mardi 30 mai 2017

BELLES PAGES 34: VERS UNE DÉMOCRATIE PROCÉDURALE

SOMMAIRE
I – UNE (DEMIE) LEÇON DE DÉMOCRATIE PROCÉDURALE
II – LES PRÉMICES DE LA DÉMOCRATIE PROCÉDURALE
III – L’AVÈNEMENT D’UNE DÉMOCRATIE PROCÉDURALE
IV – LA DÉMOCRATIE PROCÉDURALE SOUS LE REGARD DE LA LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE DE PIERRE ROSANVALLON

I – UNE (DEMIE) LEÇON DE DÉMOCRATIE PROCÉDURALE
o kress où est ta victoire ?
ou la difficile réception, en France,
 d’une (demie) leçon de démocratie procédurale
(publié aux mélanges offerts à gérard cohen-jonathan, 2004)

« Dans le monde des hommes, les arguments de droit n’ont de poids  que dans la mesure où les adversaires en présence disposent de moyens équivalents ; si tel n’est pas le cas, les plus forts tirent tout le parti possible de leur puissance tandis que les plus faibles n’ont qu’à s’incliner »

Thucydide, La guerre du Péloponèse,
Gallimard, Paris, 1964, t. 2, p. 120.

Cette contribution que nous sommes heureux d’offrir à notre estimé collègue, Monsieur le Professeur Gérard Cohen-Jonathan, n’est pas un nouveau commentaire (un de plus, allions nous écrire) de l’arrêt Kress rendu contre la France le 7 juin 2001, par la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme. Il est à la fois un commentaire de certains des commentaires écrits à cette occasion[1], commentaires parfois surprenants, toujours intéressants et instructifs sur l’état des esprits, voire les états d’âme des uns et des autres, et une tentative de recadrage des questions posées par cet arrêt sur l’intérêt supérieur de la Justice et des justiciables, sur les exigences de la démocratie procédurale. Nous voudrions offrir aux lecteurs une nouvelle grille de lecture de l’arrêt, à la lumière de ce que nous appelons la démocratie procédurale et de ses principes directeurs que sont le dialogue, la loyauté et la célérité dans le procès[2]. D’ailleurs, l’intitulé de la contribution, dont la première partie est tirée du premier épître aux Corinthiens de Saint Paul (54-55 : « o mort où est ta victoire ? »), veut attirer l’attention du lecteur d’une part, sur le décalage entre ce qu’a jugé la Cour, et les suggestions qui ont été présentées par certains pour continuer à faire comme avant, comme s’il n’y avait pas eu de condamnation de la France et, d’autre part, sur les insuffisances de l’arrêt (d’où le qualificatif de « demie » leçon de démocratie procédurale). Quant à la phrase placée en exergue, elle a pour objectif de souligner le véritable enjeu de la bataille engagée autour de la place de chacun à la Cour de cassation ou au Conseil d’Etat, un enjeu d’effectivité de la démocratie au sein de ce type de procès, et de ramener les passions parfois exacerbées qui se sont manifestées à cette occasion au cœur du problème, celui de la prise en compte réelle et effective, ni théorique, ni illusoire, de l’intérêt du justiciable, au-delà des mots et des pétitions de principe qui n’engagent que ceux qui les énoncent, mais qui ne font pas progresser la démocratie procédurale et les droits des justiciables. Loin des agitations parisiennes, au Palais royal, quai de l’Horloge ou place du Panthéon[3], le justiciable français attend que l’on prenne enfin en compte ses aspirations à plus de transparence et d’ouverture dans la manière d’instruire et de juger au plus haut sommet de la pyramide judiciaire.

            On sait que, pour l’essentiel, la Cour européenne des droits de l’homme, dans  ce fameux arrêt Kress, rendu en Grande chambre et confirmé depuis[4], n’a pas condamné la France sur la question de la non-communication préalable aux parties des conclusions du commissaire du gouvernement près le Conseil d’Etat, mais a condamné notre pays, au nom de la théorie des apparences, pour participation du même commissaire du gouvernement au délibéré de cette Haute juridiction. Elle a, en revanche, glissé sur la troisième question, mal articulée par la requérante, celle de la communication au commissaire du gouvernement, mais pas aux parties, du rapport du conseiller-rapporteur et de son projet d’arrêt ; pour cette raison et par souci de respecter les contraintes éditoriales de cette contribution, ce point ne sera pas abordé ici. Ce qui est surprenant dans certains des commentaires c’est, d’une part, la critique acerbe de la théorie des apparences (encore appelée théorie de l’apparence), présentée parfois comme « une apparence de théorie »[5], ce qui, toute révérence gardée, montre la totale méconnaissance par ceux qui s’expriment ainsi, du sens et de la portée de cette théorie ; et, d’autre part, l’incitation à ne pas tenir compte, à l’avenir, des solutions de l’arrêt pour, en jouant sur les mots, permettre au commissaire du gouvernement « d’assister » au délibéré (sous-entendu passivement), assistance qui ne vaudrait pas « participation » (sous-entendue « active »), sans encourir les foudres de la Cour européenne[6] ; en quelque sorte un appel à la désobéissance juridique à l’autorité de la chose interprétée par la Cour européenne! Surprenant pour une proposition venant de ceux qui sont chargés de dire le droit.
            Sans reprendre ici un commentaire analytique, exégétique, ligne par ligne, de la motivation de l’arrêt Kress[7], sans doute utile mais fastidieux et qui n’est pas la hauteur des enjeux du nouveau droit du procès, nous voudrions procéder à une synthèse des intérêts supérieurs en jeu, souligner, tout au contraire, la nécessité d’assurer la mise en œuvre de ce que nous avons appelé la « démocratie procédurale »[8], dont on trouve ici une application patente, même si nous regrettons que la Cour européenne ne soit pas entrée en condamnation[9] sur la question de la non-communication préalable des conclusions du commissaire du gouvernement. La démocratie procédurale c’est le respect des principes démocratiques au sein des institutions juridictionnelles, lors de l’instruction, puis du jugement de l’affaire, pour que la décision de justice qui sera rendue soit la meilleure possible et pour que les citoyens, justiciables potentiels (tout comme les bien-portants du docteur Knock de Jules Romain sont des malades qui s’ignorent), aient confiance dans leur Justice de leur pays et que l’Etat de droit soit une réalité vivante et concrète, dans l’effectivité retrouvée de l’exercice quotidien de leurs droits. L’équilibre du procès, ainsi rattaché au concept de démocratie procédurale, suppose, plus particulièrement, le respect des trois grands et nouveaux principes directeurs que nous avons cru pouvoir dégager en leur temps[10] : dialogue, loyauté et célérité ; si l’on veut bien faire exception ici de la célérité (en écartant l’argument, dérisoire et pas à la hauteur des enjeux, à l’époque des envois de documents en fichiers agrafés par simple click du courrier électronique) du retard apporté à la solution du procès par la duplication des conclusions du commissaire du gouvernement, il reste à se demander si, aujourd’hui, les principes de dialogue et de loyauté sont parfaitement respectés au sein des procès devant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation entre les acteurs de ces procès que sont les parties, le commissaire du gouvernement ou l’avocat général et les juges de jugement. C’est cela l’enjeu de l’arrêt Kress, pas celui de l’avenir des uns et des autres au sein de ces deux nobles institutions. Pour répondre à cette double question et prendre la mesure du dialogue et de la loyauté dans le procès devant nos deux Cours suprêmes, il faut d’abord procéder à une opération de qualification de ce personnage que l’on appelle commissaire du gouvernement ou avocat général ; si l’on veut bien retenir la qualification de tiers intéressé et non pas de juge (I), tout s’éclaire différemment : parce qu’il est un tiers, tout document qu’il produit et qui est susceptible d’influencer les juges en leur décision doit être transmis aux parties pour que le dialogue s’installe (II) et toute participation au délibéré doit être examinée au regard du principe de loyauté (III). Ainsi posées, les deux questions tranchées par la Cour européenne ne se ramènent pas à la litanie « on a toujours procédé ainsi ». Au final, c’est de la qualité de la justice et de l’intérêt supérieur du justiciable dont il s’agit, pas du maintien ou non de pratiques, certes respectables, mais au seul motif qu’elles seraient ancestrales.
 i) la democratie procédurale dans la qualification de tiers intéressé du commissaire du gouvernement ou de l’avocat général
              a) le commissaire du gouvernement ou l’avocat général ne sont pas des juges

            Dans l’affaire Kress, le gouvernement français a d’abord présenté une première ligne de défense sur la qualité du commissaire du gouvernement en essayant d’ailleurs de le distinguer de l’avocat général à la Cour de cassation (ce qui ne manifeste pas, soit dit au passage, une totale solidarité entre Cours suprêmes et s’apparente un peu au jeu du « chacun pour soi »!). Comme aucun des litiges antérieurement portés devant la Cour européenne ne concernaient les juridictions administratives, il était assez naturel que la question de la qualité de ce acteur du procès administratif soit posée. Malicieusement – et avec un rien d’agacement – la Cour européenne fait observer que tous les gouvernements « se sont attachés à démontrer, depuis l’arrêt Borgers de 1991, devant la Cour, que dans leur système juridique, leurs avocats généraux ou procureurs généraux étaient différents du procureur général belge tant du point de vue organique que du point de vue fonctionnel » (§ 67). Et elle ajoute : « le gouvernement français ne fait pas exception.. » (§ 68), ce qui, d’emblée, relativise et fragilise la force de la défense française ; en d’autres termes, moins élégants : « je ne suis pas dupe ». Comme pour mieux faire passer le rejet de l’argumentation du gouvernement français sur la qualité de juge du commissaire du gouvernement, la Cour européenne commence par admettre que la juridiction administrative française présente, par rapport aux juridictions de l’ordre judiciaire, un certain nombre de spécificités, qui s’expliquent par des raisons historiques, et que « la création et l’existence même de la juridiction administrative peuvent être saluées comme l’une des conquêtes les plus éminentes d’un Etat de droit, notamment parce que la compétence de cette juridiction pour juger les actes de l’administration n’a pas été acceptée sans heurts » » (§ 69) ; autrement dit, l’histoire plaide en faveur de l’institution ; mais l’histoire c’est le passé et la Cour européenne vit dans le présent, pas dans la nostalgie des conquêtes du passé ! D’où la phrase, cruelle pour le Conseil d’Etat, que l’existence centenaire d’une institution n’en garantit pas, à vie, le fonctionnement démocratique (« la seule circonstance que la juridiction administrative, et le commissaire du gouvernement en particulier, existent depuis plus d’un siècle et fonctionnent, selon le gouvernement, à la satisfaction de tous, ne saurait justifier un manquement aux règles du droit européen », § 70) ; et pour mieux se faire comprendre la Cour donne une leçon de démocratie vivante au gouvernement français (ainsi incité, à l’avenir, à se défendre autrement que par des arguments historiques) : « la Cour rappelle à cet égard que la Convention est un instrument vivant à interpréter à la lumière des conditions de vie actuelles et des conceptions prévalant de nos jours dans les Etats démocratiques » (§ 70). Elégante façon de dire qu’on ne peut vivre dans l’évocation nostalgique du passé des temps heureux où il n’existait pas de Cour européenne et que la démocratie, notamment la démocratie procédurale, est quelque chose de vivant, même et surtout, pour de vieilles démocraties !
Fidèle à sa conception finaliste du droit et fonctionnelle des institutions critiquées devant elle, la Cour européenne ne va pas trancher la question de la nature exacte de la qualité en laquelle intervient le commissaire du gouvernement devant le Conseil d’Etat ; après lui avoir donné le coup de chapeau, traditionnel pour les avocats généraux devant la Cour de cassation, sur son indépendance et son impartialité (§ 71), elle va poursuivre dans une démarche finaliste et fonctionnelle en relevant que cette indépendance et cette absence de hiérarchie qui caractérisent le commissaire du gouvernement « ne sont pas en soi suffisants pour affirmer que la non-communication de ses conclusions aux parties et l’impossibilité pour celles-ci d’y répliquer ne seraient pas susceptibles de porter atteinte aux exigences du procès équitable » (§ 71, al. 1). Dès lors, elle annonce qu’elle va s’attacher à déterminer le rôle réellement assumé dans la procédure par le commissaire du gouvernement et plus particulièrement au contenu et aux effets de ses conclusions (§ 71, al. 2).

              b) le commissaire du gouvernement ou l’avocat général sont des tiers intéressés au procès

 Nous n’en saurons pas plus de la Cour européenne, mais l’interprète processualiste peut, peut-être, faire avancer la discussion sur le terrain de la qualification de l’intervention du commissaire du gouvernement ou de l’avocat général devant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation. Le droit processuel connaît bien ces situations marginales et ambiguës où une personne s’intègre mal dans le schéma trop dichotomiste pour ne pas être manichéen, partie ou juge ou encore organe (de la procédure) et acteur (du procès)[11]. Certes, ces notions sont peu étudiées et mal cernées, mais on les connaît en droit processuel[12]. Le commissaire du gouvernement ou l’avocat général ne peuvent être des juges puisque – et c’est la grande faiblesse de la défense française à Strasbourg – ils ne participent pas à l’exercice de la fonction juridictionnelle, le droit de vote leur étant refusé au moment crucial où tout se joue et se noue, celui de l’issue du délibéré. Ils sont sans doute des magistrats, formellement parlant et pour leur donner un statut au sein de la fonction publique française, mais ils ne sont pas des juges au sens fonctionnel du mot. Organe de la juridiction, comme le greffier, ils ne jugent pas, mais à la différence de celui-ci, ils participent à l’élaboration intellectuelle du jugement. Et comme nul n’a jamais prétendu qu’ils étaient des parties (tout au contraire, certains se sont servis de cette exclusion pour contester l’application du principe de l’égalité des armes entre eux et les parties), au-delà de la qualification d’institution suis generis, on peut y voir des tiers intéressés au procès, comme il existe en droit privé français, deux catégories de tiers : les penitus extranei ou tiers véritables qui sont totalement étrangers à une situation juridique et les tiers intéressés à cette situation. Mais alors, s’ils sont des tiers intéressés au procès, tout ce qu’ils vont produire, intellectuellement parlant, sur ce procès, ils doivent le transmettre aux parties puisqu’ils visent à influencer le juge dans sa décision : plus leur rôle est reconnu comme important, plus leurs conclusions sont jugées primordiales pour l’issue du procès, plus il faut respecter le contradictoire et, plus généralement, le principe de dialogue, et celui de loyauté.

