[342] V. rapport du Conseil économique et social sur la judiciarisation de l’économie, JO 2004, spéc. p. I-14. Rapport Guinchard, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, La Documentation française, 2008 ; Rapport Delmas-Goyon, Les juges du xxie siècle, déc. 2013.
[343] Rapport dit Magendie, sur le site internet du ministère de la Justice, spécialement p. 35.
[344] Sur cet aspect, S. Guinchard, « La doctrine, le juge et l’avènement d’une démocratie procédurale », in Mélanges Shlomo Levin, loc. et op. cit.
[345] P. Rosanvallon, La légitimité démocratique. Impartialité, réflexivité, proximité, op. cit., p. 265 s.
[346] Ibid., p. 269.
[347] Pour une illustration dans l’arrêt Kress, 7 juin 2001, à propos de la place du commissaire du gouvernement au Conseil d’État, S. Guinchard, « Ô Kress, où est ta victoire, ou la difficile réception en France d’une (demie) leçon de démocratie procédurale », in Mélanges G. Cohen-Jonathan, op. cit., p. 937.
[348] CEDH 8 juill. 1986, Lingens, série A, no 103, § 42.
[349] CEDH 2 mars 1987, Mathieu-Mohin et Clerfayt, série A ; no 113, § 47.
[350] CEDH 29 nov. 1988, Brogan, série A, no 145-B, § 48. Déjà, CEDH 18 oct. 1982, Young, James et Webster c/ Royaume-Uni, série A, no 55, § 63.
[351] CEDH 20 nov. 1989, série A, no 166 § 44.
[352] Commission, avis du 29 oct. 1991, Andersson, série A, no 212-B, § 24.
[353] P. Coppens et J. Lenoble (dir.), Démocratie et procéduralisation du droit, Bibl. Fac. dr. Louvain, vol. XXX, Bruylant, 2001.
[354] F. de Callières, De la manière de négocier, 1717, cité par A. Maalouf, Un fauteuil sur la Seine. Quatre siècles d’Histoire de France, Grasset, 2016, p. 67.

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