II - La démocratie procédurale dans la valorisation des conclusions du tiers intéressé : le respect du principe de dialogue

             La démocratie procédurale postule d’aller plus loin que la Cour européenne dans l’articulation de l’intervention des acteurs au cours de la phase de l’instruction des procès qui se déroulent devant les Cours suprêmes, ce qui passe par une valorisation active des conclusions du commissaire du gouvernement ou de l’avocat général. Dans l’instruction du procès devant le conseil d’Etat, comme d’ailleurs devant la Cour de cassation, le rôle des conclusions du commissaire du gouvernement ou de l’avocat général est primordial, même s’il ne l’est pas avec la même intensité pour toutes les affaires. Le fait que ce rôle ne vaudrait que pour une seule affaire par an (hypothèse d’école nous en convenons volontiers), justifie le maintien de l’institution. Bien sûr, on a pu songer à faire disparaître le problème en supprimant le commissaire du gouvernement ou l’avocat général[13] ; solution radicale mais qui confine à l’absurde : supprimons l’incrimination du vol et il n’y a plus de vols ! Nous croyons à la vertu pédagogique très forte de ce travail intellectuel souvent remarquable, toujours enrichissant, que constituent les conclusions devant les Cours suprêmes et nous prenons toujours un réel plaisir à les lire, à les décortiquer, voire à les critiquer ; la pensée juridique s’assécherait si la justice française se privait de ces contributions à la science juridique. Nous sommes d’accord sur ce point avec le président Bruno Genevois lorsqu’il parle de « valeur ajoutée » à propos des conclusions du commissaire du gouvernement[14] ; et cela vaut pour celles des avocats généraux près la Cour de cassation. Mais alors comment intégrer cette valorisation dans le schéma de l’instruction des procès devant les Cours suprêmes (nous ajouterons d’ailleurs un mot pour les juridictions du fond) pour que les justiciables (puisque c’est d’eux dont il s’agit ici) puissent en bénéficier pleinement ? On ne peut pas, à la fois, affirmer le caractère irremplaçable, hautement valorisant, des conclusions et les réserver à un exposé oral sans communication préalable et sans possibilité effective, donnée aux parties, de répondre. L’exigence d’une démocratie procédurale postule, irréductiblement, d’aller beaucoup plus loin que ne l’a fait la Cour européenne dans l’arrêt Kress. Il faut communiquer le texte intégral des conclusions aux parties avant l’audience, en raison du droit d’accès à l’information donnée au tribunal par un tiers intéressé, premier aspect du principe de dialogue (A) ; il faut leur permettre de répondre aux arguments qui y sont développés dans des conditions plus satisfaisantes que l’actuelle note en délibéré, en raison du respect du principe de la contradiction, second aspect du principe de dialogue (B).

A) la démocratie procédurale à l’épreuve de la communication préalable du seul sens général des conclusions : le droit d’accès à l’information en provenance d’un tiers intéressé

             a) En l’état actuel de la jurisprudence européenne, le Conseil d’Etat, comme la Cour de cassation, n’ont pas l’obligation de transmettre aux parties, préalablement à l’audience, le texte intégral des conclusions de ce que nous appellerons par commodité de langage, leur Ministère public. En effet, dans l’arrêt Reinhardt et Slimane Kaïd c/ France du 31 mars 1998, puis dans l’arrêt Voisine c/ France du 8 février 2000 (confirmé par l’arrêt Meftah, rendu le 26 juillet 2002, en Grande Chambre, la Cour européenne s’est contentée, pour ce qui concerne la Cour de cassation d’une communication, avant le jour de l’audience du seul « sens général » de ces conclusions (tout en condamnant la France parce que cette pratique n’était pas établie au moment de l’évocation des affaires en question devant la Cour de cassation). Mais la solution vaut aussi lorsque l’affaire est sans représentation obligatoire (jurisprudence Voisine). C’est cette solution qui est reprise dans l’arrêt Kress : «à la différence de l’affaire Reinhardt et Slimane Kaïd, il n’est pas contesté que dans la procédure devant le Conseil d’Etat, les avocats qui le souhaitent peuvent demander au commissaire du gouvernement, avant l’audience, le sens général de ses conclusions » (§ 76). Elle nous semble insuffisante.
En effet, la communication préalable du seul «sens général » des conclusions appelle immédiatement la question en provenance des parties et à destination du Ministère public, « pourquoi tel sens ? ». La valeur ajoutée des conclusions tant mise en avant pour souligner, à juste titre, la nécessité de maintenir la fonction exercée par les commissaires du gouvernement et les avocats généraux, postule une communication intégrale de leur texte : la valeur ajoutée des conclusions ne vaut que par le raisonnement et les arguments avancés pour le soutenir, raisonnement et argument qui sous-tendent ce « sens général » visé par la Cour européenne ; la valorisation des conclusions que l’on met en avant passe par cette exigence de démocratie procédurale : il n’y a pas de démocratie de ce type dans les procès où les juges de la formation de jugement ont accès à des documents en provenance d’un tiers, certes qui n’est pas partie, mais qui, néanmoins, est un tiers intéressé à l’issue du procès puisqu’il prend parti pour une solution plutôt qu’une autre et qu’il va tout faire pour emporter la conviction des juges. Où est la démocratie dans un procès où les juges ont, en leur possession, l’intégralité d’un texte que les parties ne découvriront vraiment (et encore) qu’à l’audience, avec une maigre possibilité d’y répondre par une note en délibéré (sur ce point v. infra, B) ? Si l’on veut que le jugement des juges soit éclairé, que la décision qu’ils vont prendre soit la meilleure possible (toujours dans l’intérêt d’une bonne justice, donc d’une bonne démocratie), il est nécessaire que les parties soient en mesure de participer pleinement à son élaboration ; pour cela, il faut, dans une démocratie procédurale de participation à l’œuvre commune de justice, qu’elles aient connaissance, avant l’audience et dans un délai raisonnable leur permettant de les étudier sereinement, de l’intégralité des conclusions et non pas seulement d’un sens général qui est « dérisoire » au regard de leurs droits, comme l’a si bien dit notre collègue Olivier Gohin[15]. Lorsque des avocats aux Conseils se félicitent de la communication aux parties du sens général des conclusions[16], cela ne signifie nullement qu’ils s’en contentent, comme on a pu le dire récemment[17] ; ils s’en félicitent comme d’un progrès par rapport à l’existant, c’est à dire par rapport à rien, à aucune communication, certainement pas par rapport à plus, c’est à dire par rapport à la communication de l’intégralité du texte. Quant à l’argument du coût que représenterait cette transmission intégrale, argument qui a été avancé au cours d’un colloque[18], il est facile de répondre que ce n'est pas lui qui fera sortir la France du pacte de stabilité et que la transmission électronique évoquée tout à l’heure à propos de l’argument de célérité, a aussi cette vertu de ne pas coûter très cher.
            b) Restent deux questions en suspens.

1) D’abord, celle de la mise en œuvre de l’exigence de la communication du sens général des conclusions aux parties qui ne sont pas représentées par un avocat spécialisé. La Cour européenne a répondu aux objections que la pratique de la Cour de cassation traduisait, en ne communiquant pas à ces parties non représentées ce qui l’était aux avocats des parties représentées ; dans l’arrêt Voisine précité et confirmé depuis, elle a affirmé que dès lors qu’un Etat accepte qu’une partie puisse se présenter seule devant la Haute juridiction, elle doit bénéficier des mêmes moyens de se faire entendre, à peine d’introduire une discrimination qui violerait le principe d’égalité dans la procédure. On le voit, là encore, c’est un grand principe de procédure, de démocratie procédurale, celui de l’égalité entre les justiciables, qui fonde une solution  de pure technique juridique. On est loin des arguties sur l’impossibilité pour de telles parties de comprendre le sens et la portée du sens général des conclusions : si l’on accepte leur présence sans avocat, on doit accepter de les traiter à égalité avec celles qui sont représentées. C’est une leçon de démocratie que donne la Cour européenne, pas seulement de cuisine procédurale ; il faudrait être mesquin pour ne voir dans ces exigences, que la volonté dévoyée de la Cour de s’intéresser aux aspects les plus pointus de notre procédure nationale.

            2) Seconde interrogation, peut-on transposer cette jurisprudence aux juridictions du fond ?
- S’agissant des juridictions administratives on a appris récemment[19] qu’une note du président de la section du contentieux du Conseil d’Etat en date du 23 novembre 2001 incitait vivement les juridictions administratives du fond à pratiquer la communication aux parties du sens général des conclusions du commissaire du gouvernement ; nous nous en réjouissons, même si l’on peut s’étonner de la nature du procédé incitatif ; un texte réglementaire n’aurait-il pas été plus opportun car plus contraignant ? Il n’est nullement acquis que devant ces juridictions l’incitation « hiérarchique » soit suivie d’effet…[20]
- S’agissant des juridictions pénales, cette pratique n’existe pas et si elle devait s’instaurer il serait difficile de l’adapter aux procédures d’urgence comme celle des comparutions immédiates et même à la plupart des affaires correctionnelles où le Parquet ne prépare pas de réquisitions écrites; mais est-il normal que dans les audiences correctionnelles importantes qui suivent la procédure traditionnelle sur plusieurs jours et même aux assises, le prévenu ou l’accusé n’ait pas connaissance des réquisitions qui vont être prises contre lui ? On objectera que l’instruction qui se déroule à l’audience ne permet pas au Ministère public lui-même de connaître, avant que celle-ci n’ait eu lieu, le sens de ses propres réquisitions puisque l’audience peut l’inciter à changer d’avis, en tout cas à l’affiner ; mais serait-il si anormal que cela que d’exiger, une fois son opinion arrêtée et avant d’entendre les avocats en leur plaidoirie, que les réquisitions du Parquet leur soient transmises, en texte intégral si elles sont écrites (ce qui tendrait à prouver qu’elles ont été préparées avant l’audience, donc qu’elles sont aisément communicables…) ? Il nous est arrivé d’entendre un procureur asséner dans ses réquisitions (faussement d’ailleurs, avec autant d’autorité, apparente, que d’incompétence, réelle), des arguments de droit à l’appui de sa démonstration juridique de l’existence de l’infraction, avec d’abondantes citations d’arrêts et de doctrine tirées du droit civil et non pas du droit pénal ; ne serait-il pas normal que dans ces cas au moins (à vrai dire exceptionnels), les parties aient connaissance de ces réquisitions avant de plaider, ne serait-ce que pour pouvoir vérifier la pertinence de la jurisprudence invoquée[21] ?
- Enfin, s’agissant des juridictions du fond civiles, la question ne se pose à vrai dire pas si l’on veut bien se souvenir que dans toutes les affaires où il est partie jointe, le Ministère public s’en remet toujours à la sagesse du tribunal, ne présentant pas véritablement d’arguments, de conclusions étayées. Néanmoins, la Cour européenne a exigé que le demandeur à une indemnité pour une détention injustifiée obtienne communication des observations du procureur général de la cour d’appel et qu’il ait la possibilité d’y répondre[22]. A vrai dire, le parquet était ici partie principale et devait être traitée comme toute autre partie en demande ou en défense à l’égard de son adversaire.
            Encore faut-il que la transmission des conclusions du Ministère public soit accompagnée de la possibilité, pour les parties, d’y répondre. C’est la question des notes en délibéré, avec la possibilité donnée réellement aux parties de répondre effectivement aux conclusions du Ministère public.

B) la démocratie procédurale à l’aune de la note en délibéré : le droit de discuter l’information en provenance du tiers intéressé

             La Cour européenne, reprenant la solution donnée dans les affaires concernant la Cour de cassation, va se contenter, pour ne pas condamner la France de ce chef pour non-respect du contradictoire, de la pratique de la note en délibéré : « il n’est pas contesté que les parties peuvent répliquer, par une note en délibéré, aux conclusions du commissaire du gouvernement, ce qui permet, et c’est essentiel aux yeux de la Cour, de contribuer au respect du principe du contradictoire » (§ 76, al. 1). Et d’ajouter que « au cas où le commissaire du gouvernement invoquerait oralement à l’audience un moyen non soulevé par les parties, le président de la formation de jugement ajournerait l’affaire pour permettre aux parties d’en débattre » (§ 76, al. 2). 

a) Ce satisfecit ne nous paraît pas justifié et c’est pourquoi nous n’avons parlé que d’une « demie » leçon de démocratie procédurale. Dans la pratique en effet, la note en délibéré, alibi du respect du contradictoire, est élaborée à l’issue de l’audience, sans même que les avocats aient eu la possibilité de lire les conclusions, ce qui est tout de même différent d’en prendre connaissance par l’audition, à l’audience, de l’exposé oral du Ministère public, surtout lorsqu’elles sont soigneusement préparées, élaborées et rédigées (et c’est le cas dans les affaires les plus importantes quand on connaît la qualité éminente des membres de ce Ministère public). En outre, les avocats (ne parlons même pas des parties sans avocats) devront les rédiger dans la précipitation, sur un coin de table ; ce n’est pas sérieux pour les parties, eu égard aux intérêts procéduraux en cause et au respect de la démocratie procédurale ; ce n’est pas digne non plus de la fonction d’avocats aux Conseils, avocats « hautement spécialisés » selon la formule de la Cour européenne. Certains des juges de la formation ayant rendu l’arrêt Kress ont perçu cette double injure faite aux parties et aux avocats par l’admission de cette demie mesure, cette sorte de tolérance que l’on veut bien octroyer aux justiciables, du haut de sa bienveillance ; ce n’est pas du droit effectif, même si c’est devenu un droit avec les arrêts de la Cour européenne. Trois juges en effet, Casadevall, Rozakis et Tulkens, ont exprimé l’avis, dans une opinion concordante, que la conception actuelle de la note en délibéré ne suffit pas à garantir, à elle seule, le respect du principe du contradictoire, même si elle peut y contribuer ; elle pourrait y contribuer davantage « si ses modalités d’exercice étaient améliorées et si le juge administratif avait l’obligation d’en tenir compte ». Ces réserves, cette leçon de démocratie procédurale ont été entendues, pour partie, par la Cour européenne, par le Conseil d’Etat et par la Cour de cassation.

            b) Dans deux arrêts du 21 mars 2002, A.P.B.P. c/ France et Immeubles groupe Kosser c/ France, la Cour européenne va poser des conditions au dépôt d’une note en délibéré : autorisation de déposer une telle note indépendamment de la décision éventuelle du président de la juridiction d’ajourner l’affaire ; délai suffisant pour la rédiger ; visa dans l’arrêt de l’existence d’une note en délibéré.
Quant au Conseil d’Etat, il estime désormais que lorsque le juge administratif (pas seulement le Conseil d’Etat) reçoit une note en délibéré, il doit toujours en prendre connaissance et prouver, par un visa dans l’arrêt, que cette obligation a été respectée ; il peut en outre, s’il le juge utile rouvrir l’instruction, au vu de cette note ; enfin, la réouverture devient une obligation pour le juge, donc un droit pour les parties, si de nouvelles circonstances de fait sont apparues, ignorées au moment de la clôture de l’instruction ou si de nouvelles circonstances de droit apparaissent que le juge aurait dû relever d’office[23]. Tout ceci est encore largement insuffisant, car les modalités de rédaction de la note en délibéré devraient être telles, notamment dans le délai donné pour la rédiger, que la démocratie soit effective à ce niveau de la procédure, c’est à dire que les parties ou leurs avocats aient la possibilité de connaître, avant l’audience les conclusions pour préparer ce qu’il conviendrait d’appeler un mémoire en réponse et, au cas où les conclusions n’auraient pas été rédigées avant l’audience, qu’ils soient autorisés à ne pas remettre leur note sur le champ. Cette incongruité s’aggrave du fait que les parties n’ont pas connaissance du texte intégral du rapport du conseiller-rapporteur et de son projet d’arrêt, alors que le commissaire du gouvernement en a, lui, connaissance ! En quelque sorte, la contraction du contradictoire sur une période de temps très courte et sans connaissance du texte intégral des conclusions se double d’une sorte de délit d’initié en la personne du commissaire du gouvernement qui a accès à des documents que les parties ne peuvent obtenir. On a appris le 15 novembre 2002, lors d’un colloque, par une voix très autorisée[24], qu’il n’était pas envisagé, au niveau du Conseil d’Etat, de revenir sur cette incongruité et qu’il était hors de question de transposer la jurisprudence Voisine valable pour la Cour de cassation, c’est à dire, soit de transmettre les mêmes documents, en provenance du conseiller-rapporteur, à la fois au commissaire du gouvernement et aux parties, soit de ne rien transmettre à chacun de ces personnages du procès ! Le commissaire du gouvernement continue donc de recevoir des documents en provenance de l’un des membres de la formation de jugement, alors même qu’il ne communique pas son propre texte aux parties ou à leurs avocats et que ceux-ci ne reçoivent pas le texte intégral du rapport du conseiller-rapporteur! Il est, en quelque sorte, très bien informé, mais sa science (et celle du conseiller-rapporteur) ne bénéficie pas aux principaux intéressés que sont les justiciables. Ainsi présenté, le schéma procédural suivi au Conseil d’Etat est encore loin de satisfaire aux exigences de dialogue (et de loyauté) que postule la démocratie procédurale.
A l’inverse, on a entendu, par une voix tout aussi autorisée[25], que la Cour de cassation avait adopté une sorte de compromis dans la transmission à l’avocat général et aux parties d’un rapport « enrichi » (faits, doctrine et jurisprudence pertinentes, problèmes juridiques posés, éléments de solution, éventuellement sens général de la décision envisagée) mais non assorti du projet d’arrêt, pour éviter que le conseiller-rapporteur ne soit éliminé du délibéré en raison du secret de celui-ci. Quant aux conclusions de l’avocat général, les parties n’en ont connaissance qu’à l’audience, seul le sens général leur étant préalablement communiqué avant l’audience. Elles y répondront par une note en délibéré. L’extension de la représentation obligatoire devant la Cour de cassation, comme cela a été suggéré[26], permettrait sans doute de progresser dans une circulation pleine et entière des documents entre le conseiller-rapporteur, l’avocat général et les avocats aux Conseils et dans la voie d’une note en délibéré rédigée sereinement.
            Heureusement, avec le maintien de telles pratiques, que le commissaire du gouvernement ou l’avocat général ne participent plus au délibéré de la formation de jugement.

III - La démocratie procédurale dans la protection des juges en leur délibéré : le respect du principe de loyauté

La démocratie procédurale postule encore de ne pas biaiser dans le respect du délibéré des seuls juges, la théorie des apparences venant les protéger eux, donc la Justice, et pas seulement les justiciables, contre toute intervention extérieure : la démocratie procédurale c’est aussi la protection des juges en leur délibéré ; il faut bien qu’un lieu de débat leur soit réservé, en toute indépendance, sans regard extérieur.

A) Vive la théorie des apparences, garante de la loyauté du procès !

La Cour européenne a fait appel à la théorie des apparences pour justifier son interdiction faite au commissaire du gouvernement comme à l’avocat général, de participer au délibéré de la formation des jugements : « la Cour conçoit en outre qu’un plaideur puisse éprouver un sentiment d’inégalité si, après avoir entendu les conclusions du commissaire dans un sens défavorable à sa thèse à l’issue de l’audience publique, il le voit se retirer avec les juges de la formation de jugement afin d’assister au délibéré dans le secret de la chambre du conseil » (§ 81, al. 3). Certains se sont gaussés de l’appel à cette théorie qui ne serait qu’une « apparence de théorie ». On s’étonne de leur étonnement, surtout venant de juristes : qui ignore l’adage « error communis facit jus » ? N’est-ce pas l’apparence qui est visée, l’apparence créatrice de droits, comme elle l’est dans le cas de l’héritier apparent, du mandataire apparent, du gérant de fait et - pour le droit public – du comptable de fait, justiciable à ce titre des juridictions financières ? Nous n’aurons pas la cruauté de renvoyer ceux qui critiquent la théorie de l’apparence en droit européen aux enseignements de première année de droit et aux thèses de doctorat rédigées et publiées sur ce sujet[27]. Mais comment la théorie des apparences pourrait-elle être connue du droit national et ignorée du droit européen?  Comment pourrait-on l’accepter pour mieux poursuivre en gestion de fait un comptable de fait et la rejeter lorsqu’elle concerne le fonctionnement du service public de la justice ? Ce qui vaut pour le justiciable vaut pour la Justice dans son fonctionnement tel qu’il apparaît aux yeux des tiers.

a) Qui plus est, cette théorie vaut protection non seulement des justiciables mais aussi des juges en leur délibéré :
Protection des justiciables, car on a bien compris que c’est le soupçon d’une participation active, donc déloyale, du commissaire du gouvernement ou de l’avocat général pendant le délibéré, hors la présence des parties, qui plane sur sa présence au délibéré. Ce ne sont pas les personnes de ceux qui exercent ces nobles fonctions qui sont en cause, mais l’institution. Personne ne peut, parmi les justiciables avoir la certitude que le représentant du Ministère public n’aura pas une forte influence au sein du délibéré. Mieux, on a appris, le 15 novembre 2002, par la voix même de celui qui défend la France à Strasbourg[28], qu’antérieurement à l’arrêt Kress, le commissaire du gouvernement « avait l’obligation d’assister au délibéré et le droit d’y participer avec modération ». Il pouvait indiquer qu’on s’éloignait d’une jurisprudence, etc.. ; bref, il avait « un droit de parole », droit, nous a-t-on encore appris, qu’il exerçait de manière variable selon la nature de la formation de jugement (toutes sections confondues ou pas, etc..) ; il n’était pas un assistant passif. On ne saurait mieux justifier la condamnation de la France dans l’affaire Kress ! Le raisonnement vaut encore plus pour les juridictions administratives du fond, puisqu’il semblerait que le poids du commissaire du gouvernement est encore plus fort devant elle, qu’au sein du Conseil d’Etat, lors de l’adoption du jugement[29].
Protection des juges ensuite : écarter le Ministère public du délibéré (sauf à trouver une autre solution, v. infra, B), c’est protéger les juges contre le soupçon de partialité ; c’est protéger les juges contre le risque d’une décision qui ne serait pas crédible, dont le justiciable pourrait penser qu’elle a été prise sous l’influence de quelqu’un qui assistait au délibéré sans avoir droit de vote et sans preuve extrinsèque à l’institution qu’il n’était pas intervenu lors de ce délibéré. La théorie des apparences c’est le rideau qui tombe à l’entrée de la salle de délibérations pour protéger nos juges, c’est le garant de la démocratie procédurale en son principe de loyauté, dans l’enceinte la plus intime de nos Palais de justice. Il ne faut donc point s’en moquer ; elle est l’une des garanties de nos droits, elle est, à ce titre, la mesure de la confiance que l’on doit avoir dans nos institutions, particulièrement dans l’institution judiciaire.

  b) Peut-on alors prétendre continuer à « faire comme avant » ou presque, c’est à dire à permettre au commissaire du gouvernement « d’assister » (sous-entendu passivement) au délibéré, sans y « participer » (sous-entendu activement) ? La Cour de cassation ne s’y est point résolue et elle a exclut l’avocat général de toute présence au délibéré depuis le 1er octobre 2001[30]. Certains ont suggéré qu’une loi vienne dire clairement que le Ministère public assiste au délibéré du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation[31]. Cette proposition nous paraît, pour le moins, incongrue : d’une part, la Cour européenne pourra toujours écarter celle loi pour inconventionnalité, si elle persiste dans son opinion ; d’autre part, il paraîtra curieux qu’une sorte de loi de validation (pour lesquelles la Cour européenne manifeste une aversion certaine) vienne contrecarrer sa propre jurisprudence, qui plus est à l’instigation des juges dont les pratiques ont été condamnées ! Le Conseil d’Etat, au contraire, suit cette pratique dans l’espoir qu’un arrêt de la Cour européenne viendra lui donner raison, en jouant sur la composition de la Cour puisque sept juges ont été dissidents dans l’arrêt Kress. Plusieurs arguments ont été avancés pour justifier cet accommodement suggéré, dès le lendemain de l’arrêt Kress, par l’un de ses premiers et plus autorisés commentateurs[32]. Nous savions depuis Giraudoux (dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu) que « le droit était la plus belle des écoles de l’imagination » ; de là à se livrer à un analyse sémantique des mots utilisés par la Cour européenne, pour distinguer et opposer « présence », « participation » et « assistance », il y a une marge que nous ne franchirons pas pour notre part, tant il est vrai que le soupçon de déloyauté planera tout autant sur une assistance passive (appelons la comme on veut, cela ne changera rien à la chose), que sur une participation active. Qui garantira le justiciable, aujourd’hui comme hier, que cette assistance est passive puisqu’il n’y a pas de témoins extérieurs à la juridiction? Faudra-t-il aller jusqu’à signifier aux juges une sommation interpellative pour qu’ils affirment solennellement que le commissaire du gouvernement a été effectivement passif ? Ce serait faire injure à la Justice que d’en arriver à de telles solutions extrêmes. Ce qui compte ici, ce n’est pas le mot choisi par la Cour européenne pour sanctionner la France, mais les raisons de cette condamnation, sa motivation : le soupçon que, hors la présence des parties, nul ne peut garantir à celles-ci que le délibéré s’est déroulé sans l’intervention du commissaire du gouvernement. Si l’on veut conserver la présence de ce commissaire au délibéré, il faut élargir le cercle de ce délibéré.

            b) une autre solution, fondée sur le dialogue et la loyauté du procès

             Si l’on veut à tout prix faire participer le commissaire du gouvernement ou l’avocat général au délibéré de leur formation de jugement, sans que le soupçon de déloyauté par rapport aux parties se perpétue, il n’y a qu’une solution : faire entrer les parties, c’est à dire leurs avocats, dans le cercle du délibéré ! Avant de revenir sur cette solution, y compris dans ses contraintes sur la nature des procédures suivies devant nos deux Hautes juridictions, il faut s’interroger sur le pourquoi d’une telle solution. Quel intérêt présenterait-elle ? On nous a dit, toujours lors du colloque du 15 novembre, que le commissaire du gouvernement avait besoin de cette présence (même passive) pour comprendre les arrêts du Conseil d’Etat et la jurisprudence de cette Cour[33]. Si cela est vrai, l’argument surprend doublement et expose la France à une cruelle condamnation : d’abord, on pourra répliquer que les arrêts du Conseil d’Etat doivent se suffire à eux-mêmes ; il est pour le moins curieux que l’on ait besoin d’assister au délibéré pour mieux s’imprégner du sens profond des arrêts. Ensuite, si l’on tient pour vrai ce besoin, il vaut aussi pour les parties, en tout cas pour les avocats aux Conseils, certes « hautement spécialisés », mais pas au point d’avoir l’outrecuidance de mieux comprendre la jurisprudence du Conseil que les commissaires du gouvernement. On le voit, l’affirmation de la nécessité de la présence du Ministère public au délibéré, débouche inéluctablement sur la question de la présence des parties et/ou de leurs Conseils. Ce déboucher n’est pas sans risque et sans susciter de multiples interrogations.
            En premier lieu, il faut dire nettement que cette présence se justifie mieux par l’idée de loyauté et de dialogue, donc par un retour à notre grille de lecture (la démocratie procédurale dans le procès en cassation), que par la formation pédagogique et scientifique des membres du Ministère public: introduire le Ministère public au délibéré en présence des avocats des parties, c’est d’une part, mettre les uns et les autres en mesure de veiller à ce qu’aucun d’entre eux n’aura d’influence sur la décision de la juridiction, l’instruction et l’audience étant terminées ; bref, une surveillance réciproque ; c’est d’autre part, permettre un éventuel et court dialogue pour faire préciser un point, sans rouvrir secrètement l’audience.
            Mais cette solution suppose en deuxième lieu, pour des raisons évidentes de secret du délibéré, de dignité de la fonction de juger, de protection des juges en leur délibéré, que les parties elles-mêmes ne puissent pas assister à ce délibéré ; cela suppose donc une représentation obligatoire en toute matière ; le bruit court que cette généralisation interviendrait rapidement au sein de la Cour de cassation ; acceptons-en l’augure, sans mésestimer le poids des syndicats qui, pour la matière sociale, ne se satisferont peut-être pas d’une extension de l’aide juridictionnelle pour accepter une remise en cause de la procédure sans représentation obligatoire. Pour le Conseil d’Etat, cette solution bute sur le recours pour excès de pouvoir, dont chacun sait qu’il s’exerce sans représentation obligatoire ; la rendre obligatoire en la matière ne serait-ce pas disproportionné par rapport au bénéfice attendu d’une participation du commissaire du gouvernement au délibéré ? Ne vaut-il pas mieux, dans ces conditions, que le commissaire du gouvernement soit exclu du délibéré, en conformité avec la solution de l’arrêt Kress et comme la Cour de cassation le pratique désormais ?
            En troisième lieu, même la présence des seuls avocats aux Conseils (avec l’avocat général ou le Commissaire du gouvernement) au délibéré, sans les parties, pose problème au niveau des principes, indépendamment de toute défiance à leur égard, défiance qui serait mal venue ; d’abord, parce que dans les procédures sans représentation obligatoire où, de fait, un grand nombre de requérants font déjà appel, pour les assister, à des avocats de Cour, il faudra bien admettre, par symétrie et respect de l’égalité de traitement des deux types de procédure, que ceux-ci soient eux aussi présents au délibéré ; ce sera, à terme, la fin du monopole des avocats aux Conseils (car, comment refuser ensuite aux avocats de Cour d’intervenir dans les autres matières lorsqu’ils auront été admis au délibéré des procédures sans représentation obligatoire ?). Ensuite, au niveau des principes, il faut bien qu’au final, à un moment ou à un autre, on laisse un espace de liberté, de discussion, aux juges de la formation de jugement ; il faut comprendre que ces arbitres de nos conflits doivent être protégés dans leur indépendance par l’impossibilité pour quiconque d’imposer sa présence au délibéré ; on ne peut pas repousser éternellement le moment où ces juges et eux seuls se retirent pour discuter entre eux, à égalité de droit (celui de voter, que n’ont pas précisément, le Commissaire du gouvernement et l’Avocat général) et de devoir (celui du secret du délibéré) ; cette collégialité de collègues de même statut est altérée par la présence d’un tiers. En définitive, l’interdiction de la présence au délibéré de ces deux organes du procès sur le fondement de la violation du principe de l’égalité des armes, ne permet pas, pour rétablir cette égalité, de préconiser la solution de l’introduction des avocats au délibéré (à supposer résolue la question des procédures sans représentation obligatoire), car cette solution viole elle-même un autre principe, celui de l’indépendance des juges du siège. Il faut donc que ces juges siègent seuls en leur délibéré.


II – LES PRÉMICES DE LA DÉMOCRATIE PROCÉDURALE
synthèse de l’année 2006 au répertoire de procédure civile

            Le chercheur qui, dans quelques décennies, se penchera sur l’année 2006, confirmera peut-être (ou infirmera totalement !) notre perception, à la fois des interprétations des textes existants données par l’autorité judiciaire et des innovations retenues par les pouvoirs législatif et règlementaire dans le champ du procès civil et du service public de la Justice au cours de cette année, à savoir que ces solutions nouvelles se rattachent à l’idée d’une « démocratie procédurale » naissante. Elles en constituent les prémices. Certes, nous prenons le risque d’être démenti par les analyses ultérieures qui bénéficieront de plus de recul que nous n’en disposons en cette fin décembre 2006, mais nous croyons pouvoir discerner la confirmation de l’opinion que nous avions émise dès 1999[34] : nous sommes entrés dans une ère nouvelle, celle du dépassement des questions de pure technique procédurale, non point parce que celles-ci seraient devenues inutiles, mais parce qu’elles doivent être revisitées à l’aune de la mondialisation qui induit une attraction de la procédure civile (et, a fortiori, pénale) à la garantie des droits fondamentaux et une modélisation du droit du procès. De simple technique d’organisation du procès civil (comme la société est une technique d’organisation de l’entreprise, parmi d’autres, ainsi que nous l’avions souligné dans le Précis de Procédure civile, dès 1991)[35], la procédure est devenue un instrument de mesure de l’effectivité de la démocratie dans notre pays[36], mesure que la Cour européenne des droits surveille de près[37]. Ce qui vaut pour le champ du procès, vaut aussi, à un moindre degré, pour le champ du service public de la Justice, tant il est vrai que, dans ce cas, les résistances régaliennes sont plus fortes.
Si l’on veut bien admettre, avec nous, que cette démocratie procédurale repose sur ces trois piliers que constituent, ce que nous appelons, les nouveaux principes directeurs du procès (tous contentieux confondus), on peut illustrer chacun des ces principes par les évènements jurisprudentiels ou législatifs et règlementaires intervenus en 2006 dans le double champ du service public de la justice (I) et du procès civil (II) : à l’écoute, à la confiance et à la proximité qui fondent une démocratie dans le domaine du service public de la justice, répondent, comme en écho, le dialogue, la loyauté et la célérité dans celui du procès. Ce sont les fondements d’une démocratie plus participative que représentative ou d’opinion, sans que cela implique de notre part une quelconque prise de position sur les programmes des uns et des autres en vue de l’élection présidentielle qui ponctuera l’année 2007 ! 

i – la démocratie procédurale dans le service public de la justice

Les trois principes de cette démocratie sont, dans le domaine du service public de la justice, l’écoute (qui favorise le dialogue), la confiance (qui fonde la loyauté) et la proximité (qui permet la célérité) ; on les retrouve ensemble (A) ou séparément (B et C). On ne fera que signaler ici les textes, étudiés par ailleurs dans ce cahier, sur les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires (décret n° 2006-1709 du 23 décembre, publié au JO du 29 décembre, tant attendu, la loi étant du 26 juillet 2005), sur les avoués (décret n° 2006-1736 du 23 décembre 2006, sur le statut des avoués et deux arrêtés du 23 décembre 2006 en application des articles 4-5 et 4-6 du décret n° 45-0118 du 19 décembre 1945, relatifs à l’examen d’aptitude, l’ensemble au JO du 30 décembre 2006).

a) ecoute, confiance et proximité 

 Un même texte peut couvrir plus d’un seul des principes qui fondent une démocratie procédurale :

a) Ainsi de l’importante réforme de la saisie immobilière et de la procédure de distribution du prix : l’ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006 et le décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006), appliquent, à des degrés divers, l’ensemble de ces principes ; le lecteur trouvera un aperçu du contenu de ces deux importantes réformes (applicables au 1er janvier 2007) dans les Cahiers de l’actualité 2006-3, p. 12 et s. et un commentaire plus fourni dans les Cahiers de l’actualité 2006-5, p. 3 à 20, par Anne Raymond-Grèze). On notera que le décret n° 2006-1805 du 23 décembre 2006 (mais publié au JO du 31 décembre, ce qui, pour une réforme applicable au 1er janvier 2007, n’est guère propice à la confiance des justiciables en la place Vendôme !), apporte quelques retouches au décret du 27 juillet 2006, dans son article 9 auquel on renvoie ainsi qu’au commentaire dans ce cahier. Cette réforme, largement inspirée des travaux du groupe de travail que nous avions présidé à la Chancellerie entre juillet 1996 et le printemps 1997 (comme quoi tout vient à point pour qui sait attendre dix ans), ne remet pas en cause le rôle des avocats dans ce type de procédure et n’instaure donc pas une saisie « notarialisée », mais rapproche les parties concernées du juge, en l’occurrence le juge de l’exécution, paradoxalement en favorisant la vente amiable, à base de dialogue avec le juge et le créancier et de confiance dans la capacité du débiteur à s’investir dans cette démarche. Seul l’avenir nous dira si les espoirs mis dans cette nouvelle approche du droit de l’exécution immobilière sont confortés par la pratique. 

            b) De même encore pour l’ordonnance n° 2006-673 du 8 juin 2006 qui remplace les titres I à IX de la partie législative du code de l’organisation judiciaire par cinq nouveaux livres ; la partie réglementaire n’a pas encore été publiée à ce jour, ce qui est d’autant plus ennuyeux que la partie législative étant issue d’une ordonnance prise par voie d’habilitation législative donnée au Gouvernement (sur le fondement de l’article 38 de la Constitution), elle n’a que la valeur d’un acte administratif (selon une jurisprudence du Conseil d’Etat), tant que la loi de validation de l’ordonnance n’est pas promulguée. Nous voilà pourvu d’un code de l’organisation judiciaire :
  • entièrement renuméroté, avec, parfois, des formulations non identiques aux anciennes ;
  •  « dépouillé » de ses articles concernant les juridictions d’exception puisqu’ils sont « rapatriés » vers les codes de droit substantiel qui les concernent ; ainsi, les tribunaux de commerce sont exportés vers le code de commerce, les conseils de prud’hommes vers le code du travail, etc.. ; cette pratique est contestable, non pas tant parce que certains de ces codes ne disposent pas encore de partie réglementaire, ce qui obligera à conserver les anciens articles de la partie réglementaire du code de l’organisation judiciaire, mais parce qu’à vouloir ventiler les juridictions d’exception entre les différents codes de droit substantiel, on porte atteinte à l’unité procédurale qui les transcende ; on affiche ainsi une diversité au-delà de la spécificité de chacune, alors même que la nouvelle partie législative débute par un corps d’articles qui constituent autant de principes directeurs de l’organisation judiciaire et que les principes directeurs constitueront demain, avec la réforme de la responsabilité des magistrats, le fondement d’une action disciplinaire (v. infra) ;
  •  parfois maintenu en vigueur dans certaines de ses dispositions (à titre temporaire, voire à titre définitif) ;
  •  et sans table de concordance, tant l’exercice de son établissement relevait de la mission impossible.
Bref, un travail bâclé qui risque de dérouter les praticiens et qui est l’antinomie de l’écoute des professionnels du droit que doit pratiquer la Chancellerie et de la confiance qu’elle doit inspirer aux justiciables par l’élaboration de textes à la lisibilité parfaite.
Précisons enfin que ce code ne constitue pas un nouveau code de l’organisation judiciaire, comme le fut, en son temps, le Nouveau code de procédure civile ; formellement, l’enveloppe, le contenant, restent les mêmes ; seul le contenu change.

b) la confiance dans le service public de la justice par la loyauté de ses serviteurs

             C’est par une réforme de la responsabilité disciplinaire des magistrats professionnels que le Gouvernement a entendu répondre aux interrogations posées par l’effroyable affaire d’Outreau. Après bien des hésitations, politiques (le Garde des Sceaux annonçant publiquement un dimanche après-midi, devant un syndicat de magistrats réunis en congrès, que cette question ne figure pas dans son projet, mais le Premier ministre affirmant le contraire le soir même, sans d’ailleurs que le ministre de la Justice ne se sente désavoué….), juridiques (le Conseil d’Etat ayant émis des réserve sur la projet gouvernemental, au regard de l’indépendance des juges), un texte a été voté par l’Assemblée nationale à la mi-décembre 2006, le vote par le Sénat devant intervenir en janvier (le projet ayant été soumis à la procédure d’urgence, il ne comprendra qu’une seule lecture). En l’état actuel du texte, la responsabilité disciplinaire des juges pourrait être engagée pour « la violation grave et intentionnelle d’une ou plusieurs règles de procédure constituant des garanties essentielles des droits des parties, commises dans le cadre d’une instance close par une définition de justice devenue définitive ». Voilà les règles de procédure élevées au rang des fondements à un manquement, par un magistrat, de ses devoirs professionnels ; sur le principe – et quoi qu’on dise dans les milieux concernés – cela ne nous choque pas ; après tout, la loyauté est retenue dans le droit disciplinaire de nombreuses professions, notamment judiciaires et, à consulter sur le site du Conseil supérieur de la magistrature, le recueil des décisions intervenues à l’encontre de magistrats, on peut constater que la rubrique « loyauté », occupe déjà une bonne place. Le garde-fou que constitue la double exigence d’une violation « grave » et « intentionnelle », devrait rassurer ceux qui craindraient, à juste titre, que cette voie ne soit utiliser abusivement par des plaideurs mécontents. Faut-il rappeler enfin, que c’est sur le fondement d’une violation du principe du contradictoire par un juge que la Cour de cassation belge a retenu la responsabilité de l’Etat pour dysfonctionnement du service public de la justice ? Que la Cour de Justice des Communautés européennes retient, elle, la violation du droit communautaire par le juge national pour fonder une action en responsabilité ? (sur ces jurisprudences, v. notre rubrique sur les responsabilités engagées pour dysfonctionnement du service public de la Justice, dans le Répertoire de procédure civile). 

                        c) la proximite

             On débordera un peu de 2006 sur 2007 pour signaler que les juges de proximité font l’objet :
-          d’une part, d’un décret n° 2007-17 du 4 janvier 2007 (intégré au décret n° 93-21 du 7 janvier 1993) sur leur formation initiale, qui est allongée : 12 jours de formation organisée par l’Ecole nationale de la magistrature et 25 jours de présence effective en juridiction sur une période de six mois) et leur obligation de formation continue (cinq jours par an, obligatoire les trois premières années).
-          D’autre part, d’un arrêté du 4 janvier 2007, qui réglemente l’organisation du service de ces juges et abroge l’arrêté du 15 mai 2003.

ii – la démocratie procédurale dans le procès civil

            Au-delà du procès, on signalera le décret n° 2006-1805 du 23 décembre 2006 qui, pour l’essentiel, réglemente la procédure en matière successorale et de changement de régime matrimonial (articles 1 à 3). Le même décret transfère la procédure de prise à partie de l’ancien code de procédure civile au Nouveau code de procédure civile (art. 366-1 à 366-9). 

 a) le principe de dialogue

 1°) En jurisprudence

 Au titre du principe de dialogue, plusieurs arrêts (parmi de très nombreuses décisions) sont significatifs de l’importance qu’il a prise en jurisprudence. Ainsi, par ordre chronologique, la deuxième chambre civile a-t-elle successivement jugé :

1) le 4 janvier 2006 (pourvoi n° 04-14.080), que si le juge saisi d’une demande de taxe des dépens exposés devant une cour d’appel, décide de tenir une audience (alors que les articles 708 et 709, NCPC, ne lui en font point obligation), il doit convoquer les parties, s’assurer du caractère effectif et régulier des convocations qui leur sont adressées et organiser, au cours de cette audience, un débat contradictoire permettant à chacune de prendre connaissance et de discuter de toute pièce ou observation présentée au juge en vue d’influer sa décision ; en somme, si le législateur n’a pas prévu un dialogue obligatoire, dès lors que celui-ci est provoqué par le juge, il doit être complet et correspondre à vrai dialogue.

2) Le 11 janvier 2006, par trois arrêts rendus le même jour (pourvois n° 03-17.381, n° 03-18.577 et n° 04-11.129), que si les parties ont fait figurer dans le bordereau de pièces annexé aux dernières conclusions (et dont la communication n’a pas été contestée) des pièces qui sont ensuite invoquées à l’appui d’une demande mais qui ne figurent pas au dossier du juge, ce dernier doit inviter les parties à s’expliquer sur cette absence. Jurisprudence confirmée dans l’arrêt de la première chambre civile du 14 novembre 2006 (pourvoi n° 05-12.102, commenté dans ce cahier, V° Principes directeurs du procès).

3) Le 14 septembre 2006 (pourvoi n° 04-20.524), que le juge (d’instance délégué dans les fonctions de juge de proximité) qui statue avec des motifs inintelligibles et qui écarte par une pétition de principe certains éléments de preuve produits par le défendeur, rompt le principe d’égalité des armes ; or, ce principe, ainsi qu’il vient d’être démontré dans une thèse soutenue à l’université de Montpellier 1 (Gaëlle Betrom, Le principe d’égalité des armes au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, direction Frédéric Sudre, 8 décembre 2006) fonde un principe de dialogue pour, peut-être, conduire à un nouveau type de procès, le procès dialogique (c’est en tout cas la thèse de la candidate).
4) Le 21 septembre 2006, par douze arrêts, que le principe du dialogue devait être respecté dans la procédure de réinscription des experts judiciaires (motivation de la décision de refus, respect du principe de la contradiction). V. ces arrêts, annotés par Anne Raymond-Grèze, dans les Cahiers de l’actualité, 2006-6, p. 5 à 7.

2°) En législation

            L’idée de dialogue est très présente dans le projet de loi qui vise à introduire en droit français un recours collectif en défense des intérêts des consommateurs qui subissent un préjudice de masse. L’an dernier, dans cette synthèse annuelle, nous avions présenté les circonstances qui avaient conduit le Gouvernement à mettre sur pied une Commission de réflexion et de propositions sur ce sujet ; si la Commission n’a pas pu aboutir à un projet unique, faisant l’unanimité de ses membres, elle a permis au moins d’entendre tous les points de vue. Et de ces auditions est sortie l’idée de recourir au maximum aux mécanismes procéduraux existants, ainsi que nous l’avions suggéré devant la Commission (v. le texte de notre intervention au Recueil Dalloz du 15 septembre 2005, p. 2180).
            Dans un discours du 12 septembre 2006, la Garde des Sceaux a présenté le projet du gouvernement en partant des conclusions du groupe de travail qui avait remis son rapport le 16 décembre 2005. Ecartant la voie d’une réforme des actions collectives que les associations de consommateurs agréées peuvent exercer, ainsi que celle de la création d’une action de groupe inspirée des systèmes des Etats-Unis et du Québec, il privilégie une troisième voie, celle dans laquelle le groupe de consommateurs n’est constitué que par les personnes ayant expressément entendu se joindre à l’action. C’est en partie, mais en partie seulement (avec des ambitions plus modestes quant à la nature et au montant du litige, ainsi que quant à l’origine du préjudice), le système, d’essence procédurale, que nous avions présenté à la Commission : 

            1) La nouvelle procédure sera confiée à des tribunaux de grande instance spécialement désignés.
- Dans une première phase (celle de l’amorçage du dialogue), initiée nécessairement par une association agréée de consommateurs et représentative au niveau national (et non pas par n’importe quel consommateur), il s’agit de favoriser les conditions du dialogue : le juge se borne à se prononcer sur la responsabilité du professionnel ; pas question d’introduire ici la certification (anglo-saxonne) de l’action par le juge, d’où, en contrepartie, pour réguler l’exercice de l’action, les garanties exigées des associations. L’introduction de cette action paralyse l’action pénale et inverse ainsi à la règle « le criminel tient le civil en l’état ». La représentation par avocat sera obligatoire à ce stade de la procédure. Le juge se prononce alors sur la responsabilité du professionnel, mais sans fixer le préjudice subi par les consommateurs, qui ne sont pas parties à l’action. Si le juge déclare le professionnel responsable, la décision fait l’objet d’une publicité selon les modalités fixées par le jugement (ce que nous avions préconisé avec paiement des frais au moyen d’une provision payée par le professionnel reconnu responsable, ce que le projet ne précise pas). Le juge surseoit alors à statuer sur la liquidation des préjudices individuels subis par les consommateurs pour permettre à la deuxième phase de se dérouler : il impartit un délai aux consommateurs pour adresser au professionnel concerné une demande d’indemnisation et fixe la date à laquelle l’affaire sera rappelée devant lui.
- Dans un deuxième temps, le dialogue se noue : en effet, chaque consommateur, ainsi informé, peut présenter une demande d’indemnité au professionnel qui sera tenu de faire une offre accompagnée d’un chèque ; en cas d’acceptation de l’offre, l’affaire est terminée.
- Dans un troisième temps, celui de la sanction du non-dialogue, à l’expiration du délai de sursis à statuer, si certaines demandes d’indemnisation n’ont pas été satisfaites, le juge reprend l’affaire, mais statue selon une procédure simplifiée et sans représentation obligatoire ; il pourra décider de la comparution des parties. Aux cas où aucune offre n’aurait été faite ou bien encore si elle est jugée manifestement insuffisante, le juge pourra condamner le professionnel, au profit du consommateur, au paiement d’une pénalité égale à cinquante pour cent de l’indemnité allouée.

2) Le champ de l’action est triplement limité
- Quant à la nature du litige : ne sont concernés que les litiges relevant du droit de la consommation ; en sont exclus ceux qui relèvent du droit du travail ou les atteintes au droit de l’environnement. On reste sceptique sur la capacité à distinguer les litiges relevant strictement du droit de la consommation !
- Quant à l’origine et la nature du préjudice : seuls les préjudices d’origine contractuelle pourront faire l’objet de cette procédure ; sont exclus, les préjudices d’origine délictuelle ou quasi-délictuelle. En outre, seuls les préjudices matériels et les troubles de jouissance des consommateurs nés d’un manquement d’un professionnel à ses obligations (contractuelles) pourront être réparés selon cette procédure. Sont exclus les préjudices corporels, ce qui, ipso facto, écarte toute possibilité de recourir à cette procédure pour les préjudices nés d’un accident d’avion.
- Enfin, quant au montant du litige, il convient de souligner que le projet cantonne la procédure aux litiges dont le montant du préjudice individuel ne dépasse pas 2000 euros.
            Tout ceci est bien modeste et donnera certainement lieu à des amendements au Parlement, tant le projet est perfectible.  
 b) le principe de loyauté

 - Bien qu’il ait été rendu fin 2005, on ne peut pas ne pas citer un arrêt rendu en chambre mixte par la Cour de cassation, le 16 décembre 2005 (pourvoi n° 03-12.206), qui décide que la force de la chose jugée attachée à une décision judiciaire, dès son prononcé, ne peut avoir pour effet de priver une partie d’un droit tant que cette décision ne lui a pas été notifiée ; la loyauté des échanges renforce l’esprit « dialogique » du procès.
- Le 11 janvier 2006 (pourvoi n° 04-14.305), la deuxième chambre civile parle expressément de la loyauté des débats : « le juge ne peut écarter des débats des conclusions et pièces communiquées par les parties sans préciser les circonstances particulières qui ont empêché de respecter le principe de la contradiction ou caractériser un comportement de leur part contraire à la loyauté des débats ». Cet arrêt confirme que la Cour de cassation souhaite intégrer le principe de loyauté dans l’ordonnancement juridique (v. déjà l’important arrêt de la première chambre civile du 7 juin 2005 dans la synthèse de l’an dernier) et apporte ainsi un démenti à la doctrine qui n’entend pas le reconnaître, alors qu’il émerge de toutes parts (v. sur ce point nos remarques au Précis de procédure civile, 28ème éd., par Serge Guinchard et Frédérique Ferrand, Dalloz éd., oct. 2006, n° 641, c, L’émergence de nouveaux principes directeurs).
- Le 11 juillet 2006 (pourvoi n° 03-20.802), la première chambre civile a jugé, en matière d’arbitrage, que la renonciation d’une partie à soulever une irrégularité (en l’espèce quant à la l’existence ou la validité de la clause compromissoire), doit s’apprécier au vu de son comportement au cours de la procédure d’arbitrage ; et elle le fait au nom de la règle de l’estoppel, règle qui sanctionne une obligation de loyauté procédurale, par le moyen d’une fin de non-recevoir, apportant ainsi un nouveau démenti à ceux qui refusent encore de voir en la loyauté un principe directeur (sur ce point, v. Précis de procédure civile, op. cit., n° 179). Elle confirme ainsi sa jurisprudence inaugurée le 5 juillet 2005 (sur laquelle v. notre synthèse 2005).

 c) le principe de célérité
              a) En jurisprudence, on signalera, au titre de ce principe : 

1) L’arrêt rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, le 7 juillet 2006 (pourvoi n° 04-10.672). Revenant sur une jurisprudence issue d’une autre assemblée plénière (3 juin 2004), la Cour de cassation juge désormais que « le changement de fondement juridique ne permet pas de soumettre à un nouveau juge un litige déjà tranché par les juges du fond ». Concrètement, cela signifie que si le demandeur s’abstient, volontairement ou non, de soulever en première instance, un fondement juridique différent (et complémentaire) de celui qui a servi de fondement à sa demande, il ne peut plus ensuite, au niveau de l’instance d’appel, invoquer cet autre fondement : il y a identité de cause des deux demandes. Si la célérité y gagne, on regrettera tout de même que le juge ne se voit pas rappeler son obligation de dire le droit (cf. art. 12, NCPC), donc de relever d’office cet autre fondement ; une interprétation dynamique des pouvoirs du juge aurait permis de concilier souci de célérité et besoin de donner aux procès la solution juridiquement la plus adéquate. L’élargissement de la notion de cause est considérable ; celle-ci couvre désormais des demandes ayant le même but, mais dont le fondement juridique est différent.

2) L’arrêt de la deuxième chambre civile qui, énonce « qu’aucun texte ne fixant un délai de comparution devant le juge des référés, les dispositions des articles 643 à 645 du Nouveau code de procédure civile, qui ont pour objet d’augmenter un tel délai, ne sont pas applicables » (Civ. 2ème, 9 nov. 2006, n° 06-10.714, commentaire dans ce cahier V° Référé civil) ; il s’agit des délai dits de distance.  

3) En contrepoint, on signalera l’avis de la Cour de cassation sur les fins de non-recevoir qui ne constituent pas des incidents mettant fin à l’instance visés à l’article 771, al. 2, NCPC et qui, de ce fait, n’entrent pas dans la liste des incidents qui relèvent de la compétence du juge de la mise en état. Une vision plus dynamique du procès civil aurait permis, sans trop de dangers pour les parties et la conduite des procès, que le juge puisse en connaître, accélérant ainsi le travail de préparation de l’affaire au fond et dégageant la route des juges du fond de tous les incidents qu’une procédure ne manque pas da faire apparaître. La doctrine était divisée : par exemple, dans le même ouvrage collectif, sous notre direction[38], les opinions opposées de Jean Beauchard (en faveur de la thèse qui voit dans les fins de non-recevoir des incidents mettant fin à l’instance[39]) et celle de Jean Paul Lacroix-Andrivet (qui anticipait sur l’avis de la Cour de cassation[40]) ; la divergence d’opinion, sans être recherchée dans l’ouvrage, n’en est pas moins maintenue dès lors qu’elle participe au débat doctrinal et permet au lecteur de se forger une opinion.  

            b) En législation, on trouvera de nombreuses illustrations de ce principe de célérité. Ainsi, le décret n° 2005- 1678 du 28 décembre 2005 portant réforme de la procédure civile, applicable depuis le 1er mars 2006 (mais dont il ne sera point question ici, car il relève de la synthèse et des analyses de l’an dernier auxquelles nous renvoyons) concrétise une réponse au besoin de célérité, d’une part par la reconnaissance de pouvoirs accrus au juge de la mise en état dans l’instruction du procès civil et, d’autre part, par les nouvelles dispositions sur la recevabilité de l’appel si le jugement de première instance assorti de l’exécution provisoire de droit ou ordonnée par le juge n’a pas été exécuté.

III – L’AVÈNEMENT D’UNE DÉMOCRATIE PROCÉDURALE
la doctrine, le juge
 et L’avènement d’une démocratie procédurale


Il y a quelques années de cela, en 1999, j’avais publié un article intitulé « Vers une démocratie procédurale »[41]. L’article se voulait prospectif (ce que soulignait son intitulé en forme de mouvement), au-delà de l’intuition que nous étions au début d’une profonde évolution du rôle de la procédure civile dans nos sociétés dites développées. J’insistais sur les métamorphoses de cette discipline sous l’influence de la garantie des droits et concluais par l’idée qu’au final la procédure c’était « la garantie de la garantie des droit ».
Pour sensibiliser mes étudiants de doctorat à ces métamorphoses, notamment à la mondialisation des sources et des concepts, je demandais à Shlomo Levin d’accepter, malgré ses lourdes charges à la Cour suprême d’Israël de venir leur parler du système judiciaire israélien, dans une perspective de modélisation des procédures tant civiles que pénales, avec notamment l’influence anglo-saxonne. Cette venue, en qualité de professeur invité par l’université Panthéon-Assas (Paris 2), fut l’occasion d’échanges fructueux, qui se prolongèrent, soit lors de mes séjours en Israël, soit lors de la venue de mon ami Shlomo à Paris, pratiquement chaque année. Lorsque je discutais de cette question avec Shlomo Levin, lors de nos rencontres à Paris ou en Israël, il se montrait (et se montre encore) intéressé par cette idée que la procédure, cette technique souvent mal aimée, peut aider à la construction d’une démocratie, que je qualifie, pour cette raison, de procédurale.
Treize ans ont passé et les prémices de cette évolution se sont depuis confortées, mais si les idées développées dans cet article se sont affinées, c’est en grande partie grâce à l’apport de Shlomo Levin, par la justesse de ses observations, sa connaissance de plusieurs systèmes juridiques, son sens pratique né du terrain et sa curiosité intellectuelle toujours en éveil et jamais prise en défaut. Si le thème de cet article est bien celui de l’avènement d’une démocratie procédurale, son contenu est dû à la confrontation de la doctrine que je qualifie de processualiste humaniste, à l’expérience d’un juge profondément humain.
Le point de départ de cette réflexion est que, progressivement, depuis la fin des années quatre-vingt-dix, mais le mouvement s’est accéléré, en France, avec la publication du précis Dalloz de droit processuel en 2001[42], la procédure civile a changé de visage. Elle n’est plus le droit des procéduriers qui réfléchissent à leur discipline en scrutant leurs aspects de pure technique procédurale, voire en étudiant les trois théories de l’action, de la juridiction et de l’instance, mais le droit de ceux qui s’intéressent aux sources communes d’inspiration de tous les contentieux, à leurs fondements, aux principes de droit naturel qui s’imposent dans la conduite de tous les procès. En effet, le droit processuel d’aujourd’hui dépasse la simple comparaison des contentieux administratif, civil et pénal et se trouve irrigué par des standards communs à tous les procès, nationaux ou internationaux, peu important qu’ils relèvent de la matière civile ou de la matière pénale, standards provenant de sources internationales, pour l’essentiel européennes, mais aussi de sources constitutionnelles. Le droit processuel étant devenu le droit commun du procès, de tous les procès, la procédure civile n’a pas échappé à ce mouvement et a bénéficié de cet apport, de ce renouvellement de la pensée processualiste, en provenance notamment de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
De cette évolution, la doctrine qui l’épouse et la crée tire sa force et sa légitimité qui s’imposent progressivement parce qu’elles s’enracinent dans la protection des droits et libertés fondamentaux. Cette doctrine, que nous qualifions de « processualiste humaniste », prend une part croissante dans la construction, au quotidien, de la garantie des droits (I). Elle contribue à faire émerger des principes structurants (II) qui dessinent les contours de la démocratie procédurale de demain (III).
Cette doctrine est exponentielle, car, avec le développement du concept de procès équitable, elle ne connaît pratiquement pas de limites. Elle est prospective, car elle fonde une vision futuriste de la démocratie procédurale.
 I - la part de la doctrine processualiste humaniste dans la construction de la garantie des droits

A) Par doctrine humaniste processuelle, nous n’entendons pas la doctrine processualiste classique qui voyait dans le droit processuel une « œuvre doctrinale [qui] s’élève à un degré supérieur de généralité par la comparaison des divers types de procès[43] », celle sur laquelle plane l’ombre majestueuse et l’empreinte magistrale d’Henri Motulsky, ce maître incontesté du droit du procès, jamais égalé, jamais remplacé. Cette vision n’est pas périmée, mais dépassée, car en plus de quatre-vingts ans (de Visioz en 1927, à aujourd’hui), elle n’a conduit à rien, si ce n’est à disserter au mieux sur le droit d’action comparé du ministère public et des groupements en contentieux administratif, civil et pénal, au pire à se demander pourquoi les délais n’étaient pas les mêmes pour agir dans chacun de ces trois contentieux. Surtout, elle ne conduit pas à s’interroger sur les fondements de la procédure civile eu égard aux besoins ressentis par les citoyens dans toutes les formes de démocratie moderne (besoins d’écoute, de confiance et de proximité) et aux légitimes aspirations des justiciables (aspirations au dialogue, à la loyauté du débat judiciaire et à la célérité de la justice). C’est en ce sens que la seule comparaison des trois grands contentieux est dépassée, « ringardisée » : que peut-elle apporter aux justiciables qui aspirent à l’effectivité de leurs droits et non pas à une construction intellectuelle, aussi réussie soit-elle, d’une théorie générale du procès ? Loin de nous l’idée de renier l’apport de cette réflexion à la doctrine juridique ; mais force est de constater qu’elle n’apporte rien au droit de la procédure civile, au sens du droit des justiciables à voir le législateur et les juridictions assurer l’effectivité de leurs droits, par des mesures concrètes et pas seulement par de belles envolées lyriques sur les trois grandes théories de l’action, de la juridiction et de l’instance.

B) C’est ce volet « protection des droits fondamentaux » qui a aujourd’hui considérablement transformé la technique procédurale civile. Progressivement, tout un droit commun du procès se construit sous nos yeux, par l’impulsion que donnent à tous les contentieux, au-delà de leurs divergences congénitales, les sources supra-législatives de ce droit. Le droit processuel, en tant que droit commun du procès équitable est devenu le droit qui garantit la garantie des libertés et droits fondamentaux. On assiste actuellement, sous l’influence conjuguée des normes supra-nationales, mais aussi des auteurs tant français qu’étrangers qui s’intéressent à ce mouvement d’internationalisation et de constitutionnalisation des procédures et qui le conceptualisent, à la création progressive, mais inéluctable, d’une science de la procédure, d’un nouveau droit processuel envisagé comme un droit commun à tous les types de contentieux.

a) L’apport de la doctrine contemporaine est essentiel dans cette reconstruction du droit processuel ; elle va soutenir ce mouvement, parfois le précéder, par ses enseignements et ses écrits, en dégageant trois aspects du droit à un procès équitable, quel que soit le type de contentieux, donc y compris celui qui est régi par la procédure civile :
le droit à un juge (et l’effectivité de ce droit par la levée de tous les obstacles d’ordre financier et juridique) ;
le droit à un bon juge, par des garanties d’ordre institutionnel (unité ou dualisme des juridictions ; unité ou collégialité des juridictions ; indépendance et impartialité du juge ; laïcité des juridictions ; une langue comprise des justiciables) et d’ordre procédural, avec une procédure publique, rapide et équitable, au sens de l’exigence d’un jugement motivé, du respect des principes d’égalité des armes et de principe de la contradiction ;
le droit à l’exécution de la décision du juge.
C’est le fameux triptyque que la Cour européenne des droits de l’homme a progressivement dégagé de l’article 6, § 1 de la Convention du même nom et dont les deux arrêts phares sont Golder contre Royaume-Uni et Hornsby contre Grèce. Il n’a plus grand-chose à voir avec la conception classique du droit processuel.

b) Il serait erroné de croire que ce droit processuel humaniste ne concerne pas la procédure civile. Les arrêts de la Cour EDH ont démontré le contraire : qui eût cru que des articles du code de procédure civile allaient donner lieu à des arrêts de condamnation de la France sur le fondement du droit à un procès équitable ? On pense notamment aux articles 619 sur les moyens nouveaux[44], 979[45], 1009-1[46], du code de procédure civile, au principe d’être jugé dans un délai raisonnable avec l’examen, sur ce terrain, de l’usage que fait le juge de la mise en état des pouvoirs que le code lui confère[47].
 II - la part de la doctrine processualiste humaniste dans l’émergence de nouveaux principes structurants

Si, en partant des grandes évolutions de notre société, des attentes nouvelles des justiciables, on recherche un dénominateur commun à tous les contentieux, dans une perspective prospective, quels sont les principes directeurs susceptibles de se dégager en ce début de siècle ? Avec le risque d’en oublier ou, plus exactement de minimiser certaines évolutions, nous avons avancé l’idée, dès 1999, que trois principes structurants se profilent derrière les principes directeurs actuellement retenus dans chaque type de contentieux, principes qui correspondent à des besoins nouveaux, tels que les expriment les justiciables et les citoyens :
un besoin de confiance dans l’institution justice et de respect de l’Autre, d’où un principe (structurant) de loyauté, notamment dans la recherche de la preuve ;
un besoin d’écoute de l’Autre, qu’il s’agisse des parties ou du juge, voire de tiers, d’où un principe (structurant) de dialogue entre les parties et entre celles-ci et le juge ;
un besoin de proximité enfin, mais pas forcément dans l’espace, le temps mis à parcourir une distance se substituant à la proximité géographique, d’où un principe, lui aussi structurant, de célérité.
Le lecteur intéressé par ces nouveaux principes et cette doctrine qui les porte en trouvera un exposé détaillé dans le précis Dalloz de droit processuel déjà cité[48].
Ce sont les principes directeurs de demain, des principes émergents, ce qui signifie qu’ils ne sont pas encore acceptés par tous. Ils structurent l’ensemble des contentieux[49] et il faut les « inscrire en lettres d’or aux frontons des palais de justice[50] ». Ils traduisent l’avènement d’une démocratie procédurale[51].
 III - la part de la doctrine processualiste humaniste dans l’avènement d’une démocratie procédurale

Avec l’émergence de ces trois principes structurants, nous croyons pouvoir discerner la confirmation de l’opinion que nous avions émise dès 1999[52] : nous sommes entrés dans une ère nouvelle, celle du dépassement des questions de pure technique procédurale, non point parce que celles-ci seraient devenues inutiles, mais parce qu’elles doivent être revisitées à l’aune de la mondialisation (qui induit une attraction de la procédure civile à la garantie des droits fondamentaux) et à la lumière d’une modélisation du droit du procès. De simple technique d’organisation du procès civil (comme la société est une technique d’organisation de l’entreprise, parmi d’autres, ainsi que nous l’avions souligné dans le Précis de Procédure civile, dès 1991[53]), la procédure est devenue un instrument de mesure de l’effectivité de la démocratie dans notre pays[54], mesure que la Cour européenne des droits de l’homme surveille de près[55]. Sous ce regard, les juristes d’aujourd’hui, en tout cas ceux qui s’intéressent à la garantie des droits fondamentaux ne commenteraient certainement pas de la même façon des jugements tels que ceux commentés par Visioz sur les actions déclaratoires visant des juifs ; on regrettera que cet éminent auteur, comme tant d’autres, mais à la plume par ailleurs si acerbe[56], ne soit pas allé jusqu’à critiquer le statut vichyste des juifs, à l’occasion de son commentaire, technique, purement technique, de jugements sur des actions déclaratoires « de la race juive[57] », dont l’expression à elle seule, fait froid dans le dos ; triste illustration de la doctrine grise des années noires de la France. Il est certain que l’éclairage actuel du droit processuel humaniste ne laisserait pas passer cette froide vision du droit d’accès à un juge.
 Ce qui vaut pour le champ du procès, vaut aussi, à un moindre degré, pour le champ du service public de la Justice, tant il est vrai que, dans ce cas, les résistances régaliennes sont plus fortes.
La procédure civile réintègre ainsi pleinement le champ du service public de la justice et la doctrine ne peut ignorer ce phénomène. On est loin de l’annotation du formalisme procédural. La doctrine participe désormais à l’avènement de la garantie des droits, à l’instauration d’une démocratie procédurale. Il reste au juge, à la fois inspirateur et collaborateur de cette doctrine, à la conforter dans sa vision, autrefois prémonitoire, aujourd’hui communément admise ou presque, d’un droit processuel humaniste.

IV – LA DÉMOCRATIE PROCÉDURALE SOUS LE REGARD DE LA LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE DE PIERRE ROSANVALLON
un juge, acteur de la construction d’un nouveau modèle procédural et d’une nouvelle démocratie
(troisième partie des propos conclusifs au tgi de paris sur
« le juge à l’écoute du monde », le 27 mars 2013)
   Ce qui m’a frappé dans les mots et les concepts qui émergent dans les rapports de vos quatre groupes de travail, c’est de retrouver ceux que j’utilise depuis 15 ans maintenant pour faire émerger la notion de principes structurants de l’instance (A) et la notion de démocratie procédurale (B) : ce sont ceux d’écoute, de dialogue, de loyauté, de proximité et de célérité, le groupe n° 2 allant même jusqu’à utiliser les cinq dans le même rapport, ce qui n’est pas surprenant puisqu’il s’est plus particulièrement intéressé aux procédures elles-mêmes, qu’elles soient civiles ou pénales. Ce concept de démocratie procédurale que nous défendons depuis 1999 trouve un écho dans celui de légitimité démocratique que l’on trouve développé dans un ouvrage de Pierre Rosanvallon édité en 2008[58] (C).
A)    l’émergence de principes structurants de l’instance
              Ce n’est sans doute pas un hasard si ces notions rejoignent les trois principes structurants qui se profilent derrière les principes directeurs actuellement retenus dans chaque type de contentieux, principes qui correspondent à des besoins nouveaux, tels que les expriment les justiciables et les citoyens :
un besoin de confiance dans l’institution Justice et de respect de l’Autre, d’où un principe (structurant) de loyauté, notamment dans la recherche de la preuve ;
un besoin d’écoute de l’Autre, qu’il s’agisse des parties ou du juge, voire de tiers, d’où un principe (structurant) de dialogue entre les parties et entre celles-ci et le juge ; votre groupe 2 l’a particulièrement mis en exergue dans la conduite de l’instruction des affaires et même dans l’élaboration du jugement.
un besoin de proximité enfin, mais pas forcément dans l’espace, le temps mis à parcourir une distance se substituant à la proximité géographique, d’où un principe, lui aussi structurant, de célérité.
Ce sont les principes directeurs de demain, des principes émergents, ce qui signifie qu’ils ne sont pas encore acceptés par tous. Ils structurent l’ensemble des contentieux[59] et il faut les « inscrire en lettres d’or aux frontons des palais de justice[60] ». Ils traduisent l’avènement d’une démocratie procédurale[61].
B)    l’émergence d’une démocratie procédurale
Avec l’émergence de ces trois principes structurants, je discerne la confirmation de l’opinion émise dès 1999[62] : nous sommes entrés dans une ère nouvelle, celle du dépassement des questions de pure technique, non point parce que celles-ci seraient devenues inutiles, mais parce qu’elles doivent être revisitées à l’aune de la mondialisation (qui induit une attraction de la procédure à la garantie des droits fondamentaux) et à la lumière d’une modélisation du droit du procès.
De simple technique d’organisation du procès (comme la société anonyme est une technique d’organisation de l’entreprise, parmi d’autres), ainsi que nous l’avions souligné dans le Précis de Procédure civile, dès 1991[63], la procédure est devenue un instrument de mesure de l’effectivité de la démocratie dans notre pays[64], mesure que la Cour européenne des droits de l’homme surveille de près[65]. Et plus les exigences de gestion des flux, plus les garanties s’étoffent et prennent de l’importance.
La procédure réintègre ainsi pleinement le champ du service public de la Justice et une certaine doctrine n’ignore plus ce phénomène, même si une autre continue de se perdre dans les marécages des approches de pure technique juridique et de la comparaison des trois grands types de procédure, administrative, civile et pénale, alors que tout autour de nous le monde bouge et vous pousse à réfléchir sur votre office au XXIème siècle. On est loin de la stricte application par le juge du formalisme procédural et de son annotation par la doctrine, alors que la communication électronique bouleverse nos habitudes et que le rôle de la doctrine est de dégager des principes qui transcendent ces aspects purement formels. La doctrine et vous juges du TGI de Paris, participez désormais à l’avènement de la garantie des droits, à l’instauration d’une démocratie procédurale. Il vous reste à vous juges, à la fois inspirateur et collaborateur de cette doctrine, à la conforter dans sa vision, autrefois prémonitoire, aujourd’hui communément admise ou presque, d’un droit processuel humaniste.

c) démocratie procédurale et « légitimité démocratique » de pierre rosanvallon

a) Dans le deuxième volet de son enquête sur les mutations de la démocratie au XXIème siècle, La légitimité démocratique – Impartialité, réflexivité, proximité,  Pierre Rosanvallon propose une histoire et une théorie de cette « révolution de la légitimité »[66]. L’idée est ainsi exposée dans la présentation de l’ouvrage : « l’élection ne garantit pas qu’un gouvernement soit au service de l’intérêt général, ni qu’il y reste. Le verdict des urnes ne peut donc être le seul étalon de la légitimité. Les citoyens en ont de plus en plus fortement conscience. Une appréhension élargie de l’idée de volonté générale s’est ainsi imposée. Un pouvoir n’est désormais considéré comme pleinement démocratique que s’il est soumis à des épreuves de contrôle et de validation à la fois concurrentes et complémentaires de l’expression majoritaire »

b) Comparée à l’idée de démocratie procédurale, on voit aisément ce qui rapproche les deux théories. De la même façon que la démocratie procédurale repose sur le triptyque des trois principes structurants du droit processuel que sont la confiance (d’où la loyauté), le dialogue (d’où la contradiction) et la proximité (d’où la célérité), un pouvoir démocratique « doit se plier à un triple impératif de mise à distance des positions partisanes et des intérêts particuliers (légitimité d’impartialité), de prise en compte des expressions plurielles du bien commun (légitimité de réflexivité) et de reconnaissance de toutes les singularités (légitimité de proximité) ». Quelques rapprochements s’imposent, à ces trois niveaux de l’analyse pour souligner la place que prend le droit processuel (au sens où nous l’entendons) dans la recherche de la légitimité d’un pouvoir démocratique. 

1) S’agissant de la « légitimité d’impartialité », l’exigence est éminemment processuelle dans son affirmation et procédurale dans sa mise en œuvre. Pierre Rosanvallon reprend la distinction, classique chez les juristes, de l’indépendance qui est un statut et de l’impartialité qui est, pour lui « une qualité » (p. 150-151), pour nous « une vertu »[67]. Et ce sont les autorités administratives indépendantes qui sont l’objet de la démonstration du savant auteur (p. 139 et s.) à la recherche de ce qui caractérise leur légitimité, puisque, par hypothèse, elles ne sont pas élues. Le choix de cet exemple est particulièrement révélateur puisque ce sont ces autorités qui ont posé le plus de problèmes en jurisprudence quant à leur impartialité[68] ! Notre rapprochement trouve ici toute sa justification.

2) S’agissant de la « légitimité de réflexivité », le rapprochement est moins évident au premier abord, puisque nous insistons sur le dialogue et Pierre Rosanvallon sur « la prise en compte des expressions plurielles du bien commun ». Pourtant, on ne peut manquer d’être frappé par l’exigence de dialogue avec le législateur que sous-tend l’analyse à laquelle procède Pierre Rosanvallon, de l’intervention des cours constitutionnelles dans l’élaboration de la loi (cf. p. 217 et s.) ; or, ce dialogue est particulièrement mis en évidence aujourd’hui en France avec l’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité et Guillaume Drago l’avait déjà relevé dans sa thèse[69] en parlant d’une coproduction de la loi par le Parlement et le Conseil constitutionnel dans le contrôle de constitutionnalité a priori.

3) Enfin, en ce qui concerne la « légitimité de proximité », il est très intéressant de rapprocher cette exigence dans la démocratie procédurale telle que nous la voyons, de ce qu’écrit Pierre Rosanvallon (pages 265 et s.) à propos de la légitimité d’un pouvoir démocratique. Ainsi, page 269 et s., l’auteur montre que selon les travaux de Tom Tyler la légitimité des agents publics est fonction des qualités de « justice procédurale » attachées à leur comportement. En d’autres termes et selon une « grande étude menée en 1984 à Chicago auprès d’individus ayant eu personnellement maille à partir avec la police et la justice », il résulte que « ces individus ont un regard sur l’institution qui n’est que faiblement corrélé avec la nature des sanctions qui leur avaient été infligées. Si la satisfaction des individus dépendait évidemment, au premier chef,  du verdict prononcé, leur appréciation de la légitimité de l’institution judiciaire était, elle, fondée sur un autre critère : celui de la perception de l’équité du procès ». L’équité de la procédure légitime le fond d’une sentence.
Ainsi, dans toutes ses composantes, la justice procédurale est au service de la démocratie et le droit processuel européen, voire universel, est le marqueur qui, tout à la fois, structure la démocratie procédurale et légitime le pouvoir démocratique.
En guise de conclusion
Vous êtes, par l’exercice de vos trois fonctions régaliennes, des régulateurs de flux, c’est-à-dire des gestionnaires de contentieux, mais aussi les protecteurs de ceux qui actionnent le devoir de protection juridictionnelle que l’état doit à chaque citoyen et les gardiens des libertés fondamentales.
-          Devenez dès à présent, des visionnaires du monde de demain que vous construisez, à « l’écoute de ce monde » qui fut le thème central de vos travaux et dont vous ne devez pas avoir peur.
-          Soyez les acteurs d’une nouvelle démocratie, à base de procédure parce que celle-ci porte en elle les idées de confiance qui fonde la loyauté, d’écoute de l’Autre qui implique le dialogue contradictoire et la proximité dans la célérité de vos jugements.




[1] Sans prétendre être exhaustif et dans l’ordre chronologique de parution : Sudre, JCP 2001, II, 10578. B. Favreau, Journal des droits de l’homme, supplément au n° 56 du 9 août 2001 des Annonces de la Seine. Fr. Rolin, AJDA, 20 juill./ 20 août 2001, 675. G. Cohen-Jonathan, Juris-classeur Europe Traité, fasc. 6520 à 6522. Joël Andrintsimbazovina, D. 2001, 2611. R. Drago, D. 2001, 2619. B. Genevois, RFDA 2001, 991. J. Fr. Flauss, Petites affiches, 3 octobre 2001, p. 13. J. Louis Autin et Fr. Sudre, RFDA 2001, 1000. S. Deygas, Procédures, nov. 2001, n° 223. J. P. Marguénaud, Dr. et proc. nov. 2001, 374. Fl. Benoît-Rohmer, RTDEur. 2001-4, 727. D. Chabanol, AJDA, janv. 2002, 9. M. Eudes, JDI 2002-1, 255. X. Prétot, RDP 2001-4, 983. G. Gonzalez, RDP 2002-3, 684. L. Sermet, RTDH 2002, 223. M. Puechavy, Journal des droits de l’homme, supplément au n° 50 du 5 août 2002 des Annonces de la Seine. G. Cohen-Jonathan, Gaz. Pal. 5 oct. 2002. O. Gohin, Contentieux adm., Litec, 3ème éd., 2002, n° 349. Antériurement à l’arrêt Kress : V. Haïm, D. 1999, chron. 201. B. Genevois, RFDA 2000-6, p. 1207. Joël Andriantsimbazovina, D. 2001, chron. 1188. Numéros 1 et 2 de la RFDA 2001
[2] Serge Guinchard, Justices 1999, nouvelle série, n° 1, p. 91 et aussi, Précis de droit processuel, Dalloz, 2ème éd., février 2003, n° 541 et s. (avec Monique Bandrac, Mélina Douchy, Frédérique Ferrand, Xavier Lagarde, Véronique Magnier, Hélène Ruiz Fabri, Laurence Sinopoli et Jean-Marc Sorel).
[3] V. à cet égard, la première séance de l’excellent séminaire organisé en 2001-2002 sur ce sujet par le laboratoire de sociologie judiciaire de l’université Paris 2, même si toutes les sensibilités processuelles n’étaient pas vraiment représentées…
[4] CEDH, 10 octobre 2002.
[5] D. Chabanol, Théorie de l’apparence ou apparence de théorie ? AJDA janvier 2002, p. 9.
[6] V. notamment, avec toute l’autorité qui est la sienne, la position de M. Bruno Genevois, RFDA 2001, 991.
[7] Type de commentaire auxquels se sont astreints la plupart des commentateurs, à l’exception notable, même si nous ne sommes pas exhaustifs, du récipiendaire de ce recueil de Mélanges (in Gaz. Pal. 5 octobre 2002).
[8] Serge Guinchard, Justices 1999, nouvelle série, n° 1, p. 91.
[9] Nous utilisons volontairement une terminologie en usage devant les juridictions répressives.
[10] Serge Guinchard, Justices 1999, nouvelle série, n° 1, p. 91, préc. et aussi, Précis de droit processuel, Dalloz, 2ème éd., février 2003, préc., spéc. n° 541 et s.
[11] Sur cette distinction, Hervé Croze, Mélanges Perrot, Dalloz, 1995, 49.
[12] Pour le droit privé, Serge Guinchard, Mégacode commenté de procédure civile, 2ème éd., 1999, ss. art. 1er, n° 022 à 036 ; Procédure civile, dalloz, 26ème éd., 2001, n°484. Pierre Chevalier, Jurisclasseur de procédure civile, fasc. 105. Cornu et Foyer, Procédure civile, PUF, 3ème éd., 1996, p. 380.Etudes Vizioz, p. 157 et s. Wiederkehr, Qu’est-ce qu’un juge ? Mélanges Perrot, Dalloz, 1995, 575. Pour le droit administratif : Kornprobst, La notion de partie et le recours pour excès de pouvoir, Paris, 1959.
[13] Propos tenus par certains au colloque organisé le 15 novembre 2002 au Barreau de Paris par la Faculté de droit de Saint-Maur sur le Ministère public et les exigences du procès équitable.
[14] Ibid.
[15] Colloque organisé le 15 novembre 2002 au Barreau de Paris par la Faculté de droit de Saint-Maur sur le Ministère public et les exigences du procès équitable.
[16] V. par ex. Arnaud Lyon-Caen, in Mélanges Drai, Dalloz, 1999.
[17] B. Genevois, colloque précité de la Faculté de droit de Saint Maur.
[18] B. Genevois, colloque précité de la Faculté de droit de Saint Maur.
[19] Intervention de Bruno Genevois au colloque précité et déjà in RFDA 2001, spéc. p. 998, col. droite.
[20] V. sur la « participation active » du commissaire du gouvernement à l’adoption du jugement devant les juridictions du fond, Fr. Rolin, AJDA 2001, p. 677.
[21] V. l’exemple, tiré d’un cas vécu, cité par Guinchard et Buisson, Procédure pénale, 2ème éd., 2002, n° 387, spéc. p. 407.
[22] CEDH, 24 nov. 1997, Wernerrs c/ Autriche, série A, n° 282 ; JCP 1998, I, 107, n° 27, obs. Sudre.
[23] CE, 12 juillet 2002, M. et Mme Leniau. Propos tenus par M. Bruno Genevois au colloque précité de la Faculté de droit de Saint-Maur le 15 novembre 2002. Et déjà l’arrêt Einhom, 12 juill. 2001.
[24] Bruno Genevois, colloque précité du 15 novembre 2002.
[25] Régis de Gouttes, colloque précité du 15 novembre 2002.
[26] J. Normand, colloque précité du 15 novembre 2002. Serge Guinchard, rapport sur Les solutions d’organisation procédurale au colloque organisé par le TGI de Nanterre et l’Association de philosophie du droit, 5 décembre 1995, Dalloz éd ., collec. Thèmes et documents, 1996.
[27] Parmi les plus célèbres, sans être exhaustif : Jean Calais-Auloy, L’apparence en droit commercial. Marie-Noëlle Jobard-Bachelier, L’apparence en droit international privé, etc..
[28] Intervention de M. Ronny Abraham au colloque précité de la Faculté de droit de Saint Maur.
[29] Intervention de Frédéric Rolin au colloque précité de la Faculté de droit de Saint Maur ; AJDA 2001, p. 677.
[30] Intervention du doyen Waquet au colloque précité de la Faculté de droit de Saint Maur.
[31] Intervention de M. Ronny Abraham au colloque précité de la Faculté de droit de Saint Maur.
[32] B. Genevois, RFDA, 2001, soéc. p. 998 et 999, col. gauche, al. 4.
[33] Intervention de M. Ronny Abraham.
[34] Dans la défunte revue Justices, 1999/1, p. 91, puis dans les Mélanges de l’université Paris 2 publiés à l’occasion de l’entrée dans le troisième millénaire, Dalloz éd., 2000 ; v. aussi, notre contribution aux Mélanges J. Van Compernolle, Bruylant éd., 2004, « Quels principes directeurs pour les procès de demain ? »
[35] V. 28ème édition, par Serge Guinchard et Fédérique Ferrand, oct. 2006, Dalloz éd., n° 61.
[36] La procédure est à la fois une technique d’organisation du procès et une technique de garantie des libertés et droits fondamentaux, v. Serge Guinchard, « Le réveil d’une belle au bois dormant trop longtemps endormie ou la procédure civile entre droit processuel classique, néo-classique ou européaniste et technique d’organisation du procès », Mélanges R. Martin, Bruylant/LGDJ, 2004
[37] V. notre contribution aux Mélanges Gérard Cohen-Jonathan, Buylant éd., 2004, à propos de l’arrêt Kress c France, qui nous a valu une (demie) leçon de démocratie procédurlale.
[38] Dalloz-Action de procédure civile, 5ème édition, sept. 2006, Dalloz éd.
[39] N° 122-521.
[40] N° 331-182.
[41] S. Guinchard, « Vers une démocratie procédurale », Justices, nouvelle série, 1999/1, p. 91, repris in « Les métamorphoses de la procédure à l’aube du IIIe millénaire », in Clés pour le siècle, Paris II-Dalloz, mai 2000, pp. 1135-1211.
[42] Première édition en janvier 2001, dir. S. Guinchard. 6e éd. janv. 2011, Dalloz éditeur.
[43] Cornu et Foyer, Procédure civile, 3e éd., PUF, 1996, n° 3, p. 9.
[44] CEDH, 21 mars 2000, Dulaurans c/ France.
[45] CEDH, 23 oct. 1996.
[46] CEDH, 14 nov. 2000.
[47] CEDH, 9 nov. 1999, Gozalvo c/ France.
[48] Dalloz éd., 6e éd., janv. 2011.
[49] S. Guinchard, « Vers une démocratie procédurale », Justices, nouvelle série, 1999/1, p. 91, repris in « Les métamorphoses de la procédure à l’aube du IIIe millénaire », in Clés pour le siècle, Paris II-Dalloz, mai 2000, pp. 1135-1211. Et aussi, « Quels principes directeurs pour les procès de demain ? » in Mélanges J. Van Compernolle, Bruylant, 2004, qui reprend et développe l’idée émise dès la première édition de ce précis (janv. 2001).
[50] Selon l’heureuse formule de J.-C. Magendie, in Mélanges S. Guinchard, Dalloz, 2010, 329 : « Loyauté, dialogue, célérité, trois principes à inscrire en lettres d’or aux frontons des palais de justice ».
[51] Pour une illustration dans l’arrêt Kress, 7 juin 2001, à propos de la place du commissaire du gouvernement au Conseil d’État, S. Guinchard, « Ô Kress, où est ta victoire, ou la difficile réception en France d’une (demie) leçon de démocratie procédurale », Mélanges G. Cohen-Jonathan, Bruylant éd. 2004.
[52] Dans la défunte revue Justices, 1999/1, p. 91, puis dans les Mélanges de l’université Paris II publiés à l’occasion de l’entrée dans le troisième millénaire, Dalloz, 2000 ; v. aussi, notre contribution précitée aux Mélanges J. Van Compernolle, Bruylant éd., 2004, « Quels principes directeurs pour les procès de demain ? »
[53] V. aujourd’hui la 30e édition, op. cit. 2010, n° 66.
[54] La procédure est à la fois une technique d’organisation du procès et une technique de garantie des libertés et droits fondamentaux, v. S. Guinchard, « Le réveil d’une belle au bois dormant trop longtemps endormie ou la procédure civile entre droit processuel classique, néo-classique ou européaniste et technique d’organisation du procès », Mélanges R. Martin, Bruylant-LGDJ, 2004.
[55] V. notre contribution aux Mélanges Gérard Cohen-Jonathan, Buylant, 2004, à propos de l’arrêt Kress c/ France, qui nous a valu une (demie) leçon de démocratie procédurale.
[56] V. notre article sur « La part de la doctrine en procédure civile », Revue de droit d’Assas, 2011-3, p. 73, Lextenso éditeur et notre préface à la réédition des Etudes offertes à Henri Visioz, Dalloz 2011..
[57] RTD civ. 1942, 309 ; 1943, 133 et 1944, 132.
[58] Seuil éditeur, collec. Les livres du nouveau monde.
[59] S. Guinchard, « Vers une démocratie procédurale », Justices, nouvelle série, 1999/1, p. 91, repris in « Les métamorphoses de la procédure à l’aube du IIIe millénaire », in Clés pour le siècle, Paris II-Dalloz, mai 2000, pp. 1135-1211. Et aussi, « Quels principes directeurs pour les procès de demain ? » in Mélanges J. Van Compernolle, Bruylant, 2004, qui reprend et développe l’idée émise dès la première édition de ce précis (janv. 2001). S. Guinchard et alii, Droit processuel/Droits fondamentaux du procès, Dalloz, 7ème éd., 2013.
[60] Selon l’heureuse formule de J.-C. Magendie, in Mélanges S. Guinchard, Dalloz, 2010, 329 : « Loyauté, dialogue, célérité, trois principes à inscrire en lettres d’or aux frontons des palais de justice ».
[61] Pour une illustration dans l’arrêt Kress, 7 juin 2001, à propos de la place du commissaire du gouvernement au Conseil d’État, S. Guinchard, « Ô Kress, où est ta victoire, ou la difficile réception en France d’une (demie) leçon de démocratie procédurale », Mélanges G. Cohen-Jonathan, Bruylant éd. 2004.
[62] Dans la défunte revue Justices, 1999/1, p. 91, puis dans les Mélanges de l’université Paris II publiés à l’occasion de l’entrée dans le troisième millénaire, Dalloz, 2000 ; v. aussi, notre contribution précitée aux Mélanges J. Van Compernolle, Bruylant éd., 2004, « Quels principes directeurs pour les procès de demain ? »
[63] V. aujourd’hui la 31e édition, op. cit. 2012, n° 66.
[64] La procédure est à la fois une technique d’organisation du procès et une technique de garantie des libertés et droits fondamentaux, v. S. Guinchard, « Le réveil d’une belle au bois dormant trop longtemps endormie ou la procédure civile entre droit processuel classique, néo-classique ou européaniste et technique d’organisation du procès », Mélanges R. Martin, Bruylant-LGDJ, 2004.
[65] V. notre contribution aux Mélanges Gérard Cohen-Jonathan, Buylant, 2004, à propos de l’arrêt Kress c/ France, qui nous a valu une (demie) leçon de démocratie procédurale.
[66] Editions du Seuil, 2008, collection Les livres du nouveau monde, dirigée par l’auteur. Premier volet : La Contre-démocratie, 2006.
[67] S. Guinchard et alii, Droit processuel, op. cit., n° 340 et s. d’une part, n° 363 et s. d’autre part.
[68] S. Guinchard et alii, Droit processuel, op. cit., n° 366 et 375 et s.
[69] L’exécution des décisions du Conseil constitutionnel.

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